Résumé : Le 19 juin 2010, lors d’une soirée en boîte, j’ai rencontré Thylis, une superbe brune avec qui j’ai misérablement baisé, à moitié bourré. Le 22 juin, Xara, une magnifique jeune femme rousse aux grands yeux verts, a débarqué chez moi, en se réclamant venir de mon futur, où Thylis aurait rapporté ma semence à des fins d’études. D’abord parfaitement dubitatif, je suis obligé de me rendre à l’évidence lorsque Xara m’emmène à bord de son temporeur, une machine à voyager dans le temps, jusqu’à son époque, plus de deux mille ans dans mon avenir.
Neuvième lunaison de l’an 539, seconde hexade, 38 h 16 :
J’étais sorti du temporeur juste après Xara ; et debout dans une herbe épaisse, je regardai tout autour de moi avec enchantement. Je ne saurais trop dire à quoi je m’étais attendu, mais le spectacle autour de moi était vraiment grandiose : une vaste prairie fleurie entourée de petites collines, parsemée d’arbres également tous fleuris, et coupée par une rivière dont les eaux limpides s’écoulaient lentement sous un ciel tout ensoleillé.
Trois personnes accouraient vers nous tandis que Xara inspirait à pleins poumons en fermant les yeux, visiblement heureuse de retrouver son "chez-elle".
- — C’est ici que tu vis, alors ?
- — Oui, fit-elle. C’est ici notre jardin. Notre résidence et nos bâtiments se trouvent là-bas, derrière cette colline. Et voici quelques-unes de mes sœurs.
Les trois personnes qui nous rejoignirent étaient en effet trois jeunes femmes, sensiblement du même âge que Xara, peut-être un peu plus jeunes, vêtues, comme elle, d’une simple jupette à bandelettes métalliques.
- — Xara !
- — Tu es revenue !
- — Et tu as réussi !
Toutes trois s’approchèrent de Xara pour visiblement la congratuler. Elles étaient aussi belles que ma guide, délicieuses au regard, bien qu’assez différentes. L’une était blonde au teint pâle, aux yeux bleu azur, aux traits délicats ; une autre avait la peau sombre, des cheveux noirs, un visage fin et de grands yeux verts, comme Xara ; et la troisième était la plus jolie, châtain clair avec des tâches de rousseur tout autour de son nez en trompette ; j’observai l’une après l’autre leurs poitrines nues, ronde et lourde pour l’une, plus petite et plus ferme pour l’autre, et très impressionnante pour la troisième…
- — Oui, j’ai réussi ; j’ai trouvé l’Élu et il a accepté de me suivre.
- — L’élu ? répétai-je, étonné.
- — Qu’est-ce qu’il est beau !
- — Et il a l’air fort !
Les trois nouvelles arrivantes m’observaient en détail des pieds à la tête, me dévorant des yeux.
- — Et vous avez vu ses vêtements ?
Oui, évidemment, j’étais toujours en calebute avec mon vieux tee-shirt. Mais Xara me prit par la main et désigna la rivière voisine.
- — Viens, Gufti, allons nous baigner.
- — Euh… oui… si tu veux…
Mais l’une des jeunes femmes, celle à la peau sombre, sembla contrariée :
- — Non, Xara ; le Conseil vous attend, vous devriez y aller au plus vite.
- — J’ai besoin de me laver, Eloa, reprit Xara. Et Gufti aussi.
Les autres la regardèrent avec suspicion.
- — Vous… vous vous êtes accouplés ? demanda, hésitante, la blondinette.
- — Oui ! Et c’était extraordinaire ! Un plaisir et une extase indescriptibles !
Xara se la racontait un peu ; j’avais l’impression qu’elle avait soudain pris un énorme ascendant moral sur ses sœurs. Mais de mon côté, j’étais plutôt fier.
