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Temps de lecture estimé : 16 mn
24/02/17
Résumé:  Hana en apprend davantage sur la véritable nature de l'Homme Noir et décide de l'arrêter, après avoir partagé avec lui une dernière étreinte.
Critères:  revede fdanus fantastiqu
Auteur : Camille_2            Envoi mini-message

Série : Le portrait de l'Homme Noir

Chapitre 03 / 03
Chapitre 3

Résumé des épisodes précédents :


« Chapitre 1 »

Hana est intriguée par un tableau représentant un mystérieux personnage, assorti d’une inscription énigmatique : NTP. Les recherches qu’entreprend notre héroïne lui indiquent qu’il s’agirait de Nyarlathotep, une effroyable entité imaginée par H. P. Lovecraft. Au cours de la nuit, la créature semble s’immiscer dans le sommeil de la jeune femme pour lui procurer un plaisir indicible. Rêve ou réalité ?


« Chapitre 2 »

Après sa lecture des textes de Lovecraft, Hana s’est enfin rappelé certains détails de sa rencontre onirique avec l’Homme Noir. La nuit suivante, la jeune femme parvient à retrouver le mystérieux personnage, mais son rêve est interrompu par la sonnerie impromptue du téléphone. Au réveil, estimant qu’elle a grand besoin de se changer les idées, elle accepte d’aller boire un verre avec Marc, une connaissance…


________________________




LE PORTRAIT DE L’HOMME NOIR (3ème partie)



Marc fut d’une ponctualité exemplaire, mais ne prit pas Hana de court. La jeune femme avait opté pour une préparation minimaliste et une tenue vestimentaire simple et décontractée. Un peu de mascara pour surligner "le mystère" de ses yeux, de fond de teint pour raviver la pâleur de ses traits fatigués par ses dernières nuits éprouvantes, et un chignon maintenu par une baguette perlée de nacre, aussi noire que la chevelure dans laquelle elle s’enfonçait. Par-dessus un petit pull jaune à rayures, la jeune femme avait enfilé une salopette bleu marine dont les bretelles soulignaient avec un bonheur calculé la courbe de ses seins. Lorsque Marc entra, il ne lui restait plus qu’à enfiler ses Converse et à passer sa veste en jeans bleu clair.


Raisonnablement plus âgé qu’Hana, ce dernier était un homme réservé, mais sympathique. La jeune femme avait cru noter, les rares fois où ils s’étaient croisés, qu’elle ne lui était pas indifférente. C’était peut-être vrai, mais ce détail se révéla superflu dans la mesure où Marc lui expliqua que sa "compagne" les attendait près d’un arrêt de tramway situé à mi-chemin entre l’appartement et le bar où ils devaient se rendre. Hana comprit alors que son esprit sournois avait envisagé la possibilité qu’il se passe quelque chose entre eux ce soir… Cette capacité à se jouer d’elle-même la navra autant que cette potentialité d’encanaillement morte dans l’œuf.



*



Le groupe d’amis ne se composait, en définitive, que de Marc et de sa compagne (était-ce Carole, ou Carine ?). Hana ne chercha pas vraiment à comprendre les raisons nébuleuses qu’on avança pour expliquer ce désistement général.


Quoi qu’il en soit, le début de soirée aurait pu être agréable si Marc ne s’était pas montré si prévenant et attentionné avec elle, et Carole (ou Carine) si froide et distante. Hana se sentit vite mal à l’aise et éprouva bientôt le besoin d’aller prendre l’air. Elle se leva, prétexta l’envie de fumer une cigarette et se fraya un chemin à travers la salle, sous le regard pesant du couple silencieux.


La jeune femme fit une halte au comptoir. Elle attendit qu’un serveur la remarque et lui montra son verre vide. Pendant qu’il le lui remplissait d’une nouvelle rasade de bière blonde et mousseuse, elle jeta un coup d’œil autour d’elle et remarqua un homme assis devant le zinc, dont l’apparence lui paraissait vaguement familière. Âgé d’une cinquantaine d’années, les traits ronds à peine masqués par une barbe de trois jours, les cheveux châtain parsemés de nombreuses mèches grises, il avait l’apparence étrange d’un enfant qui aurait vieilli prématurément. Un café était posé devant lui. À le voir ainsi tourner minutieusement sa cuillère dans sa tasse, abandonné au milieu de l’agitation sonore et humaine du bar, la jeune femme éprouva un léger sentiment de tristesse. Pourquoi sa tête lui disait-elle quelque chose ?


