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Temps de lecture estimé : 21 mn
13/06/08
corrigé 01/06/21
Résumé:  Charlotte laisse Jean-Philippe seul, et rentre enfin chez elle, envahie par le doute. Que va-t-elle dire à Vincent ?
Critères:  fh jeunes copains voir exhib fmast hmast -regrets -internet
Auteur : Lilas      Envoi mini-message

Série : L'odyssée de Charlotte

Chapitre 05
Because I want you

Charlotte a fait une grave erreur en couchant avec le père de sa meilleure amie, d’autant plus qu’elle est amoureuse de Vincent. Mais, cherchant à oublier ce dernier, elle succombe à nouveau aux charmes de Jean-Philippe.


Que lui réserve l’avenir ? Parviendra-t-elle à gérer ses mensonges épuisants, et à assumer ses erreurs ?


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Quand je rentrai à la maison, fourbue, la tête en vrac, ma mère m’accueillit avec un petit sourire ironique.



Ma mère ne répondit pas, mais pinça les lèvres. En fait, je me sentais un peu coupable, pour changer. C’est vrai que j’aurais pu la prévenir que je ne dormais pas à la maison. Les vers de terre n’en finissaient pas de gargouiller dans mon ventre malmené. Ça devenait vraiment une très mauvaise habitude chez moi. Si ça continuait, je finirais par développer un ulcère.


Oh, et puis quoi, j’avais vingt-trois ans ! On n’est pas obligé d’avertir ses parents de ses moindres faits et gestes, à vingt-trois ans !


Je poussai un gros soupir et profitai de ce répit pour ouvrir d’un geste las le tiroir de "secours". Celui où y’avait tout plein de bonnes pilules pour vous soulager. Pendant que mon cachet d’aspirine pétillait joyeusement dans l’eau, je me massai les tempes. J’étais courbaturée de partout. Ce qui, après tout, était sans doute normal quand on avait baisé comme une nympho au bord d’une piscine. Et avant, dans un divan. Et encore avant, dans un clic-clac.



Ah. Si. Prévenir ma mère des différentes variétés d’amis qui gravitaient autour de moi n’était peut-être pas une si mauvaise idée. À ces paroles, je me figeai. Ça y est, je recommençais à halluciner.


Vincent, maman !


Il aurait fallu que je récapitule toute l’ironie de l’histoire. Je voyais d’ici le tableau. Oui, balourdée, comme un vulgaire sac de jute. Une semaine après m’être fait opérer des dents de sagesse, en plus, ça se faisait pas, ça ! On m’avait déjà pompée de soixante-six euros chez le dentiste deux mois auparavant, et la sécurité sociale étudiante avait mis au moins trois siècles à me rembourser. Et il y avait eu ce con… de chirurgien-dentiste qui, une demi-heure seulement avant l’opération, avait daigné jeter un coup d’œil sur mes radios dentaires, et s’était exclamé :



Et il s’était fendu d’un rire benêt. De mon côté, je ne voyais pas ce qu’il y avait de drôle. Savoir que j’étais passée si près d’une probable paralysie faciale aurait peut-être pu me faire sourire, si j’avais pour projet de rentrer dans un cirque comme clown défiguré. Sans parler de mes joues de hamster que j’avais gardées un bon moment. J’étais même encore un peu enflée quand j’avais rejoint Vincent pour un week-end coquin – le dernier.


Je m’en étais toujours un peu voulue. J’avais dû tomber d’un piédestal lorsqu’il m’avait vue. Si piédestal il y avait jamais eu, d’ailleurs. Et, comme déjà susmentionné, deux jours après, il me larguait, comme une merde.


Merdeu, maman, c’est ce mec-là !


Et c’était avec ce mec que j’avais couché, il y a vingt-quatre heures. Avant de goûter le péché dans les bras du père de ma meilleure copine… D’où l’ironie de l’histoire.



Ma mère me regarda d’un air interrogateur, comprenant sans doute qu’elle avait merdé quelque part, sans savoir pourquoi. Je fermai un instant les paupières et me massai à nouveau les tempes. La télé s’entendait d’ici. Mon père devait encore être en train de regarder les infos le son poussé au maximum.



