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Temps de lecture estimé : 9 mn
20/10/10
Résumé:  Toujours follement amoureuse de mon ancien professeur de français, je poursuis ici le récit de nos retrouvailles...
Critères:  fh hplusag hagé jeunes profélève amour cérébral revede nostalgie -amourdura
Auteur : Aud      Envoi mini-message

Série : Monsieur P.

Chapitre 02
Le destin est parfois surprenant !

Dans le premier épisode, je vous invitais à découvrir le « commencement » de LA grande histoire d’Amour de ma vie (qui n’est pas une fiction, mais bien réelle !). Ainsi, je raconte comment j’ai retrouvé, alors que j’étais étudiante, mon ancien professeur de français, dont je suis éperdument amoureuse depuis près de quinze ans aujourd’hui.



*******



Le campus de la fac de lettres est quasi désert, il est presque vingt heures et je m’apprête à rejoindre une amie qui loue une chambre sur la cité U. C’est le mois d’octobre et il fait déjà un froid hivernal… Alors, j’active le pas pour me réchauffer un peu ; et puis, je n’ai envie de croiser personne ; ce soir-là, une fois de plus, j’ai le spleen, un spleen chronique qui attaque mon moral depuis plusieurs semaines…


J’ai vingt ans. Qui a osé affirmer qu’il s’agissait là du plus bel âge ?


Je noie mon ennui dans des fêtes quotidiennes et futiles qui ne font que m’éloigner un peu plus de celle que je voudrais être, de celle que je suis en réalité. Je n’étudie presque plus, préférant sombrer dans le monde de la nuit, qui me happe insidieusement chaque soir un peu plus.


Quand j’arrive enfin, à bout de souffle, au cinquième étage, dans la chambre étriquée de Dorothy, elle est déjà en pyjama, fatiguée et pas du tout motivée pour la virée que nous avons prévue… On parle un peu et, comme à chaque fois, Dorothy, beaucoup plus sage et studieuse que moi, me fait la morale : je devrais me reprendre en main, ne pas lâcher mes études, limiter mes sorties, reprendre goût à la vie, et surtout… l’oublier… Ce type n’est pas fait pour moi bon sang, il a le double de mon âge, une vie de famille, et ne m’a même pas rappelée ! Je suis une idiote… Voilà déjà dix ans que je suis une idiote qui voue un amour inconditionnel à un prof, vieux et sans intérêt… Ma copine l’a mauvaise, elle veut me secouer, même si elle me connaît et sait pertinemment, au fond, que c’est peine perdue…


Je reste stoïque, les paroles incisives de Dorothy me survolent, je ne veux même pas les entendre. Que puis-je dire pour ma défense ? Ma pauvre conscience, débordante de lucidité, sait parfaitement que je me borne depuis bien trop longtemps à nourrir un amour impossible… Seulement, que puis-je faire ? Suis-je réellement coupable, ou victime ? Ne suis-je pas aliénée par des sentiments qui me submergent et me réduisent à l’état de marionnette ? Et d’ailleurs, quoiqu’il en soit, je dois être maso, car je prends du plaisir dans cette souffrance, parce que cette souffrance est « digne », cette souffrance est « pour Lui »…


Je m’en vais, je vais sortir toute seule. Hors de question de renoncer à mon échappée quotidienne devenue vitale ! Si toutefois je devais passer une soirée seule avec moi-même, je serais immanquablement confrontée à mon cafard. Je n’ai ni le courage ni les forces pour l’affronter de face !


Quand j’entre dans le bar, il n’y a pas grand monde, il est déjà tard et les soirs de semaine, le quartier n’est pas très animé. Mimi, comme à l’accoutumée, est installé derrière le comptoir, il me sourit et m’embrasse affectueusement sur les deux joues.



On reste ensemble pendant deux bonnes heures et les verres s’enchaînent. Mimi, mon meilleur ami, est patron de l’établissement. Lui non plus n’a pas le moral ces temps-ci, il vient de se séparer de son compagnon et va devoir lui céder ses parts du café. Alors, on se raconte nos malheurs, et on tente de se réconforter autant que faire se peut…


Je me sens bien au Zouz’café, je suis « intouchable », car la clientèle est presque exclusivement homo, tout comme les deux patrons, qui me sont par ailleurs très chers. Minuit approche et je suis sur le point de m’en aller. Mes yeux, abîmés par le chagrin, ne tiennent déjà presque plus ouverts. J’ai sommeil. Mimi me raccompagne jusqu’à la porte, quand deux jeunes hommes arrivent…


C’est ainsi que je fais la connaissance de Jérémy, un garçon de mon âge (ou tout comme, car j’apprendrai un peu plus tard que lui a vingt-quatre ans). Jérémy n’est pas gay comme je l’ai pensé quand il a franchi la porte du Zouz’. Il est plutôt beau gosse, il est souriant et me porte un intérêt immédiat, indéniable et insistant.


