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Temps de lecture estimé : 9 mn
21/11/06
Résumé:  Où les héros prennent une décision dangereuse.
Critères:  jeunes religion forêt amour aventure fantastiqu
Auteur : Lise-Elise  (exploratrice littéraire)            Envoi mini-message

Série : L'ambassadrice et le prophète

Chapitre 11 / 13
La décision

Afin de consoler leur mère, la déesse Dyanar, du départ de son époux, le terrible dieu Hédion, Mysalis et Alquise ont fabriqué une statuette à la ressemblance de celui-ci. À son retour, voyant la statuette, le Dieu Père est entré dans une colère noire, à l’origine d’une séparation des sexes sur Terre qui ne cesse de s’aggraver. Le dieu Atilbis, ni homme, ni femme, réussit à sauver la statuette et prophétisa l’avenir de l’humanité, donc des Dieux…

Fyrag et Thyris, marqués des signes de la prophétie, sont voués à l’accomplir. Mais quand ils découvrent enfin le texte, ils se rendent compte qu’une mauvaise décision de leur part peut précipiter le monde dans le chaos… Et que la bonne solution, ils ne l’ont pas, et doivent la trouver seuls. Pourtant, ils ouvrent la porte, et découvrent que l’objet est… un olisbos, qui attire Thyris au point qu’elle ne peut résister à l’envie de s’en servir. Afin d’éviter une catastrophe, Fyrag décide de prendre le contrôle des opérations, pour le plus grand plaisir de sa partenaire, et le sien.


Si vous ne vous souvenez pas d’avoir lu ça, alors, allez voir les épisodes précédents, ce sera quand même plus clair !



oooOOOooo



Les disciples d’Hédion sont cruels et sans pitié pour les femmes. Ils les traitent plus mal que leur jument, les parquant dans des lieux sans air ni lumière. Naître fille en terre hédionnyde est une malédiction, mais pire encore y est d’être mère.


Récit de voyage de Thésifa d’Adlous, prêtresse de Mysalis



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Fyrag se réveillait lentement. Les voix claires devenaient de plus en plus diffuses. Elles se transformèrent en murmures inaudibles, ponctués de petits cris et de rires. Il trouvait ça agréable. Mais la torpeur se dissipait, le marbre était inconfortable. Il ouvrit un œil.

Thyris était en pleine contemplation, l’objet entre les mains. Inquiet, Fyrag se leva aussitôt, prêt à agir au besoin. Sa compagne était parfaitement calme. Surprise, mais sans fièvre.



Le garçon se frotta les yeux, grogna.



Fyrag effleura l’olisbos du doigt. La surface, lisse et tiède, ne portait en effet pas la moindre souillure. Et l’attirance délirante qu’il avait provoquée avait elle aussi disparue.



Thyris lui décocha aussitôt un coup de coude dans les côtes.



Fyrag eut un instant de flottement. Non, elles sont bien trop occupées, pensa-t-il. Il se ressaisit. Ce n’était qu’un rêve, juste un rêve. Il se leva et partit à la recherche d’un pantalon. Il revint avec une besace et l’une des tuniques de rechange de Thyris. Ils confectionnèrent tous deux un emballage soigné pour l’objet. Puis ils se rendirent, ensemble, devant le mur de la prophétie. Il portait maintenant vingt lignes de plus : leurs ébats débridés étaient entrés dans l’histoire. Ça ne les rassurait pas vraiment. Le reste du mur était toujours vide, ce qui laissait entendre qu’il leur restait encore des choses à faire. Ils n’avaient pas le moindre début de piste pour trouver lesquelles.


Ils en débattirent longtemps. Ils tombèrent vite d’accord sur un point : si une solution était mauvaise avant qu’ils trouvent l’objet, elle l’était sans doute encore. Mais ils avaient passé tant de temps devant le mur, à tester et re-tester des hypothèses, qu’il n’en restait pas beaucoup.



