n° 14324 | Fiche technique | 20655 caractères | 20655Temps de lecture estimé : 12 mn | 19/03/11 |
Résumé: Sur l'échiquier de la séduction, la reine, si proche de son roi, frémit à l'idée de se retrouver dans la diagonale du fou... | ||||
Critères: fh couple cérébral revede -couple | ||||
Auteur : Léa11 Envoi mini-message |
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Vincent et Léa forment un couple uni, mais Vincent introduit parfois dans leurs jeux amoureux la description de son fantasme de voir Léa faire l’amour avec un autre homme. L’arrivée de Gilles offre peut-être une possibilité de réaliser ce fantasme…
3 avril
Journée pénible au travail aujourd’hui. Deux heures de réunion le matin et deux autres l’après-midi avaient eu raison de ma bonne humeur. Ce n’était pas l’envie d’avancer qui manquait, juste la présence d’un responsable du siège qui avait plombé l’ambiance sur les derniers résultats irréguliers de l’entreprise. Ceux-ci n’étaient pourtant pas fondamentalement mauvais, mais la situation du marché et les positions agressives de la concurrence rendaient la lecture des perspectives à court terme assez aléatoire.
Par moments, je perdais le fil des échanges. Je repensais au repas de la veille, aux allusions et attitudes de Gilles à mon égard. Je pensais à Vincent et à ses fantasmes. Je me sentais confuse. Des désirs contradictoires s’affrontaient en arrière-plan de mes activités.
Fred, un collègue du secteur France, que j’appréciais bien pour son humour léger et sa bonne humeur, avait bien essayé de détendre l’atmosphère, mais sans succès. Notre chef l’avait joué crispé à chaque intervention du responsable Export, il fallait donc en prendre son parti jusqu’à des lendemains plus sereins. Mais après tout, aussi intéressant fût-il, mon job restait un job et je n’étais pas du genre à me laisser déborder démesurément par mes états d’âme professionnels.
Cela ne m’empêcha toutefois pas de me sentir fatiguée en quittant le bureau, et l’envie irrésistible de me faire couler un bain en arrivant à la maison me stimula particulièrement. Vincent était rentré depuis un petit moment déjà. Son humeur badine et guillerette acheva d’éloigner définitivement au grand large les désagréments du jour. Pendant que j’ôtais mes vêtements dans la salle de bain, il vint se glisser derrière moi et me serra contre lui, ses deux mains fermes emprisonnant déjà mes seins à peine libérés de leur prison de tissu. Un bisou dans le cou, il me susurra à l’oreille :
Bien qu’en réalité, ce fût déjà tout réfléchi. Un petit clin d’œil en signe d’approbation, et pffuit, il était déjà reparti à la cuisine.
Je fermai le robinet, allumai quelques bougies d’ambiance et versai quelques gouttes d’essences aromatiques dans le bain. Vincent avait mis un CD de musique celtique, dont j’adorais les mélodies et les chants nostalgiques. Les landes brûlées, les odeurs de tourbe fumée, les lacs aux reflets de plomb, les nuages qui chevauchent le ciel à toute allure… Les pays du Nord me transportaient, me murmuraient des histoires que je connaissais d’un autre temps, un ailleurs familier et mystérieux qui me fascinait et me surprenait toujours…
Je me glissai dans la baignoire, un orteil après l’autre, le corps et le cœur saisis par la brûlante morsure de l’eau fumante.
Quelques minutes plus tard, mon serveur de cocktail préféré m’apporta un petit punch fait maison. Le premier du printemps, annonciateur de futurs moments de détente au soleil. Vincent glissa son regard pétillant et malicieux dans les miens, nous trinquâmes aux bons moments partagés, passés et à venir, et nos lèvres eurent tôt fait de se rejoindre pour un délicat baiser.
Toujours préoccupée par les aspects pratiques, je ne pus m’empêcher de rompre ce doux instant par un :
Sur ce, sa main glissa de ma joue à mon cou, descendit sur ma poitrine pour disparaître sous l’eau. Pendant que nous nous embrassions, ses doigts vinrent se poser entre mes cuisses que j’avais à peine entr’ouvertes, caressèrent mon sexe furtivement avant de remonter à la surface.
Nous aimions jouer ensemble à des petits jeux érotiques, laissant aller nos pensées et nos désirs tantôt ensemble vers des territoires partagés, tantôt en solitaire vers les lieux intimes de nos jardins plus secrets, cet espace où l’inavouable dirige des pulsions troublantes et alimente les fantasmes les plus fous, ceux que l’on garde pour soi. Avec le temps, beaucoup de temps, de la confiance et surtout de l’amour, alors parfois il est possible d’inviter l’autre à découvrir quelques rivages de cette île mystérieuse et encerclée de brumes que chacun porte en soi, parfois à son propre insu.
