n° 14643 | Fiche technique | 43370 caractères | 43370 7500 Temps de lecture estimé : 31 mn |
09/11/11 |
Résumé: Thomas s'enfonce un peu plus dans les abysses de la folie... | ||||
Critères: #policier #fantastique #sorcellerie fh extracon bizarre fellation cunnilingu | ||||
Auteur : Rain Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : Le Fauteuil Chapitre 03 / 04 | Épisode suivant |
Résumé de la première partie : Après avoir acheté un fauteuil sur eBay, la vie de Thomas (cadre travaillant dans une boîte de transports) devient un véritable enfer. Il dort très peu la nuit, fait d’étranges cauchemars dans lesquels son esprit occupe des corps de femmes. Le jour où le patron annonce au personnel de la boîte de transports que Julia, une jeune et jolie stagiaire de l’entreprise, a disparu, Bernard, le comptable de la société, mène son enquête. Il a vu Thomas et Julia quitter ensemble la société la veille de sa disparition. Et lorsqu’il se décide à interroger Thomas à ce sujet, ce dernier se contente de lui dire que Julia n’est pas restée chez lui car elle souhaitait sortir. Mais Bernard est convaincu que Thomas ment…
Résumé de la deuxième partie : Au cours de ses multiples cauchemars, Thomas incarne successivement plusieurs femmes qui finissent sauvagement assassinées par l’homme qui hante ses nuits. Puis arrive le jour où il entre dans le corps et l’esprit du meurtrier, jour où sa vie bascule progressivement dans l’horreur et la démence…
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Thomas va de mal en pis. La fatigue semble le poursuivre toute la journée. Il faut qu’il retourne travailler sinon il va devenir fou à force d’errer dans sa maison, l’esprit obnubilé par les horreurs qu’il a vécues la veille en rêve.
Pourtant, le retour au travail n’y change rien !
Seule son humeur change. Ses collègues sont imbuvables. Thomas a conscience des saloperies qu’ils crachent dans son dos. Étant le supérieur hiérarchique de certains, il se montre exécrable avec eux. Il ne supporte plus qu’ils lui adressent la parole. Il déteste leurs demandes. Surtout cette faveur que souhaitent certains lorsqu’ils ont besoin d’un jour de RTT alors que la charge de travail est colossale.
Et que…
Et que tu glandes à ton travail où tu ne fous rien à part vivre la suite de tes cauchemars , lui glisse au creux de l’oreille la voix qui l’accompagne maintenant en permanence et avec laquelle il lui arrive d’avoir de longues discussions.
Parfois, le fauteuil s’immisce dans leurs conversations. Tous les trois s’entretiennent alors une bonne partie de la nuit, ce qui apaise Thomas lorsqu’il se met au lit ; il est convaincu que plus les nuits sont courtes, plus les cauchemars le sont aussi. Inévitablement !
Malheureusement, il se trompe ! Le fauteuil doit raconter son histoire ! Bien que Thomas dorme peu, le fauteuil trouve toujours le moyen de raconter la fin de l’histoire en différé.
Ainsi, l’histoire de la veille se termine pendant la journée. Elle prend la forme d’un rêve éveillé, à son bureau, à la machine à café, dans sa voiture, dans sa maison et aussi, le soir, dans son fauteuil, évidemment.
Thomas doit tout savoir ! Dans les moindres détails ! Son fauteuil ne lui laisse de toute façon pas d’autre alternative. Les histoires qu’il narre doivent avoir un début, un milieu et une fin. Il faut que Thomas comprenne !
Il faut que Thomas poursuive ce qui a été commencé, il y a un peu plus d’un siècle.
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En 1882, l’homme que Thomas incarne en rêve est un éminent chirurgien, respecté par ses confrères.
À peine sorti de l’hôpital où il travaille et dirige le service de chirurgie orthopédique, il s’élance d’un pas décidé vers un petit restaurant dans lequel il a l’habitude de déjeuner.
La neige, dont les premiers flocons sont apparus en fin de matinée, recouvre d’une fine pellicule les rues où s’affairent ou marchent de nombreuses personnes. Sur le trottoir, un vieil homme décharné demande l’aumône.
L’homme sort quelques pièces d’une des poches de son pantalon et les lâche dans une soucoupe que tient la main tremblante du mendiant. Il passe ensuite devant la vitrine d’un barbier taillant au couteau la barbe d’un vieux monsieur.
Un peu plus loin, des relents de nourriture parviennent à ses narines et excitent ses papilles. Encore deux minutes de marche et il pourra s’attabler et se restaurer. Son estomac crie famine depuis plus d’une heure et ces odeurs sont d’affreux supplices pour son ventre qui gronde, se tord, et se creuse.
Alors que ses yeux se posent sur la clientèle attablée savourant des plats, à première vue, succulents, un homme sur sa gauche hurle :
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Les cauchemars éveillés sont les plus terribles de tous. Au moment où ils ont lieu, Thomas n’est pas totalement endormi. Le monde extérieur, bien que lointain, est encore un petit peu ancré dans son esprit semi léthargique. Il le perçoit comme un décor miroitant, aux contours flous, presque vaporeux par moments.
