Envie par procuration...
Résumé des événements précédents :
Quatre copines d’école se retrouvent après plusieurs années. Manon s’invente une personnalité de soumise et un rendez-vous en club BDSM est prévu dans un mois. Elle rencontre Edgar, un dominant, qui va la former. Cette première séance la laisse dans tous ses émois…
Mercredi matin je reçois un coup de fil étrange. Clara veut déjeuner avec moi, impérativement ! J’ai beau lui dire que je n’aurai pas le temps, car je suis débordée, vu que mon collaborateur n’a toujours pas mis en forme les notes de son entretien avec notre client, et que j’en ai absolument besoin pour faire un rapport à mon responsable pour établir notre feuille de route, elle n’en démord pas et insiste lourdement. Bref, exaspérée par son comportement si puéril, je capitule, mais en lui signifiant bien que cela ne durerait pas plus de trente minutes, montre en main.
Nous voilà donc attablées dans une petite brasserie reconnue pour ses salades végétariennes et sa nourriture végane (eh oui, Clara s’est persuadée que cette nouvelle manière de se nourrir était meilleure pour la planète et accessoirement pour ses fesses). Pressée, je lui demande le motif de sa convocation sans appel. Le ton un peu stressé de sa voix au téléphone m’ayant inquiétée, je commence à m’imaginer mille raisons : un problème familial ? Une maladie soudaine ? Ce qui en soi pourrait être plausible, avec les nombreux régimes qu’elle s’impose à longueur de temps. Ou bien, que sais-je, un ennui professionnel ? La surprise de sa réponse me cloue littéralement sur place.
- — Pardon Clara ? Tu me déranges dans mon travail pour savoir comment se passe ma relation avec mon Maître ?
Mot qu’elle prononce d’ailleurs si doucement que de mon côté et avec la fureur qui naît au creux de mon ventre, je prononce presque en criant !
- — Shuttt ! me supplie-t-elle immédiatement en regardant les visages autour d’elle.
Elle veut tout savoir, mais n’assume pas d’en parler franchement ! me dis-je sarcastiquement. Tu le prends comme ça ? Tu veux jouer la petite curieuse, t’exciter par procuration, te vautrer dans la lubricité par mon intermédiaire ? Très bien, ma petite, nous allons jouer alors !
- — Ce genre de relation t’intéresse donc, Clara ?
Ma question susurrée comme du miel la fait rougir instantanément. Intérieurement, je me délecte de pouvoir la torturer. Clara se considère comme la femme bien sous tous rapports : mariée depuis toujours, mère de deux enfants propres sur eux, bien élevés, un mari élégant, poli, courtois… et bla-bla ! Je m’amuse parfois à les imaginer en train de faire l’amour. Et je dis bien faire l’amour, pas se sauter dessus comme des bêtes, à l’affût du désir primal, féroce, instinctif. Non, pas ce genre d’amour, plutôt la bonne vieille position du missionnaire, bien sage. Nos escapades de jeunesse avaient été beaucoup moins sérieuses à l’époque et Clara n’avait pas dérogé à nos règles.
Notre devise était justement « No-Règles ! » Elle participait à nos ébats, mais, il est vrai, toujours de façon plus retenue, comme si elle se forçait un peu pour ne pas sortir de notre groupe. Je pense qu’elle y prenait plaisir, mais son comportement, toujours plus réservé, la rendait plutôt « suiveuse » que « meneuse ». Jamais, elle n’avait été l’instigatrice de nouvelles folies, tandis que Laure, évidemment, trouvait les meilleurs coups du quartier, Steph dénichait les endroits insolites. Moi, j’insufflais un peu de piment en agrémentant nos aventures par des idées nouvelles. Elles m’avaient d’ailleurs remerciée chaudement pour ma trouvaille de sexe avec des personnes que nous connaissions certes, mais totalement dans le noir et dans le silence absolu. Cette soirée fut gravée dans nos mémoires comme la meilleure « baise insolite ». Ne pas savoir à qui appartenaient ces fesses charnues ou bien maigres que nous ne devinions rien qu’avec nos sens, à qui nous léchions les tétons dressés par l’excitation, à qui appartenait le sexe dur que nous branlions avec fureur ? Clara profitait, participait, s’invitait dans nos conversations exaltées d’avant ou d’après nos jeux, mais jamais ne se sentait l’âme imaginative pour nous surprendre. Elle les vivait toujours au travers de nos ressentis à nous. Je n’allais donc pas la décevoir aujourd’hui !
- — C’est très intense, tu sais. Que veux-tu savoir exactement ?
