n° 18542 | Fiche technique | 47155 caractères | 47155Temps de lecture estimé : 26 mn | 05/09/18 |
Résumé: Louise vit son premier amour. C'est cette fois la voix de ce dernier qui nous le raconte. | ||||
Critères: fh jeunes amour voir odeurs intermast fellation pénétratio hdanus init mélo nostalgie portrait | ||||
Auteur : Amarcord Envoi mini-message |
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Avertissement :
Ce texte est le deuxième d’une série qui comptera six ou sept volets. Fournir un résumé de l’épisode précédent (« Mimosa ») n’a pas beaucoup de sens : ce deuxième épisode reprend puis poursuit le précédent sous l’angle d’un autre personnage. Certains épisodes ultérieurs seront peut-être des récits plus autonomes. Mais il est recommandé, pour comprendre chacun d’entre eux et la logique des personnages, de les lire tous dans l’ordre.
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Les séances photo avec Robert ? Aucun risque que je les oublie. En matière de photo, Garassian, c’est un maître, une référence, une pointure. Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, c’était la star absolue du marché, il était surbooké, on le réclamait sur les plateaux les plus prestigieux, à Paris, Milan, New York ou Tokyo. Il fut la figure marquante des années fastes de la mode et de la pub. Comme il me l’a raconté un jour, les budgets étaient alors illimités, et pour le moindre cliché d’une gonzesse mordant dans une biscotte, on embarquait quinze accompagnateurs inutiles à Miami ou Rio. Sur place, c’était fiesta à gogo : poulettes, night-clubs, grosses bagnoles et brouettes de coke. Robert a profité du système plus que quiconque. À sa décharge, ça ne l’a jamais empêché de produire un travail époustouflant. Il mériterait bien une rétrospective : on s’apercevrait alors combien sa production, pour ne pas dire son œuvre, a marqué et influencé une bonne part de ceux qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé, et qui le citent souvent parmi leurs références. Comme s’il pressentait la fin prochaine de ces années fastes – le métier est aujourd’hui cadenassé par les cost cutters des clients – Robert en sortit brutalement. À 48 ans, chute dans le vide. Dépression sévère. Claquemuré chez lui, avec ses idées noires. Divorce. Brouille avec tous ses amis d’alors, ce qui ne fut d’ailleurs pas une grande perte. Cet hédoniste invétéré perd le goût de tout. Marre de cette vie de gitan de luxe, de palace en jet privé, des fausses joies de la nuit qui s’éternise, des gens qui rient trop fort, des bimbos qui vous sucent trop vite, de ceux qui vous saluent trop obséquieusement, de ce vacarme permanent sur la bande-son d’une vie constamment surexposée. Robert se retrouve seul face au miroir. Et il n’y voit que le vide.
Sa bouée de sauvetage fut malgré tout encore la photo, qui restait son seul langage. Chaque jour, au lieu de parler – avec qui l’aurait-il fait ? – il s’obligeait à capter une image, une seule. Mais il la traquait obstinément, avec une exigence inouïe. Enfermé dans sa chambre noire, il peaufinait ensuite le tirage de chaque cliché unique. Il m’a un jour fait l’immense privilège de me livrer accès à cette impressionnante série, enfermée dans une pièce de la splendide maison de maître qu’il occupe au centre-ville, en me précisant que j’étais le premier – et peut-être le dernier – à bénéficier de cette faveur. Neuf cent quatre-vingt-six photos dans des volumes reliés en ordre chronologique, neuf cent quatre-vingt-six jours de silence, neuf cent quatre-vingt-six étapes d’un chemin de croix à l’envers, le ramenant du Golgotha à la lumière, l’oxygène du photographe.
Reprendre la vie d’avant, pas question. Mais quand un des rares confrères qui conservait son estime lui proposa de rejoindre le corps enseignant de Cameralab, une des meilleures hautes écoles de photographie européennes, il accepta pour satisfaire une nouvelle vocation, celle de transmettre. Inutile de dire qu’il y est un prof redouté, pour ses colères homériques comme pour son implacable exigence. C’est oublier qu’il est aussi l’un des meilleurs, avec sa capacité à lire tout en une fraction de seconde : l’intérêt d’un cadrage, l’angle d’une lumière, la qualité d’un tirage, la personnalité d’un modèle, le grain d’une peau, le talent d’un élève et les moyens de le développer.