Dès l’instant où les cauchemars se produisent sur son lieu de travail, Thomas se rend aux toilettes et attend, dans un état d’anxiété indescriptible, la fin de l’histoire de la veille qu’il expérimente immanquablement dans les corps de ses divers « hôtes », éprouvant leurs sensations avec une acuité troublante.
De temps à autre, il gémit comme un animal blessé dans les WC alors qu’il vit l’horreur à l’état brut sous forme de visions dignes d’hallucinations dont souffrent certains malades mentaux atteints de graves psychoses.
Il retourne ensuite à son bureau, dans un état second, le plus souvent apeuré, parfois nauséeux. L’angoisse se lit souvent sur son visage. Elle est presque écrite en lettres de sang sur son front.
Si seulement ses collègues savaient ce qu’il endure ! Ils se montreraient plus conciliants au lieu de parler dans son dos !
Laisse tomber, Toto, ce ne sont que des cons ! le rassure la voix.
Bien évidemment, les plus ignobles de ces histoires inachevées sont celles qui mettent en scène le psychopathe. Celles où le sang est presque omniprésent.
Lorsque Thomas se rend compte, à son boulot, qu’il investit le corps et l’esprit de ce tordu, la panique s’empare de lui. Son corps est glacé d’effroi, parcouru de frissons qui peuvent aller jusqu’à le faire claquer des dents !
Pourtant, un beau jour, les marques laissées par les cauchemars sont moins profondes. Les angoisses semblent s’apaiser. Thomas arrive un peu mieux à gérer sa peur.
Ces affreux songes seraient presque supportables.
Tolérables ?
Cette amélioration se produit deux semaines avant l’arrivée de Julia.
Une semaine avant l’histoire du rituel…
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Les pensées d’Irina tourbillonnent au centre de son esprit. Elle est furieuse. Furieuse contre le metteur en scène, furieuse contre ces abrutis dans la taverne. Ils l’ont regardée avec dégoût. Des yeux suintant le mépris.
Elle entend un cri, se retourne et… Plus rien. Plus de colère. Plus de pensées. Son cerveau ne projette plus aucune image.
L’homme, à quelques mètres de l’accident, se précipite vers elle pour lui porter assistance.
Elle est entrée en 1870 dans la compagnie de théâtre en tant qu’actrice et, jusqu’à ce 22 décembre 1882, elle a toujours incarné le personnage principal féminin.
Toutefois ce matin-là, le metteur en scène la convoque et lui annonce, avec toute la maladresse qui le caractérise, qu’elle est trop vieille pour continuer à occuper le devant de la scène. Une nouvelle recrue, plus jeune, prendra sa place pour la représentation du soir de Noël.
Déçue, blessée dans son amour propre, humiliée (c’est le terme précis qui lui traverse l’esprit), elle quitte le metteur en scène, en lui lançant un regard sombre, empli de mépris et de colère.
Elle claque la porte et décide de se réfugier dans les bras accueillants d’un troquet.
Cinq minutes avant que le fiacre ne la heurte, elle est assise au comptoir d’une taverne dont la clientèle uniquement masculine la toise avec dédain.
Habituée à un tel comportement, elle les ignore et s’enfile plusieurs chopes de bière.
Les poches vides, Irina se lève et se dirige vers la sortie en soutenant les regards méprisants de ces demeurés qui l’observent jusqu’à ce qu’elle quitte le lieu.
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Cela fait plusieurs jours que Thomas se retrouve à chaque fois dans le corps et l’esprit du meurtrier.
Dès que le couteau et le scalpel restent à son domicile, Thomas sait que l’homme se rend dans une maison close. Quand il emporte ses « jouets », il rend visite aux femmes qui tapinent sur le trottoir, même si dans cette ville, cela se passe plutôt dans des ruelles baignées de ténèbres.
Est-ce son terrain de chasse ?
Thomas le croît mais n’en est pas certain. L’homme aime fréquenter ce milieu. Il apprécie la compagnie de ces femmes aux mœurs légères qui acceptent ses perversions sans broncher.
En revanche, les fois où les prostituées se moquent de lui, les pensées de l’assassin se transforment en de machiavéliques intentions de meurtres.
Thomas, pris dans le flot des pensées du meurtrier, frissonne à chaque fois. Son hôte n’a aucune limite concernant la perversion ou la cruauté. Des images précises de tendons déchiquetés, de chairs lacérées s’agitent dans la caboche de ce boucher qui imagine comment il pourrait les découper avec ses « jouets ».
Thomas craint alors ce qu’il va se produire. Il tente d’anticiper la réaction de l’homme, sans pouvoir l’influencer, espérant de tout son cœur qu’il ne passera pas à l’acte.
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Irina est opérée et suivie en consultations par le chirurgien qui l’a secourue. Les multiples fractures aux jambes et au bassin nécessitent de nombreux soins et une longue période de repos.
Philip, le chirurgien, qu’elle appelle maintenant par son prénom, est devenu de plus en plus familier avec sa patiente et, lorsqu’elle commence à nouveau à marcher au début de l’été, il lui dévoile ses sentiments.