Fyrag déglutit et acquiesça. Il comprenait très bien.



Fyrag baissa la tête. Il avait voulu poursuivre l’aventure pour rester avec Thyris. Mais tout cela était si lourd. Bien sûr, ça avait été agréable. Vraiment très agréable. Pourtant maintenant qu’il se démenait à trouver un moyen d’empêcher la civilisation d’imploser, il se demandait si le jeu en valait la chandelle. Il posa la main sur la cuisse nue de sa compagne pour se remonter le moral. Le contact lui fit du bien, mais ne le dérida pas. Thyris, le voyant inquiet, se pencha vers lui et l’embrassa. Tendrement.


Ils restèrent plongés dans leurs pensées puis, soudain, Fyrag tourna la tête. Il regarda Thyris.



Ils réfléchirent. Ils avaient déjà connu des moments de tendresse. Mais rarement la vestale en avait pris l’initiative. Et rarement ça avait été sans arrière-pensées. Ils ne s’étaient jamais embrassés sans tension sexuelle. Jamais comme ça, en fait.


Thyris attrapa la main de son compagnon.



Fyrag plongea les yeux dans ceux de Thyris. Il n’avait pas de mot pour exprimer ce qu’il avait compris. Il fallait qu’elle le sente. Il n’y avait pas d’autre moyen. Il fallait qu’elle comprenne que le Dieu père avait eu peur de l’objet. Tout comme Fyrag, il y avait vu un moyen de se passer de l’homme. Il fallait maintenant lui montrer que l’olisbos, entre ses mains de Dieu, deviendrait le moyen de retrouver Dyanar, plus éprise que jamais. Un moyen de décupler leur plaisir. Un moyen de prouver leur amour. De le construire. De le sublimer. Le jeune homme, incapable de dire cela, se pencha vers les lèvres de Thyris et les embrassa avec précaution.


Thyris baissa la tête.



Fyrag lui clôt la bouche.



La jeune femme refoula ses larmes. Non, on ne pouvait pas voir pire. Ses sœurs étaient en train d’annuler l’humanité. Elle avait cru que leur société était bonne. Elle savait maintenant qu’elle ne l’était pas. Elle n’avait pas de meilleure solution à proposer. Il fallait bien essayer celle-là.


Ils passèrent une journée encore à peser le pour et le contre et à établir leur plan de bataille. Thyris passa un long moment à camoufler l’objet à l’aide d’enchantements. L’idée était simple : il fallait tout simplement rejoindre le grand temple d’Hédion, à Mélorné, atteindre l’autel principal et remettre l’olisbos au Dieu père. C’était monstrueusement facile.

Si on exceptait les quelques dix jours de marche dans une région où la place de la femme est à l’étable. Le plus urgent était de trouver un déguisement.


Thyris passa tout le temps qu’ils marchèrent dans la forêt d’Aldande à tester des sorts. Sa théorie était que, si Fyrag voyait ce qu’elle essayait d’imposer, alors elle arriverait à garder l’image stable. Mais tout ce que le jeune homme voyait, c’était un changement de nuance dans la couleur des cheveux, ou de sa peau. Il essaya de la réconforter le jour où il lui vit un peu moins de poitrine. À force de la regarder, il aurait pu situer de mémoire le plus petit de ses grains de beauté. Il remarquait immédiatement la moindre griffure. Ce qui ne les aidait en rien. Le seul progrès notable, c’était que la jeune femme, maintenant débarrassée de ses inquiétudes pour sa virginité, se laissait aller à tous ses mouvements de tendresse. Ça n’accélérait pas leur marche, mais ça l’agrémentait. Et rendait les attaques de triwegs moins fatigantes.



Thyris se débattait depuis cinq jours avec ses sortilèges. Fyrag n’osait même plus la regarder. S’il avait d’abord trouvé ça amusant, désormais il se lassait. Elle avait jusqu’à maintenant refusé de quitter sa tenue rituelle.