C’est comme ça que Robert m’a repéré à l’école. Je ne suis pas certain d’avoir été plus doué que les autres, mais c’est ma rage de chercher, apprendre, essayer sans cesse de nouvelles choses qui a dû le convaincre. Il n’a pas cessé de me pousser, se montrant plus exigeant envers moi qu’envers quiconque. Et pour me transmettre son savoir, il m’a proposé de devenir son assistant sur des shootings, à présent qu’il avait repris une certaine activité commerciale. Un job épisodique, très correctement payé et un sacré boost pour mon apprentissage à ses côtés.
C’est Muriel, son ex-femme, qui dirige une agence de mannequins, qui a insisté pour le remettre dans le circuit des photos commerciales. Leur séparation fut sans doute amère, elle était inéluctable compte tenu de la folle dérive qu’avait pris l’existence de Robert avant sa dépression, des infidélités, de la distance physique qui s’était creusée entre eux. Mais émotionnellement, ces deux-là s’aiment toujours, ils se téléphonent trois fois par semaine. On ne peut pas limiter ça à de l’amitié, il reste une forme d’intimité. Robert aime toujours à me dire : « Une chose me console, c’est que je resterai malgré tout l’homme de sa vie ». Avant d’ajouter peu après : « Faut dire qu’elle m’a quitté pour une femme ».
Ils ne sont plus ensemble, et pourtant forment toujours une famille, avec Virgile, leur fils de trente ans, un bidouilleur de son qui commence à se faire un nom comme deejay, et qui squatte le dernier étage de la maison de son père. Virgile est gay. « Il tient sûrement ça de sa mère », commente toujours en boutade Robert, qui adore son fils, qui le lui rend bien.
Ce ne fut pas très difficile pour Muriel de convaincre les clients, le nom de son ex conservait un prestige que sa récente rareté commençait à augmenter. Mais lui ne voulait plus des photos pour de grandes griffes de mode, et du barnum qui les entoure. Par une forme de superstition, il a tenu à reprendre son travail à travers des photos de lingerie, des travaux plus modestes qui sont précisément ceux avec lesquels il avait commencé sa carrière de jeune photographe. « Si t’es capable de photographier ça joliment, Jonas, sans vulgarité, avec la bonne lumière, le geste juste, l’expression qu’il faut, peu importe que ce soit pour un foutu dépliant, tu seras capable ensuite de gérer n’importe quelle photo glamour pour une vitrine de grand couturier. Crois-moi. Et puis l’atmosphère de travail est moins toxique. Les filles sont chouettes, sympa, elles se la pètent pas. Ce serait presque familial, s’il n’y avait pas mon tempérament sanguin qui prenait le pas quand je suis sur une prise de vue commerciale. Je sais pas pourquoi, c’est sans doute venu de ma période dorée, faire régner la terreur comme une défense face aux connards, aux entourages, aux inutiles, aux courtisans. M’isoler de tout ça en gueulant pour me concentrer sur l’image. L’image aussi parfaite que possible. »
Robert disait vrai. Les sessions photo de lingerie se déroulaient dans une atmosphère bon enfant, que les colères de Robert n’arrivaient pas à perturber. Les filles s’étaient prises de béguin pour moi, et s’amusaient à me frôler dès qu’elles étaient nues entre deux photos. J’avais la trique en permanence, mais mettais un point d’honneur à paraître impassible. Je n’en ai d’ailleurs jamais baisé aucune, le jeu était finalement assez innocent, et je voyais bien que Robert, tout en feignant de ne pas s’en apercevoir, affichait parfois un léger sourire amusé. Je ne pense pas en revanche qu’il ait jamais su qu’un jour, alors que je rangeais le plateau après le départ de l’équipe, Cléo, la maquilleuse, s’approcha pour me dire elle aussi au revoir, puis se mit à rire en soupçonnant une raideur sous mon jean un peu trop serré. Alors qu’elle me collait un bisou, je sentis sa main s’aventurer sous ma chemise, puis adroitement dégager la boucle de ma ceinture.
Mon pantalon avait glissé sur mes genoux, sa main s’était faufilée dans mon caleçon, où elle avait fermement empoigné ma queue. Elle fit descendre lentement le sous-vêtement avec ses dents, par à-coups. Je bredouillais des mots d’excuse qui la faisaient rire. Elle lâcha mon sexe pour mieux l’observer, se mit à me fouiller l’entrejambe de coups de langue experts, en ne s’interrompant que pour assaisonner le traitement de commentaires élogieux.
