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Temps de lecture estimé : 34 mn
06/03/16
corrigé 07/06/21
Résumé:  Valérie s'entiche de Fédor, un quinqua qui, un peu plus distant, ne cède pas aussi rapidement à ses charmes. Elle imagine une stratégie délicate et perverse à laquelle elle finira par se prendre elle-même, non sans plaisir.
Critères:  ffh hplusag fplusag champagne -couple+f
Auteur : Laure Topigne            Envoi mini-message

Série : Les émois de Valériane

Chapitre 03 / 03
Les émois de Valériane - 3/3

Les émois de Valériane – 3/3



Résumé des épisodes I et II : Valérie, jeune fille de vingt ans, quelque peu innocente manque de se faire violer par un quinquagénaire alors qu’elle fait de l’auto-stop. Georges cependant n’est ni assez fruste, ni assez rustre pour prendre de force ce qu’il souhaite qu’on lui offre (Les émois de Valériane - 1/3). Après son initiation avec Georges, Valérie s’éprend d’un autre ancien qu’elle séduit sans vergogne ce qui la confirme dans ses goûts pour les aînés. Elle retrouve ensuite Georges pour quelques brèves aventures (Les émois de Valériane - 2/3).



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Je viens de rompre avec Georges, début juillet quand Albin m’invite à l’inauguration de la première tranche de la, sa médiathèque. Dans son discours, il me fait éloges et compliments, tant et si bien qu’on pourrait penser que j’en suis l’unique artisan. Champagne et petits fours sont au rendez-vous et c’est quand tous se ruent vers le buffet qu’il vient me solliciter. Le directeur de l’agence de presse régionale souhaiterait m’interviewer, non seulement au sujet de l’aide que j’ai apportée au projet communal, mais aussi parce qu’il voudrait créer un espace de lecture mêlant toutes les technologies et ouvert au public dans ses locaux. Il a construit, répète-t-on, sa notoriété en sachant très tôt, ou du moins bien avant la concurrence, décliner ses productions sur la toile de manière convaincante, tout en assurant néanmoins la pérennité de la version papier.


Albin me pousse un peu à l’écart, à la table des VIP et me présente Fédor Dulousquin, l’homme par qui les scandales s’étalent à la une locale. Il s’agit d’un grand monsieur très digne, d’apparence un peu froide bien qu’agréable, au goût assurément subtil et sûr ainsi que le signale l’élégance de sa mise. Taille moyenne, un peu plus de la cinquantaine, mais la portant allégrement sans ventripotence superflue, le cheveu noir jusque sur les tempes, le visage étonnement marqué par de nombreuses rides très mobiles, souvenir d’Afrique, dit-il. Bel homme ? Pas mal en tout cas, séduisant certainement, raffiné à n’en point douter et dégageant comme une aura de mystère.


Quel est ce signe qui fait que l’on s’éprenne instantanément de quelqu’un ? Je suis persuadée qu’il s’agit d’un rien, d’un geste, d’un regard ou d’une parole, d’un tremblement de la lippe, d’un tic quelconque, d’une vague exhalaison, d’une façon d’arquer le sourcil en souriant, de la conjonction improbable de plusieurs de ces éléments ou de quelque chose d’indéfini, bref d’un élément anodin dont on dira beaucoup plus tard à force de le voir réitéré : c’est certes énervant, mais ça fait son charme.


C’est un tel détonateur qui déflagre entre nous sans que je ne parvienne à l’identifier et j’ai l’intime conviction que c’est immédiatement réciproque, que de surcroît l’intuition partagée de cette réciprocité est un élément complémentaire d’envoûtement. Dès lors une toquade aussi irraisonnée qu’impérieuse me pousse à m’imaginer dans ses bras et bien pire, sans doute ?


Il est des jours où l’on se sent à l’aise dans sa peau, où l’on plane sur son nuage et l’on pressent que tout vous réussira. Il en va ainsi aujourd’hui pour moi, et je sais qu’au plus haut degré cela renforce cet air évaporé qui me vaut le sobriquet de face d’ange. Je rayonne, en suis pleinement consciente et le panégyrique d’Albin a achevé de m’exalter. Ma vêture très sage s’harmonise absolument à ces candeurs un peu mutines pour composer un cocktail explosif qui brasse la fillette avec la jeune fille et jusqu’à la femme, si bien que je ne suis pas éloignée de me percevoir comme une digne incarnation de la féminité.


Monsieur Dulousquin, à l’évidence, n’est pas insensible à mes attraits, toutefois sa raide sévérité lui interdit d’y rendre ouvertement hommage. C’est donc moi qui l’entreprends, qui l’interroge sur sa mission, qui approuve la manière dont il s’en acquitte et le félicite du succès grandissant de ses publications. S’il sait se montrer détaché, ou presque, face aux grâces des dames, il n’en va pas de même en ce qui concerne leurs encensements dont il se rengorge au point de laisser éclater ses satisfactions sans la moindre modestie. Je me fais un défi de lui extorquer un sourire ou un éloge, mais tout mon boniment n’a d’autre effet que d’enfler ses vanités. Nous discutons quelques instants et il se montre d’une intelligence perspicace, soutenue par une intuition et une sensibilité très fine. Après des échanges très professionnels, nous arrêtons une première entrevue au mardi suivant. J’ai constaté qu’Orianne nous surveille du coin de l’œil. Elle ne m’a jamais reproché de lui avoir dérobé Albin et s’est rapidement trouvé un autre galant. Alors qu’il s’écarte pour s’entretenir avec la sous-préfète, elle se rapproche et me souffle :



En effet, une femme magnifique vient lui prendre le bras. Rarement jeune femme ne m’a fait si forte impression. Grande, enfin presque une tête de plus que moi si l’on compte un chignon qui lui fait un casque et dont s’échappent des mèches de jais frisées qui se coulent dans son cou pour contraster avec sa blancheur délicate et son velouté de pêche. Mon teint mat et halé dont je suis si fière d’ordinaire, me pose en bohémienne à son côté. Un maquillage discret souligne l’amande de ses yeux immenses qui me font songer à ceux des antiques égyptiennes. Elle est sanglée dans un tailleur anthracite, un rien triste, mais très chic qu’elle égaye d’un chemisier vermillon et qui met en valeur ses galbes étonnants de perfection et ses proportions exemplaires. Elle a le port de tête majestueux et le regard altier qui soulignent sa distinction sans pour autant qu’ils ne soient arrogants ou seulement suffisants. Quelques instants plus tard, Monsieur Dulousquin quitte la sous-préfète et revient vers moi escorté de sa brillante conjointe :



Elle est de quinze ans au moins sa cadette et s’applique à les faire paraître vingt. Je sens aussitôt qu’il faut me faire une alliée de cette femme.



