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Temps de lecture estimé : 33 mn
08/02/18
Résumé:  Ladrime est partagé entre son attirance pour sa subordonnée et sa méfiance au vu des mobiles qui s'accumulent sur elle. Il craint ce qui pourrait suivre. Bérénice, pour tromper son angoisse, s'est jetée au cou de son Jules.
Critères:  fh hplusag collègues amour pénétratio
Auteur : Claude Pessac            Envoi mini-message

Série : Les Parques

Chapitre 05 / 06
Les Parques 5 & 6 /8

Résumé du chapitre précédent :

Bérénice et son « Jules » se sont offert un apéritif très pétillant. Pas assez cependant pour rassasier la jeune femme. Dans son côté, Amélie Letellier a commencé ses aveux et dévoilé les sales secrets de Veillefonds.





22 septembre – 20 h 07



Après leur rodéo tonitruant, Bérénice n’avait pas voulu casser l’atmosphère enivrante, notamment pour ne pas risquer de retomber dans ses pensées moroses. Rester dans la même dynamique, juste changer de tempo, passer de la charge des Walkyries à la douceur de la Moldau, oublier James Brown pour folâtrer doucement sur les mélodies romantiques d’Ed Sheeran. Douceur, langueur et érotisme discret, please !


Le corps rassasié, elle s’était senti l’âme légère, se complaisant dans cette humeur fleur bleue. Peut-être regretterait-elle demain cet élan romantique qui lui avait fait susurrer « je t’aime » à l’oreille de Jules alors qu’il la séchait en douceur, au sortir de la douche. Une première dans leur relation : jamais, hors du lit, hors sexe, elle n’avait réussi ou simplement n’avait jamais eu le besoin ou l’envie de lui offrir ces mots. Un aveu trop important, trop personnel pour être galvaudé. Mais ce soir, c’est avec une profonde sincérité qu’elle s’est lâchée. Ce soir, elle était amoureuse.

Oh, pas seulement à cause de la corrida endiablée, de l’orgasme fabuleux ! Elle a chevauché assez d’étalons pour ne pas classer l’expérience au super top niveau dans son Livre des Records. « Et quand bien même ! Il n’y a pas que le sexe dans la vie ! Il y a le cul aussi ! »


L’inévitable répartie la fait sourire, si éculée qu’elle soit.

Non, si ce soir elle est amoureuse, c’est simplement parce qu’elle commence à avoir des doutes. De sérieux doutes à propos de Jules. Elle vient de faire le point. D’une mansuétude qui ne lui ressemble pas, dans la colonne défauts, elle n’a réussi à caser que quelques broutilles, rien d’insurmontable, rien qu’elle ne puisse modifier, gommer ou améliorer, avec un peu de patience, d’astuce et de persuasion. Dans l’autre colonne par contre, les qualités de son Jules commencent à former un gentil catalogue. Son romantisme, sa discrète galanterie, sa douceur, ses qualités d’écoute, l’attention sincère qu’il porte aux autres en général, et à elle en particulier, figurent en tête de liste. Y compris le fait qu’il soit de neuf ans son aîné.



Décidément, ce soir, Bérénice est bel et bien enjouée, friponne, et… amoureuse.

Plutôt que s’installer en face de lui à table, la coquine a préféré s’installer à côté de lui, pour l’avoir… sous la main ! Tout en picorant dans son assiette, elle observe son compagnon, qui chipote dans la sienne.



Les regards coulés qu’il lui adresse entre deux bouchées, confirment bien ses attentes.



Bérénice s’amuse de ses pensées égrillardes. Sûr qu’elle n’a rien d’une Bretonne. De son père vietnamien, elle hérité ses cheveux noirs comme le jais, sa peau mordorée, ses yeux très légèrement bridés et sa petite corpulence. De sa maman alsacienne, ses yeux bleus, ses magnifiques roploplos et… son putain de caractère inflexible !



