n° 11121 | Fiche technique | 33541 caractères | 33541Temps de lecture estimé : 19 mn | 21/01/07 |
Résumé: Marion se fait mystérieuse... | ||||
Critères: fh volupté exhib photofilm 69 fsodo | ||||
Auteur : Isilwen Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : Les Mains Gantées Chapitre 03 / 05 | Épisode suivant |
Cela faisait deux semaines qu’ils ne s’étaient pas vus. Raphaël absorbé par la pierre, Marion par son travail. Massette et burins pour l’un, clavier et téléphone pour l’autre : chacun à sa manière bâtissait son avenir. Ce qui ne l’empêchait pas de savourer d’avance la surprise qu’elle réservait à Raphaël. Toujours par courrier, il avait accepté l’invitation qu’elle avait lancée : Thomas ne pourrait lui refuser ce petit service. Tout était organisé, il ne lui restait plus qu’à se préparer.
Une heure durant, elle fit un massacre de poils, un véritable génocide pileux : tous y passèrent, poils incarnés, désincarnés et même réincarnés. Oh, elle eut bien quelques larmes, décimer une population entière de façon si arbitraire ne la laissait tout de même pas de marbre… Finition à la pince à épiler, puis elle scruta son corps dans le miroir et rit en voyant qu’une fois de plus, elle avait de la cire jusque dans les cheveux ! Inévitablement, elle s’en mettait partout, alors, après quelques tentatives appliquées, minutieuses, elle avait décidé de ne plus faire attention, puisqu’à quelques filaments poisseux près, le résultat était le même !
Ça faisait partie des petits bonheurs de sa vie. Comme de ne pas arriver à manger de la pastèque sans en avoir plein les joues, faire des paquets-cadeaux toujours minables ou regarder les dessins animés du dimanche soir avec une soupe de pâtes. Ça lui rappelait qu’elle était restée une gamine. Elle aimait ces moments, ces habitudes ou incapacités héritées de son enfance heureuse, et la salle de bain résonnait de son éclat de rire. Elle mit de la musique. À plein volume résonnait un album d’Ella Fitzgerald qui avait le don de la mettre de bonne humeur. Faisant fi des considérations esthétiques de base en matière de chant, elle chantait à tue-tête avec elle, dansant à demi devant son dressing. Parfois elle s’arrêtait, prise de honte de massacrer un tel morceau, mais reprise par le rythme, elle gonflait ses bronches, et c’était reparti. Elle compatit à la souffrance de ses voisins, qui lui avaient fait remarquer un jour, après une autre de ces séances pulmonaires, qu’elle couvrait très bien la musique… Oh, ce jour-là, elle avait eu honte ! Mais de même que l’une de ses voisines hurlait son plaisir orgasmique une nuit par an (la grande question était : pourquoi qu’une fois dans l’année ?), sans entendre les autres crier en retour de « la fermer » Marion avait décidé que ses voisins seraient compréhensifs, et ignorait le reste du monde. Elle chantait avec Ella, et c’était tout !
Elle se tut un instant, pour choisir ses vêtements. Quelle plaie ! parfois, elle aurait préféré vivre dans une société tribale et n’aurait eu qu’à se décider entre la peau d’ours ou de cerf… Enfin ! ce n’était pas le cas, et de plus, elle avait rendez-vous avec un homme extrêmement séduisant. Un petit frisson de désir lui traversa les reins : Raphaël, mais aussi Thomas… Elle s’habilla en vitesse, et attendit la fin du morceau pour partir. Elle serait en retard, tant pis, emportée par les notes, elle chanta une dernière fois « Almost like beeiiiiinng innnnnn looooovvvve !!!!!!!!!!! »
Raphaël attendait devant sa ganterie, dans un rayon de soleil, les yeux fermés, se laissant envahir par cette chaleur timide du milieu de l’hiver.
Il sourit en entendant la voix moqueuse de Marion.
