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Temps de lecture estimé : 17 mn
03/10/06
corrigé 21/07/17
Résumé:  Errant au hasard des rues, je tombe sur Jared, un jeune homme qui vend son corps. Il m'hébergera bien quelques heures...
Critères:  humour sf
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message

Série : La traque

Chapitre 02 / 08
Jared

J’errai quelques minutes, seul et sans but. Je repassai en long et en large le fil des événements. La PAV, la police des activités virtuelles en avait après moi et voulait m’utiliser comme "infiltrateur". Une jeune femme, Tilya, était sans doute déjà morte pour avoir tenté de m’aider. Et le seul indice qu’elle m’avait laissé était : « Courez et trouvez Fritz au Metropolis. » Sa dernière phrase avant de s’écrouler.


Je fouillai dans tous mes souvenirs; je connaissais pourtant bien la ville, mais le Metropolis ne m’évoquait rien. Rien, si ce n’était un très vieux film d’un certain Fritz, justement…


Que faire ? Je marchais. Dans les ruelles sombres, évitant tous les endroits lumineux, ou ceux fréquentés. J’aperçus un instant un homme en imperméable gris s’avancer vers moi, et je paniquai, m’imaginant retomber face à un superflic de la PAV. Mais non, ce n’était qu’un brave passant. Comme moi. Je n’avais rien demandé, finalement. J’aurais peut-être dû tout bonnement accepter la proposition de l’inspecteur Forman. Infiltrer ce soi-disant réseau de terroristes sexuels qu’était censé être Revebebe…


Où aller ? Je ne pouvais pas rentrer chez moi. L’endroit devait être cerné. J’avais tout d’abord voulu entrer en contact avec ces gens qu’on souhaitait me voir infiltrer, mais Tilya m’avait mis en garde : toutes les connexions étaient surveillées. Ma seule chance était de les trouver physiquement.


Je repensai à ce qu’elle m’avait dit : « Je travaille pour une organisation qui n’aurait pas intérêt à ce que vous infiltriez Revebebe »… Qui cela pouvait-ce être ? J’étais pris dans un engrenage qui dépassait ce que j’aurais pu imaginer.


Le Metropolis… Il fallait que je sache ce que c’était. Mais où me renseigner ? Un poste PC ne me serait d’aucun secours, car le flic de la PAV qui avait abattu Tilya l’avait entendue aussi bien que moi mentionner cette boîte. Était-ce une boîte, d’ailleurs ? Et si j’effectuai la moindre recherche sur un quelconque Metropolis depuis une machine, ils me localiseraient en peu de temps.


Il m’aurait fallu un de ces bons vieux annuaires. Mais cela faisait bien longtemps que ça n’existait plus. Ou bien demander ? J’entrai dans un miséreux bar de nuit au hasard de mes pas. Un vieil homme se tenait derrière le comptoir.



Il me dévisagea longuement avec suspicion avant de répondre.



Je réfléchis un instant, puis fouillai au fond de mes poches pour en extraire quelques billets que je lui tendis en répétant :



Je restai sans voix. Non seulement les flics me cherchaient, mais ils cherchaient aussi le Metropolis. C’était au moins la preuve qu’ils ne connaissaient pas non plus cette boîte. Le barman poursuivit :



Il avait tout compris. Je hochai la tête, désespéré :



L’homme cracha par terre en guise de réponse avant de maugréer :



Je le remerciai tristement et sortis en lui souhaitant une bonne nuit. Il ricana en m’observant m’éloigner. J’avais tout de même un avantage sur eux, ou tout du moins, nous étions à égalité : personne ne savait où je devais me rendre…


Je me remis à marcher au hasard des rues, réfléchissant. Le Metropolis n’était pas un endroit référencé, sinon eux l’auraient trouvé. Était-ce une énigme ? « Cherchez Fritz au Metropolis… » Fritz, comme Fritz Lang… C’était trop pour être une coïncidence. C’était sans doute une devinette.


J’essayai de me repasser en mémoire les vagues souvenirs d’enfance que j’avais de ce sombre film. Les ouvriers, exploités, qui vivent sous terre, pendant que les riches propriétaires profitent à la surface. Sous terre ? Qu’y avait-il sous terre ? Le métropolitain n’existait plus depuis longtemps… Toute la ville s’était étendue, sous terre, il y avait des centaines de milliers de personnes qui habitaient sous terre, ouvriers ou pas. Quelle chance avais-je d’y trouver un quelconque Fritz ?


Au hasard de mes réflexions, je débouchai le long d’une grande avenue, éclairée, où marchaient de nombreuses personnes, dans toutes les directions. J’observai un instant tous ces gens. Il était plus de 6 heures du matin. Certains se rendaient à leur travail, ceux qui étaient bien habillés et qui marchaient droit. Les autres terminaient leur nuit et rentraient chez eux.