- — Tout ! m’implora-t-elle avec une fougue dans la voix qui me faisait presque pitié.
- — Bien. Alors je vais tout te raconter. Mon Maître est une brute assoiffée de sexe. Je suis devenue son esclave et je suis entièrement à ses ordres.
- — Nooonnnn ! s’exclama-t-elle à mon annonce.
Écartelée entre l’horreur de ma situation et l’envie furieuse d’être moi, elle me conjura d’en dire plus.
- — C’est bien simple, je fais tout ce qu’il m’ordonne. Il est le Maître et j’obéis.
- — Tout ? C’est-à-dire ?
Je pris un instant pour réfléchir, la laissant dans son jus. Son imagination tournait à plein régime, pour preuve sa posture, les jambes croisées ou plutôt serrées l’une contre l’autre comme pour éteindre son désir. Je savais que les mots avaient pour elle plus d’impact que les actes. Son corps se nourrissait de visions créées par son cerveau vorace d’images et de sons. Je choisis donc minutieusement des scènes à lui décrire, provenant de ma propre source de fantasme. Je les voulais provocantes, animales, dénuées de sentiments réservés à l’amour classique. Il n’y aurait que perceptions, sensations, troubles, perte des sens pour se noyer dans le pur plaisir charnel allant même jusqu’à l’opprobre. Elle voulait s’exciter à mes frais, elle allait en avoir pour son argent !
- — Tout, je te dis ! Quand nous partageons des moments, je suis à lui entièrement. Je lui appartiens corps et âme. Il fait de moi ce qu’il veut.
- — Ah oui ? Et tu acceptes ça ? Toi ?
- — Mais je n’ai pas le choix ! Je lui dois tout !
Je l’avais piquée au vif, la Clara. Je l’avais appâtée et elle mordait à l’hameçon à y perdre la mâchoire.
- — Mais pourquoi ? Tu lui dois quoi ?
- — C’est compliqué, Clara. Je ne sais pas si je peux t’en parler comme ça, lui déclarai-je sur un ton faussement embarrassé.
- — Tu lui dois de l’argent ? Il te fait chanter ?
- — Mais non, voyons ! Non… il me fait jouir ! m’exclamai-je triomphalement.
Ma déclaration résonna comme un coup de tonnerre en elle. Heureusement, sa bonne éducation la retint de cracher la gorgée d’eau minérale qu’elle tenta d’avaler proprement. J’avais fait mouche et malicieusement, je gardais une contenance sérieuse.
- — Vois-tu, ce qui lui plaît particulièrement, c’est lorsque nous nous donnons rendez-vous. Je l’attends en porte-jarretelles et bas, à genoux devant la porte d’entrée. Comme cela, quand il entre dans la pièce, il peut voir comme je lui suis soumise.
- — Humm, je vois ! Et tu aimes faire ça ?
- — Je n’ai pas le choix, je te dis, cela m’est imposé. Je reste parfois plus d’une heure agenouillée à l’attendre. Je ne peux rien faire d’autre que patienter.
- — C’est long une heure ! Et une fois qu’il est là, que fais-tu ? me demanda-t-elle les mains serrées sous les pans de la nappe.
- — Eh bien cela dépend de son humeur. Parfois, je le suce directement, parfois il m’encule.
- — Qu… oi ? Comme ça direct ? Je veux dire pour l’encul… euh… la sodomie, je veux dire.
Délectation ! Elle qui avait sucé des inconnus, avait couché avec des garçons de la fac à nos côtés, faisait la prude à l’idée d’une sodomie à sec. Je n’en revenais pas de sa personnalité si bizarre. En fait, je ne la comprenais pas. Depuis son mariage – un garçon de « bonne famille » qu’elle nous avait présenté un jour comme ça sans qu’on s’y attende –, Clara avait totalement changé de vie et d’état d’esprit. Elle s’était « rangée » de notre passé dissolu, avait mis au placard débauche et luxure. Mais par contre, dans sa tête, se jouait le remake de nos jeunes années apparemment. Je ne fus donc plus surprise de sa joie non feinte lors de nos retrouvailles avec Laure. Je comprenais à présent son envie de sauter de nouveau le pas vers le côté sombre de nos personnalités. Allait-elle passer à l’acte ou voulait-elle seulement fantasmer encore grâce à nous ? En tout cas, sa curiosité était insatiable comme le cul de Laure ou le mien depuis ma rencontre avec Edgar !
- — Oui, cela lui arrive souvent de me prendre directement et parfois sans me dire le moindre mot. Un seul regard suffit, et je m’offre à lui immédiatement.