Suivis des trois jeunes femmes, on fit quelques pas jusqu’au bord de la rivière, où Xara, après s’être dévêtue de sa jupette, entra sans la moindre hésitation. Je mis un pied dans l’eau ; elle était bonne. Ma jolie guide était déjà en train de nager dans le flot paresseux.
- — Allez, Gufti, viens te baigner avec moi.
Je considérai un instant les trois autres nanas ; elles me souriaient tranquillement. Bah… J’ôtai mon tee-shirt et mon caleçon ; leurs trois regards se braquèrent instantanément entre mes cuisses et leurs yeux s’écarquillèrent. En me marrant intérieurement, je leur adressai un petit clin d’œil, puis fis quelque pas dans l’onde avant de plonger pour rejoindre ma naïade.
- — Elle est drôlement bonne, hein ? me cria Xara tandis que je ressortais la tête de l’eau et frottais mes yeux.
- — Qui ça ? rétorquai-je amusé.
Mais elle ne parut pas comprendre ma lourde blague et se remit à nager vers moi. Je me frictionnai brièvement le corps, partout, pour me nettoyer vaguement. Xara vint finalement tout contre moi et m’embrassa fougueusement en plaquant une main sur mon sexe qui voguait au gré des flots.
- — Accouplons-nous encore, susurra-t-elle avec son sourire espiègle.
Je me marrai en l’embrassant encore et en serrant son corps contre le mien ; mes mains sur ses fesses, sa poitrine écrasée contre mon torse, ses grands yeux verts et son sourire malicieux… l’effet était très net : je bandai rapidement à bloc.
Un bras autour de mon cou, l’autre sous l’eau, Xara me branlait fermement. Les trois jeunes femmes étaient entrées dans la rivière à leur tour et nageaient vers nous. Elles s’immobilisèrent tout près de ma compagne et moi, et nous observèrent, cherchant ostensiblement à voir à travers l’eau ce que leur sœur était en train de faire. Cela rajouta encore à mon excitation, et ce fut le délire lorsque Xara, sans interrompre ses caresses, se tourna vers elles et leur suggéra sereinement :
- — Venez toucher comme c’est gros.
L’une après l’autre, sous mes yeux parfaitement ébahis, les trois nymphes vinrent maladroitement refermer une main autour de mon sexe tendu et gonflé à exploser. Et leurs yeux s’écarquillèrent encore. L’une d’entre elles, celle aux tâches de rousseur, s’écria :
- — Oh mais ça doit faire drôlement mal !
- — Meuuuh non ! ne pus-je m’empêcher de lui répondre. Tout dépend de la façon de l’utiliser, et de votre état d’excitation.
- — Gufti dit vrai, la rassura Xara. Tu verras.
Profitant du ridicule de la situation, je risquai :
- — Voulez-vous que je vous montre maintenant ?
Elles se regardèrent toutes trois, incertaines et visiblement hésitantes. Mais Xara trancha, inquiète :
- — Non ! Tu as promis de t’accoupler d’abord avec moi ! Viens, allons sur le rivage, nous y serons plus à l’aise.
Et elle m’entraîna par la main jusqu’au bord de la rivière dont je sortis après elle, avec mon sexe parfaitement tendu sous les yeux intéressés de ses sœurs qui nous suivaient comme nos ombres. Xara s’étendit dans l’herbe, sur le dos et écarta les cuisses en expliquant doctement aux trois autres jeunes femmes :
***
Neuvième lunaison de l’an 539, seconde hexade, 39 h 31 :
Je m’écroulais dans l’herbe, éreinté, entre les corps étendus de Xara et d’une de ses sœurs. J’avais parfaitement épuisé l’une après l’autre les quatre jeunes femmes (hé hé !) et j’avais finalement joui à mon tour en même temps que Jiris – la merveille avec les tâches de rousseur, qui avait peur que je lui fasse mal – avait atteint l’orgasme une seconde fois sous mes assauts.
- — Tu avais raison, Xara, souffla justement cette dernière, c’est vraiment exceptionnel !