Venant d’un homme la louange aurait paru flagorneuse, d’une gamine, elle l’accepte avec surprise et un évident contentement.



Me voilà traitée en égale, ces éloges me remplissent d’aise, et, en ce jour décidément faste, font éclater ma verve. Dès que je me retrouve seule avec elle, je la flatte sur ce qui n’indiffère jamais femme de cet âge, sa jeunesse précisément. Il est vrai que ce n’est pas pure rouerie et que globalement je suis admirative et adhère à ce que j’énonce, tout au plus, j’en force le trait. À l’inverse de son conjoint, elle sait conjuguer la plus éminente gravité à la foucade inconsidérée et une communauté de vue réfléchie, mais joyeuse s’installe et nous unit presque immédiatement. Après dix minutes d’un papotage tantôt sérieux, tantôt complètement écervelé, Madame l’épouse déclare me compter dorénavant parmi ses amies.


Mardi, je les rencontre successivement dans leur cadre de travail. Lui toujours un peu coincé, mais parfait ! Au demeurant plus attirant qu’à l’inauguration, le regard envoûtant, la ride séductrice et évocatrice d’un dense vécu, le verbe précis et concis appuyé par une douceur ferme de la voix. Je me suis habillée outrageusement court et transparent. Assise face à lui, je croise mes jambes très haut et dans mon discours je laisse entendre que je ne suis pas bégueule. Il apprécie la vue, le propos peut-être, mais ne dévie pas d’un iota de la plus stricte politesse. Si je pensais me le soumettre en exposant mes cuisses, j’ai tout faux. Elle, plus intimidante dans son rôle de rédactrice que lors du premier contact, mais l’ambiance se dégèle rapidement et bientôt je nous surprends à tenir des propos fort éloignés des préoccupations professionnelles. Elle aussi admire ma mise, avec plus de franchise cependant, et beaucoup d’envie dans le ton quand elle me demande comment on ose se vêtir si légèrement, puis lorsqu’elle déplore son grand âge qui lui interdit ces extravagances. Je la rassure lui vantant son galbe qui s’en accommoderait aisément, lui expliquant qu’au reste cela doit se porter sans forfanterie ni gêne, tout naturellement, pour échapper à l’outrecuidance ou au ridicule. Revenant à notre sujet, elle m’informe que ma contribution sera rémunérée et que je travaillerai directement avec elle, son époux et Laurent Poignet, l’administrateur général. Voilà qui me fournit un boulot de vacances inattendu, inespéré et plus intéressant que de la distribution des assiettes de potage. Dans ma joie, je lui saute au cou. Cette spontanéité la déconcerte, mais ne semble pas lui déplaire.


L’entente la plus cordiale nous unit et nous nous rencontrons souvent, moi et lui, moi et elle, moi et les deux, augmentés occasionnellement de quelques amis. Il m’arrive parfois d’écumer les boutiques pendant la pause méridienne avec madame, que j’ai décidée à s’habiller moins raide, plus sexy et coloré. Tout en me félicitant de mon conseil, tant professionnel auprès de lui que vestimentaire auprès de son épouse, Fédor ne cesse de marquer sa retenue comme si une crainte le tenaillait à mon endroit. Je me doute de l’origine plutôt flatteuse de cette crainte bien qu’elle me fasse désespérer de parvenir à me l’attacher. Je le vois parfois saliver, mais il ne bave point, et très vite, je comprends que ce n’est pas par mes manœuvres provocatrices que je parviendrai à mes fins. Dès lors, je change de stratégie et tout en conservant des relations privilégiées avec son épouse, je me détourne un peu de lui pour gratifier Laurent, l’administrateur général divorcé depuis peu, de mes sollicitudes. Ce dernier, un jeune homme qui a franchi le cap de la trentaine, ne partage, pas les mêmes réserves que son chef et constatant l’attention que désormais je lui porte, m’imagine déjà dans son lit.


Il ne remarque pas que c’est surtout en présence de son patron que j’étale mes complaisances et il n’hésite plus à me draguer ouvertement. En réponse, je minaude tandis que le chef se renfrogne. Quand il apprend que je déjeune régulièrement avec le jeune monsieur, il en prend nettement ombrage et essaye de m’écarter de lui recentrant mon travail sous sa propre autorité et celle de son épouse. Quant à moi, naïvement, je m’ingénie dans toutes les occasions à lui décrire les hautes qualités de son administrateur provoquant à chaque fois une réaction de dépit qui lui fait creuser les rides de son front. Enfin, un jour de la fin août, alors que mes très vagues prestations royalement rémunérées touchent à leur terme et que nous sommes seuls, je juge l’avoir suffisamment attisé et lui annonce que le sieur Laurent m’a invitée à dîner chez lui dans deux jours.



C’est presque fâché qu’il rétorque :



Il comprend instantanément où je veux en arriver et blêmit.



Une infinie seconde, il demeure pétrifié.



Il baisse la tête et perdu dans la contemplation du bout de ses chaussures. À peine audible, il ajoute :



J’avance vers lui, tandis qu’il recule horrifié jusqu’à ce que son bureau lui interdise de poursuivre sa retraite.



Mes lèvres sont à dix centimètres de son visage et il secoue la tête comme pour se convaincre de la négative.



C’est à mon tour d’être totalement sidérée. Ainsi, ce qu’il a trouvé afin de ne pas duper sa femme, c’est de la joindre à notre intrigue ! Et je présume maintenant que cet égarement n’est pas neuf, mais qu’il en fantasme depuis déjà quelque temps.



Pendant que je débite ma phrase, je poursuis insensiblement mon approche que j’achève en collant ma bouche sur la sienne. Il ne se dérobe plus et saisissant ma tête de ses deux mains, il l’incline légèrement pour mieux river ses lèvres sur les miennes. Nous nous étouffons alors d’un baiser brûlant qui ne s’encombre d’aucun préliminaire. Les yeux fermés, je m’abandonne à son étreinte affolée de remords, gonflée d’espérances et qui nous libère tous deux de la crainte de voir notre rêve commun rester impossible ainsi qu’il le paraissait jusqu’à cet instant. J’ai forte envie de prolonger ce préambule, mais suis méfiante et redoute qu’à trop le brusquer il ne se rétracte, même si sans attendre davantage, il vérifie l’harmonie de mes formes du bout des doigts. Après quelques embrassades encore, il s’écarte de moi la braguette distendue :



Je le quitte exultante et m’évoquant la scène des confidences :


Lui, l’air emprunté, regardant le tapis ou le plafond :


  • — Chérie, tu connais l’intensité de mon amour pour toi… tu réalises qu’il n’y a que toi qui comptes dans ma vie… Eh bien, je m’apprête à te tromper.