Je n’ai pourtant pas le cœur à m’aventurer dans une quelconque relation avec qui que ce soit. Seulement, Jérémy me sort « le grand jeu », un numéro de charme comme j’en ai alors rarement vu et, sans savoir pourquoi réellement, je me laisse draguer.


Je vais revoir Jérémy plusieurs fois durant les jours qui suivent et, de fil en aiguille, les semaines passant, notre relation devient plus « sérieuse ».


Jusqu’alors, j’avais accumulé les aventures sans lendemain, collectionnant les amants d’un soir pour chasser mon mal-être. Et jamais je n’avais fait de promesse aux hommes qui partageaient mes draps.

Je n’ai pas voulu mentir à Jérémy concernant l’avenir plus qu’incertain qui m’était réservé sentimentalement. J’ai tout de suite confié à mon nouvel ami que j’avais un homme dans mon cœur depuis longtemps et qu’il allait être difficile, pour ne pas dire impossible, de le déloger. Je ne pouvais pas m’engager dans une autre relation de couple, mon cœur aimant ailleurs.


Pourtant, à force de temps et de persuasion, Jérémy a su me convaincre d’essayer de faire un petit bout de chemin à ses côtés. Et c’est ce qui s’est produit, presque malgré moi au fond…


Jérémy et moi avons décidé de nous installer dans un appartement ensemble. Il m’assurait accepter mes sentiments pour mon ancien professeur, étant certain qu’avec le temps, je finirais par l’oublier. Jérémy disait se contenter de la tendresse sincère que j’éprouvais alors à son égard et gardait confiance en l’avenir. Nous avions des relations sexuelles qui ne me satisfaisaient pas vraiment, mais Jérémy, lui, semblait y trouver un plaisir certain. Notre quotidien était sans accroche, il m’apportait une stabilité indéniable que je n’avais alors jamais connue. Nous vivotions paisiblement, entre les études de lettres auxquelles j’avais un peu raccroché, les petits boulots intérimaires de Jérémy, nos amis, mes parents, nous avions même adopté un petit chien !


Seulement, chaque soir, avant de m’endormir, la même obsession ne cessait de venir me tarauder : encore et toujours, je rêvais secrètement de Monsieur P., je revivais mentalement la soirée inoubliable que nous avions partagée quelques mois plus tôt, je réentendais sa voix chaude me promettre « juste une nuit … », je sentais encore sur mon corps ses caresses fougueuses. Chaque soir, je pensais à Lui et, frénétiquement, quand je savais que Jérémy avait plongé dans le sommeil, je me masturbais en imaginant mon professeur à mes côtés…


Le destin est parfois surprenant ! J’en viens d’ailleurs souvent à me demander quelle est la mesure de la marche de manœuvre qui nous est accordée pour mener nos vies…


En effet, destinée irrémédiable ou simple hasard, un soir de janvier l’année suivante, alors que je fais un tour avec Aphrodite, notre petit chien, je crois apercevoir au loin la voiture de Monsieur P. Est-il donc possible qu’il soit de passage dans notre quartier, alors que nous vivons une agglomération parmi les plus importantes de France et que, de fait, les probabilités pour le croiser sont bien minces ? Quoiqu’il en soit, il faut que j’en aie le cœur net, et que je sache si effectivement Monsieur P. passe la soirée tout près de notre appartement. Et puis, je voudrais tellement le revoir !


Aphrodite, qui habituellement mène la danse lorsqu’il s’agit de promenades, se fait traîner tellement je presse le pas cette fois ! J’arrive enfin à hauteur du véhicule que je crois être celui de mon professeur, et mes jambes se dérobent sous moi quand je découvre la plaque d’immatriculation ! Il s’agit bien de sa voiture ; il est là, tout près de moi, peut-être en visite chez une connaissance dans cette grande maison des années cinquante ! Je fais alors les cent pas sur le trottoir jusque tard dans la soirée, le véhicule n’a pas bougé, stationné dans l’entrée de garage de la propriété. Deux heures du matin, la maison semble endormie et les persiennes ont été baissées depuis longtemps…


Jérémy, inquiet de ne pas me voir revenir, m’a téléphoné plusieurs fois ; je suis bien obligée de le rassurer, et de rentrer enfin chez nous.


Le lendemain matin, à la première heure, je m’empresse de prendre une douche rapide, je m’habille et m’installe au volant de notre petite Corsa afin de me rendre à peine cinq cents mètres plus loin, devant la mystérieuse maison où Monsieur P. a certainement passé la nuit.

Quelle n’est pas ma surprise en découvrant que le véhicule de mon prof n’a pas bougé ! À qui donc appartient cette maison pour que Monsieur P. y reste une nuit entière ? Et surtout, vais-je enfin le revoir ?