- — Et tu jouis ? me demanda-t-elle abruptement, sans plus faire fi des personnes nous entourant.
- — La plupart du temps… oui. Faut dire qu’il est plutôt bien monté et qu’il n’a pas à mettre beaucoup de temps pour y arriver. Je vais te raconter une anecdote à ce sujet si tu veux.
Pour toute réponse, Clara héla le serveur et commanda deux cognacs tout en s’installant un peu plus en face de moi, l’air absorbé par mes paroles.
- — Eh bien, un jour, mon Maître me demanda de le rejoindre à l’hôtel. Comme d’habitude, je devais m’agenouiller devant la porte seulement vêtue de bas et de porte-jarretelles en plus de mes talons hauts bien sûr. Jusque-là rien d’extraordinaire. Cependant, il m’ordonna de porter un bandeau sur les yeux que je garderai tout le temps de notre entrevue. J’avoue que c’était la première fois qu’il me demandait cela. Nous avions déjà utilisé les bandeaux, mais seulement pendant un moment particulier, pas en permanence. Aussi, même si je trouvais cela curieux, je lui obéis pourtant, excitée par ce nouveau jeu. Ainsi, l’attendant depuis quelques minutes, agenouillée sur le sol dans l’obscurité, je l’entendis entrer dans la pièce. Fébrile à la moindre de ses demandes, tous mes sens décuplés par l’abandon de la vue, j’écoutais ses pas se déplacer dans la pièce. Une sensation étrange me parcourait sans que je n’en comprenne la raison. Je me dis que cette variation de scénario en était la raison et je me concentrais sur sa présence. Un frémissement sur mon bras droit, comme une sorte de chatouillement, me surprit. Je n’ai pas compris tout de suite de quoi il s’agissait alors, je verrouillais mon attention sur cette sensation pour en deviner l’origine. La même chose sur mon bras gauche, puis sur mes épaules, le long de ma colonne…
- — C’était quoi ? m’interrompit Clara, curieuse et intriguée.
- — Attends ! Moi non plus je ne devinais pas l’origine de ce que je ressentais. C’était comme une caresse, quelque chose qui courait le long de ma peau. Un moment, mon téton se dressa soudain envahi par une vague de frissons partant de la pointe de mon sein pour parcourir mon corps entier ! Sans le vouloir, je haletai. Et maintenant mon autre téton qui durement, grossissait sous cet étrange effet. Parfois, je sentais une légère piqûre sur ma peau, mais tellement furtive que je n’y associais rien que je ne reconnaissais. La chair de poule s’emparait de tout mon corps, mais, petit à petit la chaleur m’envahissait, surtout lorsque je sentis des frémissements me parcourir l’entrejambe. Et j’ai compris subitement de quoi il s’agissait…
Je la laissai un peu sur sa faim, m’attendant évidemment à ce qu’elle me bombarde de questions, ce qui arriva très vite. Qu’il était facile de se jouer de son innocence ! Alors que Steph aurait compris tout de suite, Clara remuait son cerveau en tous sens pour comprendre.
- — J’ai compris quand j’ai senti se glisser entre mes fesses, par le haut, la tige fine d’une badine. Le contact du bois lisse et doux se faufilant le long de mon sillon me rendait folle. Mon Maître jouait à le faire aller et venir, très doucement. Cette incursion, pourtant mince, excitait la peau de mes lobes. Faut dire qu’il commandait à sa baguette de s’insinuer bien plus loin que mon sillon.
- — Comment ça ? Il ne te la rentrait pas dedans quand même ? me demanda-t-elle choquée.
- — Non ! Mais en l’inclinant suffisamment vers le bas, elle descendait jusqu’à ma vulve. Et avec dextérité, il arrivait à me titiller le clitoris. Je peux te dire qu’à ce moment, j’ai écarté les cuisses le plus possible pour lui faciliter la tâche !
- — Oh oui ! Je veux bien te croire, Manon !
Elle avait croisé les jambes en coinçant une main entre elles. Quelle gamine alors ! Je me retins de pouffer de rire. À croire qu’elle ne faisait plus vraiment rien de bien avec son homme pour être aussi excitée à l’évocation de quelques préliminaires. Elle voulait la suite et se remit en position d’écoute active ! Bien, il fallait que je monte encore d’un cran mon récit pour l’achever définitivement. Je pouvais bien lui faire ce plaisir après tout. Je me sentais l’âme d’un bon samaritain aujourd’hui.