Sans doute troublé par cette inconnue qui le dévisageait avec insistance, l’homme s’était tourné imperceptiblement de l’autre côté. Lorsqu’il bondit soudain de son tabouret, Hana crut qu’il allait se ruer vers elle pour lui demander ce qu’elle voulait. Il se contenta de poser quelques pièces sur le comptoir, attrapa la veste en cuir marron posée près de lui et s’en alla. Elle continua à le suivre du regard, tandis qu’il approchait de la sortie.



Le serveur lui tendait son verre. Hana prit à peine le temps de le remercier en le réceptionnant et se dirigea à son tour vers l’extérieur. Quand elle arriva sur le trottoir, l’homme avait disparu.


Le calme relatif de la rue et la brise fraîche qui y soufflait lui firent du bien. Plusieurs groupes de fumeurs s’étaient formés devant le bar. Hana s’éloigna de quelques pas. Elle essaya une dernière fois de se souvenir où et quand elle avait déjà pu croiser cet homme, mais il n’y eut rien à faire. Elle abandonna et alluma une cigarette. Comme elle s’apprêtait à remettre le briquet dans sa poche, une voix enrouée lui demanda :



Elle se retourna. En voyant l’homme du bar planté devant elle, l’éclairage blafard d’un réverbère se reflétant sur le cuir élimé de sa veste, Hana se rappela enfin d’où elle le connaissait.



L’homme afficha un petit sourire énigmatique.



Il leva devant les yeux de la jeune femme la cigarette éteinte qu’il serrait entre ses doigts.



L’homme répondit sur un ton qui se voulait rassurant :



Même si tous les signaux d’alarme d’Hana étaient passés au rouge, il émanait de cet homme une douceur et un calme teintés d’une profonde lassitude qui incitaient à la confiance. Elle lui tendit son briquet.


L’homme eut quelques difficultés à maintenir la flamme allumée. Hana plaça ses mains en coupe-vent au-dessus des siennes, jusqu’à ce qu’un mince ruban de fumée s’échappe entre ses doigts, aussitôt emporté par le vent. Ils restèrent côte à côte sur le bord du trottoir, tirant sur leurs cigarettes, jusqu’à ce que l’homme se décide à rompre le silence :



À l’évocation du portrait, Hana sentit des aiguilles de glace se planter le long de sa colonne. Elle tenta de n’en rien laisser paraître, mais fut trahie par un léger tremblement de la main quand elle porta sa cigarette à ses lèvres. L’homme l’observa du coin de l’œil et poursuivit :



Hana avait laissé échapper sa question dans un murmure. Elle crut un instant que l’homme ne l’avait pas entendue.



Il hocha lentement la tête.



L’homme écrasa sa cigarette. Il partit dans un rire désabusé qui se mua en une toux gutturale. Quand elle se fut calmée, il dit :



Il se racla la gorge et enchaîna d’une voix sentencieuse :



Hana fut prise d’un rire nerveux.



L’homme prit alors Hana par le bras et l’entraîna dans l’ombre d’une devanture de magasin. Il s’assura que personne ne leur prêtait attention et sortit quelque chose de la poche intérieure de sa veste qu’il plaça dans la main de la jeune femme. L’objet, fin et lourd, était emballé dans un vieux morceau de chiffon graisseux. Elle le déplia du bout des doigts et découvrit un poignard d’environ vingt centimètres, taillé dans une pierre noire et polie. Son manche sinueux se terminait par un pommeau sculpté en forme de tête de serpent.



Hana avait l’impression que la pierre froide lui brûlait la peau. Elle lui tendit l’arme d’un geste brusque.



Un terrible sentiment de panique commençait à s’emparer d’elle.



Hana avait presque crié en levant la dague sous le nez de son énigmatique interlocuteur. Quelques fumeurs tournèrent la tête dans leur direction. L’homme mit un doigt sur ses lèvres pour lui intimer le silence.



Il hocha la tête.



Hana posa son regard sur la dague.



L’homme réfléchit, puis répondit :



L’homme acquiesça :



L’homme posa sa main avec douceur sur l’épaule d’Hana :



La jeune femme releva la tête, prête à le bombarder d’une nouvelle salve de questions, mais en face d’elle ne se trouvait que le rideau de fer baissé de la devanture. Elle se retourna, fouilla la rue du regard, jeta un coup d’œil, par la vitrine, à l’intérieur du bar. L’homme s’était tout simplement évaporé en lui laissant la lourde tâche de renvoyer l’Homme Noir d’où il était venu… et la dague, qu’elle glissa discrètement dans sa poche.