Je pris à droite, au pif, et continuai de marcher en réfléchissant encore. Je passai dans ma mémoire les titres des autres grands films de Fritz Lang.


Et les très vagues souvenirs que j’en avais. "Le Docteur Mabuse" ? Il y aurait pu y avoir un rade de ce nom dans la ville. "M le maudit" ? "Le Tigre du Bengale" ? Tout ça ne m’évoquait rien.


Un jeune homme m’apostropha soudain, m’extirpant de mes pensées:



Je levai les yeux vers lui. Son look était significatif. Il avait l’air pendu à mes lèvres, à ma réponse.



Ses lèvres se fendirent d’une moue de déception, ou de désespoir. Je le regardai encore un instant, tristement. Ils étaient des milliers comme lui dans la ville, à attendre, la nuit. J’hésitai. Je ne savais pas où aller. À défaut d’autre chose, il pouvait quand même m’héberger quelques heures…



Il se retourna et releva ses yeux tristes vers moi.



J’allais rester chez lui un moment et réfléchir tranquillement sans me demander où me planquer dès que je verrais un flic.



Il sembla réfléchir un court instant.



Il se mit à marcher, prenant une des ruelles transversales de l’avenue. Je lui emboîtai le pas. Nous marchâmes cinq bonnes minutes, d’une rue à l’autre, et en silence. J’étais à nouveau perdu dans mes pensées, cherchant en vain à déchiffrer l’énigme. Il me fit bientôt entrer dans le hall d’un quelconque immeuble. Il y avait une femme à l’intérieur, assise derrière un ordinateur posé sur un bureau qui trônait en plein centre de la pièce. La femme avait les yeux fixés sur l’ordinateur. « Curieux… » pensai-je. « Travailler à 6 heures du matin dans un hall d’immeuble… C’est glauque… » Vers le fond du hall, une porte en verre multi-renforcé, fermée, devait conduire aux étages. Je dévisageai rapidement la jeune femme. Elle était belle.



Le jeune homme me regarda un instant, puis sourit. Il s’avança vers elle et lui murmura quelque chose que je n’entendis pas. En réponse, elle tapota quelque chose sur le clavier de son ordinateur et la porte s’ouvrit doucement.



Il la franchit, puis s’éloigna vers une sorte d’escalier. Je le suivis, passant à côté de la jeune femme, qui dardait à nouveau ses yeux tristes vers l’ordinateur.



Je me retournai pour examiner plus attentivement la jeune femme.



Je n’arrivai pas y croire. Je n’avais jamais vu ça ! Des robots qui ressemblaient tant à des êtres humains… Et surtout des robots portiers ! Toutes sortes de questions me vinrent à l’esprit.



Je le rattrapai. Nous montâmes jusqu’au troisième étage et empruntâmes un sombre couloir. Il s’arrêta devant une porte, toute semblable à celle de mon ancien appartement.



Il appuya sur un bouton. Un écran s’éclaira sur le côté de la porte, illuminant également un petit pavé numérique. Il tapota un code, puis dit à voix haute : "Jared". On attendit quelques secondes, mais rien ne se passa. L’homme s’énerva soudainement et asséna un grand coup de poing sur l’écran en répétant, cette fois en hurlant : "JARED !" Et la porte s’ouvrit.


Il entra en soufflant bruyamment. Je le suivis. Il commanda :



L’appartement était petit. Plus que le mien encore. Pièce unique, pas de fenêtre. Le jeune homme (Jared ?) me désigna une sorte de sofa. Je m’y assis. Il déambula un instant dans la pièce, tout en me récitant sa litanie :



Je ne lui répondis rien. J’étais encore perdu dans mes pensées. Je repensais à cette femme, enfin, à ce robot… Je lui sortis machinalement la somme convenue, que je lui tendis. Il s’en saisit, en me demandant :



Cette femme, ce robot… Cette femme-robot… Une femme-robot… Cela m’évoquait confusément quelque chose…



Jared sursauta.



Jared me dévisageait avec inquiétude.



J’essayai de paraître un peu plus calme.



Le jeune homme ne savait pas quoi penser de moi. Il finit cependant par s’adresser à son ordinateur :



La lumière s’éteignit instantanément.



La lumière se ralluma.



Et la lumière s’éteignit encore.



Il y eut un silence. Je n’y voyais rien, mais j’entendais la respiration bruyante et saccadée de Jared, excédé, qui faisait un effort pour se calmer. J’étais quant à moi fort satisfait de constater que je n’étais pas le seul à qui ce genre de choses arrivait.



L’appartement s’éclaira de nouveau et Jared me regarda :



Il me scrutait en soupirant, attendant ma réponse.



