Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 13866Fiche technique32275 caractères32275
5429
Temps de lecture estimé : 22 mn
17/05/10
Résumé:  Alors que la vie semble reprendre son cours normal à bord du Souffle Étoile, de dramatiques événements guettent nos héros...
Critères:  #nonérotique #sciencefiction fh
Auteur : iam.knowbodies            Envoi mini-message

Série : Errances

Chapitre 06 / 15
Assassins

Résumé


La vie à bord du Souffle Étoile a été bouleversée. L’astronef a été pris en chasse par un autre vaisseau, et de façon particulièrement sérieuse en plus, sur deux Surfs consécutifs. Il ne s’en est tiré que de justesse, grâce à une manœuvre désespérée de son deuxième Pilote, Ardent Astrenoir. Manœuvre interdite car trop dangereuse, ce qui le pousse à demander à sa compagne Braise Astrenoir, experte en systèmes informatiques de tous poils, de l’aider à dissimuler ce Transfert entre deux Vagues aux yeux de tous.


Le capitaine du bord et oncle adoptif des deux jeunes gens, Oscar Astrenoir, décide alors de « changer d’air », et ils voyagent jusqu’au secteur Dragan – ce qui donne à Ardent une nouvelle occasion de démontrer ses talents de Pilote.


Parallèlement, Braise s’est fait surprendre par Ardent en pleine activité intime et sensuelle. Cela libère chez les deux jeunes gens de lubriques démons – et pourquoi pas, après tout ? Ils ont été élevés comme frère et sœur, mais ne partagent aucun lien de parenté biologique. À leurs fréquents entraînements aux arts martiaux, s’ajoutent donc maintenant des joutes de plus en plus torrides…


***



Encore une fois confinés à bord. Privés de grand air à la surface d’une planète, avec un horizon indéfiniment éloigné, un ciel immense, quelques nuages, une petite brise… Certes, les première fois, ils en avaient profité pour faire l’amour, mais cela ne remplaçait pas la découverte d’un autre monde, le contact avec ses habitants… Ardent prenait les choses avec philosophie, mais les yeux émeraude de sa compagne ne décoléraient pas.


Oh, ils avaient tout à fait compris les raisons pour lesquelles Oscar leur avait interdit de se montrer sur toute planète d’une certaine importance. Ils ne pouvaient nier que leurs physiques atypiques les rendaient très repérables. Non, le problème, c’était que leur notion de « planète d’une certaine importance » ne correspondait pas tout à fait à celle de leur oncle adoptif.


Depuis six semaines qu’ils avaient atteint le secteur Dragan et repris tant bien que mal leurs voyages commerciaux, il ne les avait emmenés au sol que lors de l’une de leurs cinq escales, et le système n’était qu’une pauvre colonie désertique qui végétait depuis plusieurs décennies, incapable de se développer. Bref, un bon bol d’air – plus que mérité après plus d’un mois dans l’espace –, mais une escale dans l’ensemble plutôt frustrante.



Un regard rubis chargé de reproches se posa sur elle.



Après un petit silence, la jeune fille reprit, sautant du coq à l’âne :



***




***



Alors qu’ils suivaient l’approche de la navette, Braise et Ardent furent soudain éblouis par un mince trait de feu bleu qui se matérialisa une fraction de seconde dans la haute atmosphère, venant heurter de plein fouet le véhicule d’Oscar.


Qui se transforma aussitôt en une énorme boule de mort incandescente.


Sur la passerelle du Souffle Étoile, le temps semblait s’être figé. Émeraudes et rubis, immenses de stupeur et d’incrédulité, fixaient l’écran qui continuait impitoyablement à leur infliger ces images de cauchemar.


Lentement, une pensée se fraya un chemin dans leurs deux esprits intimement liés : un laser. C’était un tir de laser ! Ce fût Braise qui réagit la première.



Alors qu’il commençait à s’installer, encore sous le choc, l’ordinateur de bord leur signala l’ouverture d’un canal radio :



***




***



Braise ne fût pas vraiment prise par surprise, cette fois. D’une part, elle avait senti chez son compagnon une très forte résolution, juste avant qu’il ne s’isole dans ce qu’ils appelaient maintenant sa « transe du Surf ». D’autre part, il était évident qu’ils ne sèmeraient pas leur poursuivant par un simple Surf, aussi complexe et long fût-il. Ce fut donc avec un certain fatalisme qu’elle assista au second Transfert d’Ardent. Ce à quoi elle ne s’attendait pas, c’est qu’il en sorte frais comme un gardon !