- — Oui, confirma Eloa – la belle jeune femme à la peau sombre et aux yeux verts. Tu aurais dû en ramener plusieurs comme lui.
Je me devais d’intervenir :
- — Vous savez, tous les hommes ne sont pas aussi efficaces que moi…
- — C’est vrai, intervint Anya, la blondinette au teint pâle, rappelez-vous ce qu’a dit Thylis.
- — Thylis ? répétai-je en repensant à mon fiasco en boîte trois jours plus tôt.
- — Oui, m’assura Xara, Thylis a rencontré et testé plusieurs mâles et nous a garanti que tu étais parmi les meilleurs.
- — Ben pourtant j’ai pas franchement été brillant, avec elle. Elle était vraiment ravie à ce point ?
- — Elle a dit que tu t’étais accouplé avec elle sur commande.
J’avais honte. Je devais être vraiment bourré, quand même…
- — Mais elle nous avait pas dit que c’était aussi bon, objecta Jiris.
- — Euh… elle est pas super bien tombée, quand même, je pense. En temps normal, elle vous l’aurait dit.
Anya se redressa, se rapprocha de moi et posa ouvertement sa main sur mon sexe qui se ramollissait tranquillement. Et presque déférente, elle me balbutia :
- — Je souhaiterais recommencer, homme. Pourriez-vous regonfler votre organe ?
Je la regardai en explosant de rire.
- — Alors, pour commencer, vous pouvez peut-être m’appeler Gufti, les filles, non ?
- — Non, intervint presque farouchement Xara en faisant une drôle de tronche. Moi seule peux l’appeler Gufti.
Tiens ! Voilà que Xara était jalouse. Ça ne la gênait pas que je baise trois autres nanas, mais par contre, elle leur expliquait bien que j’étais à elle. C’était rigolo, ça…
- — Et « l’Élu » regonflera son sexe plus tard. Nous devons rendre visite au Conseil sans plus tarder.
- — Euh… écoutez… leur expliquai-je quand même en me relevant, ça ne se passe pas exactement comme ça, vous savez ?
Je poursuivis en entrant dans l’eau pour me rafraîchir et nettoyer mon corps encore couvert de transpiration.
- — Il faut souvent quand même un peu de temps entre deux coups, même pour un homme comme moi.
Les filles se relevèrent avec peine et m’imitèrent, venant à leur tour se décrasser dans la rivière.
- — Qu’est-ce qu’un coup ? questionna Eloa.
- — Euh… ce que nous venons de faire. Un coup, une baise… un accouplement, si vous préférez.
- — Mais là vous vous êtes accouplé quatre fois successivement ?
- — Oui mais je n’ai joui qu’une seule fois ; l’explosion finale de plaisir, l’éjaculation… vous comprenez ?
- — Regardez ! beugla soudain Jiris.
Fort à propos, elle était en train d’exhiber un filet de sperme trempé qu’elle avait dû attraper entre ses cuisses en se relevant ou en entrant dans l’eau, et qui lui coulait le long des doigts.
- — La semence ? questionna Xara.
- — Oui, exactement. Eh ben voilà, entre deux coups de semence, il faut parfois plusieurs heures.
Pas très amusée, Jiris essayait de se débarrasser du sperme qui lui collait aux doigts. Les autres la regardaient curieusement.
- — C’est loin, votre Conseil ? demandai-je en achevant de me laver.
- — Non, juste derrière cette colline, m’expliqua Xara, à quelques minutes de marche. Mais nous irons avec le temporeur.
- — On tiendra jamais à cinq là-dedans, assurai-je en désignant son œuf géant.
- — Nous irons seuls ; mes sœurs ne sont pas conviées.
- — Ah bon ?
Je sortis de l’eau ; je n’avais rien pour me sécher d’autre que mon tee-shirt. Mais c’était vrai qu’il ne faisait pas froid. Je m’essuyai vaguement avec et renfilai mon caleçon.