Sa main soupesa mes couilles, pendant qu’elle léchait mon sexe tout du long.
Elle m’entreprit avec la langue, tout en branlant fermement mon dard. Elle ne tarda pas à le gober et à me sucer avec conviction. Ses mains s’activaient tout autant, parcourant ma géographie génitale avec un mélange d’autorité et d’efficacité, chaque stimulation de ses doigts, chaque succion de sa bouche m’arrachaient à présent des plaintes étouffées, je sentis ses mains agripper mes fesses, qu’elle griffa aussitôt de ses ongles, ce qui m’amena au bord de la jouissance, elle maintint une main sur la base de mon vit qu’elle suçait à présent férocement, remonta l’autre main sur mon dos, la fit passer sur mon ventre, me présenta ses longs ongles vernis, à l’exception du majeur, taillé court. Je sentis ensuite un doigt suivre le trajet qui part de ma verge pour se diriger vers la raie de mes fesses. Au son de ma voix, elle comprenait que je n’allais plus tarder à exploser. Elle se déchaîna sur ma queue, et je sentis soudain un doigt s’introduire dans mon cul. Dans une longue plainte sonore, je lâchai une généreuse giclée de sperme dans sa bouche. Loin de se détourner, elle veillait à bien me vider par des mouvements plus doux et lents, tout en avalant progressivement ma semence. Quand tout fut fini, elle couvrit mon membre et mon pubis de petits baisers, se releva, m’adressa son joli sourire, caressa mes lèvres d’un doigt.
Comme je cherchais à l’enlacer pour poursuivre plus loin nos caresses, elle m’arrêta.
Elle tint parole. La seule allusion qu’elle fit par la suite fut un clin d’œil lorsque nous nous retrouvâmes à la session suivante. Cette complicité coquine se mua en amitié véritable, même si je ne parvenais pas à m’empêcher de la déshabiller du regard, admirer son joli teint café au lait, estimer ce que pèseraient dans mes mains ses seins généreux, rêver de la sensation de mes doigts s’immisçant sous sa courte jupe. Paradoxe : au milieu d’une troupe de jolies filles passant le plus clair de leur temps à poil, celle qui m’excitait vraiment était la maquilleuse, la seule habillée.
Du moins jusqu’à l’arrivée de Louise.
Ce jour-là, en parcourant la check-list avant l’arrivée de Robert, j’appris par Mireille qu’il y aurait une nouvelle, sans expérience préalable, pour remplacer Lætitia, grippée. Je n’y prêtai pas trop d’attention. Mais un quart d’heure plus tard, la porte du sas s’ouvrit sur une jeune fille absolument magnifique, emmitouflée dans une parka de surplus militaire qui cachait ses formes, mais n’en faisait que mieux ressortir l’ovale de son visage, la soie de ses cheveux châtain clair ramenés en simple chignon, la pureté d’émeraude de ses yeux pétillants, cette merveille de petit nez, et l’éclat de son sourire, renversant. Une onde de fraîcheur et de pureté. Un air de modestie sans timidité excessive, une spontanéité souriante, l’éclat d’une beauté totalement naturelle, dépourvue de tout artifice physique ou moral.
Dès après la première prise, celle qui lui valut son surnom de Mimosa, Robert m’adressa une mimique éloquente : les sourcils levés, les yeux écarquillés, la bouche ouverte.
Et puis vint l’incident. Louise humiliée, puis bouleversée. J’en étais malade, pris à la fois par une envie de vomir, et celle de foutre mon poing sur la gueule de Robert, tout en sachant qu’il n’avait prémédité ni ce geste ni ces paroles odieuses, dégradantes. La session reprit pourtant, et même si Robert fit preuve de délicatesse, j’en étais convaincu : Louise ne reviendrait pas, dégoûtée par cette expérience, repoussant tous ceux qui y étaient liés. À peine entrevue, je la perdais à tout jamais.
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Elle revint pourtant deux semaines plus tard. À l’issue de la séance, cette fois sans histoire, alors que je démontais le matériel, je la vis s’apprêter à quitter la pièce, couverte d’un adorable bonnet en tricot à pompon. Elle hésita, se retourna, et vint droit vers moi, déclenchant son sourire irrésistible.
Elle éclata de rire, et c’était délicieux.
