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Temps de lecture estimé : 6 mn
30/05/06
Résumé:  Hésitation et introspection.
Critères:  fh frousses campagne amour volupté nonéro
Auteur : Ed Benelli  (Le but est parfois de se montrer...)            Envoi mini-message

Série : Juillet sous l'eau

Chapitre 03
Nouilles et baisers

»I’m coming out of my cage

And I’ve been doing just fine

Gotta gotta gotta be down

Because I want it all

It started out with a kiss…»


Et la chanson continue. The Killers laissent leurs échos bercer la cuisine brûlante où je fais à manger. Encore 2 semaines… 2 semaines. C’est si court. On n’apprend pas quelqu’un en deux semaines, ni en un juillet. Un mois pour quoi ? Pour s’apprendre par cœur ? Pour se considérer ensemble ? Ensemble comment… Ça veut dire quoi ensemble ? Le chalet est libre et vide encore quelques jours avant que mes parents reviennent, je me suis promis de ne pas compliquer les choses, on doit lever le camp avant qu’ils arrivent. Je n’ai pas envie de me faire poser des tas de questions sur l’existence de Sophie. C’est pas le temps de foutre encore plus de brume dans ma tête.



Je ne veux pas voir mes parents, je ne veux pas les confronter. Pas encore. J’ai encore tant de choses à découvrir. Comment présenter quelqu’un à sa juste valeur quand on le connaît à peine ? Et puis j’ai pas à me justifier, le bonheur que j’ai eu en l’accueillant à l’aéroport, vaut bien toutes les larmes que je verserai, tous les coups de pied que je foutrai dans ma vie quand elle partira. Parce que je sais qu’elle retourne loin de moi dans tout juste 2 semaines. Je le sais si bien que ça me gâche la vie. Ça ne peut pas gâcher sa beauté par contre, ça ne peut pas gâcher sa fraîcheur et ses yeux.


Je ne sais plus vraiment où j’en suis. Je n’ai qu’une envie, repartir avec elle, tout plaquer, tout redécouvrir. À nouveau revoir les étoiles et le ciel. Mes étoiles sont un marron rieur et mon ciel est roux et brillant. Je l’entends prendre sa douche tout près et en regardant dehors, je me dis qu’on y aura droit, l’orage gronde au-dessus du chalet, le gris des nuages s’est mêlé au vert des arbres alors que le vent en fait craquer les branches. Devant moi, ça grésille et les odeurs embaument la petite cuisine. Il fait chaud et humide et moi je cuis. Est-ce que c’est à penser à mon avenir ? J’ai combien d’argent dans mon compte en banque ? Assez pour mettre les voiles ?


J’entends la douche qui s’arrête. Je l’imagine nue, je la vois : prendre doucement la serviette qui pend à la tringle, puis s’essuyer lentement, avec application, délicatesse. Sophie aime se faire du bien, elle n’ira pas vite, pour ne pas déjà avoir chaud, elle profitera de la douceur du tissu, elle passera dans ses cheveux, fera la moue en les voyant, dans le miroir embué, qui commencent déjà à friser. Cette image est plus qu’érotique. Elle est pure. Elle représente toute la passion que je pourrais mettre à la décrire, alors que je n’arriverai jamais à mettre les mots justes. Je ne suis qu’un jeune fou qui adule une femme belle et généreuse.


Et moi…

Je lui offre des nouilles chinoises au poulet.


En regardant la cuisinière et son bordel, je me souviens de son arrivée dans mon appartement, à Montréal. Elle m’avait fait toute une surprise. Elle m’a appelé de l’aéroport pour que j’aille la chercher. Ma chambre était dans un état lamentable, preuve de mon existence troublée et turbulente. Très peu à la maison, à peine pour y dormir. J’avais été heureux à l’extrême quand j’avais entendu sa voix à l’autre bout du fil.



Je crois qu’à ce moment-là, mon cœur battait si vite que j’ai frôlé l’évanouissement. J’ai commencé à bafouiller, puis après avoir raccroché, j’ai couru dans tout l’appart à la recherche de mes trucs. En passant, j’ai eu un regard mauvais pour la pile de vaisselle et j’ai traversé ma chambre en soupirant.