Il embrassa Marion avec légèreté. Elle toucha son visage, réchauffée par le soleil sa peau était encore plus douce.
Ce qu’il s’empressa de faire, étreignant sa taille et ses hanches plus que de nécessaire. Il en tira un carré de satin noir, et la regarda, interrogateur. Elle le lui prit des mains, et lui en fit un bandeau. Elle glissa sa main dans la sienne, leurs doigts s’entrelacèrent.
Il sourit. Il savait de quoi étaient capables ces mains fines…
oooOOOooo
Elle héla un taxi, en ouvrit la porte et dit à Raphaël :
Ils montèrent sans encombre en voiture. Elle tendit une carte de visite au chauffeur, en lui demandant de ne pas dire un mot sur leur destination. Elle regardait Raphaël tâter son environnement, la banquette, la portière. Bien sûr, ses doigts arrivèrent jusqu’à la jeune femme et tentèrent de s’immiscer entre les pans du manteau. Elle prit la main curieuse et la remit sur la jambe de son propriétaire en lui soufflant que ce n’était pas encore le moment. Il fut un peu dépité. Il ne cherchait qu’à la sentir près de lui. Il avait perdu la vue en quelques secondes et se sentait amputé. Elle le vit et se rapprocha de lui. Elle fit aller sa tête contre son épaule. Il tourna son visage vers elle. À défaut d’être rassuré par le toucher, il le serait par l’odorat. Il inspirait doucement le parfum désormais familier et se détendit un peu.
Après plusieurs minutes de trajet, le taxi s’arrêta. Marion paya la course et descendit rapidement, pour ouvrir à Raphaël. Il sortit avec une touchante maladresse. Elle reprit sa main.
Au troisième, il cherchait déjà la marche du bout du pied. La trouvant, il la franchit prestement, comme pour signifier qu’il était habitué à son nouveau handicap. Malheureusement, il n’avait pas laissé le temps à Marion d’ouvrir la porte, qu’il prit de plein fouet. Il recula, tout son corps exprimait l’incompréhension.
Il sourit. Il ne s’était pas fait mal et à part rire de la situation, que pouvait-il faire ? Il s’écarta prudemment de la porte, à pas comptés, et s’inclinant en ouvrant le bras, il lui fit signe de passer la première, volontiers vaincu.
Ce qu’elle fit, l’entraînant à sa suite. À l’intérieur, la chaleur était étouffante, Thomas n’avait rien négligé. Marion connaissait l’endroit comme sa poche. Le couloir qui ouvrait sur la pièce principale, où Thomas les attendait. Elle se déplaça pour mettre Raphaël dos au couloir. Elle passa sa main droite sous le manteau du gantier, pour la poser sur sa hanche.
Elle aimait voir ses lèvres s’étirer en sourire. Ça lui provoquait toujours une boule au fond du ventre.
Elle se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser furtif sur les lèvres du jeune homme, sans toucher son torse.
Appuyant légèrement ses mains sur le gantier en faisant un pas en avant, elle imprima la cadence. Le premier est le plus dur, et elle buta contre lui qui n’avait fait qu’un petit pas en arrière.
Ils reprirent. Inspiration, poussée, glissé, joue contre joue, elle frémissait de plaisir : ils avançaient avec plus de fluidité, plus de confiance. Sa main fine qui tenait celle calleuse par endroits de l’homme. Elle adorait cette rugosité due au maniement des outils. Des mains qui ont une histoire, des choses à raconter !