Lorsqu’il se fut extrait de sa console, il lâcha dans un pauvre sourire :



Ils restaient à se regarder, flottants face à face, rattrapés peu à peu par le drame, maintenant que la bouffée d’adrénaline qui leur avait permis de réagir se dissipait. Des larmes commencèrent à perler aux coins de leurs yeux, sans bruit, croissant doucement.



En silence, partageant une douleur de plus en plus écrasante, ils remontèrent dans le tore de vie. Arrivée à sa cabine, Braise s’accrocha soudain à Ardent. Il comprit et la suivit chez elle. Toujours en silence, leurs émotions pour l’instant au-delà des mots, ils se déshabillèrent et se glissèrent dans son lit, avant de sombrer dans un sommeil comateux, étroitement enlacés.


Plus tard, ils se réveillèrent, leurs deux corps nus serrés l’un contre l’autre se réchauffèrent, commencèrent à se caresser doucement. Les yeux toujours humides, ils firent l’amour, tout en douceur, comme pour réaffirmer la puissance de la vie face à la mort.


Au matin, ils étaient suffisamment rassérénés pour pouvoir se préoccuper de leur nouvelle situation. Ils commencèrent par contrôler leur position et, comme on pouvait s’y attendre, ils découvrirent qu’ils avaient émergé en plein espace intersidéral – sans pour autant avoir quitté le secteur Dragan. Ils essayèrent ensuite d’analyser, avec tout le détachement dont ils étaient capables, les dramatiques événements de la veille. Finalement, Ardent résuma le fruit de leurs cogitations ainsi :



Mais ils eurent la surprise de découvrir sur le système de leur oncle adoptif un message vidéo, simplement protégé par une question à laquelle ils étaient à priori les seuls à pouvoir répondre :



» Tout d’abord, félicitation, le Souffle Étoile et tout ce qu’il contient vous appartient à tous les deux. Vous trouverez dans cette cabine tous les documents nécessaires pour faire valider ça par l’administration spatiale. Je pense que ça vous permettra de vous en sortir.


Un petit silence suivit, Oscar semblait chercher ses mots. Puis il reprit :



« Cela faisait déjà une petite vingtaine d’années que je roulais ma bosse à travers la Galaxie en tant que marchand, mais ma jeunesse militaire m’a aussitôt permis d’identifier l’épave comme ayant été un petit croiseur des forces de l’Human Union. Pour tout vous dire, j’ai failli me barrer aussi sec, tellement cette carcasse suintait les emmerdes ! D’abord, elle était manifestement totalement désarmée. Or, je vais probablement vous apprendre qu’un obscur point du règlement de l’HUF stipule qu’un vaisseau sans armement est assimilé à un véhicule civil – autrement dit, il n’est plus du tout soumis aux contrôles de la grande muette, notamment en ce qui concerne ses déplacements. Inutile, je pense, de vous décrire les utilisations détournées qui sont faites de ce règlement… »

« Mais le pire, c’est ce que j’ai découvert lorsque je me suis quand même décidé à aller examiner l’épave de près – sa destruction n’avait rien de naturel, bien au contraire : quelqu’un l’avait soigneusement fait exploser de l’intérieur, piégeant l’engin de telle manière que l’équipage n’ait aucune chance de s’en sortir. Il ne restait d’ailleurs pas beaucoup de corps à bord, la plupart ayant été éjectés par les brèches au moment de la dépressurisation ».

« Alors vous imaginez mon émotion quand j’ai découvert deux nacelles d’hibernation, intactes, dans une des soutes. Et, une fois ramenées à bord du Souffle Étoile, j’en ai sorti deux très jeunes enfants, une petite fille aux cheveux flamboyants, et un petit garçon déjà plus blanc que neige – tu m’as d’ailleurs pas mal inquiété, au début, Ardent… ».