Pourquoi a-t-elle accepté sans l’ombre d’une hésitation ? Certainement parce qu’il était gentil, attentif, prévenant, à l’écoute, et tout un tas d’autres qualités qui faisaient défaut à tous les hommes qu’elle avait connus jusque-là.
Elle apprend à l’aimer et tombe réellement amoureuse de lui au bout de la première année de mariage. Il est doux, attentionné, intéressant, cultivé, s’intéresse à ce qu’elle dit…
Les quatre années suivantes sont tout aussi agréables. Ils marchent main dans la main, flânent dans les rues de la capitale, sortent au théâtre, dînent dans de splendides restaurants, prennent de somptueuses vacances à l’étranger.
Irina rayonne de bonheur. Jamais sa vie n’a été aussi douce, aussi belle, sans le moindre souci, jusqu’au jour où Philip a un problème d’érection.
Elle le console en lui expliquant calmement que ce n’est pas grave, que cela arrive, qu’il ne s’inquiète pas…
Il ne le voit cependant pas du même œil. Chaque fois qu’il essaie d’avoir une relation sexuelle avec son épouse, son pénis demeure flasque. Il devient irascible, donne des coups de poing rageurs dans les murs.
Cette situation le transforme sur tous les plans. Il se désintéresse de leurs sorties hebdomadaires, adresse de moins en moins la parole à sa femme, se contentant de bougonner ou de lui crier dessus.
Irina, démunie, endure ses attaques verbales, sa mauvaise humeur, ses sarcasmes sans jamais se rebiffer. Elle tente, tant bien que mal, de préserver son couple, mais plus le temps s’écoule, plus Philip se montre odieux.
Alors un jour, elle se laisse séduire par un autre.
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Au bout du troisième jour d’incarnation de ce dangereux individu, les impressions, les ressentis, et les perceptions de Thomas se modifient.
Il comprend de mieux en mieux son « hôte » ! Il lui arrive même d’approuver ses actes !
Quand le psychopathe se remémore les railleries des courtisanes concernant ses érections molles, sa petite bite qui ne gonflait pas malgré la langue qui la faisait reluire, Thomas partage aussi son humiliation. Il se sent vexé. Meurtri dans sa virilité. Il se met à haïr ces garces. Il bouillonne intérieurement de rage, comme le meurtrier, désirant leur faire fermer leurs sales gueules pour l’éternité.
Une incision rapide avec le scalpel. Généralement, elles ne braillent pas longtemps quand le bistouri tranche la gorge d’une oreille à l’autre.
Dans ces moments-là, Thomas souhaite leur mort ! Et quand le couteau pénètre ces putes, le surineur et Thomas bandent dur. Très dur !
Au réveil, Thomas se sent vaseux. Son estomac se soulève et il va dégueuler dans les toilettes. Il revoit tout ce sang. Il y en a partout ! Il se rappelle la chaleur du sang sur le visage du meurtrier. Sa puanteur aussi ! Cette atroce odeur qui s’échappe d’un abdomen éventré où le meurtrier prélève des organes…
Il éprouve de la honte d’avoir eu de pareilles pensées. Honte d’avoir adhéré à un comportement aussi vil et cruel. Honte d’avoir été sexuellement excité par la mort de ces pauvres femmes.
Au fur et à mesure de la semaine, les pleurs qui accompagnaient, au réveil, les précédents cauchemars cèdent place à des rires.
Il éclate de plus en plus souvent d’un rire tonitruant, caricatural ! Le rire de personnages méchants dans un dessin animé. Pendant plusieurs minutes, il se bidonne dans le noir, sans allumer la lumière, ce qu’il faisait auparavant pour recouvrer son calme.
La petite voix l’accompagne dans cette folie. Elle s’esclaffe, elle aussi, dans un rire aigu de diablotin. Et lorsqu’il se lève enfin, c’est au tour du fauteuil de se marrer. Un rire gras, communicatif. Thomas se joint alors aux sons ambiants émis par ses deux nouveaux et seuls amis et la démence grignote un peu plus sa santé mentale.
Mais ce matin-là, la petite voix taquine Thomas alors qu’il plonge la tête dans la cuvette pour la deuxième fois en l’espace d’une minute :
Au loin, il a l’impression d’entendre des murmures. Probablement le fauteuil. À moins qu’il ne se torde de rire lui aussi.
Il ne sait pas s’il doit pleurer ou gerber une nouvelle fois.
Son estomac se contracte quand la voix renchérit :
Thomas dégueule en se bouchant les oreilles.
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Irina n’a pas trompé son époux par méchanceté, ni même pour se venger de son comportement odieux, mais tout simplement, parce que l’occasion s’est présentée au moment opportun. À un moment où elle se sentait déjà seule, délaissée, depuis bien longtemps.
Son époux a souvent invité à dîner un de ses collègues de travail, un dénommé Charles, son bras droit à l’hôpital.
Charles est un bel homme mince d’une quarantaine d’années aux cheveux poivre et sel dont le regard malicieux – délicieuxa pensé Catherine la première fois qu’elle l’a vu – subjugue la gent féminine. Ses yeux gris bleu et son timbre de voix sont de puissants aphrodisiaques pour la majeure partie des femmes qu’il a croisées dans son existence.