Si lui, à sa demande, ne s’est pas rhabillé après la douche, elle, a enfilé un adorable déshabillé en mousseline noire, parfaitement transparent, scandaleusement indécent, qu’elle s’est bien gardée de fermer. Alors qu’elle grignote à côté de lui, elle s’ingénie à en faire bâiller les pans petit à petit.

Mutine, elle coule aussi des regards indiscrets, sur l’entrejambe de son amant. Elle s’amuse de son guignolot riquiqui pour l’instant, se réjouissant d’avance de le voir se réveiller sous peu. Elle profite de sa main gauche libre pour lui caresser négligemment la cuisse. Qu’elle appuie un peu ses caresses, et Popaul s’étirera sans se faire prier, en long et en large !

Pour accélérer le petit miracle, elle secoue discrètement les épaules pour permettre aux pans de sa nuisette de franchir l’écueil de ses tétons. Les jumeaux orgueilleux libérés dardent leurs pointes sombres, hérissées, tentateurs, irrésistibles.



De fait, Pinocchio se réveille gaillardement. Abandonnant sa fourchette, Jules tourne sa chaise vers elle, fait pivoter la sienne pour qu’ils soient bien l’un en face de l’autre et finalement, l’oblige à se lever. Il se penche pour la bâillonner avec ses lèvres tandis qu’une main glisse dans sa nuque. Puis, abandonnant les lèvres de sa douce, il plante son regard dans le sien, et avec un sérieux quasi désespéré, il avoue :



Le coup est rude !


Le con !


Elle le savait romantique, attentionné, intelligent et même lettré, mais qu’il lui fasse une telle déclaration, si passionnée, si entière, qu’il se livre ainsi, si complètement, si intensément… elle en est toute chamboulée, tourneboulée, atomisée. C’est un feu d’artifice qui éclate en elle, un tsunami qui la submerge. Un orgasme qui la transporte.


C’est trop beau, il va dire le mot de trop, poser une exigence inacceptable, demander l’impossible ! Putain, qu’il ne me demande pas en mariage aussi ! Je serais bien foutue d’accepter ! Non, s’il te plaît, n’ajoute rien !


Elle tremble d’émotion, d’émotion et de crainte qu’il n’anéantisse tout d’un mot.

Une seconde, cinq secondes, dix secondes, il ne dit rien, il se contente de la fixer, avec anxiété.

Bérénice, les yeux embués, se hisse sur la pointe des pieds pour déposer un tout petit bécot sur ses lèvres.



Le prenant par la main, elle l’entraîne à sa suite jusque dans sa chambre, ouvre un tiroir de sa coiffeuse, le tire complètement et le renverse au sol avant de le remettre en place.



Puis, la voix rauque, elle ajoute timidement :



Blottis l’un contre l’autre, les amoureux s’embrassent avec passion, se cajolent, se câlinent, longtemps, tendrement, infiniment.

C’est Bérénice qui prend l’initiative ensuite ; entre deux baisers, elle recule vers le lit. Quand ses mollets en touchent le bord, elle se laisse tomber, bras en croix, cuisses ouvertes, jambes pendantes. Jules reste debout un moment, à la contempler, à détailler ses courbes, son corps parfait. Il s’agenouille près du lit, entre ses cuisses. Il sourit.



Instinctivement, la jeune femme se contracte, se raidit, anxieuse.



Oh bien sûr qu’elle promet, bien sûr. Si ce n’est que cela, pas de problème !



Ce sont sans doute ses racines asiatiques qui lui valent le délicat buisson sur son pubis, poils fins et soyeux, plaqués, peu nombreux, qui dessinent naturellement les fines nervures d’une fougère, noire, indiquant au randonneur le chemin du sentier enchanté qui mène à la grotte des délices.


Jules glisse sa tête entre ses cuisses. Bérénice se tend à nouveau, craignant le contact d’une langue trop gourmande sur son clitoris trop sensible encore après leurs exploits du début de soirée. Mais la langue glisse, légère, sur les contours extérieurs de ses grandes lèvres dodues, passant d’un côté à l’autre, frôlant à peine les petites lèvres ciselées. Elle glisse entre ses chairs, s’insinue à l’entrée de la grotte, et quand elle recueille quelques gouttes de liqueur d’amour entre grotte et périnée, un bout du nez malin plonge dans la fente et en ouvre ses rives.