Il ouvrit un petit placard, où je devinai une rangée d’infimes mignonnettes d’alcools en tous genres, accrochées à une sorte de structure en métal. Jared en extirpa deux. La voix éraillée de Cyrus retentit alors :



Jared m’en apporta une et me cria, couvrant la voix de son ordinateur :



Je haussai les épaules en saisissant la petite bouteille. Je savais que certains ordinateurs étaient ainsi équipés. Le mien, au moins, n’avait pas ce défaut-là…



Jared vint s’asseoir à côté de moi.



Je bus une petite gorgée d’alcool. Cela n’avait de whisky que le nom.



« C’est beau, le progrès, quand même ! » pensai-je…



Jared porta à son tour la petite bouteille à ses lèvres. Je cessai de m’intéresser à lui pour tenter de réfléchir à nouveau. Cette femme-robot qui sonnait comme une référence à mon énigme… Cela ne pouvait être une coïncidence !



J’observai un court silence, vérifiant que l’ordinateur était bien endormi, puis repris.



Je ne pus finir ma phrase, à nouveau interrompu par le brave Cyrus :



J’écoutai Jared converser avec son ordinateur, avec un sourire.



Je m’arrêtai instantanément de sourire.



Une voix qui n’était pas celle de Cyrus s’éleva dans la pièce :



Je me mis à verdir. Jared écoutait en tétant sa bouteille.



Un écran s’alluma et afficha mon visage. Jared poussa un cri et laissa tomber sa bouteille qui éclata sur le sol.



Il me regarda un court instant, hésitant et tremblotant, puis se mit à hurler :



Des cliquetis de loquets électro-magnétiques résonnèrent au niveau de la porte d’entrée. La lumière éclaira plus fort. Et un son lourd et criard à la fois se mit à résonner, partout autour de nous. Je savais que Cyrus était en train d’alerter les postes de police voisins. Il fallait que je m’en aille, et vite. Je n’avais que quelques minutes pour quitter l’immeuble.



Je me levai et m’approchai doucement de lui. Il recula, blêmissant.



Je levai mes poings vers lui. Il recula encore jusqu’à un coin de la pièce.



C’était sans doute vrai. Que faire ? Il fallait agir ! Et vite ! Je tentai encore de m’adresser à l’ordinateur central en essayant d’imiter la voix de Jared et de prendre ses intonations:



Mais ma voix fut couverte par celle de Jared qui se mit à hurler n’importe quoi pour que Cyrus ne m’entende pas. Celui-ci répondit quand même courageusement :



Je sautai littéralement sur Jared, emporté par la colère et le désespoir et lui assénai de nombreux coups de poing. Il n’essaya pas de se défendre, mais voulut se protéger de ma furie. Mais rien à faire ! J’étais fou ! Je ne pouvais pas m’arrêter ! Jusqu’à ce qu’il s’écroule devant moi. Tremblant, je m’adressai encore à l’ordinateur, faussant ma voix :



Il y eut un silence de quelques secondes, comme si l’ordinateur cherchait à analyser ma voix. Puis il finit par conclure :



Je réitérai, inquiet, parlant plus doucement à la manière de Jared. De nouveau, un silence, et cette fois, à ma grande satisfaction, Cyrus me répondit par une question :



J’hésitai.



Je m’effondrai soudain. C’était pourtant ce code qui nous avait permis d’entrer dans l’appartement… Que devais-je faire ? Vite…



Ah, merde !!! J’allai jusqu’à la porte et tentai de la forcer. Mais rien. Je pris une chaise et tapai de toutes mes forces contre la porte. Je crus que la chaise ou mes mains allaient exploser, mais la porte ne vibra même pas. Une autre voix s’éleva soudain :



Super cool ! J’essayai à nouveau, désespéré :



Je tournai en rond à toute allure dans la pièce. La sueur perlait à grosses gouttes sur mon front. Pour me détendre, je frappai le corps inerte de Jared d’un grand coup de pied, avant de partir d’un long rire nerveux. Je me résignai finalement et me rassis, complètement désespéré. Le mieux était que je n’offre pas de résistance aux flics qui viendraient me cueillir. Je terminai d’une traite ma petite fiole d’alcool, regardant Jared avec dégoût.


Et j’eus soudain un flash ! Je tentai, imitant encore sa voix :



La lumière et l’alarme s’éteignirent immédiatement. Et j’entendis à nouveau le bruit des loquets. Clac ! Clac ! Clac ! J’hurlai de joie en me relevant.



Un court silence, puis la lumière revint et la porte s’ouvrit. Je me dirigeai à toute allure vers la sortie. Puis me ravisai. Je retournai rapidement fouiller Jared. Je repris mon argent, avec en plus quelques petits billets. Puis sortis de l’appartement en courant.


