n° 11463 | Fiche technique | 12748 caractères | 12748 2261 Temps de lecture estimé : 10 mn |
11/06/07 |
Résumé: Lors d'un pèlerinage à la Mare au Diable de George Sand, les amoureux dévoilent certains secrets de leur vie qui intéressent le VRP, pour la suite du voyage. | ||||
Critères: nonéro #nostalgie fhh hplusag autostop amour | ||||
Auteur : Lucien Ramier (Membre et auteur de 5 textes publiés) Envoi mini-message |
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Après le repas et la petite sieste près de Saint-Savin, j’ai repris la route toujours en compagnie de mes deux auto-stoppeurs. Pour me réveiller Alain, assis sur le siège du passager, a remis la cassette de la chanson de Michel Fugain :
C’est un beau roman, c’est une belle histoire…
Valérie vient de trouver une feuille « marque-page » du livre de Marc-Alain Descamps,Le nu et le vêtement, dont j’avais entamé la lecture. La jeune femme exhibe ce papier devant mes yeux, alors que je suis au volant et que nous roulons dans le département de l’Indre. Je connais ce texte presque par cœur. je l’avais extrait d’un œuvre complète, car il ne se trouvait pas en intégral dans le petit classique que l’on nous faisait lire au collège. En voila le contenu :
Plus Germain cherchait à raisonner et à se calmer, moins il en venait à bout. Il s’en allait à vingt pas de là, se perdre dans le brouillard ; et puis, tout d’un coup, il se retrouvait à genoux à côté des deux enfants endormis. Une fois même il voulut embrasser Petit-Pierre, qui avait un bras passé autour du cou de Marie, et il se trompa si bien que Marie, sentant une haleine chaude comme le feu courir sur ses lèvres, se réveilla et le regarda d’un air tout effaré, ne comprenant rien du tout à ce qui se passait en lui.
La petite Marie eut la candeur de le croire, et se rendormit. Germain passa de l’autre côté du feu et jura à Dieu qu’il n’en bougerait jusqu’à ce qu’elle fût réveillée. Il tint parole, mais ce ne fut pas sans peine. Il crut qu’il en deviendrait fou.
Pendant que je surveille ma route, je marque un temps d’arrêt, car une réponse inattendue à sa question me traverse l’esprit :
Après avoir passé La Chârtre, nous nous dirigeons par la départementale 943 vers Montluçon quand j’aperçois l’endroit où je m’arrête habituellement à chaque passage. Je connais bien le bois de chênes très feuillus et le petit sentier qui nous entraine vers une petite clairière. Alain et Valérie ont gardés tous les deux leurs grosses chaussures de marche et ce n’est pas un luxe. Comme nous nous enfonçons dans ce sentier, il faut se frayer un chemin dans les grandes herbes. Une longue couleuvre surprise de notre arrivée s’enfuit sous les arbres. La frondaison s’épaissit encore et la fraîcheur du bois nous fait frissonner. Des chants de grenouilles envahissent le sous-bois au fur et à mesure que nous avançons.
Nous arrivons dans la sombre clairière. L’endroit pourrait servir de cadre à un film d’Harry Potter, avec ses vieux arbres aux branches noueuses et tordues. Sous un grand chêne, entre les herbes hautes, nous devinons une mare.
Prenant le relais de Valérie qui se souvient parfaitement du roman La Mare au Diable de George Sand, je ne veux pas les induire en erreur sur le lieu où nous nous sommes arrêtés. Comme c’est un lieu romanesque, il est difficile à définir. Personne n’est entré dans l’imagination de l’écrivain.
Après ce pèlerinage littéraire, nous reprenons le sentier vers la route.
Est-ce le lieu emprunt du mystère de la Mare au Diable qui les a poussés à évoquer ensemble des souvenirs ? Ou la réponse à la question que je viens de poser ? Toujours est-il que j’ai surpris leur conversation. Je fais celui qui est ailleurs, mais je les écoute, d’une oreille tout à fait indiscrète et avec beaucoup d’intérêt. C’est mon côté voyeur qui se réveille.
Ils marchent côte à côte à quelques mètres derrière moi, en surveillant leurs pieds dans l’herbe haute. Nous rejoignons le camping-car, au bord de la route. Valérie et Alain semblent prendre du plaisir à évoquer leurs souvenirs de jeunes amoureux.
Je les entends rire de bon cœur avant de conclure avec un baiser digne d’une lune de miel.
En nous désaltérant avec une bouteille sortie du petit frigo à gaz du camion, Valérie continue cette histoire qui me semble jusque-là si familière. C’est un peu une histoire de mon enfance que j’avais l’impression d’entendre. Je trouve son sourire si merveilleux que je ne peux en détacher mon regard, pendant ce temps de pause sur le bord de la route.
Nous avions repris la route en direction de Montluçon et ils sont venus s’asseoir tous les deux serrés dans la cabine sur le siège du passager. Pour passer le temps sur cette longue route maintenant monotone :
Alain de bon cœur pris la parole :
Pour ce premier soir, Alain et Valérie ont monté leur petite tente canadienne sur mon emplacement, au nez du camion. Toutes les places sont occupées. Il y a beaucoup de passage dans le camping de Tarare, à 50 kilomètres avant d’arriver à Lyon. Puis ce fut un dîner joyeux de plats réchauffés sur la petite table de pique-nique.
J’ai rejoint mon lit dans le camion, mais à minuit, je ne dors pas encore. Je suis tout excité à la pensée du formidable voyage que j’offre à ces jeunes si sympathiques. Ils ont l’air si heureux ensemble. Je n’entends aucun bruit en provenance de la tente de mes jeunes amis et je pense qu’ils ont dû faire une sortie en amoureux. Normal pour un voyage de noces. J’ai tellement chaud que je me décide à aller prendre une douche. J’aperçois la lumière dans les sanitaires. En arrivant dans la partie des douches réservées aux hommes, je constate qu’il y a quelqu’un dans une cabine. Je ne fais pas de bruit et entre dans la cabine voisine. Je m’assied sur le petit siège et je commence une écoute indiscrète, car j’ai l’impression qu’il y a deux personnes dans cette fameuse cabine occupée. Je suis comme à l’affût et au bout d’un moment j’entends des bruits d’eau et une conversation discrète.
Il me semble reconnaître les voix de mes auto-stoppeurs, Alain et Valérie. Évidement je comprends tout-à-fait Valérie : c’est quand même mieux de prendre une douche à deux pour des jeunes mariés en voyage de noces. Je me dis que je vais une fois de plus jouer au voyeur. Pas très reluisant comme rôle.
Puis j’entends le bruit de l’eau de la douche. Les rires et les petits cris de Valérie me laissent imaginer sans peine les soins qu’Alain est en train de lui prodiguer. Je pousse un soupir que je voudrais très silencieux.
Ah, si j’avais la chance d’être avec eux deux sous la douche ou encore, seul avec Valérie ! Je me dis ce soir-là que si j’ai bien compris ce qu’elle disait, j’ai moi aussi beaucoup de chance avec ces jeunes. Le voyage en auto-stop doit durer encore au moins quatre jours, il me reste donc du temps, qui sait, « pour conclure », comme disait Michel Blanc dans Les Bronzés.