- — Et c’est quoi, exactement, ce Conseil ?
- — Ce sont les sages parmi nos sœurs, m’expliqua Anya. Ce sont elles qui prennent la plupart des décisions qui déterminent la vie collective.
- — Okay. C’est votre Assemblée Nationale, en gros. Mais y a que des femmes ?
Aucune ne me répondit. Je les regardai, l’une après l’autre. Elles étaient en train de remettre leurs jupettes et faisaient toutes soigneusement comme si elles ne m’avaient pas entendu. Je décidai de ne pas insister. Je regardai le ciel parfaitement dégagé ; le soleil était presque au zénith, il devait être pas loin de midi. J’avais mangé y a pourtant pas si longtemps – enfin à ce qu’il me semblait – mais j’avais presque un petit creux.
- — Quelle heure est-il ? repris-je.
- — C’est probablement bientôt la quarantième heure, me répondit tout naturellement Anya.
Je la regardai comme si elle m’avait parlé russe.
- — Tu oublies qu’il vient d’avant le Cataclysme ! la vilipenda Eloa.
- — Le temps ne s’écoule pas tout à fait comme à ton époque, m’expliqua Xara, en prenant grand soin d’appuyer le tutoiement.
- — Comment ça ? On est bien sur Terre, pourtant, non ?
- — Oui mais la Terre ne se comporte pas exactement comme autrefois. Depuis le Cataclysme. Comme dans ton monde, elle tourne autour du soleil et une année actuelle a presque la même durée qu’à ton époque, mais elle ne tourne plus sur elle-même de la même façon ; aussi, ni les heures ni les jours que tu connaissais n’ont de sens ici. Notre calendrier est presque strictement lunaire. Une année comporte douze lunaisons, chacune divisée en hexades, qui comportent à leur tour cent-vingt heures chacune. Et ces heures sont presque les mêmes qu’à ton époque.
Je réfléchissais pesamment.
- — Parce que ? La Lune n’a pas changé son cycle ?
- — En effet, notre satellite a été épargné lors du Cataclysme.
- — Et… c’est quoi, ce Cataclysme ?
- — Une collision sidérale. Un astéroïde s’est écrasé sur la Terre. On estime que plus de quatre vingt dix-neuf pourcents des formes de vie ont été détruites lors du choc ou dans les lunaisons qui ont suivi. L’axe de rotation ainsi que l’orbite de la Terre ont été affectés.
Xara marqua une pause solennelle.
- — Une poignée d’êtres humains ont survécu. Nous sommes leurs descendantes.
Je tentai d’assimiler tout cela.
- — Mais allons-y, le Conseil nous attend.
Elle remonta dans le temporeur et adressa un vague salut aux trois autres jeunes femmes. Tourmenté et toujours pensant à ce qu’elle m’avait dit, j’y montai après elle comme un robot. Machinalement, je saluai également ses sœurs :
Elles me sourirent. La porte se ferma derrière moi.
- — Nous allons encore voyager dans le temps ?
- — Non, seulement dans l’espace. Et de quelques kilomètres tout au plus.
Je m’installai dans le fauteuil tandis qu’elle tapotait sur le panneau de contrôle. La membrane interne se referma sur nous. La coque externe se mit à tourner.
- — Et du coup ? Les jours ne s’éc…
- — Ça y est, nous sommes arrivés.
- — Déjà ?
Je n’avais même pas réalisé que nous étions partis. Elle appuya encore deux ou trois boutons et la membrane transparente puis la porte du temporeur s’ouvrirent. La lumière qui envahit l’habitacle était cette fois-ci très nettement artificielle. Xara descendit du « véhicule » et m’attendit à l’extérieur.
- — Nous voici au sein du Temple. C’est ici que se tient le Conseil et que nous nous réunissons pour prier.
- — Vous priez ? interrogeai-je en descendant à mon tour. Et quels dieux priez-vous ?