Je me dirigeai vers l’escalier, espérant ne pas me trouver face à face avec la patrouille alertée par Cyrus. Je descendis les marches quatre à quatre. J’arrivai derrière la porte vitrée, devinant la femme-robot, toujours assise derrière son ordinateur. J’examinai la porte : elle n’avait pas de poignée. J’observai autour de moi. Un bouton se trouvait sur le mur, sans doute un bouton d’appel. J’appuyai. La jeune femme fit quelques gestes sur son clavier et la porte s’ouvrit.

Je passai dans le hall, me retenant pour ne pas courir, tout en regardant avec intérêt et perplexité la femme-robot. Impossible dire en la regardant que c’était un robot… Une femme-robot… C’était peut-être une coïncidence… Mais de toute façon, je n’avais pas le temps de m’en occuper. Je devais quitter l’endroit pour le moment. Éviter les flics.

J’allais sortir du hall lorsque j’entendis une sirène résonner en se rapprochant rapidement. Je m’arrêtai, hésitant. Que faire ? Si je sortais en courant, ça paraîtrait suspect. Et en marchant, tranquillement ? Ils me verraient quand même. Je devais me planquer. Je me retournai, observant le hall.

Impossible de me planquer ici… Vite ! Je m’avançai vers la porte vitrée, oubliant que je ne pouvais pas l’ouvrir. Puis, réalisant, je criai au robot portier :



Elle tourna ses yeux vers moi, mais rien d’autre ne se produisit. J’insistai, essayant tout un tas de choses, espérant à chaque fois une réaction :



Je recommençai de désespérer. Je m’avançai vers la femme, pour regarder son ordinateur. Elle me suivit des yeux, mais ne réagit pas. Sur l’écran était affiché tout un tas de choses. Je ne pris pas la peine de lire. Je tapotai au hasard sur le clavier. Elle ne bronchait toujours pas. Le bruit de la sirène, qui avait continué de se rapprocher, s’arrêta soudain. Je guettai avec anxiété l’entrée du hall.

Il fallait que je me cache ici, je n’avais plus le choix. Mais où ? Ma seule chance était de me cacher entre la jeune femme robot et le bureau, presque entre ses jambes. Bien sommaire, comme cachette… Si les flics cherchaient un tout petit peu, ils me verraient, c’est sûr. Mais ils n’allaient pas chercher, ils allaient monter tout de suite à l’appartement de Jared, et dès qu’ils auraient franchi la porte vitrée, je pourrais m’éloigner…

Je tentai de pousser un peu la femme-robot, pour me frayer une place entre son siège et le bureau, où je pourrais m’accroupir. Mais elle pesait une tonne ! Impossible de la faire bouger d’un poil. Ça confirmait que c’était un robot, au moins ! Je parvins tout de même à me glisser tant bien que mal dans un petit espace libre, sous le bureau.

J’étais extrêmement mal installé, me contorsionnant pour me cacher au mieux. Et cette conne de robot qui me regardait toujours, bêtement, de ses yeux vides !

J’entendis soudain des pas s’approcher. Je m’arrêtai de respirer. Et des voix.



Ils n’avaient l’air d’être que deux. Ils s’approchaient du bureau.



Putain, il manquait plus que ça !!!



La femme-robot finit enfin par relever ses yeux vers les nouveaux arrivants. Elle leur répondit de sa voix rauque:



Je devinai l’un des deux hommes tendre le bras pour passer une sorte de petite carte à puce devant le regard de la femme. Il y eut dans ses yeux comme un éclair rouge et elle se mit à tapoter sur le clavier en répondant :



Et j’entendis la porte s’ouvrir. Les deux hommes s’y dirigèrent doucement, continuant de discuter :



Ils franchirent la porte, s’éloignant vers l’escalier. Leurs voix diminuèrent progressivement d’intensité :



Je faillis me trahir de surprise en entendant cette réponse. Mabuse… Encore une référence à Fritz Lang !



Je tentai rapidement de réfléchir. Ça faisait trop de coïncidences d’un seul coup.



J’attendis encore quelques secondes, jusqu’à ce que je n’entende plus du tout leurs voix, pour sortir de ma cachette, péniblement. J’examinai encore minutieusement cette femme-robot un court instant puis sortis, vérifiant qu’il n’y avait pas d’autre policier en vue, et m’éloignai au hasard dans les rues.


J’avais un nouvel indice. Et pas le moindre. La boîte qui fabriquait ces robots me ramenait directement à ce que m’avait dit Tilya avant d’être abattue. Je marchai dans des ruelles étroites et peu animées sous les premiers rayons du soleil levant, réfléchissant à ce que je devais faire maintenant.