Des doigts s’égarent dans le petit fouillis du mont de Vénus en rebroussant les poils pour mieux les lisser ensuite, courent sur le ventre tendu vers les rondeurs laiteuses. Ils en dessinent les périmètres, tracent des cercles concentriques vers les framboises granuleuses de ses tétons contractés, tournent autour sans les aborder.

Machiavélique, le monstre ne saisit entre deux doigts les petites éminences tendues et avides qu’à l’instant précis où sa langue aborde, enfin, le capuchon écarlate du clitoris impatient.


L’effet est dévastateur, c’est une prodigieuse décharge de taser qui arcboute Bérénice, la soulève une longue seconde avant qu’elle ne retombe, vaguement étourdie, asphyxiée. Pas le temps de reprendre son souffle, chaque pression de la langue sur son bouton intime déclenche une onde de plaisir délicieusement douloureuse, chaque petit pincement sur ses tétons déclenche des vagues de bonheur, vagues déferlantes qui s’enchaînent sans ressac, la submergent, l’emportent, la porte inéluctablement vers le paroxysme de son désir.


Elle voudrait tenir, combattre encore, car elle voulait son plaisir à lui, elle voulait donner plus que recevoir, mais elle n’est qu’un fétu de paille, jouet désarticulé entre les mains, et la bouche d’un ahurissant magicien définitivement amoral et prodigieusement généreux.


Et lorsqu’un pouce vient subitement s’enfoncer dans son vagin incendié et qu’un autre doigt force l’étoile plissée de son cul, prise dans cette pince diabolique, soumise et comblée, Bérénice bascule dans l’orgasme, hurle son bonheur, se noie dans des tsunamis successifs qui la brinqueballent en tous sens ; elle explose dans la chaleur étincelante de milliers de soleils triomphants qui irradient chaque parcelle de sa peau, chaque atome de son corps, sa conscience et son âme. Elle s’envole vers des galaxies scintillantes, s’enivre de lumière, tutoie les étoiles, avant d’être engloutie, doucement, confortablement, par un trou noir de félicité absolue, de bonheur douillet, de sérénité souveraine.


Et vive le CDI !




22 septembre – 20 h 11



Avant de poursuivre sa confession, Amélie a servi deux bourbons. Elle, en avalé une bonne rasade, le commandant, plutôt perturbé, à peine une gorgée. Il tourne machinalement son verre entre ses mains, réfléchissant à toutes les implications des aveux de la jeune femme. L’atmosphère est lourde dans la pièce. Il préférerait n’avoir jamais entendu tout ça ! Et il redoute tout ce qui est à venir !

Amélie, un peu ragaillardie par l’alcool reprend :



Ladrime est tellement pâlichon qu’Amélie ressent le besoin de le réconforter par un petit sourire. L’inversion des rôles !



Désignant les photos au mur dans la pièce voisine, Ladrime termine la phrase :



L’homme se tait brusquement et rougit comme une pivoine, conscient de s’être peut-être un peu trop livré. Amélie note sa confusion et insiste avec un franc sourire :



Vient alors le déroulement de la soirée, le coup de taser dans le cou de l’avocat assoupi sur son canapé, la récupération des cartes mémoires et documents dans un compartiment secret de la bibliothèque, le transport du corps vers la salle basse, le petit coup de chloroforme, l’introduction du bonhomme dans le conduit, la fermeture de la grille. Puis, le contournement des douves pour se mettre en poste dans la première salle du cloaque. Là, les trois femmes l’avaient patiemment attendu. Elles avaient ri en entendant le raffut provoqué par sa chute.



Amélie le regarde d’un air complètement ahuri.



Ladrime est satisfait, un des petits mystères est résolu !



Un peu décontenancée, la jeune femme poursuit son récit.