L’âge, la maturité aidant, et l’acceptation de se donner un plaisir intense m’avaient conduite peu à peu à poser le pied sur cette terre si hostile en apparence. Je me découvrais aventurière de mes propres fantasmes, parcourais des forêts profondes où la lumière n’atteignait pratiquement jamais l’humus épais de mes songes, partais à l’ascension de pics acérés cachés dans les brumes perpétuelles de sentiments mêlés. J’aimais m’enivrer de parfums opaques et entêtants, d’images fugaces, d’ombres informes et insaisissables qui décuplaient mon plaisir et se disloquaient souvent dans une explosion lumineuse et colorée, tandis que mes doigts relâchaient leur étreinte sur mon sexe pulsant de cette intensité. De son côté, il avait fallu du temps avant que Vincent ne me laisse entrevoir son île secrète, quelques-unes de ses anses, de ses criques et de ses sommets dressés telles des sentinelles intimidantes dans la nuit sombre de ses désirs. J’aimais ces moments d’intimité profonde, celle où l’altérité s’incarne jusque dans la chair, jusque dans la volupté partagée.
Mes pensées se suspendirent lorsque je sentis à nouveau une présence discrète dans la pièce. Je gardais les yeux clos, percevant la lumière dansante des bougies de l’autre côté de mes paupières. Un doigt parcourut mon épaule, suivit l’os de ma clavicule pour remonter le long de ma gorge sous mon menton, puis sous mes lèvres. Il m’incita à les entrouvrir légèrement, comme pour inviter ce doigt à venir se glisser entre elles. Au lieu de cela, il fit marche arrière pour venir en direction de ma poitrine, engloutie dans les eaux chaudes de ce lagon parfumé. Puis ce doigt se démultiplia et ce furent deux, puis trois, quatre et cinq bouts de chair qui glissaient sur mes seins, prenant bien soin de s’approcher de mes mamelons tout en les évitant soigneusement, laissant au désir le temps de s’infiltrer dans chaque fibre, chaque cellule de ma poitrine.
La main se posa en entier sur mon ventre, sur mes cuisses resserrées, mes genoux, mollets et chevilles avant de ressortir de l’eau. C’était doux, c’était bon, et je me laissai absorber par cette détente profonde. Sans que je ne m’y attende, je fus saisie brusquement par le bout de mes seins. Les pointes turgescentes étaient fortement pincées par ses doigts, ce qui m’arracha un léger gémissement de surprise et de douleur fugace, aussitôt adoucie par une caresse englobant mes seins. Ses mains revinrent sur mes cuisses, glissant à l’intérieur pour m’inviter à les écarter. Dans un lent ballet aquatique, elles tournoyaient, allaient et venaient le long de mes jambes, sans jamais entrer en contact avec mon sexe. Je commençais à montrer quelques signes d’envie, l’excitation montait en moi et je désirai être touchée, sentir ces doigts parcourir mon intimité. Les doigts ressortirent pour venir pincer mes mamelons de nouveau, je me cambrai, surprise à nouveau, partagée entre douleur et plaisir. Je sentis alors une main se plaquer sur mon sexe, les doigts fourrageant mes lèvres, glissant vers mon œillet serré puis remontèrent pour me pénétrer sans ménagement. Son autre main caressait ma joue, j’avais ouvert la bouche et cherchais en bougeant mollement la tête à venir capturer un doigt entre mes dents, ce à quoi je parvins. Je respirai assez vite sous la montée du plaisir, mais l’eau limitait les sensations au lieu de les décupler. D’un coup, mains et doigts se retirèrent de mes cavités et je sentis un rapide coup de langue sur mes lèvres avant de comprendre que le jeu était fini. Un peu frustrée, je repris peu à peu mes esprits, attrapai à tâtons le punch sur le rebord de la baignoire, sirotai quelques gorgées, et dégustai les dernières minutes de ce délicieux moment, les yeux toujours clos.
La musique s’étant faite plus lointaine, j’avais compris que Vincent avait refermé la porte en quittant la salle de bain. Je rouvris les yeux, constatai que la baignoire ne fumait plus et me décidai à sortir du bain pour me sécher et enfiler un peignoir avant d’aller me revêtir.
J’eus un tel choc en sortant de la salle de bain que je faillis lâcher le verre vide. Assis sur le canapé, Vincent et Gilles m’accueillirent en levant chacun un verre à mon intention.
Interloquée, l’étrangeté des sentiments qui m’habitaient à cet instant me décontenança quelque peu.
Gilles s’était levé pour me faire la bise et cela ne me laissa pas le temps de réfléchir.
Je m’excusai et m’en allai aussitôt dans la chambre.
J’étais perplexe et confuse, et surtout pas dupe de ce qu’il venait de se produire, mais je ne savais pas comment réagir, habitée par un mélange de surprise, de sentiment de trahison, de honte et d’excitation. Je décidai de reporter l’analyse à plus tard et m’habillai rapidement avec une tenue passe-partout. Je les rejoignis ensuite au salon où un nouveau punch m’attendait.