Ma mère afficha une mine spéciale reproche-alcool, me faisant clairement comprendre ce qu’elle en pensait, puis reprit ses mots croisés. Quant à moi, je me sentis soudain furieuse contre le monde entier. Je n’avais pas mérité ça. Je n’avais pas mérité cette rupture, ni cette opération des dents de sagesse ! Non ! Je n’avais pas mérité qu’en guise de crème glacée – promise mais désespérément absente – une infirmière m’ait apporté un pain de glace enveloppé dans une charlotte ! Avec des poils pris dedans ! Ou des cheveux, j’avais jamais pris le temps de bien détailler !


Une charlotte, maman ! Encore un bon trait d’humour ! Rââââ !


Et je n’avais pas mérité la prodigieuse embrouille dans laquelle j’étais plongée jusqu’au cou !


Trop écœurée et fatiguée pour parler, je n’ajoutai rien, saisis mon verre, et me rendis dans ma chambre pour m’écrouler sur le lit. J’en étais là, à regarder sans les voir les mouches voler autour de mon lustre, quand ma petite sœur Justine entra sans frapper.



Je lui jetai un regard vide.



Même regard hébété.



Elle braqua son regard dessus, et j’aperçus en même temps qu’elle la grosse enveloppe en papier kraft.



Puis elle sembla se rendre compte qu’un « pssshiiittt » discret détonnait dans le calme de la pièce.



Elle leva les yeux au ciel, et n’ajouta rien. Ce dont je lui fus gré. Je m’extirpai du lit avec difficulté, puis saisis la grosse enveloppe.


Première surprise, c’était plutôt lourd. Pas d’adresse d’expéditeur. Tiens. Bizarre. Rapidement, je jetai un œil sur l’adresse figurant sous le nom du destinataire (moi), écrite à la main. Je ne reconnaissais pas l’écriture. En plus, il y avait une faute à mon nom. J’allais l’ouvrir quand mon portable se mit à vibrer, dans ma poche. Je le sortis, un peu nerveuse.


C’était Vincent.



Elle tira une tête d’enterrement, mais s’exécuta, visiblement de mauvaise grâce. Une fois la porte fermée, je décrochai le téléphone :



Je déglutis avec peine.



Quelle gourde je pouvais faire parfois ! Les mots s’étranglaient dans ma gorge serrée.



Non. Pas tellement. Gros malin.



Je ne savais pas trop quoi lui dire. Mince alors. En tout cas, pas la vérité. Ou du moins, pas l’entière vérité. Et sans que je puisse le retenir, le mensonge fusa de ma bouche…



Il y eut un gros, gros silence.



Et j’eus l’impression qu’il ne me croyait pas. Instant de flottement. Vers dans le bide.



Sa voix s’était faite caustique. Je décidai de m’asseoir, les jambes en coton. Ma voix à moi trembla lorsque je lui répondis :



Là, c’était l’apothéose. Je m’étais fait lourder par ce mec comme une pauvre conne, quelques mois plus tôt. Hier, il avait insisté pour qu’on remette ça, et BINGO, qui se prenait tout dans la tronche ? Charlotte. Reine des andouilles. Ça s’appelle l’effet boomerang. Ou l’effet boom, pour faire plus simple. Boom. Dans ma figure.


Une petite voix me souffla alors, traîtreusement : Tu n’avais qu’à dire la vérité ! Ça te changerait ! Ça me fit penser à "tronche de cane", dans Quatre mariages et un enterrement. Eh bien voilà, j’allais peut-être rester une tronche de cane tout ma vie, à présent. L’éternelle amoureuse incomprise.


Et la colère me prit, d’un seul coup. Sans prévenir. Je me relevai, véhémente.



Parce que je n’en avais pas d’AUTRE, petit con, pourquoi faut-il toujours que vous croyiez tout ce que l’on vous raconte, vous les hommes !


Je poussai un soupir. Ma colère s’était envolée. Je retombai comme un poids mort sur mon fauteuil de bureau, avec un boumfff peu seyant.



Il y eut un autre silence, lourd, à l’autre bout du fil. Une foule d’émotions contradictoires bourdonnait dans ma tête. À moins que ce ne soit les mouches qui continuaient leur ballet entêtant autour du lustre.



Et il raccrocha. D’un coup. De rage et de désespoir, les larmes me montèrent aux yeux.


Mais si, j’avais quelque chose à te dire ! Je t’aime, espèce de crétin !