Amélie raconte la discussion engagée alors, les aveux de Veillefonds.

Ladrime a jusque-là comparé et validé à chaque fois le récit aux faits et déductions du rapport d’autopsie. Jusque-là, tout colle !



Ladrime est si impatient et inquiet d’entendre la suite des événements qu’il ne cherche pas savoir si Veillefonds a avoué d’autres choses :



Ladrime veut en rester aux faits, valider le scénario de la soirée. L’heure n’est pas encore aux conjonctures, aux impressions, aux raisonnements et interrogations personnelles de la jeune femme.


Il insiste, brutalement :



Un peu désorientée, déstabilisée par la dureté du ton et l’impatience de son chef.



Stressée par cette insistance, la pauvre femme bredouille :



Ladrime se détend enfin, s’adosse confortablement dans le dossier du canapé et laisse échapper un profond soupir de soulagement. Son visage tendu s’éclaire enfin d’un franc sourire :



La question est plus une affirmation qu’une interrogation. Amélie opine vigoureusement du chef avant de confirmer à haute et intelligible voix, pour l’enregistrement. Tranquillement, posément, le Commandant reprend :



Un peu ahurie par la question, Amélie se concentre et les yeux levés vers le plafond, elle se concentre pour bien visualiser les lieux :



Amélie se prend la tête entre ses mains :



Ladrime se veut apaisant :



Le commandant affiche un air satisfait et réfléchit silencieusement. Les aveux spontanés d’Amélie, leur correspondance avec les constatations de la P. T. S. vont peut-être permettre de lui éviter une garde à vue formelle. Pour peu qu’il arrive à convaincre le Procureur, elle aura droit à un statut de témoin assisté. Bien sûr, elle sera écartée de l’enquête, mais c’est bien là un moindre mal.


Ladrime en est là de ses supputations lorsque la jeune femme reprend la parole.



Alerté par le rougissement d’Amélie, il se lève d’un bond :



La jeune femme aussi s’est levée. Penaude, tête basse, elle avoue dans un souffle :



Le policier rugit :



L’homme arpente la pièce en tous sens, ses espoirs de limiter la casse sont anéantis :



Le commandant Ladrime ne peut finir sa phrase.



Le Commandant Antonin Ladrime, 42 ans, Officier de Police Judiciaire, fonctionnaire irréprochable au parcours exemplaire, Antonin Ladrime, l’as des as, le modèle, le roc, le cerveau, Antonin Ladrime, est incapable de réfléchir, de raisonner. Des dizaines d’images se bousculent dans sa tête. Celles, insoutenables, d’un viol brutal, du visage de Veillefonds, sardonique, tout puissant et triomphant, le même visage, bleui et grotesque dans la mort, Amélie, raide, paralysée par ses terreurs, un string, ridicule, une cellule, froide. Un kaléidoscope affolant.


Mais aussi celle d’une adorable capitaine débarquant dans son bureau un an plus tôt, et sa propre image, silhouette affaissée, immobile, un verre à moitié vide dans les mains, lamentable pantin, pleurnichant dans son salon sur la vacuité totale de son existence, sur l’insupportable monotonie d’une solitude dont il est seul responsable.


Bâillonné, incapable du moindre mouvement, lui, le caïd, le champion, il s’est juste fait avoir comme un bleu ! La traîtresse !

L’insupportable traîtresse !

L’adorable traîtresse !


Alors qu’il vociférait dans le salon, Amélie l’avait attrapé par les revers de sa veste, pour l’attirer sèchement vers elle, avant de lui écraser ses lèvres sur la bouche. Surpris, choqué, interdit, il est resté impassible, sans réaction, saisi par l’ouragan de ses pensées contradictoires.


Contradictoires et antagonistes.


Incapable de réfléchir, de se décider franchement à réagir ou non, il sent la pression de la bouche adorée faiblir, les lèvres se disjoindre, s’éloigner, l’abandonner. Son corps enfin réagit, son regard perdu retrouve son acuité, il lit dans les yeux gris de la jeune femme l’immense détresse qui la submerge. Déjà, elle baisse la tête, recule, prête à s’effondrer sans doute, mais il la saisit par les épaules, la maintient fermement.



