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n° 18171Fiche technique80272 caractères80272
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Temps de lecture estimé : 58 mn
16/11/17
Résumé:  Petit à petit le trio progresse, mais les surprises arrivent plus vite que les réponses.
Critères:  fh ffh collègues policier sf fantastiqu -fantastiq
Auteur : Loaou            Envoi mini-message

Série : Observés

Chapitre 03 / 08
Ne vous arrêtez pas aux placards

Résumé des épisodes précédents :


Coup de foudre en montagne inconnue

Camille a rencontré Loaou qui a disparu après une nuit torride en lui laissant un anneau, un papier, beaucoup de souvenirs brûlants, et aussi pas mal de questions…


Deux semaines de surprises

Après quelques découvertes sur Loaou et le peu qu’elle a laissé à Camille, l’affaire se complique : il a été convoqué par la gendarmerie.



_______________________




Enquêtes


Rédigé par Ania.


Pendant que Camille rend visite aux gendarmes, Éric et moi poursuivons nos recherches. Éric a abandonné l’ésotérisme et farfouille maintenant dans la psychologie. Je sens qu’il ne va pas tarder à se trouver des symptômes alarmants !


Je persiste à chercher des informations sur des nouveaux matériaux, sur les bijoux étranges, en vain. C’est très énervant. J’ai essayé me défouler sur l’e-mail de Loaou que je trouve très suspect, j’aurais aimé trouver son origine, mais je n’arrive à rien. La plupart des relais par lesquels il aurait transité sont sujets à caution ou inexistants. J’ai vraiment l’impression d’avoir perdu le fil, je déteste ça.


Même la proposition du « Monsieur Jean » sent le coup foireux, je n’ai plus de nouvelles. J’en aurais bien parlé à Camille et Éric, mais je préfère attendre un peu.



Il renchérit immédiatement :



Éric est un peu notre clown. Il est mignon aussi. C’est bête, il m’avait draguée activement à la fac, mais j’étais occupée ailleurs. Puis il a rencontré Éléonore – Léo pour les proches – à qui il a dédié d’un coup tous ses neurones, de la tête à la queue. Et elle le lui a bien rendu. Ils se sont mariés après six mois torrides, sans que ce nouveau statut n’y change rien. Depuis, je suis un peu réticente à mélanger nos activités professionnelles et nos lits, même si je me laisse inviter à l’occasion par Léo qui adore ça.


J’aurais bien essayé Camille, mais c’est notre lien, notre cohésion. Si les choses tournent mal entre nous, je ne donne pas cher de À Votre Service. De toute façon, avec l’arrivée de sa Loaou…


Éric s’impatiente :



Il a raison, nos finances sont un peu tendues, on n’est pas aussi bons qu’on aime le prétendre ! Je rédige leur devis en regrettant l’absence de Camille : il sait trouver les mots qui emballent le client, mais il nous a préparé quelques bons modèles.


Une fois le message expédié je découvre qu’un nouvel e-mail du mystérieux M. Jean est arrivé :


Chère Mademoiselle,

Nous sommes enfin prêts, avec quelque retard à cause du nombre de participants plus important que prévu initialement.

Nous devons mettre à votre disposition un Assistant, un observateur automatisé qui se chargera de recueillir, traiter et nous transmettre tous les éléments utiles à nos travaux.

Vous n’aurez pas à vous en occuper : il sera entièrement autonome et indépendant. Idéalement, il serait bien que vous l’ayez avec vous le plus souvent possible, mais il saura se faire discret à votre demande.

C’est un produit d’allure humanoïde de très haute technologie. Nous pouvons le fournir avec plusieurs apparences et personnalités. Je vous laisse nous retourner le formulaire joint en attaché sur lequel vous porterez vos préférences.

Sa production nécessitera une quinzaine de jours ; je vous préviendrai dès sa disponibilité.

Votre semaine d’essai ne commencera qu’au moment précis de son activation.

Respectueusement,

M. Jean


Le message est accompagné d’un fichier pdf remplissable de plusieurs pages intitulé "Assistant enquêteur". La première ligne demande de choisir la personnalité souhaitée : masculin, féminin, neutre.


Comme je suis avec deux gars toute la journée, je coche "féminin". Ce sera amusant de voir leur réaction. Et puis, j’ai pas envie de m’afficher avec un truc qui ferait fuir les mecs. Même si le gadget est atroce, j’espère que féminin leur sera plus attirant.


Suivent des choix de couleur de peau, d’yeux et de cheveux parmi une palette des plus fournies, dont certaines assez tapageuses, puis de morphologie avec une multitude de détails agrémentés de petits logos. L’étendue des choix me laisse rêveuse. Comment une usine peut-elle fabriquer autant de pièces et de couleurs différentes ?


Chaque partie comporte une case Nous laisser choisir…*. L’étoile renvoie à une ligne en bas de page : *… ce que nous estimons le mieux adapté à vous. Qu’est ce qu’ils peuvent bien savoir de moi ? Avec les réseaux sociaux, il devient difficile de se cacher, mais tout de même ! Je trouve ce choix aussi inquiétant qu’attirant et je l’utilise presque partout : je pourrai ainsi découvrir l’image qu’ils ont de moi. Au pire, je n’aurai à supporter leur bidule qu’une semaine. J’envoie le document. À quoi va ressembler ce foutu observateur ?


Pendant que le volumineux pdf se transfère lentement, Camille entre précipitamment, claque la porte et s’appuie du dos contre elle. Il est blanc comme un linge, hagard. Il a les yeux rouges et les cheveux en bataille. Il tient d’une main tremblante un papier sur lequel sont écrits deux ou trois mots.



Je saute de ma chaise. Je ne l’ai jamais vu dans cet état, il me fend le cœur. Je le serre contre moi un instant avant de le tirer par le bras jusqu’à sa chaise où il se laisse tomber.



Il a des hoquets nerveux, les larmes aux yeux. Je le recoiffe des doigts écartés, une caresse apaisante.



Éric se précipite vers la machine et revient avec une tasse fumante. Pour faire une petite place à bonne distance du clavier, je ramasse la feuille que Camille vient de poser. C’est un numéro de téléphone manuscrit qui y figure, à l’envers. Je la fais pivoter pour le lire : il m’est inconnu. Éric m’arrache le papier des mains en s’exclamant :



Il me rend le papier après l’avoir retourné ; une photo y est imprimée. Je la compare au dessin crayonné qui orne le mur. C’est bien elle, mais tellement plus belle, plus vivante. Pour un peu j’en serais jalouse. Je reste muette.


