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Temps de lecture estimé : 24 mn
21/03/12
corrigé 11/06/21
Résumé:  Marie but une gorgée de vin, étira le bras en me fixant, les yeux luisants arborant un sourire de gamine espiègle, et pressa le sein droit de Pierrette toujours en chandail...
Critères:  ff frousses nopéné humour sorcelleri québec -humour
Auteur : Ingyt            Envoi mini-message

Série : Maudit vaudou !

Chapitre 04 / 05
Le bouclier massaï

Épisodes précédents : Paul a eu une aventure avec l’une des recherchistes de l’émission « Les Chasseurs d’Entités », une jeune et jolie Haïtienne bien ronde qui portait un étrange collier, un gri-gri pour contrecarrer un mauvais sort que son ex lui avait jeté (plus d’appétit sexuel). Mais pendant leurs ébats sur la table de réunion, l’ex-petit ami débarque, furieux, et jette le même sort au pauvre Paul en plus de lui voler son âme, ce qu’il ne prend pas au sérieux.


Une fois à la maison, la belle tante Pierrette surgit, en visite pour quelques jours. Le lendemain, Paul se promet une bonne partie de jambes en l’air avec les deux jolies rousses, mais… le mauvais sort semble fonctionner, Paul n’arrive plus à avoir d’érection. Les deux femmes ont beau se démener pour essayer de l’exciter, cela ne donne rien. Découragé, il doit se résigner à aller voir le docteur vaudou.


Il a droit à une cérémonie païenne pour conjurer le mauvais sort. Nu, entouré de jolies Haïtiennes bien rondes, nues également, il doit boire une mixture qui provoque chez lui d’étranges hallucinations et, finalement, une belle érection. Ce qui lui permet de baiser Pierrette devant toutes ces femmes qui chantent en créole et dansent autour d’eux.








Le bouclier massaï



De retour à la maison, je m’inquiétai pour Pierrette, elle n’avait presque pas dit un mot depuis notre départ de chez la tante. Je lui avais raconté un peu les visions étranges que j’avais eues puis on s’était tus. Je me sentais même encore un peu bizarre, mais surtout épuisé en conduisant.



Pour toute réponse je lui donnai un petit baiser.


La première chose que l’on vit sur l’écran géant, ce fut le visage de ma belle Marie en gros plan, une vieille photo pour une publicité.



Je soulevai juste les épaules, je n’en avais aucune idée et ça ne m’intéressait pas vraiment. J’avais encore des flashes de la cérémonie vaudou ; tous ces corps voluptueux, Maima-Kali, le baron Samedi, Pierrette en pâmoison, mon sexe enfin en érection… Moi non plus je n’étais pas près de l’oublier, cette journée-là.



« Madame Marie Lemieux, ancienne lectrice de nouvelles, vedette à la télé nationale et maintenant animatrice de l’émission « Les Chasseurs d’Entités » a annoncé fièrement ce midi, lors d’une conférence de presse, sa participation au prochain film du nouveau génie du cinéma québécois Jean-François Morel, le… »




Elle sortit le sien d’entre ses seins et le jeta sur la table du salon en grimaçant.



Pierrette me regarda songeuse arborant un petit air espiègle.





Le souper



Marie arriva en fin d’après-midi, visiblement épuisée, se tenant debout au milieu du salon jouxtant la grande cuisine où j’étais affairé avec Pierrette. Ma blonde avait le visage blême, les yeux rougis et les épaules voûtées. Elle bâilla en enlevant son tailleur noir, réussissant quand même à nous sourire un peu et on l’applaudit. Elle allait quand même réaliser son plus grand rêve, jouer au cinéma et nous étions tous les deux très heureux pour elle.



Sa belle voix un peu enrouée l’était plus qu’à l’habitude, même presque cassée. Ça ne la rendait que plus désirable à mes yeux. Je ressentais du désir. Yes !



Petit sourire triste de ma belle qui s’éclipsa. Pas de déboulade dans les escaliers et je criai en hachant de la salade :



Pierrette se figea en plaçant des assiettes sur la table me regardant comme on doit regarder un condamné à mort.