Irina et Charles se sont très vite entendus, partageant tous les deux la passion du théâtre. Il leur est souvent arrivé de débattre sur des pièces tandis que Philip les écoutait par simple courtoisie, se demandant à quoi pouvait bien servir la comédie pour la race humaine.
N’y avait-il pas des choses hautement plus importantes ? Pour ne citer que la médecine, par exemple, et la chirurgie en particulier.
Souvent, il s’est levé de table, et s’est rendu dans le salon, seul. Là-bas, il lisait dans le fauteuil de sa grand-mère en attendant que Charles le rejoigne pour boire un whisky ou un cognac en fumant un cigare.
Ce matin d’octobre, Charles se présente chez Irina pour récupérer un dossier médical dont a besoin son mari. Quand elle ouvre la porte, la mâchoire de Charles se décroche.
La splendide Irina est encore vêtue de sa chemise de nuit couleur chair, ses longs cheveux défaits caressant ses épaules. Il l’a toujours trouvée ravissante mais, sans artifice, sous la lumière matinale automnale, elle est renversante !
Il bafouille un bonjour, ce qui la fait sourire, avant de se reprendre :
Il entre et suit la maîtresse de maison jusqu’au salon où elle lui propose de s’asseoir.
Un instant, il envisage de lui dire qu’il est pressé, mais se ravise.
Une fois qu’il est confortablement installé, elle lui demande :
Il n’écoute pas, trop occupé à promener son regard du cou d’Irina à l’échancrure de sa chemise de nuit qui laisse entrevoir les renflements de sa poitrine. Elle remarque son regard insistant et baisse les yeux, les joues empourprées.
Mais n’est-ce pas un sourire, à peine dissimulé, qui s’est dessiné sur ses lèvres ?
Réalisant qu’il n’a pas écouté un seul des mots prononcés par Irina, il lui demande en souriant de toutes ses dents :
La réplique a jailli toute seule, sans passer par la case cerveau.
Irina, de nouveau le feu aux joues, bredouille :
Il ne l’écoute plus ! Son esprit s’emballe. Il est mentalement transporté dans une autre réalité. Celle du fantasme.
Il reluque son cou délicat, s’imaginant le couvrir de baisers avant de le parcourir de la langue. Il voit cette dernière descendre vers la poitrine qui déborde de la chemise de nuit.
Elle réitère sa question.
Charles, confus, répond :
Sans un mot, elle se dirige vers un gros coffre en bois qui fait office de bar. Elle en retire une bouteille de whisky et va chercher un verre dans une imposante armoire en noyer.
Charles la suit du regard. Ses yeux ne peuvent se détacher de ses fesses.
Il a envie d’elle ! Elle est tellement belle au réveil, ses longs cheveux ondulant dans son dos, et surtout cette succulente paire de fesses qu’il devine sous la chemise de nuit ! Il les prendrait bien à pleines mains pour les pétrir.
Dans sa tête se déroulent les scènes de ses désirs les plus fous. Son sexe gonfle sous son pantalon.
Il doit se concentrer sur autre chose, sinon il aura l’air malin quand elle reviendra avec la boisson !
Pense à ton ami. Tu ne peux pas le trahir ! C’est lui qui t’a pris sous son aile ! Lui qui t’a permis d’acquérir cette notoriété ! Lui…
Elle lui tend déjà le verre et le tire de ses pensées. Il le prend et constate qu’elle lui a servi une sacrée dose de whisky.
Irina ne sait pas ce qu’elle va faire. Elle a décelé de l’envie dans les yeux de Charles. Ses yeux délicieux dans lesquels elle aimerait se noyer.
Elle se sent bien. Femme. Désirée et désirable, vêtue seulement de cette chemise de nuit.
Depuis quand ne s’est-elle pas sentie aussi bien ?
Son mari ne la touche plus depuis six mois.
Depuis sa « maladie », dont le début remonte à l’an passé, il a changé. Il a souvent l’air d’être absent. Ses yeux expriment une tristesse permanente et même lorsqu’il rit aux éclats – ce qui est devenu rare – la mélancolie suinte des sonorités plates de son rire.
Les six premiers mois, il s’occupait encore d’elle.
Sans rien dire, alors qu’elle jouait un air au piano du salon, il s’agenouillait, passait sous le clavier, retroussait ses jupons et la faisait jouir avec la langue ou les doigts. Parfois avec les deux !
Puis, il a cessé de prendre de telles initiatives. Elle a d’abord essayé de se montrer suggestive, mais il se débrouillait toujours pour faire dévier la conversation vers un autre sujet. Quand elle s’est ensuite montrée tendre et attentionnée avec lui, il s’est mis à l’ignorer.
Un après-midi, après avoir récité ses arguments devant le miroir de la chambre, elle s’est rendue dans le bureau de son époux et, de but en blanc, a voulu savoir s’il avait définitivement décidé de ne plus s’occuper d’elle.
Devant de pareilles manières, il s’est immédiatement mis en colère et lui a confirmé que plus jamais il ne la toucherait.