Elle, presque légère, souriante en tout cas :


  • — Imagine-toi que je le sais et que cela tombe à pic, car moi qui t’aime au moins autant, je nourris le même projet !

Lui, complètement abasourdi et la mine maintenant renfrognée :


  • — Tu le sais ? Tu veux me tromper ? Avec qui ?

Elle :


  • — Qui donc évoquons-nous journellement ces temps derniers, qui donc peuple pendant nos nuits, nos plus doux songes comme nos agréables cauchemars, ne serait-ce point la même ?

Lui :


  • — Ainsi donc tu consens ?

Elle :


  • — Si toi également !

Et ils se jettent dans leurs bras respectifs, se félicitant de leur communauté de goûts.


Bon, c’est un peu simplet, j’en conviens, toutefois j’ai lu tant d’histoires qui ne l’étaient pas moins. Une interrogation me tourmente : que peuvent donc trouver deux personnes aussi matures, aussi intelligentes, aussi aimantes l’une de l’autre chez la jouvencelle mal dégrossie que je suis ? Certes, je me suis appliquée à les séduire, lui, je l’ai rendu jaloux, elle, je l’ai flattée, mais ils ne sont pas assez crédules pour se laisser berner par ces manèges puérils même s’ils n’étaient pas que pure facétie de ma part.


C’est presque impensable, à moins qu’ils ne soient beaucoup plus vicieux et hypocrites qu’ils n’en ont l’air et veuillent se payer une petite récréation sensuelle, histoire de rompre la monotonie d’une vie de couple trop rangée ? Et s’ils cherchaient en moi l’enfant dont ils sont peut-être privés ? Ou plus simplement s’ils me faisaient marcher ?

J’avoue les appréhensions que génèrent ces folles hypothèses, la vivacité de mes perplexités et craintes, quand, samedi, je prends le chemin qui mène chez eux et plus d’une fois, je manque de revenir sur mes pas. Je n’ai négligé aucun des détails qui puissent me vieillir et dois bien afficher vingt-trois, voire vingt-quatre ans. J’ai notamment veillé à la sobriété et au classicisme de ma mise, hormis mes dessous que j’ai choisis très engageants et les escarpins démesurés visant à ne pas me laisser naine face à eux. Malgré ceux-ci, devant leur portail, je suis dans mes petits souliers. J’hésite et ose enfin sonner. C’est Fédor qui m’accueille et me serre furtivement dans ses bras, l’air un peu embarrassé.



Il me conduit au salon où nous attend Alizée resplendissante quoique visiblement nerveuse. À l’inverse de moi, elle a manifestement tout mis en œuvre pour se rajeunir et apparaît dans une robe vermillon ultra mini en mousseline légère. L’ambiance est si électrique que j’ai presque envie de tourner des talons, et ce sont eux que précisément j’enchevêtre dans les franges du tapis et qui me font piquer du nez en avant. Je manque de m’étaler et c’est elle qui me rattrape.



Elle avec qui j’étais dans la plus grande familiarité, m’embrasse ce soir du bout des lèvres.



Tout y est, le reproche, le pardon comme l’acceptation, et réponse ne saurait être moins équivoque. Au-delà, je perçois immédiatement la virulence de son désir, qui se traduit dans son air farouche de biche acculée et dans son regard qui la fait rougir violemment quand elle me dévisage et surtout lorsqu’elle l’attarde sur ma poitrine. Je la devine d’une fragilité extrême qui la rend prête à tout pour me contenter et me plaire. Pour la première fois depuis longtemps il me faut me réfugier derrière Valérie, redevenir l’évaporée face d’ange. C’est étonnant, à ce moment pourtant, elle me fait beaucoup plus d’effet que lui, Georges ou Albin et dans ce rôle de femme maîtresse un brin apeurée, elle me terrorise presque autant qu’elle m’attire, en tout cas m’affole et je me sens toute petite fille.


Elle est ce que je voudrais être ou du moins devenir, une grande dame affable, dépourvue d’arrogance et qui semble échapper à l’emprise du temps, élégante et accorte, condensant dans l’être et le faire ce que je ne sais qu’appeler : la classe.

La durée d’un éclair, je me demande si elle est aussi intimidante lorsqu’elle est entièrement déshabillée, tout en me rétorquant aussitôt que je suis là précisément pour le constater et cela me trouble étrangement. Elle me conduit vers un canapé gigantesque et m’invite à m’établir dans l’un de ses angles tandis qu’elle gagne celui qui lui est opposé, là-bas, tout au bout du monde. Le siège est très bas et sa courte robe rouge remonte très haut sur ses cuisses. Une seconde, j’envie le galbe fuselé de ses mollets, moi qui étais si fière de celui des miens, et qui estime maintenant ne disposer que de cylindres d’un diamètre presque identique côté genoux et chevilles. Je constate surtout qu’elle porte des bas à jarretière qui au-dessus de leur liseré laissent apparaître une blanche peau nue.


Je croyais, jusqu’à ce jour, qu’il revenait aux hommes seuls de fantasmer sur cette portion de notre anatomie et constate que, moi aussi, à présent, je brûle d’y témoigner de mes ferveurs. Son embarras et cet éclat blême sont peut-être des indices de vulnérabilité, mais si envoûtants qu’ils peuvent également se transformer en indubitable force. Laquelle de nous deux est à l’autre soumise ? Personnellement, je lui voue une soumission de caste, que lui valent son âge, son statut, mais surtout mon admiration. Elle, par contre, m’est soumise par ce qui lui semble l’extravagance de son désir, la crainte de ces jeux érotiques inaccoutumés aussi convoités qu’importuns.


Fédor vient s’installer entre nous et nous fait signe de ses mains de l’encadrer de plus près. Lui, est aux anges et se régale de jouer les séducteurs ce que d’habitude sa rigueur lui interdit. Il adore assurément la chair fraîche, comme le démontre aisément la jouvence de son épouse, et ma seule présence déjà le flatte et le fait triompher de ses rides. Il souffre de cette faiblesse propre à beaucoup de gens d’esprit si entichés de leurs capacités intellectuelles qu’ils doutent qu’on puisse apprécier autre chose en eux, surtout dès lors que les premières atteintes de l’âge se font sentir. Bref, il est ce soir, vrai coq en pâte.