Pierrette me fit une drôle de face genre « pauvre toi, mais t’as couru après », et je rajoutai :



Un petit silence et on l’entendit rire puis une porte qui se referme.



Elle rit et rajouta :



Un boum sourd retentit là-haut. On regarda tous les deux vers le plafond. Le grand luminaire juste au-dessus de la table à manger vibrait.




Une heure plus tard Marie apparut dans le salon, complètement transformée. Joyeuse, pimpante, survoltée comme prévu en petite robe de soirée noire, légère, amplement décolletée et bas nylon noirs également. Elle était pieds nus et avait les cheveux relevés en chignon, elle s’était même maquillée comme pour un soir de gala avec, en plus, un gros diachylon dans le milieu du front. Elle s’assit à un bout de la table, face à moi, Pierrette insista pour nous servir l’apéritif et prit place entre nous, comme prévu. On porta un toast à la future vedette de cinéma.


Marie nous parla du film tout au long du repas, excitée comme une gamine. Jean-François par-ci, Jean-François par-là… À bâiller d’ennui ! Un grand film d’horreur, disait-elle, avec un énorme budget pour les effets spéciaux, du jamais vu au Québec et un scénario original. Un monstre venu des profondeurs de la terre par une mine abandonnée allait tuer des villageois et des survivants allaient tuer la bête évidemment. Navrant. Mais une petite chose me travaillait.



Oups ! Le silence se fit.


Marie me fixa intensément avec de petites rougeurs aux joues. Pierrette attendait la réponse avec impatience arborant un sourire candide.



Et elles rirent.


Dieu, que j’aimais entendre rire ces femmes-là ! Je bandais à nouveau et j’étais avec les deux femmes de ma vie. Je filais le parfait bonheur. Y me restait qu’à retrouver mon âme. Penser cela me fit sourire au moment où elles, elles s’arrêtaient.



Marie but une gorgée de vin, étira le bras en me fixant, les yeux luisants arborant un sourire de gamine espiègle et pressa le sein droit de Pierrette toujours en chandail à col roulé. La tante, assise bien droite sur sa chaise bomba le torse. Je bandai à une vitesse stupéfiante. En même temps, comme convenu, Pierrette glissa la main sous la table et pressa mon sexe gonflé.



Marie lâcha le sein de Pierrette dont le mamelon pointait aussi à présent, lui prit la main droite pour la rentrer dans son décolleté en me fixant. Je fixai la main de la tante qui palpait la poitrine de ma blonde qui rougissait en me souriant.



Têtes penchées elles approchèrent leurs visages l’une de l’autre, langues sorties et s’embrassèrent à pleine bouche tandis que Marie me regardait d’un œil en pressant à nouveau les seins de Pierrette et celle-ci lui rendait la politesse, mais par-dessus la robe cette fois. Je fis de mon mieux pour ne montrer aucune émotion, mais la tante pressait toujours ma queue sous la table et elle était si tendue qu’elle me faisait mal et que j’avais l’impression qu’elle allait faire exploser ma braguette.



Elle portait des dessous en dentelle noire et des bas à large bande élastique aux cuisses. Une pure merveille, une vraie bombe et je l’avais épousée.


Ma main tremblait tandis que je buvais en les fixant déjà fou de désir.


Les deux femmes se déshabillèrent côte à côte comme le font les filles quand elles veulent nous exciter : lentement en me jetant des regards espiègles, ondulant des hanches en retirant leur slip, étirant les jambes pour enlever les bas, en me tournant le dos pour les soutiens-gorge, dévoilant peu à peu leur corps voluptueux. Une fois nue, Pierrette tourna sur elle-même pour bien monter à Marie les signes peints sur sa peau qui avaient tourné au vert foncé et… celle-ci la regardait avec convoitise, les yeux mi-clos. Elles s’enlacèrent pour s’embrasser en se caressant tout en me jetant des petits coups d’œil narquois. Elles se caressaient les fesses, se palpaient les seins et se frenchaient sans retenue. Visiblement ça les excitait tout autant que moi. Il me fallut un gros effort de volonté pour rester cloué sur ma chaise avec mon petit air de chien battu.