Fallait-il être bouché pour ne pas s’en rendre compte ! Je pris un kleenex et me tamponnai les yeux, reniflant régulièrement. J’avais envie de crier, de tout saloper avec des gros mots bien sentis ! Ah, comme j’avais envie de me laisser aller à ma peine, à ma rage !


Je respirai profondément, tentant de me calmer. Eh bien voilà. Je me l’étais avoué, finalement. J’étais amoureuse d’un bourreau des cœurs. Et j’avais couché avec un homme marié, le père de ma meilleure amie. Et elle, je l’avais espionnée. Tout allait bien dans le meilleur des mondes.


De longues minutes passèrent jusqu’au moment où je pus enfin redevenir maîtresse de moi-même. Mon regard embué s’égara alors sur l’enveloppe marron qui m’attendait toujours, comme abandonnée, sur mon bureau. Je la pris d’une main qui tremblait un peu, et la décachetai fébrilement. La surprise me fit écarquiller les yeux. À l’intérieur, du papier-bulle, et un CD. La couverture de la jaquette augmenta ma stupéfaction. Il y était écrit, sur du carton blanc :


Be my Valentine



Et rien d’autre. J’étais dévorée de curiosité. J’ouvris le boîtier, sortis le CD gravé, et le posai sur la platine laser de ma chaîne hi-fi. Sur le petit écran LCD fut indiqué qu’il y avait 8 titres. Puis j’appuyai sur "play". Je me demandais vraiment ce que j’allais entendre. Les premières notes d’une chanson commencèrent et j’eus un coup au cœur. Je me sentis pâlir.


C’était "My Funny Valentine" de Sarah Vaughan. Pas le titre studio. Mais le live. Rare. Magique. Et bouleversant. Je sentis mon cœur se serrer. Cette chanson signifiait tellement, pour moi. Elle avait été notre lien, à moi et à mon premier amour. Nous l’avions repassée en boucle, ce soir-là, le soir où je lui avais offert mon corps pour la première fois. Amoureuse, troublée… perdue. Et désespérée. Depuis son départ, je ne l’avais écoutée qu’une seule fois. Mais l’entendre à nouveau, sans lui, m’avait brisé le cœur, et j’avais soigneusement rangé ma cassette audio dans un coin.


Et elle était là, gravée sur le CD qu’un inconnu m’avait envoyé. Elle m’inondait à nouveau, sans préliminaires. Je n’avais pas eu le temps de tirer mon parachute. C’était encore une fois la chute libre. Cinq ans s’étaient écoulés, et pourtant je me sentais toujours aussi mal à l’écoute de cette chanson.


J’éteignis immédiatement la chaîne hi-fi. Je n’avais pour l’instant pas le courage d’écouter le reste du CD. Je restai immobile, laissant les larmes couler sur mes joues.


Mais qui ? Pourquoi ?


Des pensées fragmentées, comme folles, se bousculaient en moi. Je me sentais totalement paumée. Et d’un geste absent, je pris mon verre et avalai précipitamment mon aspirine.



* * *



Je descendis du bus, remontant mes lunettes de soleil sur mon nez. Le boulevard Béranger était bondé. On était mercredi et le marché envahissait la grande rue en une foule de tentes bariolées. Je consultai rapidement ma montre. J’étais un peu en retard. Je pressai le pas, tournai dans une rue perpendiculaire, la remontai presque en courant. Lorsque j’arrivai devant le CESR, mon cœur battait la chamade, et une mèche folle s’était échappée de mon chignon. Je poussai la lourde porte en bois de l’entrée, longeai la bibliothèque, puis entrai dans le Centre. Une secrétaire me fit un grand sourire.



Elle parut surprise.



Et merde. C’était bien ma chance.



Elle eut un sourire contrit.



Groupmmf. Ça, c’est ce que tu crois, pensai-je en quittant d’un bon pas le Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance. Je ruisselais de sueur. Le soleil tapait fort. Il était dix-sept heures, et ma robe légère me collait à la peau depuis neuf heures du matin. Mes lunettes n’arrêtaient pas de me glisser sur le nez. Je les remontai du doigt, pour la énième fois.


J’étais tentée de me faire une petite séance shopping rue nationale, mais mon porte-monnaie faisait déjà grise mine. Et dire que j’avais raté une journée de boulot pour ce rendez-vous manqué ! Il ne me restait plus qu’à rentrer chez moi.