La jeune femme relève lentement la tête, les yeux baignés de larmes.



Alors, Amélie parle. Elle explique. Comment elle a reconnu le sous-vêtement, l’a identifié avec une quasi-certitude en voyant le cordon décousu. Comment, en fin d’après-midi, elle avait constaté la disparition de la clé du loft de son trousseau. Son impatience d’attendre 19 heures que Martial soit rentré chez lui pour l’appeler.


Elle raconte.



Amélie s’arrête un instant. Elle voudrait visiblement aller s’asseoir, s’éloigner, mais son chef la maintient toujours fermement.



Concentré, les yeux dans le vague, le commandant réfléchit :



Comme son interlocuteur affiche un air dubitatif, la jeune femme explique :



Ça mouline dur dans le cerveau du commandant. Mais Amélie n’est pas en reste :



Ladrime n’est pas totalement convaincu, mais consent à admettre :



Cette fois, sous l’effet de surprise, Ladrime relâche sa prisonnière. Laquelle, en se massant les épaules, apporte des précisions :



À la tête qu’il fait à cet instant, Amélie comprend que justement,… il ne sait pas trop !



Après un petit silence, il avoue en secouant doucement la tête :



Amélie, qui avait pris un peu de recul, revient se planter face à lui. Visage fermé, mais déterminé, la jeune femme résume :



Les yeux embués, le visage défait, la voix cassée, Amélie en rajoute, histoire de se clouer elle-même au pilori :



Cette fois, c’est elle qui ne peut terminer sa phrase, elle qui se retrouve bâillonnée. Son vis-à-vis vient à nouveau de l’attraper par les épaules, de l’attirer à lui. Il a lui plaqué sa bouche sur les lèvres. Une seconde d’éternité, un instant de flottement, d’éblouissement, d’incertitude. Et Amélie fond, s’abandonne, capitule. Les bouches se pressent, les lèvres s’épousent, et à l’instant où les langues se rencontrent, une formidable surtension court-circuite ses neurones, annihile sa conscience, un éclair prodigieux déverse dans ses veines un flot d’adrénaline, emballe son cœur et ses sens.


Ses jambes, flageolantes l’instant d’avant, retrouvent leurs forces, son corps tout entier se raidit, s’arcboute. Les baisers se succèdent, s’enchaînent, se superposent, s’amalgament, sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, enivrants, étourdissants. Un brasier naît au creux de son ventre, irradiant instantanément son corps tout entier. Elle tremble, il tremble. Pressés l’un contre l’autre, il semble que des ondes électriques délicieuses passent de l’un à l’autre, tourbillonnent entre eux. Les mains courent, s’affolent dans leurs dos.


Une veste tombe, un chemisier vole, la chemise de l’un est déboutonnée, le soutien-gorge de l’autre dégrafé. Une astronomique frénésie s’est emparée d’eux, rien au monde ne paraît exister pour stopper la furie indomptable qui les chahute, furie déraisonnable qui pourtant s’évanouit à l’instant où leurs torses se collent, où leurs peaux se plaquent. Chaque parcelle de leurs corps alors cherche sa pareille chez l’autre, ils se fondent, se confondent. Il sent les tétons hérissés s’ancrer dans la forêt de son torse, elle sent son ventre épouser le sien. Immobiles, ils s’abandonnent avec délice dans une sérénité pétillante, lumineuse, trépidante. Le blanc enténèbre le noir, le noir illumine le blanc, les contraires se conjuguent, le Yin croque le Yang qui vient de l’avaler, le ciel chavire, le sol s’effondre, les projetant dans une chute ascensionnelle tourbillonnante.