La réponse ne tarde pas à arriver, quand je remarque quelques instants plus tard que quelqu’un pousse la porte de garage…

Je bondis hors de ma voiture et traverse la route, pourtant fort passante à cette heure matinale où les fonctionnaires conduisent vers leurs bureaux, sans même regarder ni à droite ni à gauche. Je me trouve alors postée bêtement devant la grille de fer forgé qui clôture le terrain de la mystérieuse maison quand il apparaît… Monsieur P. … J’ai attendu ce moment avec tant de force !


Il tient une sacoche en cuir à la main et porte un pantalon de ville foncé avec une chemise déboutonnée sur le haut, le tout sous une sobre veste de costume. Il semble pressé et lève les yeux afin d’enclencher l’ouverture automatique des portes de sa voiture. Alors, il me voit…


Malgré le brouhaha de la circulation dense, un silence irréel s’installe l’espace de quelques secondes. Je surnage dans un état second et parviens difficilement à réaliser que mon cher Amour se tient juste là, à quelques pas à peine de moi.


Il approche et esquisse un sourire :



J’ai du mal à intégrer ce qu’il me dit… « …où j’habite… », il a dit « où j’habite »… Ma tête tourne et un vertige manque de me faire tomber. Je dois me tenir à la grille de la maison pour trouver un semblant d’équilibre. Je souhaiterais parler, mais aucun son ne sort de ma bouche…


J’ai besoin de plusieurs minutes pour reprendre mes esprits, et je réponds enfin à son sourire. Monsieur P. m’explique qu’il n’a que peu de temps devant lui, il donne un cours à huit heures ce matin et il a quelques trente kilomètres à parcourir sur l’autoroute surchargée pour rejoindre le lycée.


À présent, la parole m’a été rendue et je m’empresse alors de lui confier comme je suis surprise d’apprendre qu’il vit ici ! J’explique que mon appartement se situe à seulement quelques centaines de mètres de là.


J’ai juste le temps de dire aussi n’avoir pas oublié (évidemment) la soirée magique que nous avons passée ensemble quelques mois auparavant. Monsieur P. me sourit. Il me regarde fort.

J’ajoute encore que j’ai attendu son appel téléphonique… en vain… Je n’ai pas oublié, non plus, sa promesse : « juste une nuit… »


Monsieur P. me sourit à nouveau, plus franchement cette fois. Quelques secondes s’écoulent sans que, ni lui ni moi, ne disions quoi que ce soit. Nous nous regardons intensément. Il y a quelque chose dans son regard qui traduit mille émotions, me troublant au plus haut point : il y a, en effet, dans les yeux de l’homme que j’aime, à la fois de la surprise, de la tendresse, une pointe d’inquiétude (peut-être sa compagne est-elle derrière une vitre ?), mais aussi de l’excitation, du désir. Ses yeux brillent. Est-il interloqué de me trouver, à une heure si matinale qui plus est, juste devant sa maison ? Est-il, peut-être, content ? Content que le destin ne nous ait pas oubliés ?


Quoiqu’il en soit, une fois de plus, la situation semble surréaliste. Ma tête tourne et tourne encore… Mes jambes ne portent plus du tout ! Je peine à réaliser que l’homme que j’espère avec tant d’ardeur depuis ma plus tendre jeunesse, vit désormais tout près de moi. Le temps, taquin avec les cœurs qui aiment, s’arrête un peu…


Seulement, la réalité, elle, nous rattrape rapidement…


En effet, enfin, sobrement il s’excuse, car il est déjà l’heure qu’il s’en aille, pour rejoindre le lycée et donner son cours. Les circonstances dans lesquelles nous nous retrouvons ne permettent pas d’aller plus avant dans ce lien tacite qui nous lie. Des groupes d’enfants défilent bientôt sur le trottoir étroit, sac d’école vissé au dos, et me séparent déjà un peu de Lui. Je fais un pas en arrière. À nouveau, je ne peux plus rien dire, ma langue ne veut plus articuler le moindre mot. Je deviens presque une spectatrice de cette tranche de ma vie…


Finalement, Monsieur P. envoie un petit signe de main dans ma direction, tendrement, et me fait un clin d’œil ! Coquin. Il tourne les talons et s’installe au volant de sa berline bleu marine, lâchant négligemment le sac de cuir sur le siège passager. Quand Monsieur P. enclenche la marche-arrière du véhicule, je fais encore un pas, de côté cette fois. Il est trop tard, je ne peux plus le retenir. J’aurais pourtant tellement voulu que ce moment avec lui se prolonge infiniment !


Seulement, nous allons nous revoir. C’est certain.


Définitivement, le destin est parfois surprenant !…



À suivre…