Le carillon de la porte d’entrée se fit entendre, on sursauta tous les trois. L’imitation de la cloche du Big Ben et de son air célèbre « Le Westminster Quarters » résonna dans tout le musée.



Marie se cacha les seins avec les mains comme d’habitude, même si de l’entrée il était impossible de voir à la cuisine. Je me levai en me retournant rapidement pour cacher la bosse sous mon jean en me disant que pour revenir j’allais devoir improviser. Peut-être en me cachant derrière un bouclier africain en prétextant un fantasme.


J’allais ouvrir bien décidé à me débarrasser de quelque importun très rapidement, car on n’attendait personne et l’on avait rarement de visiteurs, mais ma bosse était trop visible et ma chemise trop courte pour la cacher. Encore le carillon tandis que je courais dans le passage décrocher un des précieux boucliers africains en cuir peint de motifs complexes « Massaï – Kenya – Tanzanie 1817 » indiquait l’écriteau collé juste au-dessus. Je me le passai au bras gauche, il était très léger, beaucoup plus que ce que j’imaginais et je courus ouvrir.


Deux jeunes adolescentes qui vendaient du chocolat pour une bonne cause, évidemment. Probablement des nouveaux iPod.

Elles me regardèrent comme on regarde un gars qui tient un bouclier en cuir peint massaï devant lui. Je pris deux barres de chocolat entre mes dents, les payai et refermai. J’étais déjà dans le salon lorsque j’entendis encore le maudit carillon.


Les grosses barres de chocolat se fendirent en deux entre mes mâchoires sous le coup de mon exaspération. Marie, debout derrière la table et qui me regardait drôlement, reprit ses seins en plissant les yeux. Pierrette, amusée comme toujours, passa derrière elle pour l’enlacer et lui donner des petits becs dans le cou, mains croisées sur son ventre. Wow !

Encore le carillon.



J’ouvris.


Deux juifs hassidiques tout en noir, barbe biblique et boudins. Wow !



Il regardait à présent le chocolat entre mes dents.

Je jetai les barres dans le vase chinois et ravalai ma salive.



Ils détalèrent en jasant et en yiddish sans doute.

Gros soupir en refermant.


Encore le carillon. Cette fois popa pompait. J’allai décrocher la longue lance qui accompagnait le bouclier et retournai répondre prêt à empaler ces autres importuns. Pourquoi pas ?



Pierrette cette fois tandis que j’ouvrais encore.

Un couple dans la cinquantaine qui me regarda comme… Enfin.

La femme amena un petit appareil photo rose devant ses yeux et me posa. Le flash m’aveugla.



Ils s’étiraient tous les deux et se penchaient pour essayer de regarder dans la maison.



Et une autre m’aveuglant encore.



Maudit flash !

Ils tournèrent les talons, déçus. Bons débarras ! Et là, je vis la cause de tous ces damnés carillons. Marie avait laissé la grille ouverte, j’aurais dû y penser, mais j’avais mon étrange journée dans le corps. Celle-ci se barrait automatiquement (quand on la refermait) et il y avait un écriteau dessus indiquant clairement qu’aucune sollicitation n’était permise et que le musée était fermé définitivement au public ; en français, en anglais, en espagnol et même en yiddish. Il y a une grosse communauté juive dans ce quartier.


Je sortis dans l’air glacial pour la refermer. J’allais le faire quand soudain un grand démon noir surgit devant moi me faisant sursauter. L’ex de Tahina, le cave s’était caché derrière un buisson le long de la clôture, bouteille à la main, joues gonflées, et il me cracha encore au visage avant que j’aie eu le temps de lever mon bouclier. Il grommela du créole avant de s’enfuir en riant pour grimper dans une petite voiture mangée par la rouille, stationnée juste en face de l’autre côté de la rue.