L’immensité de leur désir les reprend, Amélie se détache en riant, court vers la chambre, sautillant sur un pied pour se débarrasser d’une chaussette, puis de l’autre. Elle se jette en travers du lit, défait le bouton de son pantalon qui glisse prestement sur ses jambes en même temps que son slip. Allongée sur le dos, nue, offerte, impatiente, elle s’amuse de la gaucherie de son compagnon qui manque de tomber en enlevant ses chaussettes, s’embrouille pour défaire sa ceinture, s’escrime à se libérer de son pantalon. Dernière timidité, ultime complexe, il enlève son caleçon en se recroquevillant presque, cache son sexe érigé dans ses mains, comme s’il était gêné d’afficher la violence de son désir.

Allongés l’un contre l’autre, s’enferment dans leurs bras. Les bouches se retrouvent, les lèvres se fondent, ils s’époumonent avec avidité. Leurs mains, leurs bras, leurs jambes, cuisses, ventres et sexes se mêlent, s’emmêlent ; leurs gestes sont malhabiles, les caresses trop appuyées, mais sans être brutales, leur impatience commune les rend maladroits.


L’un et l’autre voudraient faire durer infiniment la découverte mutuelle de leurs corps. Lui, voudrait explorer chaque centimètre carré de sa peau, se soûler de ses seins magnifiques, visiter chaque courbe et repli de son corps, sillonner les méandres engloutis de son sillon brûlant, boire à sa source. Elle, souhaiterait goûter longuement sa peau, râper ses joues sur sa barbe naissante, perdre ses doigts dans la toison de son torse, agacer ses tétins minuscules, et capturer la queue au garde-à-vous, l’enfermer dans sa bouche, la noyer, la sucer, l’engloutir, la dompter, la posséder !


Oh oui, ils voudraient prendre le temps des papouilles, des caresses précises, des agaceries indécentes, des refus consentants, des abandons rétifs.

Mais leur désir est trop grand, trop impérieux ! Ils savent l’un comme l’autre que leurs sens exaspérés, leurs frustrations réciproques, leurs incommensurables fringales les ont déjà portés au bord de la rupture, projetés dans l’ascenseur sidéral où les vagues de frissons assassins qui déferlent en rouleaux continus ballottent leurs corps en tous sens et risquent à chaque millième de seconde de les atomiser pour mieux les réunir.


Ils veulent cette explosion qui les confondra, ils veulent cette fusion absolue, ils ne peuvent l’attendre plus longtemps.

Lorsqu’elle le fait basculer sur elle, il se redresse sur ses bras tendus, la surplombe. Les yeux dans les yeux, ils verrouillent leurs regards, tissent le fil de leur communion. Graves, sans sourire, ils se jaugent, s’interrogent, se défient, s’encouragent, s’exhortent. Immobiles, ils semblent attendre la fin d’un compte à rebours, ultime et irréversible décompte avant le grand saut.


Alors, entre les cuisses écartelées, la queue palpitante vient se caler à l’entrée du passage. Sans hâte, le gland écarte les limbes inondés, franchit le seuil de l’enfer délicieux, s’enfonce dans l’inconnu brûlant. Recule, ressort, abandonne une seconde la caverne incendiée pour mieux y replonger, plus avant, plus gaillardement. La queue coulisse entre les chairs, se frotte au plafond strié de l’entrée, glisse dans le fourreau velouté. Le mouvement s’accélère, s’intensifie, le manche envahit la caverne aux délices, bute durement au fond, distend les parois délicates.


Elle, savoure cette implacable insolence du pieu qui la fouille, et avide, elle projette son bassin à la rencontre du glaive. Chaque butée au fond du fourreau la projette plus avant, plus haut vers l’éther. Elle martyrise ses seins tendus à l’extrême, laboure son ventre avec les ongles de ses doigts contractés.


Lui, se redresse peu à peu, à chaque aller-retour, il savoure le feu grégeois qui l’incendie, le velours détrempé qui exacerbe son gland.


Enfin, elle sent le membre palpiter en elle, ressent ses convulsions irrésistibles, pressent l’imminence de la libération.

Il lui attrape les hanches, la soulève brusquement, à genoux sur le lit, il la burine encore.