Elle riait de plus belle.
Aussitôt dit, elle tourna les talons et poussa la porte. Je m’aperçus de la présence de Cléo, qui riait franchement, puis me fit un signe impératif en direction de la porte. Je me précipitai, piquai un sprint dans la cour pour la rattraper.
Et c’est comme cela que je me retrouvai le lendemain en équilibre instable sur la glace, à faire l’andouille sous les rires de Louise. Mais j’étais heureux : elle ne m’était plus inaccessible, je pouvais la dévorer des yeux, et elle flirtait gentiment avec moi. L’idée qu’elle puisse devenir ma petite amoureuse me bouleversait, et je serais d’une patience infinie avec cette jeune fille. Mais une ombre venait aussitôt assombrir mon moral. Dans six mois, je terminerais mes études à Cameralab. Poussé par Robert, j’avais soumis ma candidature à une bourse de photographie soutenue par des entreprises mécènes, elle permettait à un jeune diplômé européen méritant de suivre une formation complémentaire de deux ans dans une prestigieuse école de Los Angeles. Miraculeusement, mon dossier avait été sélectionné, un honneur incroyable pour moi comme pour mon école. Dans six mois, j’allais donc quitter mon pays pour la Californie. Deux ans. Une éternité. Quoi qu’il arrive, j’allais perdre Louise.
En quittant la patinoire, je réitérai la proposition du cinéma. Mais comme par malédiction, cette perspective était chaque fois repoussée. Louise devait se concentrer sur ses examens partiels au lycée, et sa maman ne voyait pas d’un bon œil qu’elle sorte trop le soir durant cette période. Tout au plus nous voyions-nous parfois à midi, au café proche de son établissement scolaire. Elle traçait mon nom sur la buée de la vitre, ajoutait un cœur. Puis s’arrêtait, plus grave, dessinait un avion, ajoutait les lettres USA. Un jour, elle sortit un appareil photo, un très joli compact digital au look un peu rétro, et se mit à me mitrailler sous tous les angles.
On se mit à parler photo, et je m’aperçus avec surprise qu’elle était calée. Vitesses, diaphragme, sensibilité, profondeur de champ, elle maîtrisait parfaitement les fondamentaux. Et avait une culture photo étonnante pour son âge. Elle connaissait les travaux de photographes aussi divers que Diane Arbus, Dorothea Lange, Cartier-Bresson, Mapplethorpe…
Elle fit une moue un peu renfrognée, fronçant les sourcils. Hésita. L’alarme de son téléphone retentit, lui indiquant qu’il était temps de rejoindre le lycée.
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Le lendemain, mercredi, avait lieu le dernier shooting de l’année calendaire. Robert avait pris soin de planifier les séances le mercredi afin de permettre la participation de Louise. Celle-ci arriva plus tôt que d’habitude, un portfolio sous le bras.
Elle s’éloigna aussitôt par pudeur, craignant de se confronter à mon jugement, soit qu’il soit trop sévère, soit qu’il soit peu sincère et trop indulgent. Je m’attendais à tout sauf à cela : page après page, il y avait des photos formidables. Beaucoup de clichés pris sur le vif, de la « street photography », mais remarquable. Quelques portraits aussi. Quand Robert arriva, je l’interceptai.
Il ouvrit le book, tourna les pages en silence, une par une, s’arrêta, sourit.
Robert leva les yeux vers moi, interdit. Il observa un long silence. Je lui expliquai ce que je savais, et les scrupules de Louise à lui montrer son travail.
Louise approcha, le visage froncé, elle avait vu son book ouvert sur le pupitre, devant Robert. Elle me jeta un regard furieux.
Louise se mit à rire.
Robert s’éloigna, me laissant seule avec Louise.
Elle haussa la voix :
Elle avait déjà franchi la porte. Robert me réclamait déjà de l’autre côté en gueulant. Appuyée contre le chambranle de la porte, Cléo m’adressait une grimace de sympathie, un peu navrée. Je lui rendis un pâle sourire, baissai la tête et me mis au travail.