- — Je ne sais pas ce que tu appelles « dieux ».
Je n’insistai pas car j’étais subjugué par ce que je découvrais : le temporeur se trouvait au centre d’une pièce plus ou moins circulaire, dont les murs étranges, très hauts, semblaient rayonner d’une lumière iridescente multicolore ; et tout autour de nous, et même au-dessus de nous, plusieurs personnes semblaient virevolter lentement, assises dans des sièges en lévitation qui tournaient dans toutes les dimensions de la salle. Les sièges cessèrent bientôt de girer pour venir s’assembler en cercle autour de nous. Il y avait sept personnes, sept femmes ; c’était sans doute le « Conseil ».
- — Sois la bienvenue devant le Conseil, Xara, dit l’une des femmes d’une voix affable. Et bienvenue également à toi, Homme.
Je regardai ces femmes ; chacune portait un grand vêtement blanc ; la plus jeune avait probablement dans les soixante ans et celle qui avait parlé me parut extrêmement vieille et avait la peau sombre et des yeux blancs laiteux, probablement aveugles. Elles m’observaient toutes, même cette dernière, et me souriaient. Pendant près d’une minute, aucune ne prononça le moindre autre mot. Xara non plus.
- — Euh… merci, risquai-je. Je m’appelle Gufti Shank.
- — Oui, nous savons cela, reprit la vieille aveugle. Mais veuillez excuser notre silence, nous sommes en train de vous étudier.
- — De m’étudier… ah ? bon…
Il y eut de nouveau un long silence, que je respectai scrupuleusement en les observant plus précisément l’une après l’autre.
- — Xara, reprit finalement la toute vieille, je sens que la vie est déjà en toi. Vous n’avez pas perdu de temps.
L’interpellée me parut rougir quelque peu, mais ne dit mot.
- — La vie ? répétai-je en regardant la vieille femme aveugle. Vous voulez dire que…
- — Et vous, homme, m’interrompit-elle, je sens que vous débordez de questions. Nous répondrons sans doute aux plus pressantes. Mais je ne sens point en vous toute l’énergie que j’aurais souhaité ressentir.
Ça avait l’air d’une question, et qui paraissait m’être destinée. L’énergie ?
- — Euh… c’est peut-être parce qu’on vient de b… euh… parce que je viens de m’accoupler avec Xara et ses trois sœurs… Enfin, si c’est de cette énergie-là que vous parlez…
L’ancêtre émit une sorte de bruit que j’interprétai comme un rire, avant de reprendre, visiblement rassurée :
- — Ah… si ce n’est que ça, c’est très bien. Vous connaissez alors déjà quelques-unes de nos sœurs ?
Ah, elles étaient toutes sœurs, en fait.
- — Euh… oui… Xara m’a présenté Eloa, Anya et Jiris.
- — Et « l’Élu » a également fertilisé Jiris, Vénérable, expliqua Xara avec déférence.
- — Très bien, c’est un bon début.
Formidable ! Une autre nana sur son fauteuil volant prit la parole :
- — Xara, rassemble toutes nos sœurs dans la grande salle. Ensuite, rejoins-nous ici.
Ma guide acquiesça, puis me prit la main et m’adressa un sourire avant de remonter dans le temporeur qui se mit bientôt à tourner et à s’élever à toute allure dans les airs pour finalement quitter la pièce par le haut.
- — Homme, reprit la toute vieille, avant de répondre à vos questions, nous allons vous expliquer précisément ce que nous attendons de vous.
- — Je crois l’avoir partiellement deviné, Respec… euh… Vénérable ; mais vous pouvez m’appeler, Gufti, vous savez. Ce que j’aimerais surtout comprendre, c’est comment l’espèce humaine a pu en arriver là.
Les membres du Conseil se regardèrent, paraissant hésiter ; et ce fut une autre suspendue qui me répondit :
- — En l’an 3572 de votre ère eut lieu un gigantesque Cataclysme qui éradiqua presque complètement la très grande majorité des espèces animales et végétales.