Thomas les attendait en souriant, Marion le salua d’un clin d’œil. Surtout, ne pas faire de bruit ! Voilà la seule recommandation qu’elle lui avait donnée. C’est pourquoi, en plus de la musique prévue, il avait déniché plusieurs tapis, pour étouffer ses pas. Dans cette atmosphère surchauffée, Thomas ne portait qu’un short baggy tombant sur ses hanches et un débardeur minimaliste. Un pivot et Marion poussait Raphaël au centre de la pièce. Il buta contre le tapis et s’arrêta, en attente. Elle lâcha sa main après avoir déposé un baiser dans sa paume. Et avec une rapidité étonnante, elle le déshabilla. Il avait eu la bonne idée de mettre une chemise, ce qui ne mit pas en danger la place du bandeau. Elle fit de même, sans un mot. Aux mouvements d’air qu’il sentait, il comprit qu’elle se mettait nue aussi. Sa verge se dressa. Marion jeta un coup d’œil à Thomas, qui regardait Raphaël avec envie. Elle attira son attention d’un geste, et il revint sur elle avec un petit regard gêné. Elle lui fit un signe négatif avec la main, retenant son rire. Il haussa les épaules, comme il le faisait à chaque fois qu’il draguait un mec qui s’avérait être hétéro. Revenant à son travail, il lui indiqua avec insistance la télécommande posée au pied de l’estrade, recouverte d’une couverture et d’un drap noir. Le contraste serait superbe.
Marion revint à son homme, qui avançait timidement les mains devant lui, pour trouver un repère ou un obstacle éventuel. Posant sa main au milieu de son ventre, elle le poussa jusqu’à ce qu’il touche du talon l’estrade.
Il s’exécuta. Son érection était retombée ; inquiet, il ne savait pas où il était, et il y était nu. Mais avant qu’il ne se soit résolu à questionner, elle était près de lui.
À tâtons il se recula sur le lit de fortune, mais se refusa à s’allonger, jusqu’à ce qu’il sente le corps de Marion sur le sien. Elle avait mis la musique en route, et elle montait le son progressivement avec la télécommande. Un album de rock aux accents rythmiques lourds se fit entendre. Pour plus de sûreté, elle monta encore le son pour couvrir les mouvements de Thomas. Il lui fit signe que tout était « OK » après avoir allumé les torches, vérifié l’angle des réflecteurs et plongé le reste de la pièce dans le noir. Elle s’assura qu’elle ne pourrait le voir, et surtout, que Raphaël ne pourrait le voir. Dans cette lumière, il était impossible de distinguer la moindre forme au-delà des lampes. Parfait !
oooOOOooo
Marion n’avait plus qu’à oublier Thomas. Son cœur battait vite. Elle couvrait Raphaël de baisers en lui retirant doucement son bandeau. Il fut ébloui et à part Marion et le lit, il ne pouvait rien voir d’autre, tant il y avait de lumière.
Elle était anxieuse. Il pouvait tout faire rater s’il ne cédait pas maintenant et poursuivait son interrogatoire. Cette tension supplémentaire augmentait son plaisir dans le jeu. Alors, pour s’assurer de son silence, elle se releva, et se mit à cheval sur le visage du gantier : on ne parle pas la bouche pleine…
La première surprise passée, il se mit à lécher le sexe déjà humide qui lui était offert. Il aimait son goût, mais préférait disposer de plus de liberté de mouvement pour s’occuper d’elle. Lui prenant les hanches, il la fit redescendre sur son torse. Ses longues boucles brunes cachaient son visage, il les ramena vers l’arrière pour l’embrasser. Elle bécotait doucement les lèvres masculines, courbée vers l’avant, pesant de tout son poids pour maintenir le gantier allongé. Elle fit courir ses ongles sur le ventre musclé, laissant une marque et tirant un petit grognement de plaisir à Raphaël. Elle effleura simplement sa verge du bout du doigt, sur toute sa longueur. Quand même, se dit Marion, quelle queue ! Elle aimait la voir, la toucher, évaluer sa taille et sa grosseur, frémissant de savoir qu’elle la remplirait bientôt. Et lui qui faisait rouler ses tétons entre ses pouces !
Elle se décida à totalement oublier Thomas et à faire ce pour quoi ils étaient là : prendre du plaisir et jouir.