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Louise était têtue. Son infinie douceur cachait aussi un puissant caractère. Pendant des jours et des jours, je tentai de l’appeler en vain : au téléphone, sa maman me disait qu’elle n’était pas là. Jusqu’au soir où elle m’avoua, sans doute un peu gênée de devoir multiplier les mensonges, que sa fille refusait en réalité de me parler. Je laissai passer une semaine, puis pris mon courage à deux mains. C’était son avant-dernier jour de cours au lycée, avant les vacances de Noël. Je l’attendis à la sortie, craignant qu’elle m’ignore. Mais quand elle me vit, elle ralentit le pas, s’arrêta à deux mètres, me regardant, le visage fermé. Je rompis le long silence.
Elle se contenta de hocher la tête, sans un mot.
Louise ne disait toujours rien, mais son regard se brouillait.
Pour la première fois, un soupçon d’ironie apparut sur ses lèvres.
Son sourire s’élargit à peine, son regard toujours embué avait retrouvé une folle douceur. Elle se rapprocha, saisit ma nuque, fit oui de la tête, colla un tout petit baiser sur mes lèvres, avant de s’éloigner.
Et Louise vint en effet assister à notre répétition. Mes potes furent à la fois adorables et timides avec elle, impressionnés par sa beauté. Nous jouâmes notre répertoire, des reprises d’indie-rock, et quelques compos à nous. Nous fîmes une pause, le temps d’installer un autre set-up d’amplis. Louise s’approcha de moi.
Elle marqua une pause, puis plongea ses yeux dans les miens.
Mes doigts posèrent aussitôt des accords sur le clavier du Fender Rhodes, et je me mis à chanter doucement les premières mesures de « On se cache des choses ».
Pour lire des textes
Que le dimanche soir je venais
C’était prétexte
C’était pour sentir le jazz
En moi venant
Quand tes genoux tu les croises
De temps en temps.
Je m’arrêtai. Elle était rêveuse.
Et elle prit mes lèvres pour le plus long, le plus langoureux des baisers.
Je l’avais retrouvée.
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Le lendemain, j’avais à peine achevé mon travail de rangement au studio, et de me rafraîchir au lavabo avant de passer des habits propres, que Louise apparut. Elle était somptueuse, ayant passé une robe magnifique.
Elle ôta ses escarpins, parcourut la pièce pieds nus, sortit de son sac une dizaine de petites bougies, qu’elle posa et alluma autour du canapé. Elle alla chercher un spot et un transfo, qu’elle alluma avant de réduire son intensité sur la puissance la plus faible et de couper l’interrupteur des néons. Elle déplia un drap sur le canapé. Puis elle revint vers moi.
Elle était tout contre moi à présent, ses mains douces sur mes épaules. Son regard était éperdu, elle tremblait. Elle me souffla, presque en chuchotant :
Une vague d’émotion me submergea, je caressai son visage, l’embrassai longuement. Elle déboutonnait déjà ma chemise, couvrant mon encolure de baisers. Je fis coulisser la fermeture éclair de sa robe qui tomba sur le sol, après qu’elle l’ait aidée à franchir les hanches. Ma gorge se noua. Elle ne portait pas de soutien-gorge. Ses seins étaient divins, un défi à la pesanteur, ses adorables mamelons bruns dirigés vers moi.
Je parcourus son buste avec délicatesse, couvrant de baisers ses épaules, ses bras, avant de déposer mes lèvres sur ses seins. J’entrepris de lécher ses mamelons, puis de les suçoter gentiment. Mon visage descendit vers son ventre plat, fouillant de la langue son nombril. La tête basculée en arrière, la bouche ouverte, Louise émettait de petits souffles parfois ponctués d’un imperceptible gémissement. Avec une infinie lenteur, ma main se glissa sous l’élastique de la ravissante petite culotte, puis se dirigea vers son pubis.
Elle émit un tout petit rire gêné.
Les gestes de ma main se faisaient de plus en plus précis sur son bas-ventre, accentuant ses halètements. Je finis par baisser doucement son sous-vêtement, la révélant dans toute sa splendeur. J’agrippai son adorable petit cul, la soulevai, elle replia ses longues jambes fines autour de ma taille, les bras noués autour de mes épaules. Je l’allongeai délicatement dans le vaste canapé. Je me déshabillai intégralement et m’allongeai auprès d’elle. Mon doigt avait éveillé son petit bouton, et le sollicitait de façon de plus en plus insistante. Elle me fixait d’un regard intense, la bouche ouverte, haletante. D’une main, elle masturbait ma queue. Je me redressai, et vins poser mon visage entre ses cuisses, où je commençai de boire à sa source. Elle saisit mon visage, qu’elle ramena vers elle. Tout doucement, elle dit :
Je ne cherchai pas pour cette fois à la détromper, ému par sa candeur, et soucieux de la mettre à l’aise. Et pourtant, son odeur intime était légère, si douce, si fraîche, qu’on en aurait volontiers commandé des flacons en parfum. Je m’en étais déjà enivré, tout comme j’avais adoré goûter son intimité : elle avait comme une saveur de miel.