- — Oui, Xara m’a parlé d’une collision avec un astéroïde.
- — C’est exact ; un planétoïde de la ceinture de Kuiper s’est écarté de sa trajectoire pour une raison inconnue – probablement lui-même heurté précédemment par un autre astre – et s’est dirigé inexorablement sur la course de notre planète.
- — Mais… et les Hommes n’ont rien pu faire ? Ils avaient bien dû s’apercevoir de la menace ?
- — La situation géostratégique, économique, militaire et politique était, semble-t-il, relativement compliquée à cette époque. De ce que nous savons, la menace n’a été décelée qu’une petite centaine d’heures avant la collision. Des tentatives de déroutement du planétoïde ont été menées, mais se sont avérées inopérantes.
Elle marqua une pause. La Vénérable reprit soudain d’une voix terrifiante :
- — Le choc a été monstrueux, inimaginable. Toute la Terre a tremblé. Presque tout le continent que vous appeliez Asie a été immédiatement rayé de la carte. Les autres plaques tectoniques se sont brisées, provoquant d’innombrables et violentes éruptions volcaniques. Des raz-de-marée d’une ampleur inconcevable ont balayé toute la surface du globe en même temps qu’un nuage de particules poussiéreuses s’est étendu tout autour du monde. Les quelques zones qui n’avaient pas été détruites par les conséquences immédiates du choc l’ont été par ces raz-de-marée et ces nuages de poussière. La physionomie de la planète a complètement changé.
Elle reprit sa respiration, et continua presque d’une traite :
- — Et l’axe même de la rotation terrestre a été dévié pour devenir presque orthogonal à son orbite, qui elle-même a été affectée : précédemment elliptique à très faible excentricité, quasiment circulaire, elle est devenue littéralement torique. Aujourd’hui, notre planète présente toujours la même face au Soleil et son pôle Nord décrit un cercle presque parfait centré sur le rayon de son orbite apparente. Toutefois, la face éclairée se rapproche et s’éloigne très légèrement du Soleil à périodes régulières, provoquant ainsi des saisons.
Elle s’arrêta et sembla guetter ma réaction. J’essayais de comprendre tout ce qu’elle m’avait dit et réfléchissais lentement.
- — Si je comprends bien, il ne fait jamais nuit de ce côté-ci de la planète, et jamais jour de l’autre côté.
- — En effet. Mais si nous nous trouvons ici dans l’hémisphère Nord – la partie éclairée – nous sommes toutefois assez loin du pôle où les températures atteignent deux ou trois cent de vos degrés. Nous sommes dans la partie tempérée du globe.
- — Et… et de l’autre côté ?
- — La ligne équatoriale est presque en permanence gelée et la vie serait strictement impossible dans la majeure partie de l’hémisphère Sud. Les températures au pôle Sud sont de l’ordre de moins cent quatre-vingts degrés.
Eh ben… J’écarquillai les yeux en pensant à tout ça.
- — Et comment les Hommes ont-ils survécu ?
- — Trois groupes humains sont parvenus à survivre au Cataclysme. Diverses ultimes tentatives dérisoires de maintien de la vie eurent lieu dans les quelques heures qui ont précédé le choc ; de nombreux peuples ont choisi de se réfugier sous terre juste avant la collision, mais ce fut une erreur. La croûte de la planète a été comme labourée. Plusieurs groupes se sont réfugiés dans des constructions de fortune au fond des océans et deux d’entre eux ont réussi à survivre. Le troisième groupe est un de ceux qui s’était réfugié dans l’espace. Les autres ont vraisemblablement commis l’erreur de revenir trop tôt sur Terre, mais sans doute y étaient-ils contraints.
- — Combien de temps ont duré les effets du Cataclysme ?