J’entendais sans vraiment écouter ses paroles, je regardais ses bras, dont les manches de chemise avaient été remontées au-dessus des coudes. Je regardais ses mains et ses longs doigts aux ongles soignés. Je pus sentir mon bas-ventre se contracter malgré moi. Je dus faire un effort pour hocher la tête et faire celle qui suivait. Heureusement pour moi, Vincent prit le relais de la conversation.
J’essayai de rester dans le vif du sujet, ignorant du regard mon mari assis aux côtés de Gilles, presque en face de moi.
L’apéro se poursuivit sur le sujet, sans aucune allusion sur ce qu’il s’était passé auparavant. D’ailleurs que s’était-il donc passé, n’est-ce pas ? Plutôt distante au départ, je m’étais un peu réchauffée au fil de la discussion, sans pour autant prêter attention à Vincent. Le second punch y avait sans doute contribué.
Vincent me sonda des yeux auxquels je renvoyai un regard neutre.
Après tout, une rencontre sur terrain neutre semblait moins engageante qu’à la maison, ce qui m’aurait beaucoup moins emballé.
Un dernier clin d’œil et un sourire qui me remit mal à l’aise, et je refermai la porte sur cet homme dont je ne savais plus quoi penser.
Gilles parti, une tension silencieuse s’installa entre Vincent et moi. Pendant le repas, je lâchai le morceau.
Je ne sus que répondre. Vincent avait posé les choses clairement et simplement, sans émotivité, désamorçant quelque peu ma colère et mon sentiment de trahison par sa franchise. Je me rendais compte que je m’étais mise dans cet état plus par peur de ne pas être en mesure de gérer ce qui se passait. Et que la supposée notion de trahison et de honte n’était qu’un paravent me permettant de ne pas assumer ma position. Je choisis de rester sur mes gardes.
En même temps que je prononçais ces paroles, une petite voix en moi me titillait en me disant que ce qu’il s’était passé un peu plus tôt m’avait quand même bien plu. Mon corps vivait sa vérité, pas forcément conforme à mes pensées.
L’air un peu penaud quand même, il me glissa un baiser rapide sur mes lèvres. Je le repris au vol.
Je glissai ma main sur sa nuque et attirai ses lèvres contre les miennes, plongeant ma langue pour la rouler langoureusement dans sa bouche. Je sus au son émis dans sa gorge qu’il appréciait le geste.
Je le regardai quelques secondes, l’air mystérieux, esquissant à peine un très léger sourire tout aussi énigmatique, et décidai d’en rester là, sans réponse. Il l’avait bien cherché après tout.
L’abandonnant à lui-même d’un air laconique après un ultime baiser.
Il me fallut près de deux heures pour boucler mon travail, mais je ne me sentais pas prête à aller dormir immédiatement. J’allai dans le salon, zappai quelques chaînes pour des programmes sans intérêt, puis éteignis cette maudite télé dévoreuse de temps. Seule dans le silence, je repensai à la soirée, à Vincent, à Gilles… Je savais que Vincent avait pour fantasme de me voir ou savoir faire l’amour avec d’autres hommes. Nous introduisions régulièrement des amants de passage, inconnus d’un soir ou plus durables, au gré de nos envies. J’avais mis un peu de temps à accepter ce fantasme, mais petit à petit, je m’étais moi-même prise au jeu, encouragée dans ce sens par mon mari. Quant au passage à l’acte, c’était une autre paire de manches. J’avais l’impression que je deviendrais alors une salope à ses yeux, et aux miens évidemment, peut-être aux miens d’abord, même. Et ça, je n’étais pas prête à l’assumer.
Lorsque j’entrai dans la chambre et me glissai sous la couette, je sus à l’odeur qui émanait de dessous les draps que Vincent s’était donné du plaisir. Il dormait maintenant à poings fermés, sa respiration était profonde et régulière. En position allongée, le sommeil ne vint pas immédiatement pour autant malgré l’heure avancée. Les images de Gilles, d’abord furtives, s’immiscèrent peu à peu dans mon esprit. Les sensations du bain, aussitôt rejetées quelques heures plus tôt, refirent surface. Je sentais à nouveau les pointes de mes seins serrées fermement, les mains qui couraient sur mes jambes… Le souvenir de ses doigts qui avaient écarté mes lèvres pour s’enfoncer brutalement dans mon sexe surpris, toutes ces images se bousculaient dans ma tête et dans mon corps. Quelques instants plus tard, je dus mordre mes lèvres pour ne pas laisser échapper l’orgasme que mes doigts étaient allés rechercher. Épuisée nerveusement par cette journée chargée, je m’endormis dans les secondes qui suivirent.