Elle posa ma main sur sa poitrine, le regard toujours tourné vers moi.
Sous mes doigts, ses tétons s’étaient dressés, durs comme la pierre. Elle me guidait, m’invitant à les étirer sans ménagement, à les emprisonner, les pincer toujours plus fort. Je découvris combien cette partie de son corps représentait pour elle une puissante zone érogène. Il y aurait des nuits, plus tard, où la simple stimulation de ses tétons jusqu’au bord de la douleur l’amènerait aussitôt à l’orgasme.
D’une voix presque enfantine, Louise murmura :
J’étais bouleversé, mais sans que ceci ne fasse faiblir mon excitation. Avec lenteur, je guidai mon sexe jusqu’à sa corolle, que je caressai d’abord de mon gland, avant de l’introduire progressivement, avec une douceur infinie, dans son orifice délicat. Je veillais à ne surtout pas brusquer mes gestes. Je ralentis encore en rencontrant une résistance. Louise ne cessait de parcourir mon corps de ses mains fines. J’insistai un peu, le visage de Louise fut traversé par une brève secousse, comme si elle venait de subir une piqûre, et mon membre pénétra dans son vagin. Elle m’attira contre elle, embrassa ma bouche, mon front, mordilla mon nez, m’abreuva de serments d’amour. Notre nuit se poursuivit, elle fut forte et tendre. Nous nous réveillâmes comme des enfants au premier matin du monde.
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Les mois qui suivirent passèrent à une vitesse folle. L’amour de Louise était une pure énergie qui illuminait ma vie. Mais plus le temps passait, plus s’assombrissait en moi l’imminence de la séparation. Aux premiers jours de juillet, nous embarquâmes tous pour l’Argentine. Notre troupe, renforcée par une équipe locale comprenant d’autres mannequins et techniciens, accueillait également trois responsables de la marque de prêt-à-porter. Ingrid, la directrice artistique, une femme à l’énergie contagieuse, était éblouie par Louise, convaincue que celle qu’elle considérait à juste titre comme sa trouvaille allait offrir à la prochaine collection une aura sans précédent. Elle multipliait les gentillesses et la couvait du regard. Moi aussi, il va sans dire. Nous retrouvâmes sur place Robert, qui avait effectué de nombreux repérages au cours des deux semaines précédentes. Ce fut encore un très long et fatiguant voyage, en convoi de 4x4, pour atteindre une zone côtière au sud, en direction de la Patagonie. Le convoi s’arrêta, nous sortîmes tous pour admirer ce paysage à couper le souffle, battu par le vent. Robert se tourna vers nous.
Louise, sans un mot, souriait, le regard tantôt dirigé vers l’horizon, tantôt vers moi.
Nous logions tous dans une série de chalets assez confortables, plantés dans les dunes, et reliés par des passerelles en billots de bois. Pour les besoins du shooting, Cléo avait imaginé pour Louise, en accord avec Ingrid, une nouvelle petite coupe de cheveux courte et un peu ébouriffée, qui me rendit fou quand je la découvris, alors qu’elle sortait du salon de coiffure installé dans un des chalets. Je l’attrapai par la manche de sa doudoune, la soulevai et elle sauta dans mes bras.
Son rire si joyeux me faisait chavirer.
Le travail commença. C’était un job vraiment difficile. Les contraintes du temps, du vent, de la nature compliquaient le travail de l’équipe technique, et donc le mien. Mais en visionnant les rushes du premier jour, nous sûmes aussitôt que cette série serait exceptionnelle. Robert avait retrouvé une énergie de jeune homme, qu’il réinvestissait dans son art. Le cadre majestueux, la lumière particulière, et la beauté dévorante de Louise faisaient le reste. Le soir, nous étions fourbus. L’envie de nous retrouver n’en était pas moins pressante, mais le fait que nous ne logions pas dans les mêmes chalets ne facilitait pas la chose. Louise partageait le sien avec Cléo, et c’est grâce à la bienveillance de celle-ci que je pus retrouver mon amoureuse. Riccardo, le sympathique assistant argentin avec qui je logeais, eut la surprise de voir la jolie maquilleuse prendre ma place. Et deux jours plus tard, Cléo vint nous chuchoter à table une confidence, en entourant nos épaules.