- — Plusieurs dizaines d’années. Peu à peu la vie a été de nouveau possible pour les humains rescapés, qui se sont rassemblés dans cette partie du monde que nous occupons toujours.
- — Et… combien étaient-ils ?
- — Quelques centaines tout au plus.
Ouch !!! Une vraie dévastation !
- — Et nous sommes leurs descendantes… Nous avons su conserver quelques unes des technologies et des découvertes scientifiques atteintes par les humains peu avant le cataclysme et sommes parvenus à en développer d’autres. Mais nous avons également dû peu à peu réapprendre quelques notions de base telles que l’agriculture.
- — Leurs descendantes, dites-vous ; n’y a-t-il donc aucun homme ?
- — Non, et c’est bien là la cause de tous nos maux actuels. Inexplicablement, peu à peu, nos femmes n’ont plus accouché quasiment que de filles. Le dernier homme est mort il y a environ vingt ans ; nos sœurs que vous avez rencontrées sont ses enfants.
- — Mais… commençai-je.
- — Les rudiments de génétique que nous maîtrisons encore n’ont rien donné ; tout au plus pourrions-nous nous cloner, mais les perspectives ne sont guère réjouissantes et souvent dangereuses. Il nous est resté la solution « temporelle » à laquelle nous recourons avec vous.
Il y eut un nouveau silence.
- — Mais n’avez-vous pas tenté d’inverser le cours des événements ?
- — Si, bien sûr. Mais la structure temporelle est à manipuler avec beaucoup de soin. Et contrarier la nature est souvent une erreur.
- — Sur les douze temporeurs que nous avons pu sauver du Cataclysme, il n’en reste plus que trois, ajouta une autre vieille femme. Et plusieurs voyages se sont soldés par des fissures temporelles.
- — Toutefois, il est possible que l’un ou l’autre de nos temporeurs revienne un beau jour, répondit une autre. Nous gardons espoir.
J’avais des tas et des tas de questions, mais comme je n’étais pas sûr de tout comprendre, j’hésitais à les poser toutes.
- — Pourquoi avoir attendu vingt ans pour tenter quelque chose ?
- — Nous vous l’avons dit : bouleverser le déroulement du temps est dangereux ; nous pourrions tout simplement nous détruire irrémédiablement. Nous avons tout d’abord cherché des solutions par nous-mêmes. Et puis, même lorsque la décision a été prise, il nous a fallu procéder avec circonspection. Trouver la bonne personne, analyser son génome, son profil physio-psycho-intellectuel, explorer ses marques descendantes… Tout cela prend du temps.
Devant mon air perplexe, elle m’expliqua :
- — Entre le moment où Thylis nous a rapporté un échantillon de votre semence et celui où Xara vous a ramené ici, il s’est écoulé près d’une année.
- — Hein ? Mais… j’ai rencontré Thylis en boîte sam…
Mais je m’interrompis en me rendant compte que ce que j’allais dire était idiot.
- — Et nous ne savons toujours pas comment réagira l’espace-temps à votre présence ici, m’assura la toute vieille.
Une autre question me tarabustait depuis un moment déjà :
- — Et… pourquoi moi ?
- — Pourquoi pas… répondit la Vénérable en refaisant son bruit bizarre qui devait être un rire.
Mais voyant ma tronche sceptique, une autre m’expliqua :
- — Plusieurs de nos sœurs étaient chargées de missions d’exploration, comme Thylis, à diverses époques. Nous avons naturellement éliminé toute la période qui a suivi le Cataclysme, car le problème était probablement déjà présent, ainsi que tous les âges qui ont précédé le vôtre, sur des critères essentiellement physio-psycho-intellectuels. Nous avons analysé plusieurs milliers d’échantillons de semence ; c’est la vôtre qui a retenu notre intérêt.
- — Vous m’en voyez ravi… Et pourquoi ne pas avoir ramené plusieurs hommes ?
