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Temps de lecture estimé : 21 mn
12/12/07
corrigé 31/05/21
Résumé:  Deux attaques surprises. Une femme ivre de vengeance. Un suspect qui s'échappe.
Critères:  fh ff couple travail pénétratio policier fantastiqu -policier -fantastiq
Auteur : Dr Lamb  (Vivre..)      Envoi mini-message

Série : Les enfants de la nuit 2

Chapitre 03 / 07
Anita Chow Yuan

Résumé des deux précédents épisodes :


Neuf ans ont passé depuis la mort de Nouria. Amel, la sœur de celle-ci, vit à Hong Kong avec Huang, devenu son amant. Ils combattent les vampires avec un petit groupe de résistants.

Ben, lui, est enfermé dans un hôpital psy et a totalement perdu l’espoir. Jusqu’au jour où, un matin, il est agressé par une femme vampire dans sa chambre. Il parvient à la tuer. Lorsque la police se présente sur les lieux, il est escorté au commissariat par Herbert, en quête de réponses, et souhaitant plus que tout venger Jacques Pigneaux, son ancien partenaire.



Amel et Huang apprennent alors que Ben est en vie…







24 octobre 2006


L’eau chaude cascadait sur mon corps, mais je ne la sentais presque pas. Mes yeux étaient fixés sur le carrelage de la douche. Mon esprit était ailleurs, bien loin des murs de ce commissariat. Il était figé sur cette femme vampire, et sur les questions qui l’accompagnaient. Pourquoi maintenant ? Que se passait-il ? Pourquoi ne se manifestaient-ils que maintenant ? Après neuf ans ? J’avais beau me triturer l’esprit, je ne comprenais pas. Je me savonnai partout, en particulier sur les bras et les mains, car j’avais encore la sensation d’être souillé par le sang de la créature. Je me demandais ce que les analyses de ses cendres allaient donner.


On toqua à la porte de la douche.



C’était la collègue de Herbert.



Je coupai l’eau et pris la serviette de toilette déposée par terre.



Elle m’exaspérait. J’étais fatigué de tout ça. Après m’être essuyé, j’enfilai les affaires propres qu’on m’avait données. C’était bizarre d’enfiler des vêtements de ville après avoir porté des pyjamas pendant neuf ans. C’était comme si j’essayais de me faire passer pour quelqu’un de normal.



J’ouvris la porte de la cabine de douche. La flic était assise sur le banc, dans les vestiaires.



Je haussai les épaules, décidé à ne plus perdre de temps à répéter mon innocence. Elle se leva et sortit ses menottes.



Je n’avais pourtant rien dit. Je tendis mes poignets en avant, en signe de bonne foi. Cela m’était égal.



Les menottes se refermèrent avec un bruit métallique sec.



La flic me prit par le bras.



Elle ne répondit pas et ouvrit la porte des vestiaires.



Après tout, j’en avais ras le bol de m’égosiller. Ils verraient bien. Je me fichais de mourir, je voulais seulement éviter que d’autres vies soient brisées.




* * * * *




Herbert ferma le dossier et se cala au fond de sa chaise en soupirant. Il avait un début de migraine. Fermant les yeux, il se frotta les paupières en songeant à tout ça.


Depuis des années, il était dans l’impasse. À chercher des réponses. Mais il n’en trouvait jamais. Et le seul homme capable de lui donner les réponses qu’il cherchait lui répétait sans cesse la même version, qu’il ne pouvait pas croire. Alors pourquoi s’acharnait-il ? Son entêtement lui avait fait perdre sa femme, il s’obstinait dans la même voie depuis neuf ans. Il voulait venger Jacques.



La voix de Charlotte le tira de ses pensées. Elle se tenait sur le seuil de son bureau et le regardait avec de grands yeux inquiets.



Le flic soupira et se leva de sa chaise.



Voyant l’état de son collègue, la jeune femme s’avança et lui prit le bras.



Il ne répondit rien. Il regarda le cadre posé sur son bureau, une photo prise des années auparavant. Jacques et lui.



Charlotte haussa les sourcils.



La jeune femme sortit du bureau de son collègue et arpenta les couloirs du commissariat sans but précis. Tout se mélangeait dans sa tête. La journée allait être longue, c’est pourquoi elle décida d’aller se prendre un café dans la salle de pause. À peine avait-elle passé la porte qu’on l’appela :



Elle fit volte-face et se retrouva face à Samia. Charlotte soupira. La journée allait être vraiment très longue. Sans dire un mot, la flic entra dans la salle de pause déserte et se dirigea vers la machine à café.