L’odeur revigore un peu Camille. Il ferme les yeux, se passe les mains sur la figure comme pour en chasser un cauchemar.



Après un énorme soupir, il nous raconte d’un ton monocorde l’entretien à la gendarmerie, jusqu’à l’incompréhensible renvoi.



Il en frissonne encore. Éric demande :



Je tire ma chaise à côté de celle de Camille avant de m’asseoir et de passer un bras sur ses épaules.



Je laisse passer une seconde.



Il réfléchit un moment.



Il mime le mouvement, les deux mains qui se lèvent vivement de la table, doigts écartés.



Éric se manifeste avec une nonchalance presque anglaise :



Il continue avec un grand sourire, sur un ton particulièrement moqueur :



Il montre la main de Camille. Je n’y vois rien de particulier ; elle porte toujours l’anneau. Comme on ne dit rien, il insiste :



Je regarde mieux. Une pulsation lumineuse rose pâle est à peine visible dans le cristal de l’anneau. Éric place sa main au-dessus pour faire de l’ombre, et elle apparaît à peine mieux.

On la regarde un moment, incrédules. J’essaye d’imaginer ce qu’elle peut signifier ; ils doivent en faire autant. Elle clignote lentement, presque au rythme des secondes, et n’a pas la stabilité lancinante d’un métronome. Elle palpite comme si elle était dotée d’une vie propre.

Un déclic se fait dans ma tête, j’attrape vivement le poignet de Camille qui retire prestement la main avec un cri.



Il tend le bras. J’attrape son poignet, tâtonne un instant.



Je suis restée un moment immobile ; il devait le sentir lui aussi, sous mes doigts. Éric a tendu la main, je lui ai donné le bras de Camille avec un petit regret, j’avais l’impression de sentir plus que son pouls. Il l’a pris maladroitement.



Je continue sur mon idée :



J’hésite un peu trop longtemps, Éric demande :



Mais je sens que l’idée le travaille. Il a repris des couleurs et ne tremble plus. Il attrape la tasse de café qu’il boit à petites gorgées pendant qu’on réfléchit. Éric reprend :



Il roule déjà vers son clavier. Je confirme :



Il regarde la photo de Loaou posée au bord de son bureau et semble très très loin de nous.



* * *



La journée finie, Camille n’avait pas le cœur à rentrer chez lui, seul avec les cauchemars de la journée en toile de fond. Éric l’a invité à dormir chez eux. Il a accepté à condition de ne pas parler du tout de l’affaire, mais avec un plaisir visible. Pourtant, je suis certaine qu’il va dormir seul dans leur chambre d’amis. À sa place, j’en aurais certainement mieux profité !



* * *



Le lendemain matin, nous sommes en effervescence : Le Vert Jardin a passé commande pour une charte graphique complète, plaquette et site web avec tout leur catalogue ! La promesse des revenus qui l’accompagne mobilise tous les savoir-faire avec bonne humeur.

Je note que Camille a quand même pris le temps d’accrocher la photo de Loaou sur le mur, juste à côté du dessin d’Éric. Il lui jette un regard de temps en temps.


Ce n’est qu’à la pause que la discussion de la veille reprend, comme si elle n’avait pas été interrompue. Éric attaque avant même que les cafés n’aient fini de couler ; il demande tout de go à Camille :



Camille examine sa bague, l’autre main en abat-jour avant de confirmer d’un « oui » particulièrement sobre, auquel Éric fait écho avec ironie :



Je pouffe discrètement. Camille ouvre la bouche pour dire quelque chose, puis se ravise. Éric continue :



Je demande :



On évoque des tas de possibilités – certaines abracadabrantes, d’autres plus plausibles, mais aucune vraiment satisfaisante – jusqu’à ce que je les interrompe :



Un peu à contrecœur, ils admettent que c’est raisonnable et nous revenons aux travaux journaliers, avec toutefois quelques neurones préoccupés en arrière-plan.


Mais le naturel est le plus fort. En fin de journée, les ordinateurs à peine éteints, Éric relance à nouveau la discussion :



Pendant que Camille réfléchit, j’apostrophe Éric :



Camille rouspète, le front plissé :



Du coup, Camille et Éric partent ensemble et je les suis dans ma voiture pour rester autonome.



* * *



Éléonore n’était pas encore arrivée. Nous avons commencé par aider Éric à faire un peu de rangement avant de préparer ensemble le repas dans une bonne humeur facétieuse, comme quelques années plus tôt alors que nous étions encore étudiants. Sauf que maintenant Éric ne me cherche plus et qu’il m’est inutile d’espérer quoi que ce soit de Camille.


Je suis en train de décorer quatre assiettes de crudités avec des brins de persil quand Léo arrive, toute joyeuse malgré la fatigue de la journée :



Elle jette son sac sur un fauteuil et se précipite sur Éric avec qui elle échange un long et fougueux baiser pendant que leurs mains errent rapidement sur des endroits agréablement sensibles. Camille plonge le nez dans une casserole (mais regarde par dessus le bord !) pendant que je me rince l’œil de leur étreinte, sans vergogne, et même avec un soupçon d’envie qui n’échappe pas à Léo : elle me fait un clin d’œil par dessus l’épaule de son mari. Je me retourne vers la table et termine de répartir artistiquement mes brins de persil.


Je l’entends dire dans mon dos :



Puis Éric de répondre en riant :



Je vois deux mains aux doigts crochus et agités entrer sur les côtés de mon champ de vision. Elles ont manifestement envie de saboter mes chefs-d’œuvre persillés ! Instantanément, je lâche le bouquet de tiges défeuillées qui s’éparpille sur la table et j’attrape les poignets que je tire vigoureusement vers moi pour les éloigner de leurs cibles.