Les bras écartés en croix sur le dossier du canapé, il laisse négligemment tomber une main sur nos épaules puis se tournant successivement vers chacune, il nous gratifie d’un chaste et rapide baiser sur la bouche. Il poursuit :



J’espère, pour ma part, qu’il ne profère là que plaisanterie ou anodine menace. Il interroge :



Il en remplit trois flûtes à ras bord et je constate sans amertume qu’il tend la première à sa femme. Lorsqu’il me donne la mienne, il tremble tellement qu’il répand une large part de breuvage sur mon corsage. Je suis presque sûre que cette maladresse ne répond pas à une intention délibérée, mais constitue néanmoins le superbe témoignage d’un désir inconscient et je m’écrie :



Il se précipite armé d’un torchon, épongeant mon chemisier. Après l’avoir laissé s’affairer quelques instants, je constate dépitée :



En une rapide œillade, il s’enquiert de l’avis de sa compagne puis s’attelle, plein d’application, à dégrafer le haut de mon habit. Écartant les pans du col, il déclare :



Ses lèvres avides m’aguichent singulièrement, si fort qu’immédiatement je suis emportée par les exigences de mes sens. Je bombe mon torse, autant que faire se peut, et tends en avant mon poitrail tout en consultant à mon tour Alizée d’un coup d’œil interrogateur. La belle n’y répond point et je la vois, médusée par la scène qu’elle observe d’un air que l’affolement dispute à l’ivresse tandis qu’elle porte une main au baromètre des concupiscences de son mari pour constater que les pressions grimpent ostensiblement.


Lui essaye de faire émerger un téton rebelle du soutien ampliforme et rigide de ma guêpière. N’y parvenant pas, il abandonne la position, se lève et recule légèrement puis nous incite, Alizée et moi, à nous blottir l’une contre l’autre sur l’immense canapé. Nous voici, flanc contre flanc, comprenant promptement la raison de cette invite, car encore, il nous sollicite :



Dans les yeux d’Alizée, je lis simultanément une formidable détresse et un fantastique désir. Ses narines se dilatent, sa respiration s’accélère, tout son buste palpite et se soulève, frémissant. Elle avance ses lèvres tremblantes vers ma bouche et j’en découvre la pulpe écarlate dilatée, semblable à l’oriflamme de la volupté. Pour l’encourager, l’accueillir et me donner, j’exhibe une pointe de langue rose. Son regard se voile, s’embrume d’allégresse et de détresse et supplie tout autant prends-moi, qu’épargne-moi. Nous restons suspendues ainsi, une seconde, une minute, une heure, qu’en sais-je, pendant que, furieux, gronde et s’enfle l’orage de nos tentations. Son éclat naturel se renforce de cette aura de désir et de crainte pour la nimber d’une irréelle beauté. Au moment où je sens déjà son souffle court et dévorant sur mon visage, à ce moment, elle renonce et défaille tandis qu’une lourde larme s’échappe de ses paupières, qu’elle baisse la tête, confuse, et s’accompagnant d’une moue poignante murmure :



Étonnamment, je ne suis pas même déçue tant cette reculade, appuyée sur ce pleur, confère un charme magique à mon amie. Tenace, Fédor cependant intervient :



Une fois que nous avons ainsi le gosier chatouillé par les bulles perfides, il poursuit :



Cette simulation d’amusement qui dédramatise la situation convainc Alizée qui tout de suite s’essaye au jeu. Évidemment l’échec de l’opération est inévitable et le nectar ruisselle sur nos mentons. Cet échec néanmoins est très relatif, car nous voici bien liées l’une à l’autre, selon le souhait de Fédor, mais plus encore, le nôtre. Je discerne immédiatement ce qui distingue ce premier baiser saphique chargé d’intense communion de son mâle équivalent toujours enclin à la prise de possession et inévitablement conquérant. Alizée, les bras ballants, ne bouge plus. La véhémence de ses convoitises la paralyse totalement, elle entrouvre seulement sa bouche pour accueillir ma langue fine, souple, déliée et sombrer dans les délices de cette intrusion attendue, prémices lascives à d’autres ébranlements.


Nos regards éperdus s’altèrent, dévastés par la houle de notre désir et s’évadent vers des horizons indistincts peuplés de rêves éthérés. Notre vision se brouille, éblouie par une fulgurance dont nous ne savons trop s’il convient de quérir l’origine en ou hors de nous-mêmes. Nos lèvres se cherchent, se rapprochent, s’éraflent, s’incendient réciproquement des bouffées d’un halètement cuisant, mais par tant de fougue effrayées, craintives, se détournent, pas plus toutefois que le temps et l’espace d’un soupir qu’elles exhalent en une longue et indolente plainte. Elles clament et dénoncent la pénitence qui les sépare avant que de se retrouver par tous ces atermoiements et émois desséchées. Fermes, boursouflées par l’attente, elles s’écrasent mutuellement, jointes en une ardente supplique.


Entre les barrières ivoirines point timidement un éclair mauve qui se voue à apaiser les gerçures que trop de fièvres y ont empreintes et bientôt les langues se saluent, effarouchées d’abord, s’explorent enfin fébrilement puis se nouent impétueusement. À nouveau, elles se fuient et se perdent ; c’est moi qui me suis reculée pour contempler le visage de ma belle éplorée et m’imprégner de cette attendrissante image : un minois inondé de bonheur, rayonnant d’ivresse – une pulpe vermeille et charnue, suffocante, gonflée de mutine excitation – une bouche solliciteuse, balbutiant quelque muette rengaine, s’ouvrant et se refermant à mesure, enflée d’une indicible prière – des yeux langoureux et implorants, soulignant un ineffable sourire de béatitude et proclamant le supplice de son tendre martyre. Et encore nos bouches se happent, s’aspirent et se soudent, de biais maintenant pour mieux s’ajuster. Nous nous faisons siamoises, accolées par cet organe pourvoyeur de saveurs enchanteresses. Dix fois nous nous écartons et cent fois nous rejoignons scellant notre accord dans cette fusion.