Samia referma la porte et s’appuya contre elle.



Charlotte s’empara une tasse sur la table, la rinça et prit la thermos de café brûlant.



C’était une jeune femme de vingt-six ans, douce, au visage exprimant la bonté et la gentillesse. Quand elle se mettait en colère, comme maintenant, elle devenait vraiment désirable.



La femme flic traversa la pièce et se posta à la fenêtre, qui donnait sur le parking du bâtiment.



Samia s’approcha d’elle.



Mais elle savait qu’elle dépassait souvent les limites. Depuis la mort de sa grande sœur Nassera, Samia vivait dans un état de panique constant. Elle vivait dans la crainte de perdre ceux qu’elle aimait, comme Charlotte. Le fait d’être homosexuelle ne l’avait jamais perturbée, mais depuis la disparition de sa sœur, elle avait la sensation d’être devenue la cinquième roue du carrosse. Perdre Charlotte était la dernière chose qu’elle souhaitait.



Mais elle ne put aller plus loin. Elle se revit il y a neuf ans, quand les policiers étaient venus chez elle pour annoncer la disparition de Nassera. Comment sa mère s’était effondrée sur le seuil de la porte. Comment son père avait pleuré. Elle se revit, fonçant sur son vélo, passant et repassant devant la morgue où Nassera travaillait, espérant trouver quelque chose, mais ne sachant jamais quoi.



Mais une barrière invisible l’empêchait de poursuivre. Les mots étaient là, mais ils ne sortaient pas. Alors elle s’approcha de Charlotte et la prit par la taille. La jeune femme se laissa faire.



Charlotte était toujours de dos, et tentait de dissimuler l’effet que lui faisait le contact de sa maîtresse. Sans rien dire de plus, les mains de Samia se posèrent sur le ventre de Charlotte, puis se glissèrent sous sa veste et son t-shirt. Le contact de sa peau la fit frissonner. La femme flic se recula.



Les deux amantes se firent face. Lentement, Samia déposa un baiser sur les lèvres entrouvertes, puis un autre, et un autre, plus tendres les uns que les autres. Charlotte finit par céder et embrassa à son tour la jeune femme.



Les mains des jeunes femmes devinrent baladeuses, mais ce fut celles de Samia qui furent les plus avides. Lentement, elles se posèrent sur la poitrine ronde de Charlotte. Elle ferma les yeux.



Samia la fit reculer jusqu’à la table, puis aida Charlotte à s’asseoir dessus. L’Algérienne embrassa la flic dans le cou, puis, avec une lenteur exaspérante, souleva le t-shirt de la jeune femme. Sa bouche vint embrasser les seins enfermés dans un soutien-gorge noir.



Mais tout en disant cela, Charlotte pressait la tête de sa compagne sur sa poitrine, et poussa un soupir lorsqu’elle sentit la bouche s’emparer d’un mamelon déjà durci. Samia l’aspira doucement, puis le caressa du bout de la langue.



Alors la jeune femme se redressa et fit un pas en arrière.



Charlotte se remit debout, l’un des seins débordait de son soutien-gorge. Un peu confuse, elle se revêtit et regarda Samia :



Un doux sourire se dessina sur les lèvres pulpeuses.



Elle se dirigea vers l’évier et s’aspergea le visage à l’eau froide.




* * * * *





Huang, assis à ses côtés, poursuivit :



Pas une seule personne dans le petit groupe de résistants ne prit la parole.



Toutes les personnes du groupe comprirent immédiatement.



Il y eut des murmures dans le groupe. Une occasion pareille était inespérée. D’autres personnes allaient enfin avoir la preuve que les vampires étaient bels et bien réels…



Le petit groupe s’était réuni dans un ancien immeuble abandonné, qui n’allait pas tarder à être détruit. C’était l’un de leurs points de rencontre. Ils devaient en changer souvent. Le petit bureau exigu et étouffant était situé au premier étage. Un homme montait la garde en bas. Si quelqu’un ou quelque chose approchait, il les préviendrait avec son talkie-walkie. Pour le moment, il n’avait pas eu à le faire.