La rentrée approchait à grands pas. Et mon dossier de thèse n’avançait pas… Tout comme mes histoires de cœur, d’ailleurs. Dix jours s’étaient écoulés depuis cet édifiant week-end. Vu les catastrophes que je pouvais générer en seulement quelques heures, j’avais préféré rester dans la grande ville de T. depuis. Tronche de cane allait maintenant vivre en recluse. Plus de sexe jusqu’à ce que j’aie terminé mon mémoire.


Mon portable émit une joyeuse sonnerie et je le sortis de mon sac à main, sans cesser de marcher. J’avais hâte de rentrer prendre une douche. Je collais de partout.



J’éclatai de rire. C’était bien ma Pauline, ça. On s’était déjà parlé le matin même, mais il fallait toujours qu’on se rappelle deux ou trois fois dans la journée.



Je lui répondis par la négative. On papota encore un moment, puis je la laissai. Dix minutes après, j’étais arrivée chez moi. Ma chambre était petite, mais au moins j’avais tout ce qu’il me fallait. Je me dirigeai directement vers ma bécane et l’allumai, tout en laissant tomber ma pochette et mon sac à main sur mon lit. Je mis mes lunettes de vue, indispensables quand je consulte l’ordinateur.


J’ouvris tout de suite ma boîte e-mail. Évidemment, pas de message de mon prof. Puis mon œil capta le mouvement des petits bonshommes MSN, en bas de l’écran. Une petite fenêtre surgit dans un bip. J’avais un nouveau message. Je cliquai dessus et ma boîte de réception s’ouvrit. Mon cœur se serra. Message de Jean-Philippe Mailland. Je cliquai sur "lire" :


Reviens-tu ce week-end ? Ma femme sera chez des amis, et comme tu le sais, Pauline déménage… J’ai hâte de te revoir.

Jean-Phi.



Je déglutis avec peine. Olalala. Voilà qu’il recommençait. Mais je décidai d’ignorer ce message. J’avais bien assez à faire avec tout le reste. Une autre petite fenêtre s’ouvrit d’un coup. Merdeu. Vincent venait de se connecter. Je vérifiai rapidement mon statut, et poussai un juron. J’étais marquée en ligne. Et si je me déconnectais maintenant, qu’allait-il en penser ? Tant pis ! J’allais le faire, quand une fenêtre orange clignota dans la barre des tâches. Flûte ! Trop tard !


Salut !


J’hésitais encore. Et si je me déconnectais quand même ? Vincent revenait déjà à la charge.


Tu es tjrs là ?


Pfff. Bon. De toute façon, la journée avait été pourrie. Alors perdue pour perdue… Allons-y pour les amers reproches. Et plus, si affinités…



  • — Oui oui… Tu vas bien ?
  • — Ça va ! Et toi ?
  • — Bien
  • — Seulement bien ?
  • — C déjà ça
  • — Oui, bien sûr… pas 2 nouvo amant depuis 2 semaine ?


Je ne répondis pas tout de suite. Je commençais à trembloter de partout. Pourquoi avait-il fallu que je tombe amoureuse d’un mec aussi libertin qu’un don Juan ?



  • — Non
  • — Pkoi ?
  • — Ça t’intéresse vraiment ?
  • — Tout en toi m’intéresse


Ma respiration se bloqua quelque part entre mes poumons et ma gorge. Puis j’expirai un bon coup. Il fallait que je garde les idées claires. Il ne fallait pas que je pense à lui, si proche… oh, seulement vingt minutes à pied et moins, en voiture, hein ? Peut-être cinq minutes, dix si je me prenais tous les feux rouges…



  • — C pas vrai
  • — Comment pourrais-tu le savoir ?
  • — Je le sé c tout
  • — Tu lui as dit, pour nous ?


Mes doigts s’immobilisèrent sur le clavier. Puis je remontai mes lunettes, nerveusement.



  • — De quoi parles-tu ?
  • — De ton autre mec
  • — Je n’ai pas 2 mec… je ne suis avec personne
  • — Bien sûr que si, tu es avec quelqu’un… moi, pour commencer


Alors là, c’était trop fort. Je me levai brusquement, commençai à tourner en rond dans ma chambre. Ouvris le frigo, me servis un jus d’orange. Le goulot cliqueta contre le rebord de mon verre, tant je tremblais. Il fallait que je me calme.