Je n’ai pas de doute, nous vivons ce partage à l’unisson ; notre empathie est totale, nos yeux se ferment, rient ou se révulsent conjointement. Cet envahissement mutuel, à l’encontre des viriles irruptions, n’est ni présomptueux, ni brutal, ni dominé par la quête forcenée d’un plaisir immédiat et se développe presque insidieux, nonchalamment pour nous délivrer tout le miel de sa félicité dont la saveur s’accentue, graduellement, sans limite. Nos dents tantôt pourtant aussi s’aiguisent sur la lippe opposée quoique complice, aiguillonnant cette candeur d’une pointe de délectable tourment. Je n’ai à ce jour jamais vécu la ferveur d’une telle étreinte, et ne peux consentir à la fin d’une communion qui me détachera de moi-même. Plus rien ne compte et comme moi, elle a oublié Fédor. Combien de temps demeurons-nous enlacées, mêlant notre écume avec volupté ? Une seconde ou une éternité, aucune ne saurait le dire, car la détente que nous procure cette accolade dissipe l’excès de tensions accumulées et abolit les repères d’une vaine temporalité. La première, je m’esquive pour dévorer d’une multitude de petites embrassades ignées le front, les joues et le cou d’Alizée.


À quoi donc peut-on encore prétendre après avoir épuisé toute la passion en un seul baiser ? Il me semble, en celui-ci, avoir, et vécu les ressources de l’amour, et appris ce que je n’avais pas compris dans les précédents, ainsi, à être réceptive aux petites nuances qui créent la richesse d’une accolade. Lorsque nous revenons sur terre Fédor qui a retiré pantalon et slip, vient s’asseoir aux côtés de sa charmante épouse et lui fait doucement comprendre qu’il n’y a pas que moi qui attende son hommage.


À genoux, elle se coule entre ses jambes et saisit la verge turgide qui est sans doute la moins imposante de celles qu’il m’ait été donné de fréquenter dans ma toute récente carrière d’amante et de séductrice. Elle en est d’autant plus émouvante et le spectacle de cette colonne de chair bandée disparaissant entre les lèvres pourpres, étranglée par les doigts ivoirins aux ongles écarlates effilés comme une menace, est magnifique et délicieux, me fascine et enflamme tous mes désirs. J’hésite à me mêler à l’exercice, mais préfère les laisser seuls pour cette privauté. Me souvenant de la tentation qu’a engendrée la perception de la peau nue d’Alizée au-delà sa jarretière, je m’agenouille à mon tour, derrière elle, et passe ma main sous la cloche de sa robe. Elle comprend mes intentions et, s’appuyant d’un bras sur Fédor, relève très haut sa croupe.


Progressivement, je rabats la mousseline sur ses reins, le voyage est hélas malheureusement bref, tant celle-ci est courte et je me pâme devant la perfection de ses fesses en découvrant le satin pâle et lustré au-dessus de l’échancrure du bas. Je tente de glisser des doigts sournois entre ses cuisses que d’abord elle resserre dans un réflexe de pudeur. Je n’insiste pas, mais achève de remonter le tissu sur ses hanches. Je me souviens de Georges louangeant mon cul, que dirait-il de celui-ci ? Je le parcours des caresses les plus raffinées avant d’y coller une bouche enthousiaste, y multipliant bisous et cajoleries. La belle se trémousse pour marquer son agrément. Je tire alors délicatement sur l’élastique de la culotte accompagnant le lent dévoilement de sa raie d’ombre des plus tendres embrassades. Elle se tortille pour faciliter l’opération et se retrouve bientôt, le linge humide roulé au niveau des genoux, tandis que je peux poursuivre mon exploration sur la peau la plus douce et remonter jusqu’à sa fragile intimité. Une exquise rosée humecte tous ces parages dont la touffeur moite me bouleverse.


Il y a peu, on m’aurait dit que je lutinerais ainsi une femme de trente-cinq ans et que de surcroît j’y trouverais un plaisir inégalable, je m’en serais sans doute offusquée et maintenant ses tressaillements, ses petits cris étouffés, ses sursauts m’invitant à m’engager davantage, toute cette aimable scène me ravit alors que pourtant, je ne suis qu’aux portes du temple.


Fédor qui est au seuil de l’explosion me convie d’un geste à œuvrer de concert avec son épouse. Nous nous plaçons donc de part et d’autre de ses jambes pour jouer à quatre mains et deux bouches de la flûte enchantée. Ce n’est pas simple, car des encombrements en résultent autour de l’instrument ce qui occasionne quelques fausses notes. Les concertistes aussi parfois oublient le pipeau pour en de hâtives effusions faire vibrer leurs anches réciproques, s’étreindre au-dessus de la cornemuse un instant abandonnée. Quelle stimulante et joyeuse cacophonie parvenons-nous ainsi à interpréter !


Notre proie tremble de tout son corps, exhale son âme en essoufflements ininterrompus ponctués de soupirs rauques tandis que son gland, sa tige, ses bourses subissent nos assauts conjoints et répétés. Fédor pose une main sur nos têtes qu’il ébouriffe d’un mouvement convulsif avant de retirer pinces et peignes qui maintiennent le chignon d’Alizée. Une vague ébène s’écoule et noie l’objet de mes concupiscences derrière son lourd rideau. Alizée se saisit d’une mèche et, armée de ces crins, reprend ainsi ses frictions sur la hampe de son époux. Lui, enfin se libère dans sa bouche puis dirige son sexe vers mon visage et crache dans une autre salve le reste de sa semence sur mon menton et mes pommettes.


Une brève embrassade soutenue par quelques coups de langue, nous permet de répartir équitablement sa bordée. Nous nous relevons face au mâle exténué, ce qui fait tomber la culotte d’Alizée, qu’elle évacue du bout de ses pieds, mais hélas aussi sa robe qui dissimule à nouveau son ravissant postérieur.

Tout essoufflé et chaviré par ses allégresses, Fédor nous murmure :



Ce n’est pas un ordre, pas même un souhait, juste une prière. Alizée veut immédiatement s’y conformer et s’apprête à déboutonner sa tenue, mais il l’arrête :



Nous sommes debout toutes deux face à lui, et je ressens l’exaltante brûlure de leurs regards incendiaires qui évaluent et massent mes formes. Je vais vers elle, arborant mon plus fier poitrail, le lui tendant comme un don. Butinant mes lèvres en murmurant « c’est si bon », elle s’active à défaire les nacres de mon chemisier, suivi de la ceinture de ma jupe qui, fort étroite, reste coincée sur mes hanches. Elle s’accroupit alors et tire le vêtement rebelle de façon à le faire choir sur mes chevilles. J’exhibe ainsi devant son visage les guipures noires de ma culotte et le velours hâlé de mes cuisses. Elle caresse mon sexe à travers les dentelles qui le camouflent puis, après avoir quêté mon approbation avec de grands yeux consternés, elle entreprend de m’extirper de cette prison.