Les résistants se levèrent et sortirent en se chuchotant des trucs entre eux. Amel se leva également et se mit à tourner en rond. Huang lui jeta un coup d’œil. Cheung l’attrapa par le bras :



Cheung comprit qu’il voulait rester pour parler avec sa copine. Il soupira. Depuis qu’ils se connaissaient, il avait toujours trouvé Huang sérieux et attentif. Mais maintenant qu’Amel et lui vivaient ensemble, il trouvait que son ami se laissait aller, faisant parfois passer la jeune femme avant le reste. Cheung soupira et sortit, maudissant ce pouvoir qu’avaient les très jolies femmes.



La jeune femme le regarda sans cesser de tourner en rond, une main sur le visage.



Huang fit un pas et s’appuya contre la table.



Amel ne répondit pas en entendant à voix haute sa crainte la plus profonde.



Elle s’arrêta de faire les cent pas et fixa son amant.



L’homme s’avança et la prit dans ses bras. Ce contact les rassura quelque peu.



Sa voix se brisa. L’image de ce jour lui revint en mémoire : elle se revit disant à sa sœur :



Elle ferma les yeux.



Amel ne répondit pas.



Sa gorge se noua. Huang la serra contre lui et l’embrassa sur la joue.



Amel releva la tête et l’embrassa sur la bouche.



Du bout des doigts, Huang sécha les larmes d’Amel, et l’embrassa encore plus tendrement.



Sans ciller, Huang la souleva de terre comme si elle n’était qu’un brin de paille, et, la portant, l’assit sur la table. Sans même regarder si leurs compagnons étaient partis, il commença à l’embrasser, passant sa main dans ses cheveux.



Les mains de la jeune femme se glissèrent sous son pull, caressèrent le torse plat, puis descendirent vers la ceinture de son jean, qu’elles défirent lentement. Huang posa ses mains sur la poitrine ronde et ferme et la caressa à travers le t-shirt d’Amel, puis ils les fit descendre le long du ventre, les passa dans le dos. Amel déboucla la ceinture de son amant, puis baissa le pantalon et le caleçon, dévoilant le sexe déjà dur. Huang poussa un soupir lorsqu’elle le prit entre ses doigts. Rapidement, il se baissa, embrassa la poitrine cachée, puis défit le pantalon et la culotte, embrassant au passage les cuisses fuselées. Il remonta et embrassa la jeune femme sur la bouche, puis approcha son sexe du sien. Elle poussa un gémissement sourd et enfouit sa tête dans l’épaule de l’homme, lorsqu’elle sentit le gland glisser contre ses lèvres à peine humides. Il donna un coup de reins et s’enfonça en elle aussi loin qu’il put.



Il gémit et ferma les yeux, la sensation d’être prisonnier d’un étau brûlant lui faisant petit à petit perdre la tête. Amel s’allongea sur la table et noua ses jambes autour de la taille de l’homme.




* * * * *




Posté au bout du couloir, Cheung attendait qu’Amel et Huang sortent. Mais que diable foutaient-ils ? Il soupira et se mit à faire les cent pas sur le palier. Il maudissait de plus en plus Amel, qui faisait perdre la tête à son ami. Depuis qu’elle était là, tout allait de mal en pis. Il…


Il perçut tout de suite un mouvement derrière lui. La porte de l’escalier qui venait de s’ouvrir. Kimberley, une de leur compagne, s’avançait vers lui. Une main sur la gorge, et le sang qui giclait hors de ses mains. Hors d’elle. Pétrifié, Cheung mit une seconde à réagir.


Juste derrière la femme venait de surgir une silhouette blafarde, au teint cireux, et aux yeux jaunes.



Kimberley s’écroula devant lui et essaya de lui prendre la main. Mais elle s’effondra comme une masse alors que l’homme sortait son revolver. Hélas, le vampire fut sur lui avant qu’il n’ait eu le temps de faire quoi que ce soit. Il vit le visage de près, un visage d’homme, il vit les yeux jaunes, les dents acérées, il sentit l’odeur putride de la mort…

Puis plus rien.




* * * * *




Amel se redressa immédiatement lorsqu’elle entendit le cri de Cheung :



Huang fut encore plus vif : le sexe encore tendu, l’instant d’avant empli de chaleur et de plaisir, il fut l’instant d’après rhabillé et prêt à se battre. Amel sauta hors de la table, remonta sa culotte et son pantalon, abasourdie. Un vampire, ici ? Mais comment avaient-ils trouvé leur cachette ?? Et surtout, c’était la journée ! Comment est-ce que…


En un instant, la chose bondit dans la pièce : une chose blafarde, ayant vaguement la forme d’un homme, le sang de ses victimes coulant sur son menton. Le vampire montra les crocs et poussa un cri aigu. Huang dégaina son revolver et fit feu trois fois : deux balles percutèrent le vampire en pleine poitrine, leur faisant gagner de précieuses secondes. Projeté en arrière, il s’écroula dans le couloir.