Elle recula sur le gantier, jusqu’à passer sur ses cuisses, ses lèvres juste posées sur ses bourses qu’elle avait ramenées sous elle avec une main. Elle se frottait contre la verge, tout en se disant que ce n’était pas très prudent… Pour la première fois un peu à contrecœur, elle glissa sa main sous les oreillers pour la ressortir munie d’une capote. Elle regarda Raphaël. Lui aussi avait l’air un peu déçu de cette interruption. Elle hésita. Elle regardait leurs sexes joints, elle aimait sentir entre ses grandes lèvres la peau douce de cette verge. Il lui caressa la joue
Oui, c’est comme ça, pensa-t-elle, mais j’en ai marre, je n’ai pas envie. Il sentit que ça pesait sur la jeune femme. Alors, dans un effort, il se redressa, la renversa et lui sauta dessus pour ouvrir ce qui serait l’une des plus belles batailles de chatouilles de l’histoire ! Oubliant enfin le latex, Marion riait, se tordait dans tous les sens, criant à cet homme un peu fou d’arrêter, qu’elle allait mourir de rire. Alors, il se redressa, le visage grave :
Mais il ne put garder son sérieux plus de quelques secondes, et son sourire grandit en rire. Il replongea dans le cou de la belle, tout en tâtonnant pour retrouver la capote, qu’il enfila, sans cesser de l’embrasser. Une fois ses mains et son esprit libérés, il reprit les chatouilles. Pour elle aussi, la partie pouvait enfin commencer, et plutôt que de se débattre vainement, elle contre-attaqua en se tordant pour échapper à ses bras et dans un étirement, elle prit en bouche la verge. Il s’immobilisa, elle aussi, leurs respirations interrompues par la surprise.
Marion dut la retirer pour rire à son aise. Profitant de sa position, elle embrassait son bas-ventre, fouillait les poils de son pubis du bout du nez ; il s’allongea sur le côté, pour se retourner et se jeter sur le sexe de Marion, qui put goûter aussi la sensation électrique de sa langue sur ses grandes lèvres.
À demi couché sur le flanc, la tête entre ses cuisses et le sexe fier, elle le trouvait vraiment beau. Passant alors sa jambe au-dessus de lui, elle se mit tête-bêche pour un échange habituellement chiffré. Elle embrassa longuement sa queue, léchant parfois les bourses pleines. Quand enfin, elle le prit en bouche, il mit deux doigts dans son vagin. Ils gémirent ensemble. Elle suçait au même rythme que Raphaël enfonçait son index et son majeur. Elle se sentait de plus en plus absorbée par la verge qu’elle pompait, mais il détourna son attention en faisant courir sa langue sur le périnée, puis l’anus. Nouvelle décharge électrique, elle engloutit encore plus loin sa queue, sentant le gland passer sa glotte, ce qui lui donna l’impression délicieuse qu’elle allait l’avaler. Elle sentait la langue du gantier forcer cette entrée avec délice. Elle essayait de se détendre au maximum, laissant finalement de côté la verge. Il retira ses doigts trempés de son vagin pour les placer doucement sur son anus, sans chercher à entrer, juste dans un mouvement de massage. Elle gémissait doucement, le souffle un peu court, se repliait un peu sur elle-même, mais offrant au mieux son cul à ces caresses langoureuses.