D’instinct, je porte mon pénil à ses lèvres, mais elle se borne à le frôler avant de se redresser, rougissante et troublée. Ce fard qui empourpre ma splendide et mature maîtresse me comble d’aise, témoignant des émois que je lui inspire. Bien sûr, parvenir à faire rougir de confusion une belle femme comme elle n’est pas le dernier de mes délices, mais je n’en tire ni orgueil, ni vanité. Je la tourne alors vers Fédor et me plaçant dans son dos, je plaque une main sur ses seins adorables que je perçois dépourvus de tout renfort sous l’étoffe. De l’autre je remonte très haut sa robe découvrant à son époux le vison enjôleur encadré des bas noirs. J’imagine le regard passionné qu’elle doit échanger avec lui, qui maintenant se masturbe tranquillement pour retrouver sa vigueur. Elle colle son échine contre moi qui l’entoure de mes prodigalités tout en dégrafant, une à une, les attaches de sa toilette. Chaque bouton ouvert s’accompagne d’un tressaillement de crainte ou de volupté et sa peau se hérisse. Quand enfin j’écarte les bretelles de sur ses épaules, elle tente d’abord, dans un geste d’ultime pudeur, de retenir le tissu qui s’échappe puis laisse retomber sa main entraînant le voile qu’accroche un instant un téton mutin et cabré. Elle se tourne pour me faire face et est, j’en suis persuadée, tout autant dévorée de honte que fière du cadeau qu’elle m’octroie en offrant ses seins émouvants et somptueux à mes appétits. Elle vient me frôler et frotter son ventre et son buste contre moi comme en une timide imploration.


Je réjouis mes papilles de ses vastes aréoles, à peine grumeleuses, majestueusement dessinées et vivement carminées, de ses mamelons sensibles et splendidement érectiles. Puis, tandis que je suis toujours penchée sur ses appas, elle défait à son tour les agrafes de ma guêpière. Fédor, à genoux, détache mes jarretelles en me caressant l’entrejambe jusqu’à ma toison avec tant de conviction et d’adresse que je meurs d’impatience qu’il ne prolonge ses attouchements et manque défaillir.


Tout, dès lors, prend des allures de songe et à peine plus tard sans trop savoir comment j’y suis parvenue, je me retrouve dans leur chambre, allongée sur leur couche, vêtue de mes bas seuls et bercée des caresses suaves et des effleurements fugitifs de leurs nudités tandis qu’une grande confusion de membres et de corps nous enchevêtre tout en langueur et légèreté. Fédor enveloppe mes seins et surtout leurs tétons d’une danse savoureuse où la langue vigoureuse complète les agacements des doigts. Ils s’emparent de ma bouche, tour à tour, en un ballet étourdissant et je serais dans le plus grand embarras pour identifier telle main sur ma gorge, mes reins ou mon sexe.


Ce jeu sensuel et merveilleux se poursuit et nos corps glissent les uns contre les autres, se roulent et s’enroulent, se nouent en étreintes éphémères ou plus persistantes. Je saisis là toute la différence qui sépare baiser de faire l’amour. Certes, avec Albin j’ai connu de ces moments affectueux, mais toujours quelque obligation le pressait ou le préoccupait. Moi aussi, trop affairée et soucieuse de ne pas manquer mon plaisir, n’en percevais en définitive que les fortissimos et restais inattentive aux petits émois qui en multiplient les ravissements. Ce soir c’est autre chose : point de précipitation, une effervescence des sens bien sûr, tempérée cependant non seulement par une infinie prévenance, un mutuel respect, une tendresse exquise, mais encore par une ensorcelante douceur. La recherche de la jouissance n’est pas plus dominante que subordonnée et se conjugue agréablement à tant d’autres délices. Cela tient-il au fait d’avoir une femme comme partenaire ou serait-ce ainsi qu’éclot l’amour ? J’ai bien du mal à dénouer cet écheveau de sentiments et de sensations, qui m’agitent pour la première fois avec autant d’acuité et d’euphorie.


Notre gymnastique délurée me conduit à me retrouver, sans même l’avoir vraiment recherché, couchée tête-bêche sous Alizée. Elle m’offre ainsi, en perspective, le satin lilial de ses jambes et, fleurissant juste au-dessus de mon visage le bijou d’amour qui me fascine, belle inflorescence rose entourée de chairs un peu cyanosées et d’un frisson d’étamines ébènes, entrouvert et baillant d’une muette invite. Je ceinture ses reins de mes bras et la tire à moi pour lui témoigner ma dévotion. Elle résiste une courte seconde, puis je la sens qui faiblit et s’abandonne, tout en se penchant à son tour sur mon antre de volupté. Est-il possible d’invoquer la violence d’une douceur ? Est-ce ma bouche sur sa chatte ou la sienne sur la mienne ? Je n’ai jamais connu d’équivalent à la vague qui me submerge. D’une pointe de langue, j’essaye de calmer ses fièvres, mais à peine ai-je effleuré le bouton turgide que la voilà qui m’inonde d’une liqueur sacrée. Elle se convulse, resserre ses cuisses et hurle son bonheur tandis que j’ai l’impression qu’elle sanglote en s’écoulant sur moi. Peu importe, goût ou odeur c’est son moult qui m’enivre et j’en communie éperdument. Quelle abondance, je ne pensais pas que cette profusion nous soit possible, mais déguste cette ondée avec régal, y trouvant le don de la sève mûrie de ses désirs inavoués. La belle encore éructe, se trémousse, râle et se roidit.


Puis elle s’abat, sa chevelure ondoyant entre mes cuisses comme une lame de délice. Elle ose maintenant à son tour se noyer en ma plus chaude retraite, c’est dément et je suffoque sous tant de félicité. Après quelques glissades de nos corps me voici étendue au bord du lit, Fédor posté devant mes jambes ballantes, qu’il n’écarte pas, mais parcourt de petits gestes doux et câlins qui font qu’elles s’ouvrent d’elle-même, d’un mouvement naturel. Alizée qui, à genoux s’est établie à côté de moi, couvre ma frimousse, mon cou, mon buste, de la danse guillerette de ses ongles et lèvres, balaye tous mes appas de l’onde soyeuse et enivrante de sa chevelure. Fédor cependant après avoir visité mes humeurs du bout des doigts, insinue maintenant ceux-ci sous mon fessier qu’il attire à lui pour enfoncer son visage dans ma vulve. Il m’aspire et de sa langue amuse en tourbillon débridé mon bourgeon dilaté. Entraînée par mes ardeurs, je ne tarde pas à le récompenser de ses bons offices bien que plus sobrement que ne sait le faire Alizée. Ensemble, ils me retournent et me couchent sur le ventre. Fédor se place entre mes jambes et m’agrippe pour me tirer insensiblement vers lui. J’imagine mon corps disloqué élevant graduellement sa croupe tandis que poitrail, tête et bras dessinent le sillage de ce mouvement. Il cale mes fesses contre son ventre et je sens sa raideur qui bat entre mes cuisses. Il reste ainsi un moment immobile, laissant grimper mes tensions, puis conduisant sa virilité, il la présente aux portes du sanctuaire. Je me contente de me redresser sur mes avant-bras repliés. La verge s’introduit dans la fente étroite et déclenche immédiatement une bourrasque de plaisir. Alizée se tient à genoux devant moi et me tend ses seins que j’embouche goulûment, pendant que l’aimable tourmente se propage et se renforce. La belle éraille mon dos de ses ongles tranchants alors que la houle qui me taraude augmente à chaque instant. Je libère ses tétons de peur de les mordre cruellement et elle se faufile entre mes jambes pour me laper tandis qu’une déferlante impétueuse m’emporte, inexorable dans un orgasme bouillant. Je m’effondre ensuite inconsciente, palpitante et dévorée par les échos de mes transports.