Petit imprévu que je n’avais pas calculé, les deux mains terminent leur course pile sur mes seins, un dans chaque paume. Encore surprise, je tiens les poignets fermement plaqués contre moi. Éric réalise en premier la situation et me presse la poitrine gentiment en disant :



Instantanément, je sens une boule chaude se former dans mon ventre et mes seins durcir. Il ne manque pas de le remarquer et se serre contre mon dos pendant qu’Éléonore constate en riant :



Je devine que Léo s’est placée derrière nous parce que deux mains fines viennent se poser sur celles d’Éric et les force à glisser en petits cercles sur mes seins, à les presser de tous leurs doigts réunis. Mon soutif me semble avoir subitement rétréci, je me sens me liquéfier sous cette double caresse. Et aussi au sens propre, sensiblement plus bas.


Alors que je tourne la tête pour apercevoir Léo qui picore bruyamment de baisers le cou d’Éric, je remarque Camille qui a les joues en feu. Il nous regarde, éberlué, avec un air attendrissant de chien perdu sans maître, complètement figé entre l’envie et la retenue. Je lâche les poignets d’Éric ; Ania s’en rend compte et suit mon regard.


Après une brève pression qui me fait sentir la bosse que fait le sexe d’Éric contre mes fesses, elle nous libère, attrape la main droite de Camille et s’enroule dans ses bras avant d’attraper son autre main et de les plaquer fermement sur sa poitrine.



Léo ne met jamais de soutif, conviction personnelle que c’est meilleur pour la santé. Je ne sais pas si c’est vrai, il y a du pour comme du contre sur l’Internet. J’ai essayé et j’ai trouvé cette tension dans les seins vraiment désagréable, parfois même douloureuse, selon les mouvements. Il paraît qu’au bout d’un mois on n’y fait plus attention, mais j’ai craqué bien avant. Peut-être pour celles qui ont une petite poitrine ? Ce n’est pourtant pas le cas d’Éléonore, et ses seins ont toujours eu une meilleure tenue que les miens. Il n’y a pas de justice !


En tout cas, Camille devient encore plus rouge. Il doit sentir les tétons de Léo pointer juste dans ses paumes, au travers du chemisier. Et il devient écarlate quand elle imprime à ses mains les caresses qu’elle souhaite. Puis une main lâche celle de Camille, descend rapidement dans l’élastique de sa jupe et s’y active au-dessous pendant que son bassin fait un mouvement de balançoire très suggestif. J’allais l’imiter moi aussi quand son autre main se glisse entre eux à la recherche d’un sexe tendu. Camille lâche aussitôt ses seins :



Le charme est rompu. Éléonore sort la main de sa jupe et se suce l’index, l’œil pétillant :



Éric me lâche lui aussi, après une tendre pression qui me fait ouvrir la bouche de plaisir en une demande silencieuse. Dommage, effectivement ! Après quelques secondes, le temps de récupérer mes esprits, je prends deux assiettes pour les porter sur la table. Il attrape les deux autres avec un regard admiratif :



En guise d’apéritif, Éric nous sert généreusement d’un Frontignan frais accompagné de noix de cajou qui ne font pas long feu. Nous attaquons nos assiettes décorées de crudités en discutant de choses et d’autres. Un moment de décompression, de diversion. L’omelette au saumon fumé s’accompagne généreusement d’un rosé qui nous rend bavards. On commence à parler de Loaou et de son anneau en terminant la tarte aux pommes encore chaude avec un mousseux fruité, un peu trop sec à mon goût.


Éléonore veut voir le scintillement qui continue, immuable et discret. Elle demande :



Camille ôte l’anneau et le lui tend ; la pulsation continue. Éric le prend, nous demande de ne pas bouger et sort. Il revient quelques instants plus tard :



Léo continue :



Alors qu’on se lève pour aller s’installer, je remarque :



Mais il se tient à sa chaise. C’est vrai qu’il a un peu abusé du Frontignan et fait honneur aux vins, tout comme Camille d’ailleurs. Je m’installe entre Éléonore et Camille. Éric éteint et se glisse contre sa femme qu’il enlace des bras. Tout juste s’il ne m’attrape pas en même temps qu’elle !


Après un moment en silence, j’appuie ma tête contre l’épaule de Camille, pose la main sur son bras et lui demande doucement :



Il nous décrit le refuge, la rencontre, le gardien, l’anneau. Le couchage, le déshabillage de cette fille, les Italiens, le premier bisou sur sa joue. Il est ému. Je me soulève et dépose un baiser sous sa pommette. Probablement sans y prêter attention, tout à ses souvenirs, il passe le bras sur mes épaules et me serre contre lui.


Puis il nous raconte leur première étreinte, naïvement. Je réalise que sa main gauche caresse gentiment mon sein, inconsciemment. Pour le coup, je trouve l’écran de mon soutif très désagréable. Aussi discrètement que possible, je passe les mains dans mon dos, l’ôte prestement et le laisse choir dans mon giron. Cette fripouille de Léo a très bien compris ma manœuvre. Elle me chuchote « Tu vois ! » et le fait disparaître dans sa poche. Je sens que le récupérer va nécessiter quelques négociations, aux résultats certainement plaisants.


Je me serre un peu contre Camille qui reprend sa caresse machinale. Il m’électrise à chaque mouvement. Je pose la main sur sa cuisse, au ras de l’aine. Il ne réagit pas et continue à nous conter. Alors je le caresse du bout des doigts, imperceptiblement, moi aussi.


Il nous répète leurs échanges. Je suis presque sûre qu’il emploie les mêmes mots que lorsqu’il y était. J’espère qu’Éric et Léo écoutent avec attention, on en aura peut-être besoin.


Arrivé au bout de leur nuit, il se tait. Je constate qu’il a posé l’autre main sur la mienne. Je la tire doucement et la glisse sous mon tee-shirt, sur l’autre sein dont le mamelon est si dur qu’il doit le trouver râpeux. Du coin de l’oreille, j’entends Éric et Léo qui respirent fort, le canapé tangue. Il est clair qu’ils ne s’embarrassent pas, eux.


Il me caresse un trop court instant puis me chuchote :



Je lui réponds pareillement, dans le creux de l’oreille :



Il retire ses mains et repousse la mienne. Quelle tête de mule !


Après un long moment d’apaisement, Éléonore prend la parole doucement, comme au sortir d’un rêve :



Je me serre tout contre lui en disant :



Il a un petit rire, un brin jaune, mais il nous raconte.




Découvertes


C’est Camille qui a rédigé cette partie.