Il. Fallait. Que. Je. Me. Calme. Tout n’était peut-être pas perdu, finalement. D’un œil anxieux, je vis la petite fenêtre orange clignoter. J’emportai mon verre et me rassis devant mon ordinateur.



  • — Tu es toujours là ?
  • — Oui
  • — …
  • — Je ne sé pas quoi dire… on est à nouveau ensemble ?
  • — Qu’en penses-tu ?
  • — Je sé pas
  • — …
  • — Tu me prends au dépourvu
  • — Tu lui as dit ou pas, pour nous ?
  • — Il le sé
  • — Il n’est pas jaloux ?
  • — Pas vraiment non…
  • — Alors il ne tm pas… ;)


Bon. Réponse clé. Il fallait se la jouer serré. Je bus une grande rasade de jus d’orange, regrettant de ne pas avoir de whisky sous la main.



  • — Et toi, t jaloux ?
  • — …
  • — Réponds stp
  • — Je sé pas
  • — Ok


Merde. Je savais qu’il n’allait pas le dire. Ce mec-là ne s’attachait pas. Il fallait que j’arrête de rêver.



  • — Tu as ta cam ?
  • — Heu… oui
  • — Tu veux la connecter ?


Je me précipitai dans la minuscule salle de bain, allumai le néon. Je me regardai d’un œil critique dans le miroir, puis me passai un gant de toilette rincé à l’eau froide sur le visage, et dans le cou. Ouff. Ça allait mieux. Mais ma bouffée de chaleur m’inondait toujours. Hélas, je ne voyais pas trop comment m’en débarrasser.


Je revins devant l’ordi.



  • — Ok pr moi
  • — Ok


Les images chargèrent en même temps, et il m’apparut le premier. Il faisait sombre, chez lui. Il avait dû fermer ses volets, à cause de la chaleur. Il avait l’air un peu fatigué. Mais ses yeux bleus s’accrochèrent aux miens, comme s’il me regardait vraiment. Puis il tourna la tête vers son écran, et je devinai que je venais d’apparaître.



  • — Coucou
  • — … coucou
  • — Tu es très jolie… tu as bronzé 1 peu, non ?
  • — 1 peu
  • — Bon, on en était où ? Ah oui… à nous
  • — Nous ?
  • — Tu n’as pas envie ?
  • — Je sé pas encore… tu es vraiment trop salo, parfois


Il fit une grimace à la cam.



  • — Oui je sé. Mais tu me plé trop Charlotte… On peu pas en rester là c pas possible
  • — J’en sé rien… on est bien amis, aussi
  • — Te fiche pas de moi… on a fait l’amour !


Et là, je lançai un regard noir à la cam.



  • — Oui ! Je sé
  • — Tu regrettes ?


Eh bien voilà. Nous y étions. À cet aveu qui me faisait mal depuis des jours. Et que je redoutais tant.



  • — Oui
  • — Pkoi ?
  • — Parce que tu ne m’M pas


Il y eut un long moment de solitude où rien ne vint. Je tournai les yeux vers lui, et vis qu’il semblait réfléchir.



  • — On a pas besoin d’aimer une personne pour la désirer
  • — …
  • — Charlotte, je peu te poser une question indiscrète ?


Bon sang. Faites qu’il me demande si je l’aime moi. Que je lui dise enfin la vérité, que ça lui fasse peur, et qu’il me lâche les basques, histoire que je puisse guérir de ce mal inopportun…



  • — Oui…
  • — C’était qui, ton autre rancard ?


Pfffou. Et voilà. Encore et toujours l’orgueil du mâle atteint dans son ego.



  • — Comme si j’allé te répondre !
  • — Pkoi pas ?
  • — Parce que. Ne cherche pas, je ne diré rien à ce sujet
  • — Je crois que tu mens


Hein ? Une bouffée de rage m’envahit. Parce qu’il avait raison, bien entendu. Enfin. Pas tout à fait.