Il la bascula avec ménagement sur le côté, et vint se mettre sur elle, faisant peser son torse sur son dos, et sa verge entre ses fesses. Il baisait sa nuque, cherchait sa bouche. Il l’embrassa, elle répondit à son baiser, Raphaël couvrit ses bras avec les siens et prit ses mains. Il joignit ses doigts aux siens et commença à aller et venir entre ses fesses. Il bécotait les épaules de Marion. Il sentait qu’elle était tendue. Et elle que le désir de le sentir en elle grandissait. Son torse sur elle, ses bras puissants qui la couvraient lui donnaient un sentiment de sécurité, de force aussi. La force patiente de son désir de la prendre. Il mordillait à présent sa nuque, ce qui l’excitait encore plus, elle sentait son corps parcouru de frissons de plaisir presque douloureux. Dégageant ses mains, de la gauche elle attrapa Raphaël par la nuque, pour l’attirer plus encore contre elle, et de la droite guida la verge vers son anus, après l’avoir lubrifié contre sa chatte trempée. Il avait dû se reculer un peu, elle n’aimait pas qu’il se détache d’elle.
Elle le voulait contre elle. Aussi, sa verge toujours dans la main, elle bascula son bassin et il la pénétra de quelques centimètres. Elle serra les dents pour refouler sa douleur première. Il était immobile.
Il se retira un peu pour mieux la prendre, et lentement, il entra en entier. Marion se cambrait, serrait ses mains sur les draps, respirait par à-coups, comme étouffée par cette verge en elle. Raphaël massait ses épaules d’une main, parcourait son dos avec ses ongles, la douleur se dissipait, elle commençait à gémir de plaisir en ondulant, faisant bouger son cul autour de la verge. Au bout de quelques va-et-vient plus aucune douleur. Raphaël la sentait à présent parfaitement dilatée. Il ressortit entièrement sa queue pour la reprendre immédiatement à demi, arrachant un cri de plaisir à la jeune femme. Il recommença, et elle se tordait, tendait ses fesses à la rencontre de cette queue qui l’ouvrait si bien. Puis d’un coup de rein, en se couchant sur elle, il l’enfonça jusqu’à la garde, dans une seule poussée. Elle en eut le souffle coupé. Et la vague de plaisir qui suivit la submergea.
Raphaël se mit à genoux et l’attira sur lui. Il écarta ses fesses et l’assit sur sa verge. Elle se redressa alors complètement et il referma ses bras sur son ventre. Il embrassait, léchait la gorge offerte de Marion. Les amants bougeaient ensemble, dans une réelle communion. Elle griffait ses cuisses, s’agrippait à lui, le plaisir était si fort, si intense qu’elle s’abandonnait complètement à sa verge, ses mains, ivre des grognements masculins. Il glissa sa main vers son clitoris, il ne tenait plus, il allait bientôt jouir, et il voulait la sentir venir avec lui. Il toucha sa chatte trempée, enfonça ses doigts en elle, qui haletait. Elle se sentait remplie comme jamais, si elle ne jouissait pas vite, elle allait s’évanouir. Elle saisit la main qui la fouillait pour la remonter sur son clitoris. À peine fut-elle effleurée qu’elle sentit monter son orgasme, elle accéléra ses mouvements de bassin, sentant cogner le ventre de Raphaël contre ses fesses, et leurs sueurs se mêler dans son dos. Il jouit le premier en grognant et mordant l’épaule de la jeune femme.
Marion éclata de son orgasme peu après, tendue comme un arc, dans une jouissance si forte qu’elle n’eut qu’un cri rauque et puissant, qui lui arracha presque les cordes vocales. Alors que les vagues de plaisir retombaient encore, elle se retira rapidement et se retourna, prenant le jeune homme dans ses bras et glissant sa queue dans son vagin. Il la serra fort contre lui, une main sur sa nuque, l’autre sur ses reins. Elle allait et venait très doucement sur lui, comme pour se calmer, pour se rassurer avec un plaisir qu’elle connaissait mieux que celui qu’elle venait de ressentir. Il la caressait sur tout le corps, et elle ne pouvait se résoudre à le lâcher. Elle jouit une deuxième fois juchée sur lui, dans un simple gémissement apaisant, étreignant Raphaël. Alors seulement, elle rendit la liberté à cette queue, et sans croiser son regard, elle s’allongea en chien de fusil, tirant le drap sur elle.