Alors qu’elle allait protester afin de poursuivre le débat, il s’est levé de son siège et a quitté la pièce en lui hurlant que si elle avait été un homme, elle aurait compris, et aurait évité de le mettre dans un tel embarras avec cette interrogation qu’elle aurait dû garder pour elle-même.
Depuis ce jour, plus jamais il n’a posé la main sur elle, plus jamais il n’a goûté aux liqueurs qui s’échappaient des cuisses de son épouse.
Elle avait droit à un simple petit baiser sec, du bout des lèvres, avant de dormir.
Perdue dans ses rêveries, Irina ne remarque pas que cela fait presque cinq minutes qu’elle ressasse ces vieux souvenirs devant la théière.
Au moment où elle retourne à la réalité, elle aperçoit Charles dans l’encadrement de la porte de la cuisine qui l’observe.
Depuis combien de temps m’épie-t-il ? s’interroge-t-elle.
Constatant l’embarras qui se peint sur le visage d’Irina, Charles se confond en excuses maladroites :
Sa gorge se noue et elle fond en larmes.
Charles se précipite à son secours, un mouchoir déjà tiré de la poche de son veston qu’il lui tend en disant :
Elle se tient à un mètre de lui, essuyant les dernières larmes qui roulent sur ses joues quand il lui attrape le poignet et le serre délicatement.
Lorsqu’il l’entraîne dans le creux de ses bras, elle n’oppose aucune résistance et finit la tête sur son épaule.
Les doigts de l’homme se glissent dans la longue chevelure de sa future maîtresse. Elle ne proteste pas ! Bien au contraire, elle passe une main autour de sa taille et presse sa poitrine contre la sienne.
Cet homme la fait se sentir de nouveau femme ! Cet homme qui attise de nouveaux désirs en elle.
Elle relève la tête de son épaule et plante ses yeux noisette dans les siens. Ils passent près de trois minutes à se contempler quand elle s’enhardit et fait le premier pas.
Elle entrouvre les lèvres et sa langue se glisse entre celles de Charles.
Tout à coup, Charles se rétracte et recule. Il s’exprime en bafouillant :
Les yeux toujours rivés aux siens, elle vient de placer sa main droite sur l’entrejambe de Charles. Elle sent à travers le tissu du pantalon ses bourses qu’elle soupèse dans la paume. Sa main remonte et frotte la verge qui croît sous les caresses.
Au moment où les doigts d’Irina défont la ceinture, Charles ne proteste pas, se contentant de rester muet. Quand les boutons de son pantalon sautent, il est encore sans voix.
Elle s’agenouille, finit de le mettre à l’aise et s’empare de son vit gonflé de désir. Elle le masturbe lentement en le regardant dans les yeux. Il se tortille, ferme les yeux et gémit lorsqu’elle le prend en bouche.
Ses lèvres sont exquises, douces, fermes, et glissantes. Sa bouche, chaude, humide, et enivrante affole tous ses sens. Il est au bord de l’explosion. La fellation est un délice.
Aucune bouche ne lui a donné autant de plaisir. Aucune ne lui a autant chamboulé les sens.
Elle l’aspire, l’absorbe au fond de la gorge. Il ne peut se retenir et éjacule dans sa bouche.
Charles ne sait toujours pas quoi dire quand elle avale sa semence.
Comment engager une conversation avec la femme de votre meilleur ami que vous venez de trahir ?
Irina rompt le silence :
Toujours muet, après une courte hésitation, il s’approche d’elle, la prend par la taille et la conduit sur la table de la cuisine où elle s’allonge.
Dix secondes plus tard, Charles retrousse la chemise de nuit et plonge la tête entre les cuisses d’Irina. Il dessine les reliefs de ses nymphes de la pointe de la langue, titille le clitoris, lape la fente, et goûte les sucs qui s’en échappent, le menton enfoui dans le vagin.
Irina halète et gémit. Elle jouit, le corps pris de spasmes, la tête dans les étoiles.
Charles la regarde avec envie, le sexe collé au ventre. Il saisit ses jambes, la tire vers le bord de la table et s’enfonce en elle d’un simple mouvement de hanche.
Il ne leur faut pas longtemps pour atteindre, à nouveau, les sommets du plaisir.
Charles est toujours sans voix, pensif.
Ce qu’il vient de faire à son ami est impardonnable. Que va-t-il se passer ? Doit-il en parler à Philip ? Va-t-elle lui en parler ?
Pendant qu’il se perd dans ses pensées, Irina s’est relevée de la table et réajuste sa chemise de nuit.
Voyant que Charles paraît soucieux, elle le rassure :
Remarquant de nouvelles larmes prêtes à inonder les joues d’Irina, il la serre dans ses bras et la console en lui murmurant des paroles rassurantes dans le creux de l’oreille.
Une fois tranquillisée, elle précise :
Elle sort de la cuisine et revient une minute plus tard avec le dossier pour son mari. Charles se nettoie le visage et, avant de partir, dépose un baiser mouillé sur les lèvres de la femme qu’il considère maintenant comme sa maîtresse.
Lorsqu’elle le voit disparaître au fond du parc, elle sait qu’ils vont se revoir. Elle sait que son cœur s’emballera dès qu’elle le verra passer le portillon, la prochaine fois.