Hana passa énergiquement sa main dans ses cheveux, rattrapant de justesse la baguette nacrée qui faillit tomber par terre. Elle tenta en vain de se calmer avant de faire les cent pas sur le trottoir, fumant trois cigarettes coup sur coup.


Elle s’efforçait de digérer toutes les informations que l’homme venait de lui communiquer et de clarifier son esprit du mieux qu’elle le pouvait. Cette histoire n’avait aucun putain de sens ! Un type immortel, capable d’influencer le futur de l’humanité, se servait d’un tableau pour prendre du bon temps en venant lui bouffer la chatte dans un appartement de bobo ou en la laissant venir chez lui pour qu’elle lui taille une pipe. Comment mettre fin à tout ça ? D’après un autre type, manifestement atteint d’un cancer en phase terminale et qui aimait se volatiliser à la sortie des bars, les jours de semaine, il suffisait de larder le portrait à coups de canif en obsidienne, taillé il y a mille ans par un moine de Shaolin… Comme ça, le continuum espace-temps allait se rebooter, et les vaches seraient bien gardées.


Assise sur le bord du trottoir, la jeune femme arriva à la conclusion suivante : soit elle était folle, et ce qui lui arrivait était le fruit de son imagination (mais alors, où était-elle allée chercher ce personnage créé par un écrivain dont elle connaissait à peine le nom quelques jours auparavant ?), soit tout était vrai. Dans un cas comme dans l’autre, détruire le portrait servirait peut-être à mettre un terme à son délire… ou à son envoûtement par l’Homme Noir. Si tout rentrait dans l’ordre (quitte à modifier le cours du temps, ne l’oublions pas, mais on n’allait pas non plus s’encombrer avec de pareilles futilités, n’est-ce pas ?), tant mieux. Sinon, elle irait d’elle-même se présenter à l’accueil du premier hôpital psychiatrique venu et devrait rembourser à Cécile un tableau qui, espérons-le, ne lui avait pas coûté trop cher.


Tournant la tête, elle remarqua son verre de bière posé à côté d’elle. Hana l’avait laissé là, en sortant du bar, pour allumer sa cigarette. La jeune femme le vida d’un trait. Sa décision était prise. Elle allait faire ce qui lui avait été demandé ; mais avant cela, personne ne l’empêcherait de conclure le jeu qu’elle avait entamé avec l’Homme Noir, dût-elle y perdre son âme. Résolue, elle se releva, essuya l’arrière de sa salopette et retourna dans le bar pour prévenir Marc et Carine (ou Carole) de son départ anticipé.



*



En arrivant à l’appartement, Hana se servit une bonne rasade de Talisker. Le goût tourbeux du whisky lui apporta le coup de fouet qu’elle recherchait. Après avoir fumé une dernière cigarette, elle retira ses vêtements dont elle fit une pile, au milieu de laquelle elle prit soin de dissimuler la dague. Portant son fardeau à bout de bras, elle se dirigea vers la chambre, telle une prêtresse d’Anoukis se rendant à l’office. Elle posa les vêtements à côté du lit et s’allongea, toutes lumières éteintes.


Hana commençait à somnoler quand l’ombre émergea du portrait. Elle se déploya dans la pièce comme les ailes d’une raie de quartz gigantesque, animée de battements scintillants. La forme ondula un moment, adoptant sans cesse une structure plus complexe, avant de s’élever jusqu’au plafond puis de s’étirer lentement vers le lit, recouvrant la jeune femme d’une fine membrane translucide parcourue d’infimes pulsations à la luminescence purpurine.


Un intense flot d’énergie la submergea. La vague était énorme, chaude, pleine d’une force qu’Hana n’avait jamais ressentie. Elle effleura la plante de ses pieds, se faufila entre ses orteils, les gobant un par un comme des bouches avides, parcourut l’intérieur de ses cuisses en une succession d’arcs électriques qui striaient sa peau de minuscules veinules bleutées, hérissa les poils de sa toison, suivit le pourtour de ses lèvres, puis mordilla la chair tendre de son ventre, flatta ses côtes, gravit la délicieuse obliquité de ses seins pour se concentrer, encore et encore, sur ses tétons jusqu’à ce qu’Hana lui cède un longue plainte d’abandon. La moindre parcelle de son être vibrait. Les sensations procurées étaient si puissantes que la jeune femme fut presque soulagée quand la vague reflua avant de l’avoir totalement engloutie.


Hana resta un long moment l’esprit et les membres inertes. Malgré son engourdissement, elle percevait, sur le bord du lit, les contours vagues d’une présence s’affirmer lentement.