Je restai figé de surprise. Il démarra, mais l’embrayage se mit à grincer et il paniqua en essayant de faire jouer les vitesses. Là, je vis rouge, une sainte colère monta en moi, mon sang bouillait, sans réfléchir et par réflexe je projetai la lance de toutes mes forces vers le véhicule, le sourire d’une blancheur surnaturelle du Noir s’effaça et, apeuré, il se pencha rapidement. La lance se planta solidement dans la porte arrière avec un bruit de tôle déchirée. Il réussit à embrayer finalement et démarra en trombe, la petite voiture fit demi-tour sur les chapeaux de roues puis passa devant moi avant de disparaître rapidement vers Côte-des-Neiges en emportant la précieuse lance massaï avec elle.


Je n’y croyais pas, ce gars-là m’en voulait vraiment pour se planquer là et m’attendre comme un idiot. Il fallait que je rappelle Tahina et qu’on règle ça, mais pas maintenant. Il y avait quand même deux jolies filles nues qui m’attendaient. Je touchai mon visage encore poisseux d’alcool toujours pas mauvais et priai pour que la protection du gri-gri fonctionnât toujours. Je n’avais pas envie de me retaper une Maima-Kali à 225 $


Je me sentis tout drôle en refermant la grille tout en jurant, la tête me tournait et j’avais l’impression d’être complètement ivre. Mes genoux ramollirent, je voulus m’agripper à la barrière, mais je basculai sur le dos sur un parterre de fleurs mortes, bras en croix. Des pétales desséchés s’envolèrent pour retomber doucement sur mon visage tandis que je fixais la pleine lune et l’étoile du nord sans pouvoir cligner des yeux ni même bouger un doigt. Jamais je n’avais eu aussi froid de toute ma vie.


Après ce qui me parut une éternité, Marie et Pierrette arrivèrent en courant, catastrophées et rhabillées. Je les entendais à peine, les sons semblaient sortir d’un long tunnel et je les apercevais comme dans un miroir déformant. Marie avec une tête géante et des seins de deux pieds de long me fit un massage cardiaque pendant que Pierrette avec des jambes comme des échasses et une tête conique disparaissait vers la maison, puis ma blonde me pinça le nez pour me souffler de l’air dans la bouche. Je ne voyais que de gros yeux globuleux.


Mais qu’est-ce qui les prenait, à ces deux-là ?


Une petite absence.


Marie avec une face à la Jérôme Bosh qui m’embrassait en pleurant et Pierrette sur le téléphone. Cette fois, elle ressemblait à une déesse mère préhistorique.


Une autre absence.


Un gros ambulancier barbu qui regardait mon gri-gri en grimaçant avec sa face géante qui passait du bleu au rouge sous la lune. Marie et Pierrette pleuraient dans les bras l’une de l’autre devant des policiers, des voisins et des tas de photographes et de cameramen, tous plus bizarres les uns que les autres. Des flashes crépitaient de toute part. Je voulus fermer les yeux, mais rien à faire. Un des policiers admirait un bouclier africain le montrant à un collègue mince comme un fil tandis qu’un curieux leur amenait une lance qui semblait toucher la lune.


Encore une absence.


Je sentis vaguement un fort courant électrique me traverser le corps et un autre et encore.


Absence prolongée.


Je ne voyais plus rien, mais j’avais l’impression d’être dans un véhicule en marche. Quelqu’un avait dû me fermer les paupières et j’entendis vaguement :



« Décédé ? Comment ça, décédé ? Je suis pas… mort… je… je suis… vivant. Marie… Ma… »


Ma petite lumière s’éteignit.




Popa zombie ?



Je revins à moi dans le noir et frigorifié, je me mis à trembler aussitôt en réalisant que j’étais nu et étendu dans une boîte en métal très étroite. Mon estomac gargouillait, ma langue était épaisse, ma gorge sèche, je mourais de soif. Je me mis aussitôt à cogner et frapper du pied en hurlant pour qu’on me sorte de là. Sur une échelle de 1 à 10 pour la claustrophobie, j’atteignais le 10 depuis la tendre enfance, depuis que, par accident, je m’étais enfermé dans le coffre à souvenirs de ma grand-mère qui avait carrément oublié qu’elle me gardait, je devais avoir 6 ans.