Ania blottie tendrement tout contre moi, j’ai terminé de leur raconter le lendemain au refuge. Après un long moment de silence, Éric a rallumé la lumière, puis Éléonore a relancé la discussion :



Je tente d’expliquer, assez vainement :



Il est un peu grisé ; j’ai la désagréable impression qu’il est bien parti pour nous accabler d’âneries.



Éric s’esclaffe :



Je m’emporte :



Éléonore le serre contre elle, conciliante :



Puis à moi, pour tenter une diversion en bifurquant sur Loaou :



Elle s’empresse d’ajouter :



Éric commence à dire :



Mais il reste la bouche ouverte sans terminer sa phrase.



Il se lève, furieux, titube trois pas et revient prestement s’asseoir, en rage. Éléonore lui demande d’un air alarmé :



Il est rouge, il secoue les poings. On le regarde tous les trois, médusés, Léo avec un air inquiet en plus. Ania lui demande :



Il va néanmoins chercher une feuille et griffonne rageusement sur le coin de la table basse « Qu’elle n’a pas une cape comme Harry Potter ? »



Ania nous coupe :



Éric profère d’un ton boudeur :



Il fulmine.



On éclate tous de rire, même lui. Avec ses petits 60 kilos toute mouillée, Ania peut difficilement passer pour grosse. Et tout aussi difficilement pour moche. Quant à son QI, il dépasse largement celui d’Éric, le mien ou celui de Léo. C’est elle, le cerveau de l’agence. Elle insiste :



Léo ouvre des yeux ronds, tout comme moi. Ania continue, pensivement, comme pour elle-même :



Puis elle se tourne vers moi :



Il s’énerve tout seul. Léo lui prend la main et le tire contre elle pour le calmer.



Je me tourne vers lui et m’écrie :



Ania et Léo prennent un fou-rire, les larmes aux yeux, pendant qu’Éric ne semble pas goûter la plaisanterie.



Il déclame d’un trait :



Et il reste stupéfait, la bouche ouverte. Nous aussi. Un instant plus tard, on parle tous en même temps. Ania lève la main.



J’enchaîne :



Ania me regarde, l’air ahuri, puis éclate de rire. Léo rigole et prétend qu’elle seule a le droit de le frapper sauvagement. Éric maugrée, tout humour évaporé :



Éric sursaute :



Je la regarde dans les yeux en essayant de garder mon sérieux :



Elle se met debout. Éric ricane, Léo semble compter les points. Ania se rassoit.



Elle tend les bras, se penche… et reste assise.



Elle gigote de tous les côtés, remue les jambes, roule sur Éléonore, se met à quatre pattes et crapahute sur le canapé par-dessus nos jambes.



Nous sommes tous debout, en cercle, les bras sur les épaules.



Nous nous accroupissons : elle n’arrive pas à rester debout. Elle se promène à quatre pattes, puis assise, comme un bébé. Elle sautille, accroupie.



Éric intervient :



Ania rugit pendant que Léo rit à gorge déployée en se tenant le ventre :



Je commande avec conviction, sans avoir besoin de me forcer :



Elle saute sur ses pieds et fait mine de se précipiter sur Éric, les mains ouvertes comme pour l’étrangler. En rigolant, il court s’abriter derrière Éléonore qui demande :



Elle enchaîne à toute allure, presque sans respirer :



Je la coupe en criant :



Elle se tait, mais on voit bien que son cerveau continue à gamberger à toute allure. Ses yeux pétillent dangereusement.



Personne ne répond et un silence glacial tombe brusquement. Ania continue à exposer ses pensées :



J’imagine difficilement Loaou en guerrière. Je regarde cet anneau si fin qu’il semble fragile, qu’elle m’a recommandé de ne pas quitter. J’essaie timidement :



Elle la tend. J’y glisse l’anneau sur l’annulaire puis m’assieds dans le canapé.



Elle exige de façon péremptoire, concentrée, le front plissé :



Je me lève sans problème. Je me rassois.



Elle ne bouge pas, puis hausse les épaules et tend l’anneau à Éric en disant :



Il l’enfile à côté de son alliance et ordonne d’un ton qui ne souffre aucune réplique :



Après une seconde d’hésitation, Ania ôte d’un geste majestueux son tee-shirt et se retrouve nue jusqu’à la taille. Elle soulève un peu ses seins sur ses paumes et demande à Éric d’un ton narquois :



Alors que je me sens rougir (c’est plus fort que moi, même si j’en profite agréablement : elle est plutôt bien foutue, notre Ania), Éléonore est à nouveau pliée de rire et demande :



Il y a mis du cœur, pourtant, ce à quoi Ania répond en riant, une main appuyée négligemment sur l’épaule de Léo, l’autre posée sur sa taille en un déhanché aguicheur :



Elles rient toutes les deux de bon cœur devant la mine exagérément déconfite d’Éric qui me tend dédaigneusement la bague du bout des doigts.



J’essaie de me souvenir :



Éric est subitement plein d’entrain :



Ania rétorque en le regardant par en dessous :



Du coup, Ania m’attrape et me plaque d’autorité une bise sur le coin des lèvres, hilare :



J’hésite. Il n’y a qu’une chambre d’amis : la partager avec Ania qui semble bien remontée ne me tente pas trop…



Elle frappe ma main en disant :



Après un rapide passage par la salle de bain, je me couche au plus près du bord que je le peux, en tournant le dos à l’autre côté du lit. Malgré les émotions de cette soirée, un peu aidé par le fond d’alcool, je sombre rapidement dans une torpeur bercée de bruits et de petits cris très évocateurs. Le trio dépense agréablement et énergiquement son éthylisme excédentaire dans la chambre à côté. Je m’endors en rêvant de Loaou, un rêve passablement érotique doté d’une bande-son extrêmement réaliste.



* * *



Je m’éveille avec la tête lourde et une barre au front, la mémoire perdue dans un nuage cotonneux. Je ne suis pas chez moi ; une fille dont les cheveux bruns mi-longs cachent la figure est pelotonnée dans mes bras. Il me faut une bonne demi-minute pour raccorder mes neurones puis mes idées, et me souvenir que je suis chez Éric et Léo, que c’est Ania. J’essaye de retirer discrètement mon bras de sous sa tête, sans l’éveiller. Peine perdue.