Mais j’étais heureux. Tout le long du trajet vers, j’avais entendu en boucle son rire. Il éveillait en moi tout un tas d’émois. Des peurs, des réflexions, des constats. Moi qui connaissais si peu des joies de sentir contre soi un corps aimant et aimable, moi qui ne connaissait que sous d’éphémères l’extase du sexe, moi qui n’avait en tête que ma solitude, j’allais partager mon essence avec une française, rencontrée au détour d’un site internet.


Elle m’offrait sa patience, sa beauté, sa joie de vivre, son intelligence, son charme, sa libido. J’avais l’impression parfois qu’elle se donnait toute à moi, ou alors je voulais en avoir l’impression. Reste-t-il que dans ces cas là, je me sentais l’homme de toute situation, prêt à faire face aux calvaires les plus horribles. Tout cela par amour, désir de plaire, désir de préserver. Je soupire, seul dans ma cuisine. J’entends la porte ouvrir, les pieds humides qui traversent le corridor. La porte de la chambre, plus rien. Pendant quelques secondes, je me repais du silence. Le repas est prêt. J’éteins la cuisinière je sers et je me dirige à mon tour vers la chambre.


Je suis fébrile. La joie de la retrouver, malgré une douche de quelques minutes, me parcourt de frisson. En constatant mon enthousiasme tout juvénile, je souris bêtement. Je pousse la porte doucement, croise les bras et m’accote au chambranle. Je la regarde boutonner une de mes chemises. Sa peau à peine hâlée luit d’une légère moiteur. Ses cheveux dégoulinants font de petits points sombres sur le tissu. Je vois son ventre furtivement, avant qu’elle n’attache les derniers boutons. Elle porte un tanga bleu, sexy et charmant.



Elle lève les yeux. Ses mains lâchent les boutons, laissant tomber les trois derniers, pour passer dans ses cheveux, les tirant un peu en arrière.



J’avance vers elle, elle hausse un sourcil et quand je passe mes bras autour de sa taille, elle lève les siens et m’enlace le cou. On se regarde dans les yeux. On se dévore. Je sens le frémissement de sa peau quand mes bras passent sous la chemise, je vois son regard vaciller, quand je me penche pour goûter son cou. On incline nos têtes lentement, je frotte mes lèvres sur son nez et sur les siennes, alors qu’elle les entrouvre. Je sens son souffle, j’ai l’impression de partager sa respiration. Puis on s’embrasse tendrement. Pendant les secondes exquises où l’on s’aime, mes mains la serrent contre moi et le baiser se termine, alors qu’on se regarde pour mieux s’enlacer. On se serre ainsi l’un contre l’autre plus longtemps encore qu’on ne s’est embrassé. Et enfin, les mots qu’elle me souffle, d’une voix émue, en serrant ses mains dans mon dos, me comblent de bonheur :



C’est banal, ou pas, mais moi ça me fait un bien fou, ça ne m’emprisonne pas, ça ne me délaisse pas. Et voilà que l’orage éclate. La pluie se met à tomber, frappant les fenêtres. De grosses gouttes qui explosent, qui coulent en longs filets. Et là elle crie :



Je m’élance, je l’entends rire et courir derrière moi, le petit bruit de ses pieds nus. Je fais presque exploser la porte du chalet, je saute du balcon pour me retrouver au milieu des trombes d’eau. Je suis trempé en un rien de temps. J’atteins la cour, ouvre les portières, ferme les vitres à une vitesse folle et reviens. Le tonnerre éclate. Déjà complètement mouillé, je marche maintenant, revenant vers elle, qui sourit et pouffe en me voyant. Je ris aussi. La tension de l’orage se libère, la tension de mon esprit s’envole. Elle est belle et elle me fait du bien. C’est ce qui importe.


Avant que j’arrive aux marches, la voilà qui descend sous la pluie. Elle se jette à mon cou et m’enlace, m’embrasse avec fougue et je réponds comme je peux, la tenant dans mes bras. Nos peaux glissent, nos lèvres se disent comme elles s’aiment, nos langues en témoignent. Puis, alors que la violence de l’orage diminue, on se retrouve sur le balcon. Je m’assoie sur le balcon, l’attire vers moi. Elle vient se poser entre mes jambes, je passe mes bras autour d’elle, alors qu’elle tient mes mains dans les siennes. Quand nous aurons froid et que le repas sera froid aussi, nous rentrerons, mais.

Mais là, on observe ensemble l’eau qui pleut.



« I’ll be waving my hands

Watching you drown

Watching you scream

Quiet or loud «


Clumsy, tirée de l’album «Clumsy» d’Our Lady Peace.