Pas de réponse.



Déjà, la chose se relevait, avide de sang et de mort. Huang tira de nouveau, deux balles en pleine tête. Le mur fut éclaboussé de sang.

Il prit Amel par la main et ils s’élancèrent dans le couloir, où les cadavres de Kim et Cheung les fixaient de leurs yeux vitreux et accusateurs.



Mais ils n’avaient pas le temps de céder au chagrin. Plus tard. Perdre du temps signifiait mourir.




* * * * *




La voiture de police s’engagea dans l’avenue Cocteau. Je regardai les rues qui défilaient. Herbert, à l’avant, n’avait pas prononcé un seul mot depuis notre départ. Charlotte, la jeune femme flic, se retournait de temps à autre vers moi pour me poser quelques questions, mais je ne répondais que par monosyllabes, et elle se lassa.

Je n’avais plus cœur à parler. Je songeais que bientôt, je serais à nouveau dans une cellule. Prisonnier. Alors que quelque chose se préparait. Et que personne ne me croyait.



Pas de réponse. Charlotte se rongeait nerveusement l’ongle du pouce. Herbert était concentré sur sa conduite.



Une bouffée de gratitude et de soulagement m’envahit, si puissante que je ne pus contenir mes larmes. Je bredouillai :



Le regard du flic se posa sur moi à travers le rétroviseur.



La flic se retourna vers moi :



Je hochai la tête, ému. Je savais déjà qu’ils seraient perplexes. Je savais aussi que l’analyse des cendres ne se ferait jamais. Ils ne laisseraient sûrement pas ces cendres entre les mains d’innocents.





* * * * *




La voiture tourna à droite et déboucha sur une petite rue vide.

Ce qui se passa, par la suite, resta un mystère. Herbert ne vit pas la voiture qui fonçait à toute allure, à contresens. Il était d’ailleurs impossible de la voir venir, au moment où la voiture déboula dans la rue déserte. Elle allait bien trop vite, zigzaguant, les pneus crissant sur le béton. Charlotte hurla brièvement. La voiture folle les heurta à plus de cent cinquante kilomètres à l’heure.




* * * * *




Je vis juste la voiture noire arriver à toute allure, de côté, je vis tout avec netteté : le pare-chocs, la lunette avant, les traits fous de l’homme au volant formant un ovale blême, ses deux yeux tels des trous noirs de charbons. On aurait juré un spectre.


Puis le choc.


Projeté en avant, j’eus le souffle coupé et me cognai la tête au siège avant, celui du flic. Le goût du sang envahit ma bouche. Un brusque haut-le-cœur me tordit l’estomac. Le choc fut terrible : Herbert essaya de freiner, peine perdue. Les véhicules dérapèrent sur le bitume. Sous la violence de l’impact, et parce que notre voiture était plus légère, je sentis le véhicule se retourner.


Je le savais ! songeai-je.


Les mystérieux complices des vampires venaient de frapper, encore plus rapidement que ce à quoi je m’attendais.




* * * * *





Sans attendre, Amel lui emboîta le pas et ils se retrouvèrent dans l’escalier où l’odeur de la créature s’était répandue. Une odeur âcre, ancienne et animale.



Cette perspective lui glaçait le sang. Amel sauta littéralement les marches et Huang la suivit, arme au poing, le cœur cognant dans sa poitrine, la bouche sèche, le sexe encore tendu dans son caleçon malgré l’horreur qu’il vivait. Ils avaient trois étages à descendre pour se retrouver à l’air libre. À la lumière du jour. Cette idée obsédait Amel. La lumière du jour, la lumière du…


La porte de secours du deuxième étage s’ouvrit et une deuxième créature bondit sur la jeune femme, qui poussa un hurlement de terreur et de surprise. Elle dérapa, tenta de se retenir à la rampe, mais n’y parvint pas. Son pied manqua une marche et elle dévala cul par-dessus tête les escaliers jusqu’en bas, le vampire sur elle. Le crâne rasé, les yeux injectés de sang, la chose cherchait déjà à la mordre. Huang leva son arme, pressa la détente, touchant six fois la créature dans le dos. Elle s’effondra sur Amel.