« Voilà pour ce que je sais. J’ignore tout de votre histoire avant cette heureuse rencontre, et je ne vous infligerai pas d’inutiles spéculations. Je me contenterai de souligner vos particularités : votre physique est étrange, votre santé semble inexpugnable – même la « langue de feu » qui a balayée la Galaxie il y a une dizaine d’années, s’y est cassé les dents –, et puis il y a cette espèce de… complicité incroyable qu’il y a entre vous. Parfois, j’ai l’impression d’avoir en face de moi un seul esprit dans deux corps. Vous n’en parlez jamais, alors continuez à garder cette chose secrète, quelle qu’en soit la nature ».

« Tout ça pour essayer de vous expliquer pourquoi je ne vous en ai pas parlé plus tôt. En un mot, je voulais nous protéger. Protéger l’étrange famille que nous avons fini par former, protéger votre prime et fragile jeunesse… et, je dois le reconnaître, protéger ma « retraite ». J’espère – et je pense – que vous comprendrez ».

« Malheureusement, je crois que la période de paix est terminée. « Ils » ont quand même réussi à retrouver votre trace. Le mystérieux vaisseau qui nous a poursuivis l’autre jour m’a tout l’air de jouer dans la même catégorie que celui qui vous transportait il y a vingt ans. Le passé vous rattrape, c’est pour ça que je fais cet enregistrement. Au cas où je disparaîtrais avant d’avoir trouvé le courage de vous en parler. Parce que je ne me fais pas beaucoup d’illusions : vous, ils vous veulent vivants. Mais moi… j’ai suffisamment côtoyé ce genre de milieu à certaines époques de ma vie pour savoir que les « témoins gênants » y disparaissent très facilement ».

« Enfin, je me fais peut-être des idées. Qui sait, c’étaient peut-être de simples pirates un peu plus coriaces que les autres ? Quoi qu’il arrive, je tiens à vous dire que vous aurez vraiment été le plus beau cadeau de ma vie. Vous former, vous préparer à affronter la vie, c’est vraiment la chose la plus merveilleuse qu’il m’aura été donné de faire. Et ne soyez pas trop tristes, à mon âge, la mort est dans l’ordre des choses. Je l’envisage sans plaisir, mais non sans une certaine sérénité ».

« Ah, au fait, j’ai l’impression que vous êtes devenus encore plus… intimes, depuis quelques semaines. Vous êtes restés très discrets, mais vous connaissez le dicton, ce n’est pas à un vieux singe… Bref, si c’est le cas, j’en suis très heureux pour vous. Cela vous aidera peut-être à affronter l’avenir ».

« Et maintenant, il est plus que temps de conclure cet inconfortable exercice ! Je vous ai dit tout ce que je savais, à vous de décider que faire de ces informations. Adieu, et bonne chance ! »


Après avoir surmonté l’intense émotion causée par le message posthume de leur oncle adoptif, les deux jeunes gens discutèrent longuement de ces nouvelles données. Ils finirent par en conclure que, mis à part les détails concernant leur « adoption », ils n’avaient pas appris grand chose. Oscar semblait persuadé qu’ils étaient les cibles principales de cette chasse, mais ses arguments, pour convaincants qu’ils soient, n’étaient pas des preuves. Seul fait établi : ils avaient affaire à un adversaire particulièrement décidé et disposant de gros moyens.



Il leur restait cependant quelques détails à régler avant d’entamer cette nouvelle migration. Tout d’abord, ils refirent un Surf factice pour falsifier derechef les journaux de bord. Puis, choisissant une petite station spatiale, ils firent enregistrer la « perte accidentelle d’une navette ayant causée la disparition tragique du capitaine et propriétaire du Souffle Étoile » auprès des autorités spatiales, ainsi que le testament laissé par Oscar.


Une fois ces formalités menées à bien – en un temps record, grâce aux « cadeaux » judicieusement distribués –, ils se dépêchèrent de disparaître du secteur, avant que leur poursuivant ne retrouve leur trace.