Une fois, deux fois, dix fois.

Elle glisse alors un doigt sur le pistil de sa fleur, presse le bouton d’allumage.


Et tout s’arrête !


Immobiles, tétanisés, leurs âmes s’envolent, leurs sens explosent dans l’azur scintillant. Elle sent les jets brûlants du foutre qui inonde son antre ravagé, il ressent les contractions réflexes de sa chatte.

Ensemble, sans jamais se perdre des yeux, sans même jamais ciller, ils volent, vibrent, palpitent, explosent, s’atomisent. Leurs corps ont disparu, ne reste que leur connexion intime, leur communion sidérante, ils partagent tout, ils sont un tout, ils ne sont qu’un !

Ils sont un !


Tout le bonheur du monde !




23 septembre – 16 h 30



Après leurs ébats amoureux, les deux amants sont restés pelotonnés l’un contre l’autre un bon moment. Antonin Ladrime, Tonin comme Amélie l’appelle désormais, a expliqué tous les détails de l’autopsie et les théories en découlant, notamment et surtout celle concernant de Monsieur 47. Qu’il soit, lui, l’assassin de l’avocat ne fait aucun doute dans son esprit. Restent bien entendu les nombreuses zones d’ombre, à savoir comment ce salopard a pu apprendre le projet des trois femmes, leur timing. Pour quelles raisons il a trucidé Veillefonds. Si des questions se posent toujours sur bien des points comme le vol de la clé du loft et celui du string, sa tentative de faire porter le chapeau à Amélie est compréhensible.


La pose de la caméra s’explique, précisément pour incriminer Amélie et ses complices alors que lui, avec une télécommande, a pu entrer et sortir en restant invisible. Compréhensible, mais un peu légère, mal ficelée, trop fragile. Elle a fait long feu, enfin justement, pas très longtemps. À moins que l’homme ait juste voulu gagner un tout petit peu de temps pour faciliter sa cavale, une fuite à l’étranger ?


Ladrime avait tout révélé à son amante, dans les moindres détails. Une façon de lui proclamer sa confiance absolue en elle.


Ensemble, ils avaient convenu qu’une mise en garde à vue était la meilleure solution dans l’immédiat. Avant de quitter l’appartement, Ladrime avait conseillé à sa douce de prendre une longue douche en prévision des 24 ou 48 heures à venir. Lui-même était allé passer quelques fils sur la terrasse, au Procureur de la République et aux membres de son équipe, pour organiser la suite de l’enquête.


Ce matin, les deux amies complices d’Amélie ont été amenées à l’hôtel de police. Interrogées, en douceur, les enquêteurs n’oubliant pas que ces femmes sont avant tout des victimes, les complices de l’opération « Trouillomètre » ont confirmé point par point les aveux de la capitaine.


Le commandant est frustré de ne pouvoir recueillir la déclaration de l’ex-petit ami d’Amélie, celle-ci lui ayant indiqué un nouveau déplacement programmé pour la journée à Madrid, absence confirmée par la visite domiciliaire menée au petit matin par le tandem Lacheneau-Nguyen. Ladrime les avait malgré tout dépêchés au 66 Boulevard Rocheplatte, au cas où ! Le voyage a été également confirmé par un coup de fil au standard de la société. Contretemps fâcheux qui retarde la levée de la garde à vue.


Ladrime est nerveux. Il n’a pas revu Amélie depuis la veille au soir, lorsqu’elle l’avait renvoyé chez lui :



L’abandonner, triste et solitaire, dans sa cellule avait été un déchirement qui l’avait maintenu éveillé la presque totalité de la nuit.


Il vient d’ordonner à Lacheneau de l’extraire de sa cellule pour l’amener dans son bureau. Ladrime redoute de se retrouver face à elle, sans pouvoir l’enlacer, l’embrasser, la réconforter. Les deux amants ont convenu bien entendu de ne pas afficher leur nouvelle intimité. C’est normal, évident, mais cela va être dur à supporter.