L’Homme Noir se pencha sur elle. Il prit sa joue dans sa main et posa un baiser sur ses lèvres. À ce contact, Hana sentit une vigueur nouvelle l’envahir. Elle s’approcha de l’oreille du géant et murmura :



Pour la première fois et dernière fois, elle put entendre le son grave et mélancolique de sa voix :



Pour toute réponse, elle l’embrassa à pleine bouche.


Insensiblement, le baiser se fit plus fougueux, tandis que la langue de l’Homme Noir se mettait à palpiter contre celle d’Hana. S’étirant et s’élargissant, elle prenait la forme, le volume et la texture d’un sexe en érection. D’abord effrayée, la jeune femme bloqua son esprit à tous les accès d’effroi qui pourraient le faire chanceler et se focalisa sur son seul plaisir.


Elle renforça son emprise sur l’appendice qui durcissait dans sa bouche et entreprit de le laisser coulisser, à plusieurs reprises, jusqu’au fond de sa gorge. Quand elle le jugea d’une consistance suffisante, Hana le relâcha dans un grand claquement de lèvres et de salive. Elle vint alors se positionner au-dessus de la tête de l’Homme Noir, une main plaquée sur le haut du crâne lisse, l’autre serrant entre ses doigts le membre luisant qui se tortillait comme un serpent entre les dents de son amant. La jeune femme l’enfouit à l’intérieur de sa fente gonflée, collant ses lèvres humectées contre le visage d’ébène.


Elle avançait et reculait son bassin sur la bouche à présent détrempée de cyprine, ses seins se balançant, indolents, au rythme de la pénétration. Plusieurs doigts les attrapèrent, triturant les pointes. Hana eut à peine le temps de laisser échapper un cri de surprise que déjà d’autres doigts s’enroulaient autour de ses hanches pour accompagner son va-et-vient. Tournant la tête, la jeune femme crut son cœur exploser lorsqu’elle vit qu’à la place des jambes de l’Homme Noir se trouvaient désormais des entrelacs de tentacules pâles, terminés par des mains humaines qui s’ouvraient, se refermaient et se tordaient dans sa direction.


Attrapant ses épaules, elles la firent pivoter autour l’axe de la langue phallique qui continuait de bouger en elle. Hana se retrouva couchée sur le corps, désormais écailleux, de l’Homme Noir, le visage collé contre sa verge animée de sombres pulsations. Elle prit les bourses dans sa paume, suçota le gland et fit descendre le bout de sa langue sur toute la longueur de la hampe… mais la jeune femme aspirait à autre chose. Elle voulait sentir le sexe de l’Homme Noir se mouvoir en elle. Elle voulait qu’enfin il la prenne. Comme si elle lisait ses pensées, la créature retira aussitôt son appendice buccal, et les tentacules relâchèrent leur emprise, libérant ainsi Hana qui en profita pour se laisser rouler sur le côté. Pressentant qu’elle pouvait suggérer à l’Homme Noir ses désirs les plus inavouables, elle ferma les yeux et se concentra.


Elle le visualisa d’abord en train de lui attraper les jambes et de les maintenir ainsi relevées, agrippant fermement ses pieds, tandis que l’un de ses doigts fouisseurs se faufilerait entre ses cuisses pour y récolter une belle quantité de mouille qu’il étalerait sur son anus. Lorsqu’elle sentit la pression s’exercer sur son petit bouton, elle commanda au doigt de s’y introduire par petits mouvements circulaires, puis de progresser à l’intérieur. Tandis que le tentacule s’appliquait à la doigter, explorant de plus en plus profondément l’intimité de son cul, Hana attrapa l’Homme Noir par la queue. Bien qu’il n’en eût nul besoin, elle le masturba à deux ou trois reprises avant de l’aspirer en elle. Hana ne put réprimer un violent frisson quand ce sexe, qui la faisait languir depuis trop de nuits, l’emplit enfin. D’abord lent, le rythme s’accéléra ; les visions lubriques d’Hana commencèrent à s’éparpiller puis s’emballèrent, explosant aux quatre vents.


La myriade de mains tentaculaires repartit à l’assaut de son corps. Bientôt, elles furent partout, tirant ses cheveux, entourant son cou, écartant ses fesses ou les pinçant, malmenant ses seins gonflés… Enserrant ses poignets, elles tirèrent sur les bras d’Hana pour les maintenir fermement au-dessus de sa tête. Dans son cul, deux doigts s’évertuaient maintenant à la branler, en cadence avec l’intense pilonnage que l’Homme Noir lui prodiguait. Sentant par moments le bout du gland buter, à travers sa fine membrane, contre l’extrémité des doigts, Hana fut prise de terribles spasmes. Son corps tremblait sous la charge ininterrompue des pseudopodes, se tordait, se soulevait, cependant que sa bouche s’ouvrait pour prendre de longues inspirations entrecoupées de "han" soutenus. La vrille buccale fit alors son retour et s’enfonça entre ses lèvres ouvertes, réduisant les cris lascifs de la jeune femme à une succession de gémissements étouffés.