L’homme descendit les marches à toute allure et prit le vampire par le bras, pour le projeter en arrière. Amel se relevait déjà, en proie a une terreur insoutenable. Combien étaient-ils ? Et comment les avaient-ils trouvés ? Il y avait un traître dans leur groupe. C’était la seule explication. Mais qui ? Aucun n’était absent aujourd’hui. Aucun.

Alors…



Encore un étage, et ils étaient dehors. Juste un étage. Juste un ! Le cœur d’Amel battait si fort dans sa poitrine qu’elle croyait qu’il allait éclater et la tuer sur place.



Mais au fond de lui-même, il n’en était pas persuadé. L’attaque avait été si soudaine, comme pour leur dire qu’ils n’étaient pas à l’abri, même la journée, qu’ils ne le seraient jamais… Lorsqu’ils parvinrent au hall de l’immeuble désaffecté, ils eurent la mauvaise surprise de voir qu’un homme, vêtu d’un jean et d’un t-shirt noir, les attendait, armes au poing. Sans perdre une seule seconde, Huang se projeta en avant et lui rentra dedans, le propulsant en arrière. Amel jaillit hors des marches et se précipita pour prendre l’arme de l’ennemi.




* * * * *




Ténèbres.

Douleur.

Noir.

Quoi ?

Qui…

Que se passe-t-il ?

Les ténèbres étaient oppressantes.

Opaques. Suffocantes.



Mais qu’est-ce qui s’était passé ? Un vent violent me soufflait dans les cheveux, un air glacé. Quelque chose me comprimait la poitrine.

Je n’arrivais pas à ouvrir les yeux, ils semblaient soudés l’un à l’autre. Dans ma bouche, le goût cuivré du sang épais. Je me passai la langue sur les lèvres, souillées de sang et de salive. Une musique douce et obsédante montait entre mes oreilles, me faisant grimacer. Ma tête… Le sang me descendait à la tête.


Ma tête… Je soulevai une main et tâtonnai, aveugle, mais ne sentis rien. Juste mon corps, mes jambes. Mon ventre écrasé. J’étais à l’envers ? J’en avais la nausée.


La voiture… À l’envers ! Ma tête ballottait dans le vide. Puis tout me revint ! La collision, la femme vampire à l’hôpital psy… La musique n’était pas de la musique, plutôt une sirène, sonnant sans interruption.

Mes mains tâtonnèrent et trouvèrent un objet métallique. La ceinture ! Du bout des doigts, j’essayai de me dégager, mais chaque geste accompli m’arrachait un gémissement de douleur.



La voiture s’était retournée. Des bris de verre, sur les sièges, sur le sol, partout. Dans mes cheveux. Ce n’était pas une sirène, mais le klaxon. Mais personne ne pouvait arrêter ce fichu truc ? Ce bruit me vrillait les oreilles. Je fermai les yeux, inspirai profondément et gémis de douleur. Je visualisai la ceinture, me concentrai…

Clic !


Je chutai de quelques centimètres et ma tête heurta le plafond retourné de la voiture. Mes jambes s’affaissèrent sur le côté. J’entendis alors des cris et des bruits de circulation ; j’essayai de distinguer à l’avant les silhouettes des deux flics. Herbert était évanoui. La femme flic ouvrit les yeux, du sang plein le visage, et poussa un long gémissement de douleur. Il fallait que je rampe et que je sorte de là.



La voix était froide et professionnelle.



Vite, il fallait que je sorte de là !! Je distinguai des pieds qui venaient vers nous, dans notre direction…



Je tournai la tête vers Charlotte. Elle grimaça et me désigna son arme, à quelques centimètres de moi, coincée dans le levier de vitesse.



Je tendis la main, le corps douloureux et noué de crampes, le cœur battant la chamade, sentant la distance qui nous séparait de plus en plus réduite… Encore quelques centimètres et ça y était… Les bruits de pas se rapprochaient de plus en plus, je les entendais nettement malgré le klaxon…


Je l’avais. Je m’emparai de l’arme et me retournai comme je pus dans cette prison de ferraille. Sans vraiment viser, je baissai le canon de l’arme, attendant juste que l’homme se baisse pour viser…

Et tirai.