Qu’est-ce que je faisais là ? Je ne me rappelais plus de rien à partir du moment où… j’allais ouvrir la porte… le carillon sonnait et… et quoi ? Le trou noir total. J’avais l’impression d’être dans un cercueil et ce n’était pas très rassurant, même angoissant. Je continuai quand même à appeler à l’aide à m’en briser la voix. Il se passa un temps fou avant que j’entende des pas et qu’une porte s’ouvre devant mes pieds. Je vis le visage d’un jeune homme qui avait latéralement les yeux sortis de la tête. La lumière vive brûla quasiment les miens.



C’est là que je réalisai où j’étais. À la morgue. Petit Jésus !

Je m’assis courbaturé en clignant des yeux pendant qu’ils s’habituaient à la lumière ambiante. J’étais ankylosé, congelé et le gars en sarrau blanc semblait momifié.



J’essayai de me débarrasser de l’étiquette, mais rien à faire, elle était attachée solidement avec un anneau en plastique, il m’aurait fallu un couteau ou des ciseaux. Il y avait mon nom dessus et un numéro. Ça, ça fait réfléchir.



Boum !


Le gars venait de tomber sans connaissance sur le carrelage blanc et il avait de jolies chaussettes roses. Je me levai chambranlant, les jambes en coton et, tant bien que mal, je traversai des doubles portes battantes pour me retrouver dans une grande salle d’autopsie déserte. Des tables en inox s’alignaient, vides heureusement sauf une. Un corps y reposait recouvert d’un drap, seuls des gros pieds poilus en dépassaient et avec la même étiquette que moi. Une étrange odeur de nettoyant industriel flottait dans l’air et cela me donna la nausée.


Je vis un abreuvoir et m’y précipitai, ma main tremblait en remplissant un petit verre en carton, l’eau glaciale me parut être la boisson la plus délicieuse de la planète. J’essayai de me noyer deux bonnes minutes avant de vomir tout ce que j’avais avalé et de boire à nouveau. Une fois mon petit réservoir bien rempli, je m’appuyai contre le mur, étourdi. Au moins, l’eau avait calmé mes crampes d’estomac, pour l’instant.


Soudain, j’aperçus un petit bureau dans un coin. J’y allai, marchant comme un homme ivre en me frottant les bras pour me réchauffer, espérant y trouver un téléphone pour appeler Marie, priant qu’elle vienne me chercher au plus vite. Je me laissai tomber dans un fauteuil, la tête me tournait et ma vue s’embrouillait à nouveau. J’attendis un instant avant de décrocher le téléphone sur le bureau me rappelant ce que Tahina avait dit à propos du bokor et de mon âme. « Il faut la trouver sinon il pourrait la manger et te transformer en zombie. »


Étais-je un zombie ?


Petit Jésus !


Je me mis la main sur le cœur et le sentis battre, pas très régulièrement, mais il battait. Ouf !


Après quelques minutes, je pris une ligne et composai le numéro du portable de Marie essayant toujours de me rappeler ce qui avait bien pu m’arriver pour que je me retrouve à la morgue, mais rien à faire.

Elle répondit aussitôt.



Sa belle voix éraillée était cassée, brisée, à peine un murmure.



Jésus Christ ! Je parlais toujours comme un lutteur qui aurait reçu trop de coups de genou dans la gorge. J’essayai de m’éclaircir la voix un peu.



Un long silence et… boum !



Merde ! Je raccrochai inquiet et rappelai aussitôt. Rien… la boîte vocale.

Je fis le numéro de Pierrette.



Je m’éclaircis encore la voix en jurant tout bas.



Encore un long silence et… Boum !



Je regardai autour de moi en claquant des dents et reposant le combiné. Il fallait que je trouve des vêtements pour sortir d’ici, il devait bien y avoir des casiers quelque part.

Bingo ! Je vis une patère derrière la porte, il y pendait des habits de médecin, vert pomme : chemise et pantalon plus un sarrau blanc avec une carte d’identité pincée à une poche, mais pas de chaussures. Sans plus réfléchir, je mis les vêtements, propres heureusement, mais un peu trop petits, bien décidé à rentrer à la maison. Je me sentais faible comme si je n’avais pas mangé depuis des jours et j’avais toujours froid, mais, somme toute, je me sentais plutôt bien. Plus d’étourdissements, plus de nausées, mais j’avais la même haleine qu’un vautour qui vient de se taper une collation dans une carcasse pourrissant au soleil.