- — Me voyant de bonnes dispositions, il arrêta son jeu. Frustrée, je gémis. C’est là que le coup cingla ma peau. Brutalement ! Un sifflement m’en avertit juste à temps pour que je l’anticipe. Seulement, les yeux bandés, je ne savais pas où je serai frappée.
J’imitai alors le bruit que j’entendis tout en le mimant avec le bras. Elle sursauta à mon geste.
- — Il avait frappé sur mon dos, un coup sec et puissant. Rien à voir avec la douceur et le chatouillement induit il y avait quelques minutes. Sous la surprise et la douleur, je plongeai vers l’avant. Sur le moment, je ne compris pas cette attitude. Qu’avais-je donc fait de répréhensible ? Un second sifflement m’empêcha de poursuivre ma réflexion. Cette fois, je criai. Et la seule chose à dire qui me vint à l’esprit fut : Pardon Maître !
- — Mais c’est injuste ! T’avais rien fait de mal ?
- — Je le pensai aussi, mais je fais confiance à mon Maître et je m’en remets à son jugement, donc je capitulai et lui implorai mon pardon rapidement.
- — Tu sais, il y a un proverbe qui dit : « si tu ne sais pas pourquoi tu bats ta femme, elle, elle le sait ! » C’est profondément injuste !
- — Possible, mais bon en tous les cas, j’étais au sol, je pleurais et j’attendais son verdict.
Clara ne semblait plus excitée à ce passage. Il fallait que je la remette, elle aussi, dans de bonnes dispositions si je ne voulais pas qu’elle décroche. Je poursuivis :
- — Je n’apprécie pas que tu prennes du plaisir sans me demander et c’est pour cela que je t’ai punie ! m’a-t-il annoncé en explication de son geste.
- — Comment ça ? Je ne comprends pas, me demanda Clara interloquée.
- — Eh bien, le fait d’écarter un peu plus les cuisses a montré mon désir de continuer. Seulement, ce n’est pas à moi de décider si je dois avoir du plaisir ou non. Lorsque mon Maître m’en donne, c’est à sa convenance. Il devient le maître de mon plaisir. Et il peut arrêter quand bon lui semble ou continuer et me faire aller jusqu’à la jouissance… ou pas !
- — Oh ! Tu veux dire qu’il décide de tout ?
- — Oui… Un jour, je te raconterai comment il m’a amenée au bord de la jouissance et qu’il m’a interdit d’y succomber.
- — Non, il a fait ça ? Mais c’est cruel ! Tu devais être hyper frustrée !
- — Bien sûr ! Et j’étais également furieuse.
- — Tu m’étonnes !
- — Par contre, le rendez-vous que nous avons eu juste après a été… explosif !
- — Comment ça ? Explique !
- — J’étais tellement à cran, excitée que lorsqu’il m’a masturbée et qu’il m’a autorisée à jouir, j’ai cru que mon corps allait exploser de plaisir ! Mais je te raconterai une autre fois, promis !
- — Oui ! Continue ton histoire pour l’instant. Tu veux un autre cognac ? s’exclama-t-elle en battant rapidement des mains. Une vraie gamine !
La pause déjeuner était terminée pour bons nombres de clients, et la brasserie n’était plus occupée que par quelques personnes qui traînaient au café. Je ne me souciais plus de l’heure maintenant, trop heureuse de donner un peu de réconfort à ma copine. Il faut dire aussi que raconter des aventures que je n’avais jamais vécues m’amusait, tout en m’excitant un peu aussi ! En dégustant une gorgée de Gautier, je repris mon récit.
- — Ayant donc compris mon erreur, je restais allongée les bras vers l’avant. Je n’osais plus bouger, attendant la sentence. Écartelée entre l’excitation montante et la crainte de lui déplaire, mon cœur battait à tout rompre. La badine me toucha le haut de la cuisse et s’enfonça légèrement dans ma peau. Ma jambe se tendit, les muscles crispés par ce geste qui, je le compris vite, signifiait que je devais lever les fesses. Ainsi offerte, j’attendais, un peu anxieuse pour la suite. Je craignais qu’il ne soit en colère.
- — Ah oui ? Tu croyais qu’il t’en voulait encore ? Est-ce qu’il t’a déjà punie auparavant ?
- — Oui, il m’a déjà punie et plusieurs fois même !
- — Comment ?
Avide de ma réponse, par sadisme naissant ou masochisme latent, Clara était vraiment insatiable sur ma relation D/S. Je commençais sérieusement à me poser des questions sur ses réelles motivations à mon interrogatoire ; car oui, je prenais notre conversation pour telle. Sa soif de tout savoir me perturbait quelque peu.