Il se coucha contre elle et la prit dans ses bras, plaquant son torse sur son dos, la couvrant une nouvelle fois de ses bras puissants. Il s’endormit en songeant à sa fragilité.
Noir.
oooOOOooo
Thomas se sentait à l’étroit dans son boxer. Il se passa la main sur le visage, il devait rester concentré. Il attribua les frissons de sa peau à la température dans cette pièce, et non au désir. Exposer, révéler, arrêter, fixer, laver, sécher.
Sous ses yeux apparaissaient des ombres, puis des visages, des corps, un dégradé de chrome, à n’en pas douter, c’était la meilleure séance qu’il avait réalisée. Son talent y faisait, mais l’émotion, la beauté de leurs corps…Il aurait pu être médiocre, leur grâce aurait quand même bousculé le diaphragme. Il regardait les photographies qui séchaient. Il était temps d’aller chercher Marion.
Thomas sortait de la chambre noire et la trouva dans l’antichambre, déjà vêtue, qui fumait une cigarette, assise sur le bras d’un fauteuil.
Elle avait les traits tirés.
Il semblait exulter, le sourire de Marion se figea.
Marion écrasa son mégot et entra dans le labo. À la lueur rouge, sur les fils, elle vit une centaine de photos, celles qui valaient la peine d’être développées. Son corps et celui de Raphaël en sueur, le contraste brut avec les draps, le dégradé de gris brillant… Ils respiraient l’érotisme, Thomas avait fait un travail exceptionnel. Nulle photo pornographique, tout en finesse, elle était admirative.
La jeune femme était heureuse de ces photos. Elle avait sous les yeux les images qu’elle avait gardées de ses ébats avec le gantier, exactement comme elle les voyait quand elle fermait les yeux. Elle avait fait ça quelques mois plus tôt pour Thomas et « l’homme de sa vie » du moment. C’était donnant-donnant. Elle avait pu shooter à loisir, dans des conditions idéales, et Thomas était bel homme. Lui avait toujours voulu que Marion pose pour lui, mais elle avait constamment évité de répondre favorablement. Sa nudité était réservée au partenaire de ses nuits. Elle était profondément pudique à l’extérieur, mais une fois dans l’intimité de sa chambre, elle se donnait, offrait son corps à celui qui avait lutté pour l’obtenir. Révéler tous ses atouts au public lui paraissait d’une profonde stupidité. Quel était alors l’intérêt de coucher avec quelqu’un alors qu’il n’a plus rien à découvrir ?
Aujourd’hui, elle avait eu le même désir que Thomas : elle voulait saisir un instant, voler une beauté privée. Ses flashs magnifiques quand elle faisait l’amour avec Raphaël étaient enfin fixés sur papier, et non uniquement dans les méandres de sa mémoire visuelle, qui pourrait se corrompre, en pervertir la volupté du moment. C’était comme garder la trace matérielle d’une magie. Une preuve qu’elle ne pourrait réfuter, quoique puisse lui réserver l’avenir.
Thomas était presque béat quand il lui tendit sa « favorite », la dernière qu’il avait prise durant la séance. Entre les mains de la jeune femme, une photo déjà agrandie en format 21/29,7. Elle la contempla un instant et sourit doucement. Ce n’était pas prévu.
Délicatement, elle la déchira. Elle lâcha sur le sol les morceaux en embrassant le photographe sur la joue :
Il lui prit les mains :
Elle posa un doigt sur ses lèvres :
Un nouveau baiser sur la joue, et le temps de saisir son manteau, elle s’engouffrait dans l’ombre de la nuit.
oooOOOooo
Thomas regardait Raphaël endormi. Il avait éteint les torches et allumé la lumière froide du studio, espérant le réveiller. Mais la seule chose qui semblait avoir repris vie était sa verge, qui formait une bosse très tentante pour lui. Il se demanda si Rimbaud avait imaginé que son « Dormeur du val » pouvait avoir une érection. Car c’est sous les traits de Raphaël qu’il se le représentait. Le poète avait-il regardé un de ses amants assoupi pour l’écrire ? Avant de céder et de s’assurer qu’il était encore vivant du bout des lèvres, il ramassa les vêtements épars, et les jeta sur le dormeur en criant « Debout ! ». Le gantier s’éveilla dans un sursaut, la lumière l’éblouit. Sans réfléchir, de la main, il chercha Marion dans le lit.