Je sortis de la salle d’autopsie sans rencontrer âme qui vive et trouvai un ascenseur au fond d’un petit couloir. D’après un plan vissé au mur, je vis que je me trouvais dans un hôpital au troisième sous-sol. J’appelai l’ascenseur et tandis que je patientais j’essayais toujours de comprendre pourquoi j’étais là, mais rien à faire. Pourquoi m’avait-on mis à la morgue ? Dans un tiroir et sans m’autopsier, fort heureusement !


« T’es un zombie, idiot, c’est pour ça », me dit une petite voix. « Ils t’ont cru mort, c’est tout. Pas de panique, t’es bien vivant. »



J’avais déjà vu quelque chose à ce sujet, mais impossible de m’en rappeler. J’avais la cervelle congelée.

Mon estomac se réveilla. Merde !

La porte s’ouvrit enfin, un prêtre, bible en main, se tassa pour que j’entre en regardant mes pieds. Grand, maigre, cheveux grisonnants, le vrai sosie de Daniel Pilon.



Il appuya sur RC et dit, tandis que les portes se refermaient :



Un long silence embarrassant rempli seulement par le bourdonnement de l’ascenseur.



Là, il me détailla ses petits symptômes dans le creux de l’oreille, j’en frémis.



Un ange passa sans même battre des ailes.



Doux Jésus ! Qu’est-ce qu’un proctologue chinois pouvait bien faire comme travail dans une salle d’autopsie ?


Chinois !


La maudite étiquette m’achalait tandis que je me dirigeais vers la sortie des urgences à pas rapides en suivant les indications tout en souriant bêtement. Les gens et le personnel de l’hôpital rigolaient de voir marcher un docteur pieds nus, pas rasé, mains dans les poches, avec une étiquette à l’orteil, mais personne ne me posa de question jusqu’à la sortie des urgences.



Je me retournai pour apercevoir un jeune agent de sécurité qui regardait ma carte d’identité puis mon visage. Heureusement il n’y avait pas de photo sur la carte. Mais peut-être qu’il connaissait le docteur Wong. Je déglutis, je n’avais surtout pas envie qu’il me ramène de force dans l’hôpital pour me faire examiner ou interner ou qu’on me remette simplement dans le tiroir en disant : « T’es mort, mon gars, reste là, OK ? »

Je déteste les hôpitaux et je ne pensais qu’à rentrer chez moi. De plus, j’étais inquiet pour Marie et Pierrette.



Je grimpai à l’arrière du véhicule d’une autre époque, un grand Noir aux dents jaunes me regarda en souriant. Mon estomac se remit à faire de drôles de bruits. Un peu comme une machine diabolique et hydraulique construite par un savant fou du 13e siècle, mais qui refusait de démarrer.



Il avait l’accent haïtien, ça me rappela la belle Tahina et ma baise torride avec Pierrette chez sa tante et… Quelque chose d’autre, mais c’était vague, comme un bouclier et une lance. Bizarre.



Mais quand je lui donnai l’adresse, il blêmit, son sourire s’évanouit et il se signa en me regardant comme si je venais de lui annoncer la mort de sa femme, de ses cinq enfants, de ses parents et de ses grands-parents.



Encore mon estomac qui gargouilla puissance dix et ça sembla le terrifier plus. Je ne savais pas de quoi y parlait et je m’en foutais, je voulais juste qu’il démarre son vieux taxi sans doute importé de Cuba.



Là, je soupirai en écartant les bras et dis :



Et il secouait la tête de haut en bas avec beaucoup d’énergie et de conviction.

Pour rire, je levai ma jambe droite pour lui montrer l’étiquette.


Il hurla.


Ahuri, je le vis sortir du taxi, laissant la porte grande ouverte et se mettre à courir dans le stationnement en criant quelque chose en créole puis disparaître dans la nuit.