  • — Crois ce que tu veux
  • — C pas ton genre de collectionné les mecs comme ça
  • — Je ne collectionne rien et surtout personne. Je suis avec personne. Ce qui est arrivé il y a 10 jours était une grosse erreur. Avec toi. Avec lui.
  • — Je te désire Charlotte
  • — …
  • — Ne crois pas que c un jeu… en fait je sé pas tro ce que je fais, là… mais en tout cas je ne me moque pas de toi
  • — M’en fiche
  • — C’est faux, et tu le sé
  • — …
  • — Jm ta peau… tes seins… ta bouche… jm t’embrasser, jm te toucher… te sentir trembler contre moi…


Oui mais tu ne m’aimes pas moi ! J’étais très troublée par ses paroles. Je n’osais plus le regarder. J’avais peur de son regard brûlant.


Jm te regarder jouir… jm mettre ma langue dans ton intimité, te lécher doucement jusqu’à ce que je sente ton clitoris gonflé et mouillé de plaisir…



Deux plaques rouges me montèrent au visage. Je n’y croyais pas. Il était en train de faire quoi, là ? Je le regardai enfin. Il fixait la cam, sans sourire, si bien que j’avais l’impression que son regard glissait jusqu’au fond de moi… Son expression neutre contrastait étonnamment avec ses paroles. Ça me troubla davantage encore. Il avait l’air totalement sérieux…



  • — Tu te souviens 2 notre première fois ?
  • — … oui…
  • — Je t emportée sur mes genoux, et je t longuement embrassée sur la bouche… puis sur les seins… jusqu’à ce que tu te renverses en arrière avec un gémissement… je me souviendré toujours de ce cri, l’expression d’un désir intense…
  • — M’en souviens pas
  • — Puis je me suis penché sur toi, j’ai caressé ton ventre avec mon souffle, avec mes lèvres… ensuite je t pris tout contre moi, et je t portée jusqu’au lit… ça tu t’en souviens ?
  • — …
  • — Je t couvert de caresses. Tu te tortillé contre moi, tu metté ta bouche partout sur mon corps… et quand jai ouvert tes cuisses pour te pénétrer, tu m’as lancé ce regard farouche… je t’avais conquise, ma belle Charlotte… tu étais à moi… et je t fait l’amour avec cette sauvagerie que tu m tant…
  • — Oui. Et tu as recommencé plusieurs fois… avant 2 me jeter comme une merde.
  • — G fait une erreur. G paniqué. Je ne voulé pas te faire 2 mal.
  • — C toi qui le dis…
  • — Crois-moi… sinon, pkoi t’aurais-je fait l’amour à nouveau, l’autre soir ?
  • — Pour être sûr que je t’appartiens toujours ?


Je jetai un œil sur l’image. Et n’en crus pas mes yeux. Il s’était déshabillé ! Je ne voyais plus que ses larges épaules nues, bronzées, qui luisaient doucement à la lueur de son écran. Il me souriait.



  • — Vilain ! Pkoi t’as fait ça !
  • — J’ai très cho… il fait 30 degrés chez moi…
  • — Mouais
  • — Et toi, t’as pas cho ? C’est quoi ce petit haut à bretelles ?
  • — Mêle-toi de ce qui te regarde
  • — Justement, je te regarde… je n’ai d’yeux que pour toi… allééééé, dis-moi ce que tu portes !
  • — Bon… une robe
  • — Comme celle que je t’ai arrachée l’autre jour ?
  • — Tout comme
  • — Mmmm… et maintenant, tu vas l’enlever ?


Encore une fois, je le fixai par cams interposées. Il souriait, ses yeux bleus brillaient de désir. Bon. Après tout, je ne risquais rien. J’étais chez moi. Il ne pourrait pas me sauter dessus, cette fois. Je me levai rapidement, allai fermer les volets de ma chambre. Puis je me mis devant la cam.


Je fis glisser une bretelle de mon épaule. Puis la deuxième, et je tirai enfin sur le haut de ma robe, révélant à la cam ma poitrine moulée dans un soutien-gorge violet Aubade. Il m’avait coûté les yeux de la tête, et j’étais bien contente de l’avoir mis ce jour-là.


Vincent me regarda un long moment, un demi-sourire aux lèvres. Je savais ce qu’il pensait. Que c’était dans la poche, avec moi. Et ça me mortifiait.