À l’issue de ces envolées, Alizée cherche deux légers peignoirs et propose que nous nous restaurions. Elle me donne le blanc et enfile le noir prétendant qu’ils s’harmoniseront mieux à nos teints respectifs. Fédor, lui, ne s’enroule que d’un drap de bain qu’il noue sur son épaule et qui lui confère une stature de sénateur romain. Nous dînons frugalement serrés autour d’un coin de la table de la cuisine. C’est un repas silencieux où nos yeux brillent d’admiration partagée, de désirs toujours insuffisamment assouvis, où des enthousiasmes soudains précipitent nos bouches les unes vers les autres, égarent nos mains en caresses furtives sous des voiles entrouverts et accueillants.


Nous grignotons des nourritures terrestres, perdus dans de célestes paradis, reprenant nos forces tout en profitant de la bienheureuse asthénie qui nous berce encore. Nous éternisons le café avant de rejoindre à nouveau la chambre, et dès l’escalier, les ivresses attendues me rendent toute titubante déjà. Nous nous allongeons tous trois sur le dos et un long moment, les yeux rivés au plafond, taquinons nos sensibilités d’effleurements à peine esquissés. Fédor ensuite roule lentement sur Alizée la recouvrant de tout son corps et tente de l’investir. Celle-ci proteste :



Elle stimule brièvement la pique superbement érigée puis s’agenouille, enfourchant son époux, et vient précautionneusement s’embrocher sur l’épieu ardent qu’elle fait disparaître dans ces chairs. Aussitôt, elle est prise de brefs tremblements d’allégresse qui ressemblent à de fugaces ébrouements. Elle s’enveloppe d’une somptueuse chair de poule et toute sa peau se darde de minuscules pointes luxurieusement hérissées.

Elle me convie à m’accroupir, face à elle, au-dessus du visage de Fédor. Elle saisit mes seins tandis qu’il engouffre sa langue dans ma chatte et enlace mes hanches pour me tirer vers lui. Nous trépidons bientôt au rythme du va-et-vient d’Alizée sur le pénis jubilatoire. J’aime cette bouche qui dévore mon vagin, j’aime ces mains qui agrippent ma croupe, j’aime ces doigts qui titillent et agacent mes tétons, j’aime mes phalanges noyées de mouille, perdues dans le sexe de ma maîtresse, j’aime encore le balancement sauvage et ample de sa poitrine, mais par-dessus tout j’aime son visage révulsé et convulsé, aux yeux mi-clos et aux lèvres tordues.


Elle rayonne, a rompu les amarres à la réalité et flotte, éblouie, dans un monde fantasque qui comble les exigences de sa chair comme les envolées de son cœur. Le mouvement général s’accélère, il prend sa source à la verge de Fédor, galvanise le corps d’Alizée, fait frémir ses bras qui diffusent leurs vibrations dans mon poitrail, glisse au long de mon échine et revient à Fédor dans les contractions de mon sexe. Cette circularité qui nous unit est communion et nous lie dans un bonheur partagé. Nous ondoyons dans un nirvana qui confond nos êtres, oscillons entre ciel et éden et je sens une tempête d’euphorie qui me balaye. Des vagues successives m’emportent : une première qui crispe mon ventre, une seconde qui me secoue d’une lame de plaisir, une troisième qui me disperse en un déluge de cyprine, une quatrième qui me roule, me submerge et me noie dans des abysses de félicités. Je m’effondre ; nous nous effondrons.


Quand je m’extrais de ma léthargie et rouvre les yeux, la pose est rompue et nous gisons emmêlés et haletants, tentant illusoirement d’émerger, de reprendre pied et de redescendre sur la terre ferme. D’autres élans succèdent puis, peu à peu nos corps s’ordonnent, s’alignent sagement serrés les uns contre les autres, le mien enfermé entre ceux de Fédor et d’Alizée et une béate torpeur nous gagne.


Aux aurores, lorsque je m’éveille dans le grand lit étranger, je constate qu’Alizée a déjà disparu tandis que Fédor s’adonne encore au sommeil des repus. Je passe rapidement le peignoir blanc que je portais hier et je quitte l’étage. Des bruits m’attirent vers la cuisine. Elle est là, le cheveu défait, plus pâle que d’accoutumée, les yeux un peu caves, vaporeuse comme un songe, enveloppée dans son déshabillé diaphane qui laisse transparaître ses courbes. Nous nous regardons d’abord presque tragiquement… puis peureusement… timidement enfin… nous apaisant progressivement de la vénération réciproque contenue dans cet échange. Je me risque alors à lui sourire. Nous nous jetons dans les bras l’une de l’autre et nous étreignons très fort, convulsivement longtemps, longtemps…


Est-ce sa fille ou sa bien-aimée qu’elle enlace ainsi ? Je sens sa chaleur maternelle m’irradier profondément, je perçois ses palpitations d’amante frissonnante incendier mon corps. Nos mains glissent sur les tulles, désireuses de s’approprier les formes adorées de l’autre. Et puis ressurgit le besoin d’accorder nos lèvres et nous sombrons dans un infini baiser, baiser mémoire exhumant des émotions anciennes qui se mêle à un baiser d’espoir, enflé de celles lascives et inquiètes du matin.