Ben là !


Je regardai aux alentours, pas d’autre taxi et le gardien discutait avec une jolie fille.

Exaspéré par tout ça, je grimpai à l’avant, refermai la portière et démarrai en rêvant d’un bon cigare, mais surtout d’un énorme cheeseburger. J’appellerai la compagnie de taxi, arrivé au musée, pour qu’ils viennent le récupérer.


Conduire pieds nus c’est pas évident, surtout en écoutant une vieille cassette 8 pistes de la compagnie créole que j’éjectai subito presto avant de mettre le chauffage à fond. Les phares des véhicules qui me suivaient m’éblouissaient, je relevai le rétroviseur en clignant des yeux.

Je réalisai que j’étais à l’hôpital St-Luc loin de chez moi en plus, mais pas tant que ça. Le CB grésilla et j’entendis :


« Christophe ? »


J’hésitai à répondre en prenant le grand boulevard René Lévesque vers l’ouest déjà éclairé par des lumières de Noël multicolores qui me brûlaient les yeux.



Je pris le micro, mon estomac se plaignit encore.



Ah ! le bouton ! J’appuyai dessus.



La voix nasillarde d’une femme me donna une adresse.



« Jésus-Christ ! » lâchai-je en reprenant le micro.



Gros soupir.



Friture…



Je fermai ce damné CB mais en le faisant je poussai la maudite cassette 8 pistes… Je grimaçai en la retirant complètement cette fois pour la jeter sur le siège arrière.



En passant devant un McDonald, je me mis à saliver comme loup qui n’avait rien mangé de l’hiver. Moi qui déteste ces damnées boîtes à fric où l’on ne sert que du préfabriqué qui goûte le plastique. Mais je ne pus y résister.


Malheureusement, le fast-food se trouvait de l’autre côté du boulevard. Sans réfléchir, je donnai un furieux coup de volant pour couper par le terre-plein, ma tête heurta le toit, de la petite monnaie, sortie de je ne sais où sembla flotter en suspension dans l’air un moment avant de s’éparpiller tout partout. La vieille bagnole se plaignit à m’en écorcher les tympans puis je coupai plusieurs véhicules qui s’en venaient en sens inverse et qui me klaxonnèrent furieusement pour enfin entrer dans le stationnement vers le service à l’auto. « Fermé temporairement » indiquait une affiche. Merde !


Une fois à l’intérieur, je passai quasiment inaperçu habillé en médecin, pieds nus avec une étiquette à l’orteil et probablement une face à faire peur. Je réussis à passer ma commande sans que personne ne crie « c’est le monsieur mort qui habite avec la vedette, Marie Lemieux ». La jeune serveuse me regarda comme elle devait regarder les itinérants et les malades mentaux qui venaient s’acheter un bon café chaud, c’est à dire avec indifférence. Je payai en vingt-cinq sous trouvés dans le taxi et y retournai pour manger mes trois big, big, big sans goût en calant un immense verre d’eau gazeuse trop sucrée.



En roulant vers la montagne, mon estomac calmé, je passai sans m’arrêter évidemment devant des dizaines de personnes qui levaient la main pour ensuite m’injurier, mais en stoppant à une intersection un couple grimpa dans le taxi.



Mais ils se frenchaient et se pelotaient déjà sans gêne aucune et ça me laissa totalement indifférent. L’homme grommela une adresse entre deux baisers vigoureux, les mains déjà sous la blouse de la fille dont le manteau était ouvert. Tant pis.


Quand je me stationnai devant la maison, ils baisaient furieusement. Pas croyable et pas d’érection de ma part ! Pas croyable non plus !


À peine sorti du taxi, deux armoires à glace m’encadrèrent, des Noirs imposants, m’agrippant solidement par les bras en me souriant et soudain j’aperçus l’ex de Tahina, bouteille à la main, les joues gonflées…









Vocabulaire :


Fendant : fâcheux, casse-pieds

Moppe : balai à franges

Niaiseux : idiot

French : baiser avec la langue

Tabarouette : juron

Chambranler : vaciller

Abreuvoir : fontaine à eau

Achaler : importuner