La voix de Raphaël trahissait une sorte de colère apeurée. Il se sentait seul. Sans elle.
Et il partit d’un rire assez cinglant.
Marion lui avait parlé de son habitude de disparaître au réveil. Entre autres. Ils se connaissaient depuis plusieurs années et l’absence d’attirance mutuelle conférait à leurs discussions une franchise incomparable.
Il se tourna pour arranger les torches et les réflecteurs, le temps que Raphaël s’habille. Cela lui permit de réaliser qu’il était très froid, presque méchant avec lui. Parce qu’il était hétéro ? Parce que Marion était partie d’une étrange façon ? Parce que son regard s’était voilé l’espace d’une demi-seconde ?
Le gantier ouvrit de grands yeux incrédules. À toute vitesse, il se rappelait l’attitude de Marion, le bandeau, la confiance, le tango, le mystère. Il ferma les yeux. Vagues de colère et de surprise. Elle avait une telle audace, un tel culot ! Et surtout, il n’aimait pas qu’elle ne soit plus là.
Thomas l’entraîna dans le labo, et bien vite l’air sombre du jeune homme s’estompa en admirant les photos, toujours perchées sur les fils.
Thomas lui dit que même sans elle, il était très bien, mais Raphaël ne comprit pas le sous-entendu, tout absorbé par les photos. Il se déplaçait pas à pas, suivant les fils. Il mit le pied sur un papier.
Le ramassant prestement, en pensant avoir marché sur une photo décrochée, il le retourna machinalement. Thomas intervint en lui disant que c’était une photo ratée. Trop tard, le gantier avait les yeux rivés sur les contrastes chromes. Thomas voulut lui prendre des mains, mais il ne céda pas.
Thomas avait à peine fini sa phrase qu’il fut plaqué contre le mur par Raphaël.
Il plongea son regard furieux dans celui apeuré du photographe.
Il était prêt à frapper, le poing levé, le visage déformé par la fureur.
D’un bond, il fut à genoux, cherchant à tâtons la partie manquante. Il la trouva. Il y joint l’autre partie qu’il avait gardée à la main. La photographie tremblait, l’air se raréfiait brusquement, il y voyait mal, ce voile devant ses yeux le gênait. Et cette boule dans sa gorge. Et son estomac qui se serrait.
Il ne répondit pas.
Raphaël ne lui adressa pas la parole en se relevant. Il mit les deux moitiés dans la poche de son manteau et se dirigea vers la sortie. Il se retourna et considéra Thomas sans la moindre expression. Le photographe était devenu insignifiant face à son œuvre.
Le froid fut comme une gifle. Il avait le feu aux joues. Après quelques centaines de mètres, il sut où il se trouvait. Il était à une bonne heure de marche de chez lui. Une heure… Dérisoire ! il avait besoin de bien plus pour comprendre, accepter, oublier cette image. Il avait vu le visage de Marion. Ses traits délicats, cette expression ! « Pourquoi ? ». Cette question ricochait contre les parois de sa boîte crânienne dans un bruit infernal.
Les rues défilaient, la nuit s’épaississait et grandissait son envie. Il accéléra encore. Le trottoir lui renvoyait l’écho de ses pas, il courait à présent, son désir le faisait gémir de douleur. Il aurait voulu savoir crier.
Le claquement de la porte de son atelier fut le dernier écho de cette nuit : il avait besoin de la pierre.