Nous nous détachons et elle s’assied face à moi. J’ai soif maintenant de sa parole autant qu’elle éprouve la nécessité de la délivrer en me contant éperdue, dans un désordre charmant ses souvenirs et ses espérances. Je l’ai captivée dès notre rencontre à la médiathèque, bien sûr elle n’est pas homosexuelle et s’est offerte aux bras d’une femme pour la première fois cette nuit. Mais hélas ce ne sont pas ceux d’une femme, ce sont ceux d’une enfant et elle s’en veut de cela. Elle m’a désirée et me désire ainsi que Fédor me désire. Tout ce qu’il aime lui devient aimable toutefois en ce qui me concerne, Fédor n’a pas joué ce rôle de déclencheur, elle a su avant lui combien il m’apprécierait et leur impulsion a été commune. Jamais elle n’a joui aussi fort qu’hier soir, malgré ou peut-être en raison de la présence d’un tiers que je fus ou qu’il fut à d’autres moments. Elle a adoré nous livrer ses transes et a souhaité nous en faire cadeau à tous deux. Non, ce n’est pas du vice, que vais-je donc imaginer, il faut que je comprenne tout le zèle de son amour. Depuis longtemps elle préfère les hommes mûrs. Grâce à eux elle a pu atteindre à une maturité sensuelle et sentimentale que ne parviennent pas à faire éclore les coquelets. Et pourtant, c’est une fillette, une enfant presque, qui l’a conduite à des sommets insoupçonnés une fois les ultimes barrières emportées. Oui, je suis une fillette, je pourrais presque être sa fille, mais ça n’a rien à voir.


Pendant qu’elle se laisse aller à ces chaotiques confidences, je me suis déplacée de façon à être maintenant dans son dos. Je pose mes mains sur ses épaules, mes lèvres sur son front brûlant, elle soupire. Mes doigts descendent, écartant lentement le col de son peignoir qui glisse tandis que ses seins surgissent du frou-frou de dentelles noires. Comment demeurent-ils ainsi érigés et aussi rapprochés privés de tout maintien ? Ces cônes jumeaux qui pointent tels deux volcans neigeux frémissent… une éruption se prépare. Mes mains rampent imperceptiblement vers eux, elle les arrête, puis les retient avant de les éloigner fermement. Je viens m’asseoir face à elle, toujours dépoitraillée, mais en a-t-elle seulement conscience, totalement égarée en ses rêves comme elle l’est présentement ?


Des yeux, je la conjure, suppliante. Elle se lève et me conduit au salon où nous reprenons les places occupées la veille, séparées par tout l’espace de l’interminable canapé. Elle ne songe pas néanmoins à réajuster sa tenue, et ses longues tresses obscures qui viennent encadrer l’ivoire de ses seins, flatter ses tétons la rendent sublime, la consacrent tantôt vierge antique en extase, tantôt ménade au repos s’apprêtant au thiase.



Elle me dévisage hallucinée, mais son regard, je le sens dépasse ma personne et fixe une Valérie idéale dont je m’effraie quelque peu.



Dans un unique mouvement, elle écarte le bas du déshabillé et les jambes pour me dévoiler sa fente d’amour enfiévrée tout engluée de perles magiques. Elle y porte une main effilée et rejetant la tête en arrière y plonge un doigt chafouin. Fascinée, pétrifiée, dévorée par des sensations que j’augure similaires aux siennes, je ne peux que l’imiter. Et nous voici, bacchantes ivres, installées face à face, égrenant notre plaisir en roucoulades âpres que vrillent de perçants trilles plus aigus et de petits cris très vifs. Je sens mes exaltations s’emballer pour me conduire bientôt au seuil du plus vif débordement. Je lui jette un coup d’œil et la découvre, comme cette nuit, affolante, saisissante de beauté. Mais si alors c’était son visage surtout qui avait concentré mes attentions, c’est à présent son corps tout entier qui m’hallucine. Splendide odalisque arquée sur l’accoudoir du siège, vibrante au rythme de ses attouchements, le ventre secoué d’impulsions fantastiques, le bassin ondulant en mesure, les cuisses d’albâtre largement ouvertes, le vagin écartelé par sa main onglée, la poitrine gonflée et tendue et les cheveux tombant en cascade chatoyante jusqu’à se répandre sur le tapis.

Hagarde, je hurle :



Il est hélas trop tard, et nous communions dans un orgasme simultané. Nos délires et nos clameurs dénués de retenue ont réveillé Fédor que nous rencontrons brutalement, tout nu, tout excité et tout bandant, face à nous et à notre plaisir à l’issue de ce songe voluptueux. Nous nous jetons à ses pieds pour l’inviter à nous absoudre de ce plaisir solitaire si allègrement partagé et entourons son phallus de nos soins alléchants. Des gémissements abondants et cadencés répondent très vite à nos diligences et nos poitrails recueillent le fruit de nos persévérances endiablées. Il s’effondre avec nous sur le tapis et nous nous employons à laper sur nos bustes la semence nacrée.

Cet épisode clôt ainsi une folle nuit et je dois à présent les quitter, car on espère mon service à l’auberge. Nous avalons un petit déjeuner lugubre empreint du poids de cette séparation, lourde d’un avenir incertain.

C’est Fédor qui rompt le silence :



En fait de surprise, la première tient au fait que quatre jours plus tard j’apprends que suite à un désistement totalement inespéré, je suis admise à l’école nationale des Chartes. Je vais donc rejoindre Paris pour quatre années d’études.


J’en reviens le plus souvent possible partager leur étreinte et si pendant ces quatre ans j’ai eu quelques amants, j’affirme pourtant n’avoir jamais trompé les Dulousquin. Je n’ai pas plus su décider qui de Fédor ou d’Alizée emportait davantage mon affection. Nous sommes devenus intimes, très intimes et plusieurs fois je les ai interrogés pour savoir ce qui en moi les séduisait autant. Leurs réponses sont restées insatisfaisantes, tout autant que celles que je trouve, quand à mon tour, je me pose la même question.

Vers la fin de mes études, j’espace mes visites afin qu’ils m’oublient peu à peu. Ils m’en font d’abord reproche et puis comprennent l’intérêt de cette séparation progressive et en douceur qui préservera notre amitié et plus à l’occasion.


Mon diplôme en poche, pour fêter l’accès à mon premier poste de conservateur, j’organise un barbecue où je les invite tous avec d’autres amis. Et ils sont tous là, ce dimanche, savent tous qu’ils comptent parmi mes conquêtes. Par ordre d’âge croissant j’énumère Bertrand, Thomas, Alizée, Albin, Fédor, Georges, eux qui m’ont tous aidée à gravir les échelons d’une vie de femme qui aura toujours beaucoup d’estime pour les anciens. J’ai également invité mon nouveau directeur, un monsieur à la cinquantaine fringante pour qui je craque déjà.