De lourdes gouttes de pluie tièdes éclatèrent sur son front, ses paupières, ses joues ; ruisselèrent entre la courbe de ses seins pour couler sur son ventre. Hana ouvrit les yeux. Au-dessus d’elle, la silhouette inhumaine de l’Homme Noir se balançait lentement, tisonnant toujours son con et son cul avec une vigueur dont elle percevait les secousses comme une succession d’images défilant au ralenti. Autour de la couche en bois détrempée en travers de laquelle elle était maintenant étendue, la jeune femme entrevit les ruines fumantes d’une cité. Décombres d’immeubles effondrés, carcasses de véhicules carbonisés, dispersées çà et là dans les rues encombrées de débris cyclopéens. Au milieu de ce décor d’apocalypse, des flammes gigantesques s’élevaient vers le ciel, léchaient la base d’énormes nuages noirs zébrés d’éclairs. Illuminés par les lueurs dansantes de l’incendie, des centaines d’hommes et de femmes aux corps nus maculés de sang, de cendre et de crasse, hurlaient, copulaient et s’entretuaient frénétiquement dans un holocauste d’extase et de liberté sauvage, sous le regard complice d’un monstre dont la taille colossale se perdait dans le brouillard de fumée. De la foule extatique s’élevait une horrible et grotesque litanie à laquelle prit part l’Homme Noir :



Devant ce spectacle de cauchemar où l’abominable frayait avec l’obscène, la santé mentale d’Hana vacilla. Alors l’extase s’abattit sur elle. Un liquide brûlant coula entre ses jambes. La jeune femme suffoqua, son corps fut parcouru d’un grand tressaillement qui la laissa inerte, sa tête retomba sur le drap.


Lorsqu’Hana reprit conscience, l’Homme Noir reposait à côté d’elle. Il avait retrouvé l’apparence qu’elle lui connaissait et adopté la même attitude paisible de gisant qu’elle avait observée durant son rêve. Le corps de la jeune femme fut rapidement agité de violents tremblements, comme si un froid intense la consumait. Sans chercher à réfléchir, elle se leva, retira la dague de la pile de vêtements et, telle une ombre, se dirigea vers la commode. Arrivée devant le portrait, elle porta une dernière fois son regard sur la silhouette endormie. De grosses larmes coulaient sur ses joues tandis qu’elle repensait à la vision d’horreur dont elle avait été témoin, confusément mêlée au plaisir sans limite qui avait succédé. Fermant son esprit, elle leva la lame d’obsidienne et frappa.



*



Épilogue



Hana se réveilla en sursaut. Déboussolée par un rêve qui déjà lui échappait, elle mit un moment à se rappeler qu’elle se trouvait chez Cécile, avec qui elle avait passé une nuit de retrouvailles mémorables. La lumière filtrait déjà à travers les interstices du volet. Se tournant sur le dos, la jeune femme regarda un moment le reflet que lui renvoyait le miroir accroché au-dessus de la commode en acajou et lui tira la langue. À côté d’elle, son amie dormait encore, son déshabillé en soie bleue se découpant délicieusement sur les draps écrus.


Prenant garde à ne pas faire de bruit, Hana se leva, traversa l’appartement inondé de soleil. Elle entra dans la cuisine pour se faire couler un café, puis retourna dans le salon, alluma une cigarette et, pensive, observa le défilé matinal des passants affairés à travers le store de la haute fenêtre. Il lui sembla soudain reconnaître la silhouette familière d’un homme vêtu d’une veste en cuir marron qui remontait la rue. Il avançait quelques mètres derrière un géant à la peau sombre qu’il paraissait suivre d’un pas décidé. Gênée par la fumée de sa cigarette, Hana la chassa d’un battement de la main. Quand elle écarta à nouveau les lamelles de bouleau, les deux hommes avaient disparu. Elle resta encore un instant à les chercher du regard, en vain.


Cigarette aux lèvres, la jeune femme s’étira de tout son long et décida qu’après tout il valait mieux retourner se blottir encore un peu sous la couette pour honorer cette journée pleine de promesses.