Elle pense qu’elle connaîtra à nouveau joie et bonheur.
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Le quatrième jour, Thomas a du mal à dissocier ses perceptions de celles du tueur. Ils ne semblent plus faire qu’un par moments.
Cela le tourmente néanmoins car il a conscience que ce que fait l’homme est amoral, bestial, cruel et tout un tas d’autres choses peu ragoûtantes.
Thomas sait qu’ouvrir un abdomen est répugnant. Il sait qu’on ne doit pas découper une femme comme un chasseur débite son gibier. Il sait qu’on ne doit pas retirer du plaisir de la souffrance des autres.
Mais c’est plus fort que lui !
Il prend plaisir à voir l’homme exercer son courroux sur les femmes, ces êtres diaboliques qui l’ont trahi, ridiculisé, et humilié.
Toutes méritent de crever ! Thomas le reconnaît !
Il prend maintenant parti pour le tueur. Il en vient à apprécier les pleurs pathétiques des victimes qui implorent presque toujours la clémence. Comme elles ont l’air insignifiantes dans ces moments-là.
Pas de quartier ! L’homme taille, tranche, ouvre, découpe, écarte, retire, mutile. Et cela le fait bander ! Lui qui ne pouvait plus avoir la trique !
Lui qui doit punir les femmes pour leurs péchés de chair, leurs mensonges permanents, leurs corps qui invitent à la tentation. Leur seule raison d’être sur terre est de faire souffrir les hommes, de jouer avec eux un instant pour mieux les blesser plus tard, voire les trahir ! Elles ne peuvent être que l’œuvre du malin.
Thomas le comprend et cela lui apparaît comme une révélation.
À son réveil, un large sourire se fige sur ses lèvres. Les cauchemars de la nuit étaient sanglants mais, la peur d’habitude si tenace, l’a abandonné.
La petite voix fredonne une chanson. Un air enjoué que ne connaît pas Thomas. Cela le met de bonne humeur.
Il se lève, va dans la cuisine, allume la cafetière et s’installe dans le fauteuil lequel, après l’avoir salué comme chaque matin, demande :
Avant de répondre, Thomas caresse longuement l’accoudoir, alors qu’il revit la boucherie perpétrée par son ami et dorénavant maître qui hante ses rêves.
Les deux éclatent de rire.
Thomas boit son café et part travailler.
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La seconde fois que Charles rend visite à Irina, Philip, l’homme que les journaux finiront l’année suivante par appeler Jack l’Éventreur se trouve à un congrès de chirurgie à Manchester.
À la fin des débats passionnés et passionnants sur les nouvelles techniques chirurgicales, il sort dans la rue et flâne le restant de l’après-midi à la recherche d’un cadeau pour son épouse.
En chemin, il passe devant la vitrine d’un bouquiniste et jette un œil à l’intérieur, attiré par le capharnaüm qui y règne.
Irina adore la lecture. Une pièce de théâtre, en souvenir du bon vieux temps, voilà quelque chose qui pourrait lui faire plaisir, pense-t-il en franchissant la porte d’entrée.
La petite boutique sent le renfermé et le tabac froid. Des étagères garnies de livres courent le long de tous les murs. À même le sol, d’autres ouvrages s’empilent les uns sur les autres. Les colonnes s’élèvent parfois au-dessus de la tête de Philip qui avance précautionneusement dans ce labyrinthe.
L’homme derrière le comptoir lève brièvement les yeux quand le client entre et se replonge aussitôt dans sa lecture, sans un bonjour, ni le moindre sourire.
Quel rustre ! songe Philip en se dirigeant vers les étagères remplies de bouquins, évitant soigneusement d’heurter une des piles qui jalonne son parcours.
Du regard, il parcourt les titres et remarque que les livres ne sont pas classés. On trouve John Bunyan à côté d’un précis de médecine, lui-même rangé à côté d’un recueil de poèmes de Keats. L’œuvre de Dickens est mêlée à celle d’Henry James…
Philip perd cinq minutes à examiner la tranche des livres sans jamais tomber sur la moindre pièce de théâtre.
Il va avoir besoin de l’aide du malappris qui continue d’agir comme s’il n’y avait personne dans la boutique.
Le chirurgien, décidé à tirer l’homme de sa lecture, s’avance vers le comptoir lorsque ses yeux tombent sur un livre relié en cuir dont le titre en lettres ocre attire son attention : Monas Hieroglyphica de John Dee.
Il a entendu parler de cet illustre personnage en cours d’histoire. Dee servit de conseiller personnel en sciences et en astrologie à la reine Élisabeth pendant la Renaissance. Ce scientifique s’est beaucoup intéressé à l’occultisme, à la recherche du sens caché de la vie, à travers diverses sciences auxquelles il mêlait la religion.
L’alchimie, la divination, la magie, les interprétations runiques, faisaient partie de son quotidien. Le docteur Dee a publié un grand nombre de traités aux contenus obscurs.