  • — Tes seins sont tellement beaux… mais je les vois pas très bien… il y a un truc devant…
  • — Comme c’est dommage…
  • — Tu veu pas le retirer ?
  • — Tu n’as qu’à enlever ce que tu portes, toi
  • — …
  • — Eh bien vas-y, chacun son tour après tout
  • — (plaintif) Mais je nai rien sur moi !
  • —  ?? Tu veux dire que tes tout nu ?
  • — Ouiii… et je suis cho… chooo comme la braise


Malgré moi, j’éclatai de rire. Et dégrafai mon soutien-gorge en deux temps trois mouvements. Mes seins ronds, libérés, semblèrent s’épanouir comme des fleurs au soleil. Puis je m’assis. Vincent écarquilla les yeux et fit semblant de hurler à la lune. Je ris à nouveau. Ça me détendait, de plaisanter avec lui.


Après ce qu’il m’avait sorti, je mouillais allègrement dans mon string. Mes fesses collaient au cuir du fauteuil. J’avais extrêmement chaud, moi aussi, d’un seul coup. Je me levai, et descendis ma robe le long de mes cuisses. Vincent – évidemment ! - ne perdit pas une miette du spectacle. Puis je me rassis, un sourire moqueur aux lèvres, lui cachant la vue de ce qu’il désirait tant.


Du rire, nous passâmes subitement au désir, quand je lus :


Jm tes seins ils sont magnifiques… g tellement envie de les toucher… touche-lé pour moi, ma douce Charlotte…


Je rougis, mais m’exécutai. Tout en regardant la cam, je commençai à frôler mes tétons, puis fermant les yeux un instant, pris mes seins à pleines mains. Ils se dressèrent sous la caresse, je fus parcourue d’un long frisson. Moi aussi j’avais très envie qu’il soit là… et je commençais déjà à visualiser les clés de ma voiture, et le peu de kilomètres qui me séparaient de Vincent…


Je n’écrivais plus, trop occupée à me caresser. Seul Vincent continua notre conversation qui basculait lentement mais sûrement dans l’érotisme.


Tu me plais, ainsi, naturelle, comme abandonnée… ta peau brille, t lèvres gourmandes s’entrouvrent… tu fais tellement sérieuse avec t lunettes, alors qu’en réalité, t’es si chode… est-ce que tu as envie de descendre tes mains plus bas ?


Je ne répondis pas. Tout en fixant droit devant la cam, j’effleurai mon ventre, puis descendis mes mains au sous-sol où, fourrées dans mon string humide, elles prirent possession de mon intimité. Un rapide coup d’œil m’apprit que Vincent n’avait plus les mains sur le clavier, lui non plus… Il fermait les yeux, et je voyais son bras droit s’agiter…


Bouleversée par cette vision, les pensées embrumées par le désir, je me renversai contre le dossier du fauteuil, et joignis les jambes pour faire glisser mon string. Vincent rouvrit les yeux à ce moment-là, et vit le string enroulé sur lui-même, que je lui présentais d’un doigt juste devant l’objectif de la cam. Sans cesser le mouvement de sa main droite, de la gauche il tapa maladroitement quelques mots sur le clavier.


T si jolie je voudré te prendre là tout de suite tu me rend fouuu… imagine mes doigts sur ta po, glisse ta main dans ton sexe mmmm…


Ce que je fis, écartant mes cuisses. Mon cœur tambourinait comme un fou dans ma poitrine. Mon corps était tendu. Ma chatte humide de désir s’ouvrit toute seule sous la poussée de mon majeur, et je l’enfonçai en moi dans un gémissement sourd. Vincent ne tapait plus rien, il se concentrait sur le spectacle que je lui offrais. Et sur ce qu’il se faisait en me regardant…


D’une main, j’abaissai la cam pour lui montrer ce que je faisais entre mes cuisses. Quand soudain, plus rien ! J’avais été déconnectée ! Boom !


Je me redressai immédiatement, très fâchée d’interrompre ainsi une si belle ouverture… oups, aventure.



Râââ !Je n’avais plus internet. Je regardai ma Livebox. Eh bien voilà. La ligne était en travaux !


Cette fois, j’y croyais à fond, au Karma justicier ! Tronche de cane était renvoyée dans son placard, illico presto… Je balançai un poing rageur sur mon bureau, et filai sous la douche, frustrée, tourmentée… et toujours dévorée de désir.


Mon téléphone sonna…