* * * * *




Anita Chow Yuan coupa l’eau du robinet et acheva de ranger la vaisselle propre dans l’égouttoir, puis s’essuya les mains avec un torchon. Elle n’aimait pas, en rentrant de son travail, le soir, trouver la vaisselle du petit-déjeuner qui l’attendait.


Depuis cinq ans qu’elle était professeur au collège de la ville, sous la fausse identité de Sandra Lee, elle était devenue une machine n’obéissant plus qu’a deux fonctions : son boulot, et sa vengeance. Si elle craignait d’être un jour retrouvée par ses ennemis, ce n’était pas par peur de la mort, mais plutôt de crainte de ne plus pouvoir continuer sa petite routine.


À presque cinquante ans, elle restait toujours aussi belle et désirable que les minettes adolescentes à qui elle donnait des cours de mathématiques. Anita était un peu telle une déesse, au visage intemporel sur lequel le temps glissait comme l’eau sur les rochers.

En parlant d’eau, elle baissa les yeux sur la petite casserole en train de chauffer. L’eau bouillait. Elle coupa le gaz et l’empoigna à deux mains. Anita se dirigea vers la porte qui donnait à la cave, entrouverte. Elle la franchit, alluma la lumière, révélant un escalier en mauvais état. Elle inspira profondément pour ne pas inhaler l’oxygène putride et descendit lentement les marches.


Les deux vampires, attachés ici bas depuis huit ans, n’étaient plus que des créatures réduites en bouillie, entièrement soumises à Anita, qui à force de tortures toutes plus perverses et ignobles les unes que les autres, avait réussi à les briser, à leur faire perdre toute combativité.


Kleyner avait toujours été un faible, un lâche et un poltron, il ne posa aucun problème. Anita n’avait même pas commencé à lui dépecer la peau du visage avec un épluche-légumes qu’il s’était brisé en deux comme on brise une allumette.


Laurence opposa un peu plus de résistance, mais au bout d’un an, lorsqu’il comprit enfin qu’il ne sortirait jamais de cette cave, qu’il était entièrement à la merci de la femme dont il avait détruit la vie, massacré la famille, sa raison s’effrita petit à petit. Lorsqu’enfin Anita réussit à le briser, elle éprouva une joie si malsaine et si jubilatoire qu’elle urina sur elle.


Elle resta debout, la casserole à la main, regardant Laurence qui relevait sa tête décharnée et squelettique sur elle.



Il tenta de bredouiller quelque chose d’inaudible, mais n’y parvint pas.



Sachant que de toute manière, il n’y couperait pas, le vampire obéit. Anita lui agrippa alors la tête d’une main et lui renversa l’eau brûlante jusqu’au fond de la gorge inhumaine. S’il s’était résigné à sa situation, il ne se résignait pas à la douleur, et une fois de plus il le prouva de vive voix. Elle jeta la casserole par terre.



Sur ces mots, elle fit demi-tour et remonta les marches jusqu’à la cuisine. La porte se referma et les deux créatures entendirent le bruit de la clé dans la serrure.




* * * * *




La balle que je tirai pulvérisa la chaussure de l’homme et fit jaillir des jets de sang et d’os brisés. Il hurla avec une telle force qu’il couvrit le bruit du klaxon. Je tirai une deuxième fois lorsqu’il chuta au sol. Mort sur le coup.



Je me tournai vers elle :



Il fallait faire vite. J’entendais déjà les sirènes de police. Je me tortillai comme une anguille, les pieds en avant et battant sur la chaussée, pour m’extraire de la carcasse de la voiture de police.



Enfin, de l’air !

Je roulai sur moi-même et me relevai, encore secoué par la collision. Des gens étaient agglutinés sur les trottoirs, cherchant à voir et à comprendre ce qui se passait.



Je n’eus pas le temps de me redresser et de finir que je vis un autre homme sortir de la voiture qui nous avait percutés. Je levai mon arme en même temps que lui et fis feu en me jetant au sol. L’impact fut assourdissant. Il y eut une gerbe de sang : mon coup de feu l’avait eu en pleine tête. Sans perdre une seconde, je me redressai et courus jusqu’à la voiture qui tournait encore : l’avant était enfoncé, mais ce n’était pas grave, du moment qu’elle roulait encore… Je montai à l’avant sans même refermer les portières, ayant un dernier regard pour la voiture de police retournée, et démarrai.


Vite, et loin.




(À suivre dans l’épisode 4 de la saison 2 des « Enfants de la nuit » : Maman ?)