***



Trois semaines plus tard, ils attendaient, quelque part dans l’infini du vide spatial. Leur voyage « retour » avait été particulièrement rapide, et Braise avait eu la chance de tomber sur une de ses connaissances dès leur première escale, dans une station spatiale relativement isolée. En plus, cette « amie » avait des contacts haut placés dans le milieu, et si elle ne détenait elle-même aucune information qui puisse les intéresser, elle leur proposa une rencontre avec l’un des « caïds inter-secteur les moins pourris du moment », selon sa propre expression. Un contact en terrain neutre et sûr, évidemment : elle leur transmit simplement des coordonnées, peu éloignées mais perdues en plein espace, et deux dates limites – au vu de l’incertitude des déplacements intersidéraux, même sur d’assez « courtes » distances, un rendez-vous donné sur un laps de temps inférieur à une journée n’aurait eu aucune chance de pouvoir être honoré par toutes les parties…


Ils étaient arrivés à cet étrange rendez-vous vingt-quatre heures plus tôt, et ils patientaient depuis lors, tournant en tous sens les questions qu’il soulevait. On estimait qu’il y avait, au plus, une cinquantaine de caïds inter-secteur dans l’ensemble de la Galaxie occupée par les humains. C’étaient les personnes les plus recherchées par les autorités, les plus discrètes aussi, dans un milieu où la dissimulation était la première règle de survie. Leur position dominante venait de leur réseau d’informateurs. N’importe qui, ou presque, pouvait armer un vaisseau et s’essayer à la piraterie, contrebande et consort, mais sans information valable, c’était l’échec assuré. Et les caïds s’étaient arrangés pour devenir des sources de données colossales et fiables, en un mot : indispensables. Ce qui leur permettait de régner sur la pègre intersidérale.


Rencontrer un de ces individus était donc en soi quasiment impossible. Trouver dans ce ramassis de canailles quelqu’un de « pas trop pourri » était presque aussi irréaliste. En plus, cela n’avait même pas pris une semaine, ce qui ne pouvait signifier qu’une chose : il se trouvait aux abords immédiats, voir carrément dans la même station…



Quelques instants plus tard, un yacht de luxe se matérialisait à moins d’un kilomètre d’eux. Constatant qu’il n’était pas armé, le Pilote se détendit légèrement – sans pour autant quitter son poste, car un adversaire plus dangereux pouvait surgir à tout moment.



Quelques instants plus tard, s’afficha sur l’écran principal de la passerelle… un personnage dessiné en noir et blanc, un homme d’une quarantaine d’années, aussi banal que possible, un léger sourire jouant sur ses lèvres. Derrière lui, un salon tout en coûteuse sobriété se laissait deviner. L’avatar prit la parole :



Ardent avait sorti la tête de sa console, afin que leur interlocuteur puisse également le voir, mais il se tenait près à replonger au moindre danger. Les deux jeunes gens étaient très tendus, inquiets de leur absence presque totale de contrôle sur cette rencontre. Ils avaient donc décidé d’attaquer bille en tête. L’avatar ne parut pas offusqué, il laissa même transparaître un peu d’ironie condescendante dans sa réponse :



Ardent était retourné dans sa console, estimant que l’autre avait largement eu le temps de le voir. D’un commun accord, Braise jouait la porte-parole pour eux deux – ils avaient fusionné leurs esprits dès le début de l’entretient, comme lors de leurs entraînements au combat. D’une certaine manière, c’en était un, face à un adversaire redoutable. Mais ici, l’enjeu en était l’information, et les mots étaient leurs armes.


Décidant qu’ils n’avaient rien à cacher sur ce point, elle fit un récit aussi précis que le permettait leur mémoire, se contentant de passer sous silence le Transfert qui leur avait permis de s’échapper.


Lorsque la voix légèrement étranglée de la jeune fille s’éteignit, un silence lourd d’émotion s’installa. Finalement, celui qui se faisait appelé Le Gris le brisa d’une voix légèrement enrouée :



Maintenant, mes propres données. Il se trouve que le secteur Dragan fait partie de mon territoire, et je peux vous assurer qu’aucun équipage que je contrôle n’était dans les parages. Reste la possibilité d’un flibustier indépendant, mais ils sont très peu nombreux et je connais malgré tout presque toujours leurs déplacements. Si vous avez essayé de vous renseigner auprès de votre contact, c’était pour vérifier que vous n’aviez pas affaire à l’un d’entre nous, n’est-ce pas ?



Leur interlocuteur resta coi pendant quelques secondes, avant d’exploser :



Le silence s’installa un long moment. Puis Le Gris reprit :



Et l’Est’ailes rompit la communication, avant de disparaître presqu’aussitôt. Ardent commenta :



Une fois en sécurité, ils revinrent sur cet étrange rendez-vous et ce qu’il leur avait appris :



Dans le silence qui suivit, une idée germa petit à petit dans leur esprit, jusqu’à devenir une évidence :