- — Les risques de déplacer une personne sont déjà gigantesques, s’affola une autre petite vieille, presque menaçante. Et nous ne sommes absolument pas sûres que le projet aboutisse. Les failles temporelles ont des effets parfaitement insoupçonnés. Votre semence semble s’être bien comportée face à tous nos tests, mais nous n’avons pas tenté de fertilisation. Nous ne savons pas si cela sera possible, ni quels seront les résultats.
Mais l’ancêtre aux yeux laiteux intervint :
- — J’ai senti la vie en Xara.
Toutes les autres la regardèrent longuement avec respect.
- — Bon… et, du coup, vous voulez que je baise… enfin, euh… vous voulez que je… euh… « fertilise » un maximum de vos sœurs, c’est ça ?
- — Oui.
- — Okay, ça roule. Mais vous pourriez sans doute aller plus vite en inséminant, non ?
- — N’étant pas aptes à comprendre le problème qui est le nôtre, nous souhaitons minimiser l’impact humain sur les événements naturels, vous comprenez ?
- — Oui, je crois. Donc je suis là pour un moment…
- — Si vous voulez rentrer chez vous, vous n’aurez qu’à le demander et nous vous ramènerons.
- — Okay. Mais dans l’absolu, je peux rester ici le temps que je veux et quand je rentrerai chez moi, je reprendrai normalement le cours de ma vie.
- — En théorie, oui. Mais nous vous l’avons dit : ce n’est pas sans danger. Il semblerait que certains organismes ne supportent pas les voyages temporels. Pour votre sécurité, il faudra vous soumettre régulièrement à des tests cliniques approfondis.
- — Tous les jours ?
Elles rigolèrent presque.
- — Ah oui, c’est vrai. La notion de jour n’a pas de sens ici… D’ailleurs, vous dormez quand ?
- — Quand nous sommes fatiguées.
- — Et où est-ce que…
Mais je fus interrompu par l’apparition quasi instantanée de l’œuf géant de Xara, qui en sortit bientôt en expliquant :
- — Toutes nos sœurs seront rassemblées d’ici quelques minutes.
- — Parfait, Xara. Merci. Nous te laissons guider l’Élu et lui montrer notre Nation. Installe-le dans la plus belle demeure, puis rejoignez-nous dans la grande salle.
- — Bien.
Les fauteuils des conseillères se remirent à tournoyer en prenant de la hauteur.
- — Bon… ben… à tout à l’heure, fis-je machinalement.
Xara me prit la main en souriant.
- — On remonte dans ta machine ?
- — Oui.
Je la suivis encore une fois dans le temporeur.
- — Alors ? demanda-t-elle en pianotant sur ses boutons et ses manettes. As-tu obtenu les réponses à tes questions ?
- — À peu près, oui…
Je ne cessais de ruminer tout ce que j’avais appris. Je me sentais comme dans un rêve ; j’étais presque sûr que je n’allais pas tarder à me réveiller. Tout était trop vague et trop surréaliste à la fois. C’était horrible de penser que l’humanité était sur le point de s’éteindre sans qu’on sache vraiment pourquoi. Et d’un côté, je me disais qu’avec les technologies et les connaissances dont ces femmes semblaient disposer, il devait bien y avoir des tas et des tas de solutions.
Xara s’installa sur mes genoux et m’embrassa, pressant sa poitrine toujours nue contre mon torse. Ça me rafraîchit un peu les idées.
- — Tu vas rencontrer toutes mes sœurs ; je leur parlerai de ton efficacité.
Bon, voilà ; ça c’était le point positif. J’allais me taper des tas de meufs avec la bénédiction de tout le monde. Et les cinq que j’avais rencontrées – et baisées… – jusque-là, Xara, Eloa, Jiris, Anya et Thylis, étaient carrément des bombes. Bon, c’est vrai, elles manquaient un peu d’expérience. Mais je m’en foutais, j’aurais bien l’occasion de leur en fournir…
À suivre…