Sans attendre, elle glisse ses mains froides sous mon haut de pyjama. J’étouffe un cri.



Je sais que je n’aurai pas le dernier mot, surtout la tête en vrac. Si ça se trouve, je dors encore et c’est un rêve ! Je me recule dans ma moitié de lit et me laisse tomber sur le dos. Immédiatement, elle s’allonge sur moi comme si j’étais un matelas, la joue posée sur mon épaule, les lèvres dans mon cou. Elle me caresse des mains, du ventre, du bassin, des jambes. J’avais bien l’intention de l’ignorer, mais le résultat ne se fait pas attendre, malgré moi, et elle s’en rend vite compte. Je suis à peine utilisable qu’elle tiraille déjà sur mon pantalon de pyjama et enfourche son contenu avidement, bloquant mon bassin entre ses cuisses.

Si ses mains sont froides, c’est effectivement l’enfer là-dedans. Un enfer chaud, moite, doux, voluptueusement agréable. Elle compense mon inaction volontaire par des trésors de tortillements, de mouvements et de contractions jusqu’à ce que je ne puisse plus résister à rien.



Puis elle se démène comme un diable, et brusquement l’enfer s’ouvre en une éruption incandescente qui nous carbonise tous les deux.


Une fois les étincelles et les scories retombées, elle se repose, à nouveau allongée sur moi, toute palpitante. Elle chuchote :



Je m’exécute affectueusement. Je lui accorde même un baiser du bout des lèvres pendant qu’elle s’étale sur moi comme si elle voulait nous faire fusionner.



Après un silence, elle ajoute :



Elle se soulève sur ses bras tendus et me regarde dans les yeux.



Elle accompagne ce constat d’un agréable appui du bassin pour me rappeler sa philosophie du plaisir.



Elle agite un instant la tête pour rejeter ses cheveux en arrière, puis ses trop jolis seins pour quémander une dernière caresse que je leur donne avec gratitude, des deux mains.

L’instant d’après, elle saute du lit et se précipite dans la salle de bain.


Je somnole un peu avant de prendre sa place quand elle en sort, vêtue d’un peignoir vert pâle un peu trop large pour elle. Il doit appartenir à Léo mais il s’accorde bien avec ses yeux. Elle a l’air d’avoir ses habitudes ici.


En attendant le réveil d’Éric et Éléonore, nous attaquons un petit déjeuner copieux et nous commençons à discuter à voix basse de tout ce qu’il faudrait tester avec l’anneau.



* * *



Les jours suivants, nous avons procédé à tout un tas d’essais. Il est clair qu’il n’a aucune action sur les animaux. Nina, la petite chienne des parents d’Éric a été désignée volontaire pour recevoir une série d’ordres qu’elle a tous ignorés crânement. Dommage : Éric la voyait déjà nous apporter le journal et le café, griffonner des idées canines.


Par extension, et jusqu’à preuve du contraire, nous avons admis que le destinataire de l’ordre doit avoir un cerveau humain et nous avons abandonné tout essai d’action sur les végétaux ou l’environnement.


Faute de savoir comment le faire sans danger, nous avons dû réduire nos ambitions, notamment pour tout ordre qui entraînerait des effets irréversibles comme « oublie ce que tu as fait hier », « saute par la fenêtre », « étrangle Éric », etc.


Il est clair que c’est ma volonté (ou mon émotion ?) qui conditionne l’efficacité de l’ordre, et il semble que le niveau requis ne soit pas fixe, ou que certaines actions ne soient pas possibles.

Par exemple, on a pu constater grâce à un moment d’énervement imprévu que « Va te faire foutre ! » est sans effet. Après discussions, plus calmes cette fois, on a suspecté que l’ordre est incomplet : il manquerait « par qui », mais ni Éric, ni Ania n’ont souhaité tester une exigence plus complète. À moins que ce genre d’ordre soit simplement ignoré.


Bref, après un temps d’amusement, nous avons abandonné une étude précise, faute de volontaires, en espérant que les circonstances n’exigeront jamais d’explorer des cas extrêmes.




Séjour au calme


Transcription du journal de Loaou.


Je suis depuis deux semaines en isolement. C’est finalement bien moins difficile que je ne le craignais. J’étais quasiment aussi isolée pendant l’année de ma mission. Ici, c’est presque plus facile : il n’y a pas tous ces gens que je devais croiser, mais avec qui je ne pouvais établir le moindre contact.


Il y a aussi un autre avantage : personne ne me surveille en dehors du monitoring médical automatique qui ignore royalement ce que je fais, y compris sur ma console à l’accès restreint. Il y a longtemps que je n’ai pas été aussi « libre » de mon temps.


Je suis arrivée un peu en retard à l’accueil du bloc D. Il faut dire que j’ai bien rempli l’heure qui m’a été laissée.


D’abord je suis passée en courant « chez moi » (au studio qui m’a été affecté à mon retour de mission) pour lancer la copie cryptée et cachée de tous les documents que j’avais préparés : dictionnaires, orthophonie, hypno-leçons, livres, vidéos et enregistrements, tout ce que j’ai pu collecter que je n’ai pas le droit d’apporter avec moi.


J’ai fait un bref passage chez Amoouro, que j’ai chargé de transmettre un message à Camille. Il a grimacé pour le principe : s’il se fait prendre, il fera lui aussi un séjour au bloc D et perdra son poste. Je le connais peu, mais je sais qu’il aime ce défi, ce danger de l’interdit. Il le fera, de façon indétectable, par satellites, même si cela doit prendre quelques jours, et il en fera disparaître toutes les traces. J’ai un peu honte de lui faire prendre ce risque pour un message aussi peu indispensable et aussi personnel. Heureusement, il ne peut pas en comprendre le contenu. Il m’a demandé ce qu’était ce « foutu code » ; j’ai éludé.