Philip se souvient avoir lu quelque part que ce traité, La monade hiéroglyphique, prêtait à maintes controverses et que la plupart des personnes ayant essayé d’en déchiffrer le contenu n’avaient abouti qu’à des conclusions tellement différentes que tout le monde était d’avis de considérer ces interprétations-là comme farfelues.
Alors qu’il s’approche du livre pour le feuilleter, le vieil homme le fixe. Philip sent son regard qui pèse sur ses épaules. Il se tourne vers le vendeur et le foudroie de ses yeux bleus.
Le vieux sourit. Ses dents sont trop blanches pour son âge, ses yeux semblent luire dans la boutique faiblement éclairée.
Il ouvre la bouche et d’une voix étonnamment jeune s’exclame:
Le vieux tend à Philip le livre qu’il était en train de lire.
Sans répondre, Philip s’approche et, un court instant, le visage du vieil homme l’effraie. Pendant une demi-seconde, sa peau est plus pâle que celle d’un cadavre, ses yeux brillants et sombres comme deux morceaux de charbon sont aussi inexpressifs que ceux d’un poisson mort.
Puis il redevient le monsieur décrépit au visage constellé de profonds sillons. Philip prend le livre que lui tend le vendeur et cherche le titre des yeux.
Pas de titre ! Lisant la surprise sur le visage du client, le vieillard lui explique que ce livre circule sous le manteau. Il regarde longuement Philip dans les yeux et lui dit :
Outré par de telles manières, Philip lui assure qu’il sait tenir sa langue et qu’il n’a rien à craindre de lui.
Le vieux le contemple une nouvelle fois, cherchant à le percer à jour.
Ses yeux le sondent.
Philip frisonne.
Ce regard est terrifiant et en même temps le vieux a excité sa curiosité. Il désire en apprendre plus sur ce livre.
Après un bref moment qui, pour Philip, paraît durer une éternité, le vieux annonce :
Le vieux le sonde une nouvelle fois avant de donner une explication :
Philip est tétanisé. La terreur qui l’envahit le cloue sur place. Comment le vieux peut-il savoir qu’il est entré dans cette boutique pour ramener un présent à sa femme ?
C’est peut-être le hasard le rassure sa conscience cartésienne. Et comment peut-il affirmer alors, avec autant de certitude, qu’il va acheter ce livre à ce prix exorbitant et oublier le cadeau pour Irina ?
La certitude du vendeur irrite Philip. La colère dissipe la peur. Il ne lui achètera pas le livre. Il abhorre le ton péremptoire du vieux. Pour qui se prend-il ? Il croit peut-être qu’on le manipule aussi facilement ?
Il vient de décider de tourner les talons et quitter les lieux sans laisser la moindre explication quand le vieillard renchérit :
Il connaît aussi son prénom ! L’épouvante frappe une nouvelle fois le chirurgien de plein fouet. Il est sans voix. Décidément ce vieil homme mystérieux est aussi fort inquiétant.
Philip a un besoin urgent à satisfaire.
Sa curiosité.
Avant de quitter cette boutique de fou, il doit obtenir des réponses. Animé par cette envie (ce besoin) de comprendre, car tout a forcément une explication, Philip demande au vieux :
Le visage de Philip se décompose sous le choc provoqué par ces révélations. Comment peut-il détenir autant d’informations sur lui et sa femme ? Comment peut-il affirmer (savoir lui chuchote sa conscience) que sa femme le trompe ? Avec son meilleur ami ? Cela n’a pas de sens. Et comment peut-il aussi connaître le prénom de son ami ?
Charles ne lui ferait jamais une chose pareille. Et Irina comment oserait-elle le tromper avec son bras droit et ami qui vient trois ou quatre fois par mois manger chez eux ?
Tu ne bandes plus depuis longtemps, lui explique calmement sa conscience. Tu n’honores même plus ta femme avec ta langue. Elle doit se sentir seule… Et Charles, es-tu certain qu’il ne se laisserait pas tenter par les charmes de ton épouse ? Elle est plutôt bien roulée…
Une vague d’incertitude s’abat sur Philip et le plonge dans un océan de doutes. Le vieux a découvert beaucoup trop d’éléments de sa vie pour que cette clairvoyance ne soit due qu’au simple fruit du hasard.
Il laisse soixante-dix livres au vieux, pratiquement tout l’argent qu’il avait prévu pour les trois jours passés à Manchester, glisse l’ouvrage sans nom dans son sac et quitte l’échoppe sans prendre la peine de chercher un cadeau pour sa femme.
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Dans l’après-midi, alors que Thomas sirote un café en regardant des graphiques sur son ordinateur, son esprit retourne sur le rêve de la veille. Il a de nouveau ce sentiment de honte qui l’accable.
Comment peut-il avoir toléré le comportement de ce malade mental ?
Il revoit en image un rein ensanglanté entre les mains de son « hôte ». Puis l’image suivante est celle d’un intestin brillant de fluides.