Cléo savait que ce séjour marquait pour nous deux la fin d’une histoire. Louise lui avait confié qu’elle voulait absolument qu’elle se conclue sans drame, sans adieux déchirants sur des quais de gare ou dans des halls d’aéroport. Nous nous quitterions ici, sur le lieu du shooting, sans un regard en arrière. Elle avait convaincu ses parents de la rejoindre avec sa petite sœur, pour entreprendre un circuit familial en Argentine. Elle les retrouverait à Buenos Aires, couvrant le trajet en 4x4 avec deux membres du team argentin, quelques heures avant le convoi déplaçant le reste de l’équipe. À son retour en Europe, j’aurais déjà moi-même mis le cap sur la côte ouest et mon école américaine.
Robert était plus que satisfait des clichés qu’il avait pris, et le résultat était au-delà des attentes d’Ingrid, la cliente. Le shooting de la collection avait été efficace, si bien que quartier libre fut donné à tous pour la dernière journée, celle qui précédait le départ. Le temps était maussade, ce qui n’aurait de toute manière pas été optimal pour les prises de vue. À part une jolie balade dans les dunes, Louise et moi passâmes la plupart du temps au chalet, à faire l’amour. Louise injectait dans cette dernière journée commune une folle dose de gaieté et de fantaisie, pour éviter de polluer l’exubérance de nos ébats par l’imminence de l’adieu. Je me souviens de nos fous rires interminables quand nous abordâmes la question du pénis sous l’angle esthétique.
Elle s’acharna aussitôt à me contredire et à faire l’éloge de ma verge, en parodiant une séquence de téléachat, avec un débit à la Pierre Bellemare, et en joignant le geste à la parole : combien sa technologie était sophistiquée, sa poignée ergonomique, sa puissance renforcée, sa couleur magnifiquement assortie au mobilier, son démarrage si aisé, son usage commode, ne nécessitant aucun mode d’emploi, sans oublier le peu de temps que réclamait sa recharge.
Nous dressâmes aussi un inventaire d’amour avant départ, sous forme de jeu avec questions et réponses, obligatoirement positives, tout regret valant disqualification. Quand elle tira la question « Quelle est la chose la plus folle que tu aies jamais faite pour me prouver ton amour ? », elle sourit. Puis se leva, contourna la table, vint vers moi, me prit la main, et dit :
Elle poussa la porte extérieure, il faisait froid.
Elle dévalait déjà pieds nus les longues volées de l’escalier en bois menant de la dune à la plage. Quand je la rejoignis, elle avait ôté son pull. Elle fit suivre son pantalon, son chemisier, libéra ses seins, se débarrassa de son slip, posa le tas sur le sable, et le couvrit d’un gros galet pour éviter qu’il s’envole.
Elle se tourna, approcha son corps nu éclairé par la lune, m’adressa un merveilleux sourire.
Sans un mot, elle posa un long baiser sur ma bouche, puis en reculant, elle dit :
Et elle courut vers les vagues
Elle entra dans l’eau glacée de l’Atlantique avec des cris aigus, mais poursuivit jusqu’à ce que les vagues cassent sur ses épaules. Elle criait, à moitié couverte par le bruit des déferlantes :
Je me déshabillai pour aller la rejoindre, inquiet pour elle. Mais elle sortit aussitôt, frigorifiée. Ses lèvres étaient bleues, elle claquait des dents, je rassemblai à toute vitesse de quoi la frictionner et la couvrir.
Elle me fixait, en protestant de la tête.
C’est tellement tu es beau.
Tellement je t’aime.
Tellement j’ai envie de toi.
Le temps se figea sur ce moment parfait comme s’il était un photographe déclenchant l’obturateur.
Puis elle enfila le gros pull directement sur son corps encore mouillé et nous grimpâmes vers le chalet. Je lui fis prendre une longue douche chaude. Je l’embrassai. Elle se pelotonna contre moi sous la couette et s’endormit presque aussitôt, la tête sur mon épaule.
Je la regardai dans son sommeil, et soufflai :
Le lendemain, à mon réveil, elle était partie.