Amélie justement franchit le pas de la porte, précédant Lacheneau, Nguyen et les autres membres de l’équipe.

Raide comme la Justice dans son fauteuil, Ladrime lui indique une chaise, mais détourne la tête quand Lacheneau déverrouille une des menottes pour l’attacher à la chaîne ancrée au mur :



Le ton est froid, administratif, limite hostile. Le commandant appuie sur le bouton REC de la caméra placée sur son bureau.




Sur le même ton, monotone, impersonnel, il continue à égrener les formules et préventions légales.


Il en fait trop, d’emblée, et Bérénice Nguyen s’en amuse un peu.

La jeune lieutenante est allée voir Amélie dans sa cellule, plusieurs fois depuis le début de la matinée. Très vite, elle a noté la petite lueur attendrie s’allumant dans les yeux de son amie à chaque fois qu’elles parlaient de leur chef. Amélie n’avait évidemment pas voulu avouer son idylle, mais ne s’en était défendue que très mollement, alors que le rouge enflammait ses pommettes. Normal ! Et pour le reste, même si Bérénice se sent un peu triste que son amie-amante ne l’ait pas incluse dans son opération, elle comprend son mutisme et sa prudence et ressent pour elle une immense tendresse et une réelle compassion.



Comme il s’interrompt et la fixe, Amélie conclut à sa place :



Le ton est tranchant, mais le regard du policier dément cette sécheresse.



Ladrime sursaute, écarquille les yeux et Amélie se reprend aussitôt



Amélie inspire profondément, se détend un peu et gratifie pour la première fois l’assistance d’un petit sourire.



Sur ces derniers mots, la voix d’Amélie a baissé progressivement, pour n’être plus qu’un souffle. Chacun comprend la lourde implication de ce surnom sur elle, au vu des circonstances.

Un silence passe avant que le commandant reprenne, sur un ton plus mesuré qu’auparavant :



Cette fois, le silence qui s’installe perdure longtemps. Chacun analyse les informations et tous acquiescent lorsque Ladrime rompt ce lourd silence :



Se tournant vers les membres de son équipe, le commandant ordonne :



Delmotte se lève à moitié de sa chaise, levant la main. Ce réflexe d’écolier sage lui a souvent valu de gentilles railleries de la part de ses collègues. Mais aujourd’hui, personne n’a le cœur à plaisanter.



Les hommes opinent du chef. Le commandant marque une pause, recule son siège et s’y installe plus confortablement.



La veille au soir, avant d’être conduite dans sa cellule, la jeune femme avait officiellement remis ses téléphones portables, le pro et le privé, pour la mise sous scellés.



Tout aussi surprise que l’avait été son chef avant elle, Amélie tend l’oreille.



Comme la jeune femme sursaute et s’apprête à parler, Ladrime anticipe :



Le visage d’Amélie s’éclaire d’un franc sourire. Son regard passe de visage en visage et elle lit sur chacun soulagement et contentement ! Quant à son cher commandant, il jubile tout simplement, trop heureux du scoop qu’il vient de lâcher.



Bérénice, toute à sa joie, se trémousse sur sa chaise :



En un instant, la morosité et la gêne qui plombaient l’atmosphère se sont évanouies. Chacun respire plus son aise visiblement.



Se tournant vers ses subordonnés, le commandant distribue les tâches de chacun.



Comme prévu, le capitaine Lacheneau se glisse entre le bureau et Amélie. Il maugréé en paraissant rencontrer des difficultés avec la serrure des menottes. De son côté, Ladrime prononce quelques formules d’usage et coupe la caméra. Même si l’audition a complètement et rapidement quitté le cadre conventionnel d’un interrogatoire, il faut bien respecter la formalité des circonstances !



La menotte a été dégagée de la chaîne, Lacheneau se retire et Amélie repasse elle-même la menotte à son poignet.


Ladrime se rapproche de son bureau, s’y accoude. Sur le ton de la confidence, il confesse :



Le couple échange encore pendant quelques minutes avant que le commandant n’appelle finalement Lacheneau.


À regret !