Son estomac se soulève. Il gerbe dans la poubelle de son bureau sachant qu’il n’aurait pas pu atteindre les toilettes. Sentant son ventre faire des siennes il se précipite aux WC et vomit encore. Il va au lavabo et s’asperge le visage d’eau. Quand il se relève et se regarde dans le miroir, il se trouve pâle. Il passe à nouveau de l’eau sur ses joues quand il attend la voix qui gronde dans sa tête :
L’ignoble odeur du sang des cauchemars revient à son esprit qui le transmet directement à son odorat. Cette puanteur lui retourne une nouvelle fois l’estomac et Thomas pousse un cri quand il voit, au-dessus du lavabo, le reflet du tueur à la place du sien.
La peur qu’il ressent est si tenace qu’il perd connaissance.
Hervé, un autre cadre, le retrouve trois quarts d’heures plus tard, étalé sur le carrelage des toilettes, la tête ensanglantée.
Hervé appelle le SAMU qui conduit Thomas à l’hôpital.
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De retour à Londres, Philip, perplexe, est assailli d’interrogations. Jamais personne n’a autant ébranlé ses principes scientifiques. Le vieux et ses divinations. Les histoires occultes. Toutes ces choses auxquelles il n’a jamais cru. Eh bien… Maintenant il nourrit des doutes…
Tout cela s’embrouille dans sa tête. Charles qui coucherait avec Irina.
Il a parfois l’impression d’avoir rêvé cette rencontre avec cet énigmatique vendeur.
Mais le livre dans son sac atteste du contraire. Dans le train, il a essayé d’en lire des passages, mais à chaque fois, ses pensées retournaient aux prédictions de l’étrange vendeur, incapable de se concentrer sur le livre.
Il a beau essayé de se rassurer en se disant que le vieux jouait la comédie, la peur qu’il lui a inspirée ne l’a toujours pas quitté.
De retour chez lui, il appelle sa femme qui ne répond pas. La maison étant vaste, il ne s’inquiète pas plus que cela et commence à poser ses affaires dans le salon. Il défait ses bagages lorsque son ouïe capte des râles provenant de l’étage.
La réplique du vieux le percute en plein visage comme un violent coup de poing : « Et quand vous rentrerez, cela me peine de vous l’annoncer, vous la trouverez dans les bras de votre ami. Charles, je crois qu’il s’appelle. »
Philip consulte sa montre à gousset. Il est rentré plus tôt que prévu. Pourquoi d’ailleurs a-t-il pris le train si tôt ce matin ?
Probablement pour vérifier les dires du singulier bouquiniste, persifle sa conscience.
La rage tonne en Philip. Il grimpe les marches du long escalier qui conduit à l’étage en faisant le moins de bruit possible.
Arrivé sur le palier, il passe d’abord par son bureau et y récupère une dague effilée, ayant appartenu à son père, et qu’il utilise généralement comme ouvre-lettres.
Les gémissements s’amplifient à mesure qu’il approche de la chambre.
La garce copule dans leur propre lit ! Il voit rouge. Il va les tuer, leur ouvrir la gorge, les saigner comme les deux animaux qu’ils sont.
Il s’avance lentement vers la porte qui est restée légèrement entrouverte.
Sa main droite frôle la porte quand une idée surgit dans son esprit.
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Thomas est amené sur un brancard dans une chambre d’hôpital après qu’on lui a fait huit points de suture sur le crâne aux urgences. Il est un peu groggy et sombre vite dans le sommeil.
Il est encore dans la peau de l’assassin. Ce soir, il a emporté son couteau et son scalpel dans les poches de sa veste. Il est actuellement dans la cuisine et explique à Irina – que découvre Thomas pour la première fois – qu’il ne rentrera pas avant demain matin parce qu’il est de garde ce soir.
Irina ne réagit pas et se contente de fixer un point invisible sur le mur d’en face.
Thomas décèle une profonde mélancolie qui marque son visage et constate que son époux est ravi de la tristesse qui la ronge. Philip jubile intérieurement et Thomas saisit dans ses pensées, un « bye bye Charles » que susurre son esprit. Cela procure beaucoup de plaisir au chirurgien.
L’homme quitte son épouse après avoir déposé un baiser au coin de ses lèvres qu’elle ne lui rend pas.
Il hèle un fiacre et donne sa destination au cocher : Whitechapel.
Ce soir-là, il passe la soirée à s’envoyer en l’air avec quatre prostituées en même temps. Son problème d’érection ne semble être plus qu’un mauvais souvenir.
S’il arrive à bander, c’est grâce à Charles. Il en est certain.
Thomas apprécie ce rêve qui provoque de nombreuses éjaculations nocturnes.
Le lendemain matin, il se lève une nouvelle fois de bonne humeur. Il passe la journée alité, à regarder la télé, ses pensées distillant encore les coquineries qu’il a vécues avec les quatre filles.
Le soir, il s’endort un peu avant la fin des informations et retourne dans le corps de Philip qui, ce coup-ci, ne prend pas le scalpel et le couteau pour rien.
À 4 h 12, il hurle comme s’il avait été ébouillanté. Il presse le bouton de la sonnette d’alarme qui sert à appeler le personnel soignant en cas de problème.
Thomas en a justement un problème. Un putain de problème !
Sa main droite tient un scalpel (le scalpel) et, sous les draps, au fond du lit, une tête tranchée à la base du cou le fixe de ses orbites vides.
La tête d’Irina…
À suivre…