Puis j’ai vu Oanijia, plus longuement. Elle connaissait déjà la sentence, moins de dix minutes après le verdict ! J’en ai déduit qu’il y avait forcément des membres du Groupe dans le jury, ce qui explique aussi les « collègues indulgents ». Je lui ai expliqué que je veux utiliser ces trois mois pour apprendre à parler et écrire le français. Elle a hurlé par tous Les Grands Esprits qu’elle ne voulait surtout pas savoir où j’avais été envoyée, que j’étais devenue folle, qu’on ne m’y renverrait jamais. Elle était très remontée, mais elle essayera de me transmettre des nouvelles récentes via un ouvrage fictif de la Bibliothèque Générale, seule source que je pourrai consulter librement du terminal que j’aurai. Je crois qu’elle se doute de quelque chose, car au moment de nous quitter elle m’a dit :



Ensuite il a bien fallu que j’aille subir un savon au Service, sinon ils se seraient posé des questions. Le chef Nn’Uegoutoé n’a pas décoléré. Il m’a même demandé pourquoi j’avais autant tardé depuis le verdict. J’ai prétendu avoir fait une pause chez moi pour me changer, ce qui est en partie vrai. J’ai encore eu droit à la totale : déceptions, critiques acides, admonestations, mesures disciplinaires, menaces voilées, rancunes personnelles, un chouette exposé de tout ce qui m’attend dans huit mois. J’ai courbé le dos en cachant soigneusement la joie que je me fais de ne jamais le revoir. Je ne saurai jamais si c’était de l’humour quand il a dit qu’il attendrait mon retour avec impatience. N’empêche qu’il m’a tenu la jambe plus d’une demi-heure, cet enfoiré.


Du coup, j’ai eu à peine le temps de revenir chez moi récupérer mon sac, la copie de mes données et de lancer un grand nettoyage de la console. C’est lui qui m’a mise en retard, mais il était hors de question de laisser tous ces documents dans un studio qui va être réaffecté à un ou une inconnue.


À l’accueil du bloc D, une inspectrice aussi sèche et maigre qu’un pied de maïs a regardé l’horloge et froncé les sourcils. Elle n’a pas porté mon retard au dossier, mais elle est restée particulièrement glaciale et imbue de son rang.


Elle a examiné le contenu de mon sac avec un laxisme inespéré sans même confisquer les quelques sous-vêtements que j’y avais mis pour attirer l’attention. Par contre, elle a sorti le mémo annuaire de la Bibliothèque Générale entre deux doigts, comme s’il puait, avec un air de triomphe :



Elle l’a lâché avec dédain et une certaine jubilation sur le comptoir. « Bien sûr qu’il est en ligne, connasse ! Et pendant que tu t’occupes du torchon vide, tu ne fais pas attention à tous ces minuscules graffitis qui longent certaines coutures du sac ! » Ce sont mes codes de récupération au cas où elle purgerait mon bloc de stockage.



Elle l’a soupesé mais ne l’a même pas connecté. Pourtant, elle l’aurait vu comme vide, bien qu’il soit presque plein ! Je me suis mise en retard pour rien, mais je ne pouvais pas prendre le risque, il n’y a rien à regretter.


Elle m’a indiqué avec dédain l’emballage de la combinaison quatre-pièces réglementaire numérotée, posé au coin du comptoir.



Bien sûr que je sais. La garce m’a surveillée jusqu’à ce que je sois complètement nue. Elle a pratiqué le toucher vaginal avec brutalité, une dernière humiliation pour marquer son mépris. Je me suis retenue de la gifler, ce qui aurait été une vraiment très mauvaise idée. Elle m’a ensuite pressée de me dépêcher d’enfiler la combinaison pendant qu’elle fourrait sans ménagement tous mes habits en boule dans le bac de consignation, avec mes papiers et l’annuaire de la Bibliothèque Générale que j’avais si soigneusement corné, usé et malmené.

Puis elle m’a conduite manu militari dans les couloirs jusqu’à ce qu’elle a nommé pompeusement « votre résidence » avant de s’éclipser au plus vite et sans un mot après avoir verrouillé la porte.


Mon nouveau studio est petit, pas très récent mais correctement équipé et tout à fait fonctionnel. Le coin toilette-douche ne fuit pas, le distributeur de repas ne grince pas, la console semble même neuve.


Il ne doit pas y avoir grand-monde au bloc D en ce moment, car la porte opaque qui donne sur la pseudo-cour s’ouvre souvent et reste ouverte bien plus longtemps que pendant la semaine de test psychologique que j’avais faite lors de ma formation. Je m’impose de faire chaque jour dix tours de cour en footing, puis un en sprint.


Je passe tout le reste du temps à apprendre, par tous les moyens, y compris ces foutues leçons hypnotiques qui sont si efficaces mais qui donnent mal à la tête. Je doute que la console de ce studio ait jamais autant servi ! J’arrive déjà à prononcer correctement quasiment tous les mots, d’une voix un peu plus haute, même si l’intonation n’y est pas encore. C’est agréable et encourageant.


L’écriture est plus fastidieuse, avec tous ces arrondis, mais je progresse bien. Dans deux mois et demi, même si je n’arrive pas à passer pour une Française, on ne me regardera plus comme une extraterrestre. Je ne pourrai malheureusement le vérifier que cinq mois plus tard, en mai, ce qui me donnera un peu de temps pour peaufiner.


Seule difficulté, Camille me manque terriblement. Pendant la mission, je pouvais au moins l’apercevoir de temps en temps, parfois même le côtoyer sans qu’il le sache, jusqu’à cette nuit au refuge… Alors de temps en temps je me caresse en y rêvant et je m’abrutis dans l’apprentissage de sa langue ; ça me rapproche un peu de lui.




Livraison


Par Ania.


À l’agence, le coup de bourre initial pour Vert Jardin s’estompe ; la première facture est envoyée, ils sont contents. On a trinqué à leur santé et à notre paye. Camille a ostensiblement barré deux nouvelles semaines sur son calendrier en carton.


La veille du 11 novembre, en fin de matinée, je reçois cet e-mail en partie incongru que je copie tel quel :


Chère Ania,

Excusez mon audace, puis-je vous appeler Ania ? Cela rendra nos échanges un peu plus personnels.

Votre Assistante est prête à être activée. Nous avons pris sur nous d’agrandir votre maison qui compte maintenant un petit local supplémentaire en sous-sol à son intention. Elle s’y retirera à votre demande, ou à la nôtre, afin de préserver votre tranquillité. Tous ses besoins et ceux du local sont évidemment à notre charge.

Vous pouvez y accéder par la porte blanche en bas de l’escalier qui descend à votre cave. Votre assistante s’y trouve depuis 4 minutes.