Thyris haussa les épaules. Puis elle fit un geste.

Fyrag cligna des yeux. Il y avait trop longtemps qu’ils essayaient, ce devait être un mirage. Juste un peu persistant. Il fit se lever Thyris, lui demanda de marcher. Il le savait, elle n’avait pas quitté sa tunique. Mais il la voyait vêtue d’un pantalon de toile rude, de bottes et d’une blouse de paysan trop large. Elle était bien moins attirante ainsi. Avec un peu de terre sur les joues, n’eut été la chevelure, on aurait pu la prendre pour un adolescent un peu trop gracile. Fasciné, Fyrag voulu toucher l’étoffe sortie de nulle part, et rencontra la peau nue de Thyris.

C’est son air surpris qui alerta la jeune femme. Dès qu’elle comprit, elle lui sauta au cou. Le garçon ferma les yeux : le conflit entre ce qu’il voyait et ce qu’il sentait le déconcertait trop.


La magie le dérangeait toujours autant. Mais surtout, le grimage de la vestale lui fit prendre conscience de ce qu’ils étaient en train de faire. La prophétie, l’objet, même cette marche difficile à travers la forêt n’étaient, finalement, qu’une sorte de jeu. Ça avait à peine été différent des combats imaginaires qu’il inventait à la ferme, une aventure merveilleuse, presque sans risque. Même la séquestration dans les caves voûtées de la maison des sœurs s’était révélée anodine, après coup. Mais de voir Thyris abandonner une apparence à laquelle elle était si attachée lui fit prendre conscience de l’enjeu réel : ils n’étaient plus devant le mur, ils prenaient des décisions qui engageaient l’avenir du monde. Il sentit un vertige le prendre. C’était trop, vraiment. Il se secoua pourtant, et, pour faire diversion, dit :



Thyris acquiesça. Il fallait trouver quelque chose pour les cheveux. Elle essaya d’abord de se former un capuchon, mais la moindre mèche s’en échappant aurait dévoilé la supercherie. Elle essaya ensuite de les enchanter. Ça ne fonctionna pas. Ils approchaient dangereusement des terres hédionnydes. La solution était simple, mais Thyris ne voulais pas s’y résoudre. Sa longue chevelure flottante, tout comme la tenue rituelle, était l’apanage des vestales. Le simple fait de les nouer en chignon était se rabaisser. Alors les couper !

Fyrag plongea les mains dans les boucles emmêlées. Il tira les cheveux en arrière, rendant ainsi le visage de la jeune femme étrangement nu. Elle semblait plus dure ainsi, plus adulte. Elle l’intimidait un peu. Il relâcha légèrement la tension pour laisser les boucles se reformer, adoucissant aussitôt les traits. Il l’embrassa doucement.



Elle n’osa pas bouger. Elle savait bien qu’il fallait le faire. Ça la rendait si malheureuse.



Fyrag se demandait toujours pourquoi il la trouvait attendrissante lorsqu’elle avait cette moue boudeuse.



Elle secoua la tête. Hésita. Puis demanda :



Il sortit solennellement son poignard, l’affûta sur une pierre, en éprouva le fil. Puis il ramassa la blonde chevelure et trancha. Thyris ferma les yeux.



L’odeur piquante les prit à la gorge. Fyrag s’employa ensuite à égaliser les mèches de la jeune femme. Le résultat ne le satisfit pas, mais la coiffure seyait à un adolescent rétif et peu soucieux de son apparence. Avec les outils dont il disposait il ne pouvait guère faire mieux. Thyris aurait tout à fait pu utiliser un peu d’eau pour miroir. Elle ne le fit pas. Elle passait la main dans ses boucles, l’air dépité. Mais elle savait mieux que personne les risques que courait une femme dans la contrée inhospitalière vers laquelle ils avançaient.