Avant de l’activer, prenez le temps de bien l’examiner. Si vous souhaitez un ajustement, quel qu’il soit, demandez-le par retour d’e-mail AVANT de l’avoir activée et il sera réalisé très rapidement.

Réveillez-la pour l’activer ; votre semaine d’essai débutera immédiatement. Elle répond au nom d’Elisa ; elle vous expliquera elle-même son fonctionnement.

Je reste à votre disposition,

Respectueusement,

M. Jean



Je réalise que je me suis exclamée à haute voix. Je relis le message une seconde fois, stupéfaite. Ils ont « agrandi ma maison » ? Qu’est-ce que c’est que ces fariboles !



Alors que j’ouvre la bouche pour tenter une diversion, la petite fenêtre réapparaît en bas de l’écran : « Nouveau message de m352@lib.gouv.00 ».



J’ouvre le message plus vite que mon ombre et le lis frénétiquement :


Chère Ania,

J’ai oublié de préciser : il y a peu de chances que vous puissiez cacher votre participation à nos travaux à vos collègues, avec qui vous partagez pour ainsi dire tout. Surtout qu’il serait bien que votre Assistante puisse intervenir parmi eux.

Bien que nous prônions la plus grande discrétion, nous pensons qu’il serait préférable de les mettre dans la confidence.

Respectueusement,

M. Jean



J’ai un doute avant de réaliser que c’est forcément un canular, très probablement monté par Éric ou Camille, si ce n’est pas les deux ensemble. Les chameaux !


Je les apostrophe : « Bande d’enfoirés ! » avant de m’appuyer contre mon dossier en riant. Éric, l’air de rien, sort la tête de derrière ses écrans et me regarde de toute l’intensité de ses yeux écarquillés, un sourire indéfinissable au coin des lèvres, et demande :



Il fait semblant de perdre son sourire :



Je désigne Camille d’un doigt accusateur.



Je ne souris plus du tout. J’aime bien les farces, mais surtout quand c’est moi qui les fais. Sensiblement moins quand je les subis, et pas du tout quand je ne les comprends pas.



Ils viennent lire le dernier message.



J’ouvre une série de fenêtres-consoles dans lesquelles je tape les commandes qui prouvent mes dires en expliquant :



Je reprends :



Éric demande :



Je remonte dans les anciens messages jusqu’au premier.



Je laisse ma chaise à Camille. Éric roule la sienne à côté de lui, et je m’appuie sur leurs deux épaules pour regarder entre leurs têtes et commenter.


Après avoir lu à nouveau le dernier message, Camille demande :



À nouveau un silence, brusquement troublé par un gargouillis émanant du ventre d’Éric.



Il a prononcé le dernier mot d’un ton dédaigneux en haussant des épaules.




* * *



Compilation des notes d’Ania et Camille.


Ils sont tous partis chez Ania, avec sa voiture. En route, Camille insiste :



Éric rétorque :



Ils ont effectivement commencé par manger, sans réussir à vider le réfrigérateur. Ania était un peu fébrile et a expédié son café cul-sec en disant :



Camille et Éric ont pouffé de rire, la tasse à la main, avant d’entendre une voix blanche leur crier :



Il y a effectivement une porte, d’un blanc immaculé de peinture neuve qui jure, criarde, sur le mur grisâtre et poussiéreux. Camille s’en approche et examine l’encadrement.



Il est plié de rire.



Ania intervient, le front soucieux :



Elle met la main sur la poignée avec appréhension. Elle est froide, simplement. Elle appuie et la tire lentement. Le battant est lourd – ce n’est pas du toc – mais il s’ouvre sans effort et sans bruit. Il y a de la lumière de l’autre côté. Elle jette un regard dans l’entrebâillement.



D’un seul coup, ils veulent tous regarder en même temps. Tirée à deux mains, la porte s’ouvre en grand. Sans la butée bien placée, elle aurait claqué contre le mur, écrasant quelques doigts. Ils restent muets de surprise.


Un couloir étroit d’environ deux mètres de long s’ouvre sur le côté gauche en une grande salle d’au moins six ou sept mètres de long. On ne voit pas son côté gauche, mais après le couloir le mur droit se transforme en un alignement de larges portes de placards dont la première paire est plaquée de miroirs. Le sol est dallé de grands carrelages clairs rectangulaires qui diffusent la lumière émise par une multitude de petites lampes répartie en désordre sur tout le plafond, comme des étoiles. L’ambiance est claire, propre, neuve. Luxueuse.


Ania entre la première, une main suivant le mur en un appui précaire comme si tout risquait de disparaître subitement, l’autre tendue en avant à la recherche d’un écran ou d’un trompe-l’œil. Passé le seuil de la pièce, elle fait un rapide tour des yeux et siffle d’admiration.



Éric la pousse, suivi de Camille qui dit :



Éric contourne le groupe et s’avance dans la pièce. Soudain, il revient secouer la manche de Camille en tendant l’index vers le fond et dit à voix basse :



Le drap impeccablement tendu masque presque entièrement la silhouette. Seul un visage aux traits féminins émerge, auréolé d’une couronne de cheveux châtain avec quelques reflets roux. Elle a les yeux fermés, des lèvres pleines qui esquissent un sourire sous un nez mutin, les pommettes et les joues rebondies, la peau lisse parsemée de quelques taches de rousseur éparses. Sa respiration extrêmement lente est à peine perceptible.



Ania commence à soulever le drap.



Et sans attendre sa réponse, elle tire fermement le drap jusqu’aux pieds.

Il n’y a pas de mécanique, mais un corps de femme, entièrement nu, les mains croisées sur le ventre. Ce n’est pas une beauté, elle n’a rien d’extraordinaire, mais est terriblement attendrissante. Une Belle au bois dormant à la peinture parsemée de minuscules défauts, quelques taches de rousseur ici et là.


Éric la regarde. Les yeux lui sortent de la tête, tel le loup des cartoons. N’eût été le silence respectueux, on l’entendrait hurler. Ses mains se tendent à son insu vers le corps allongé.

Camille est muet. Son regard oscille entre le visage un peu joufflu, la poitrine gracieuse aux aréoles à peine foncées et aux tétons minuscules, le triangle presque roux qui se glisse entre les cuisses, les jambes musclées. Une certaine chaleur lui envahit le ventre. Ania se sent fondre. Elle pose une main sur le front, qu’elle relève vivement, surprise.



Puis elle palpe un bras, un sein, une jambe, l’abdomen qu’elle presse légèrement.



Puis immédiatement, avec un petit rire, à Éric :



Après un temps de silence où chacun fantasme, Ania demande :



Elle soulève doucement un genou pour écarter la jambe avant d’examiner la vulve et d’écarter les lèvres du bout des doigts. Puis elle suce son index et l’y glisse délicatement. Il disparaît entièrement.



Elle retire son doigt comme à regret, ramène la jambe contre l’autre et pose la main à plat sur le ventre chaud, entre les seins et les mains jointes.



Elle jette un œil sur Éric qui a la bouche ouverte, les mains en avant et un vigoureux polichinelle dans le pantalon, et s’exclame :



Elle le tire par le poignet et se précipite dans l’escalier. Un instant plus tard, des gémissements sans équivoque descendent dans la cave, bientôt suivis par un couple de cris à l’unisson.

Camille s’assoit au bord du lit, pose la main sur le front de l’Assistante en essayant de se persuader :



Il tente en rougissant de lui déposer un baiser sur le front, puis sur les lèvres, sans effet. « Je suis idiot, on n’est pas dans un conte de fées ! Comment on réveille quelqu’un ? On l’appelle, tout simplement. »



Et Elisa ouvre de grands yeux. Ils sont marron, plus clairs sur l’extérieur, irisés de mille paillettes de toutes les couleurs, de l’ambre au vert amande. Après quelques secondes d’immobilité pendant lesquelles elle cligne des paupières, comme éblouie, ils pivotent vers lui et deviennent interrogateurs :



Elle n’a pas esquissé un geste, mais sa voix n’a rien de mécanique. Elle est vraiment articulée par une bouche mobile et souple ; elle est chaude et sensuelle. Et elle le connaît ! Il est complètement scotché.

Elle s’assoit en se hissant contre le mur, remonte l’oreiller dans son dos et pose une main sur son bras. Son visage exprime une certaine inquiétude.



Il bégaie :



Il fait demi-tour et grimpe les escaliers presque en courant. En haut, Éric est en train de remettre sa chemise dans son pantalon.



Éric baisse le ton et fronce les sourcils.



La voix d’Ania sort de la salle de bain, suivie de sa propriétaire :



Éric fait de grands gestes en montrant l’escalier de la cave. Camille chuchote :



Elle descend. Camille reprend, toujours en chuchotant :




* * *



Elisa n’a pas bougé. Elle est assise, les jambes allongées, la tête appuyée contre le mur, les yeux fermés. Ania s’assoit au bord du lit, une jambe repliée sous elle. Au mouvement du matelas, les yeux s’ouvrent et la scrutent.



Sans rien ajouter, elle tend un doigt vers les cheveux en bataille, le chemisier dont les boutons sont décalés d’un cran, l’entrejambe du pantalon dans laquelle se devine une petite zone plus sombre.



Ania écarquille les yeux comme un enfant dont la main vient de se coincer dans un bocal de confiture. Ses pensées tourbillonnent un instant entre la colère et l’amusement, puis elle éclate de rire.



Ania fronce les sourcils, un peu vexée.



Elle montre toute la pièce d’un grand mouvement du bras. Elisa indique le couloir d’un geste du menton :



Un nuage triste glisse dans les prunelles d’Elisa.



Elisa rit d’une voix cristalline, la tête penchée sur le côté.



Elle jette un regard sur l’horloge qui orne le mur au-dessus de la porte des toilettes,



Elle se précipite dans la douche, derrière la grande plaque de verre qui ne cache absolument rien de ses courbes. Elle n’est pas très grande, vers le mètre soixante-cinq, avec peut-être un soupçon de surpoids, mais qui lui va à ravir. « À croquer, pense Ania, mais c’est quoi, exactement ? »


Elle se savonne à toute vitesse, du front aux orteils, les jambes un peu écartées, puis se rince tout aussi vite alors que la buée opacifie progressivement la vitre.


En un éclair, elle se glisse hors de la douche, attrape une grande serviette dans les étagères encastrées dans le mur commun avec le coin WC et s’essuie sommairement. Elle demande :



Ania se précipite pendant qu’elle complète, espiègle :



Elle l’essuie avec douceur, admire la texture de sa peau : une petite tache par-ci par-là, les petites bosses des vertèbres qui s’enchaînent jusqu’aux fesses rondes et fermes. Elisa lève les bras vers le plafond. Ania fait glisser la serviette le long de chacun d’eux, descend avec volupté sur les épaules et le cou, puis le creux des aisselles et jusque sur ses hanches, en caressant au passage le bord de ses seins. Elle voit les bras se hérisser de plaisir. Après un rapide passage sur ses fesses – plus une caresse qu’un essuyage – elle lui rend la serviette. Elisa la jette avec assurance à cheval par-dessus la vitre.


Elle file vers un des placards, en sort successivement quelques cintres qu’elle soupèse du regard avant de choisir un chemisier blanc au col largement échancré, un pull léger au col en V, marron clair comme ses yeux, et un pantalon ample assorti. Elle enfile le tout prestement après une petite culotte beige pour tout sous-vêtement.


Elle s’approche d’Ania et fait un tour sur place les bras levés.



Elisa cligne des yeux avec un sourire à faire pâlir le soleil. Elle prévient Ania :



Le rire d’Elisa remplit la pièce.



Elle plonge dans un autre placard et en sort avec une paire de baskets fluo et une paire de chaussettes basses.




* * *



En haut, elles retrouvent Camille et Éric qui ont arrêté leur discussion en les entendant monter. Avant même qu’Ania ne tente des présentations, Elisa tend la main à Éric en disant :



Éric ne perd pas le nord. Il se lève en disant : « Bonjour, Elisa. On se fait la bise, non ? » et il l’embrasse sur les deux joues en lui posant une main sur la taille. Elle s’exclame :



Elle se penche vers Camille, une main sur son épaule, et lui fait deux bises sonnantes. Ania prend un air triste :



Elisa se précipite, la serre contre elle et lui en fait quatre en riant. Puis elle demande :