- — Je te trouve bien curieuse, Clara ! Tu sais si ce genre de relation t’excite, je peux te donner des adresses de Maîtres qui te prendront en main.
- — Noonnn ! Pas la peine. Je ne suis pas comme ça, moi !
Et devant ma mine faussement vexée, elle se rattrapa comme elle put.
- — Non, j’ai pas voulu dire que toi tu étais comme ça, enfin… je veux dire que je suis juste curieuse.
- — Oui, bien sûr. Bon, je continue si tu veux bien arrêter de m’interrompre tout le temps.
- — Oui, je t’écoute, Manon, se reprit-elle sagement.
- — Je te disais donc que j’avais peur qu’il soit fâché contre moi. Je ne voulais plus prendre d’initiative et je faisais gaffe à mes gestes et paroles. Les bras en avant posés au sol, les fesses en l’air, j’entendis soudain des sifflements dans l’air. J’ai coupé ma respiration, et je n’ai plus bougé un cil.
- — Ho ! Il allait recommen…
Devant les gros yeux que je lui fis, elle stoppa net sa phrase et se signa la bouche en signe de vœux de silence. J’en avais marre aussi de toutes ses questions, et je voulais en finir. J’avais quand même du boulot qui m’attendait !
- — J’ai effectivement senti la brûlure sur mes fesses. Mais pas aussi violente que le coup précédent. Non, plutôt une sensation fugace, qui picotait plus que ne brûlait en fait. Il m’a flagellée une bonne dizaine de fois, soit sur une fesse précisément ou bien sur l’ensemble de mon cul. Ça me faisait mal au début puis petit à petit, la douleur s’est transformée en une sensation chaude, excitante. Mon rythme cardiaque s’était accéléré, je transpirais un peu. Et après chaque impression de la badine sur ma peau, j’attendais le suivant avec impatience. Je ne faisais plus qu’un avec cet instrument de torture qui se transformait pour moi en un objet de plaisir. S’il lui prenait l’envie de faire une pause entre deux coups, je subissais cette absence de contact comme un manque et mon corps entier se mouvait pour en subir encore la morsure.
Je voyais les yeux de Clara s’agrandir. Ses doigts avaient rejoint ses dents et ses ongles en pâtissaient. Incompréhension ? Désir inavouable de vivre cette expérience ? Je me posais toujours la question et me promis d’en savoir plus.
- — La peau échauffée par ce traitement, la position si particulière, ma reddition… tout faisait monter en moi un désir plus fort de me rendre, de m’offrir à lui, à ses désirs, à toutes ses volontés. Je voulais qu’il me prenne et il le savait. Quand il a touché ma peau, j’ai sursauté. Ce contact, même ganté, me ramenait à la réalité de la situation et mes envies se sont décuplées. J’aurais voulu en cet instant me blottir au creux de ses genoux pliés à ma hauteur, me lover dans ses bras, réconfortée par sa chaleur. Le cuir se promena le long de mes flancs, provoquant des frissons, puis sur mes lobes rougis et cuisants, provoquant une autre forme de douleur, celle-là beaucoup moins jouissive.
Clara remuait sur sa chaise, la bouche un peu ouverte et je devinais qu’une question les lui brûlait. L’autorisant à m’interrompre, elle me demanda un peu inquiète :
- — Mais tu aimes la douleur, Manon ? Tu es maso ?
- — Non, Clara, je n’aime pas la douleur pour la douleur. Comment te dire ? Si je reçois une gifle comme ça, je ne vais franchement pas apprécier. Mais là, il s’agit d’autre chose. C’est un contexte, une situation. On ne peut pas parler de réelle douleur, il s’agit plutôt d’arriver à un état second, dont les endorphines sont responsables en grande partie.
- — C’est donc médical ?
- — Oui, en quelque sorte, lui dis-je en souriant.
Je me doutais bien qu’elle aurait du mal à comprendre cet état de fait, car moi-même, je ne savais me l’expliquer. Ce qui est sûr, c’est que mon expérience avec Edgar n’y était pas étrangère. Ce que j’avais ressenti dépassait toutes mes convictions en la matière. La douleur physique s’était transformée en plaisir et de ce plaisir en besoin et en manque. Je n’étais pas sûre que Clara puisse le comprendre sans le vivre par elle-même.
- — D’accord, bon, que s’est-il passé ensuite, Manon ?
- — La pression sur mes fesses à vif ne me plaisait pas beaucoup et instinctivement je bougeai pour y échapper. Comme il ne voulait apparemment pas me faire plus mal que ça, ses doigts ont migré vers mon sexe. Immédiatement, parce que je savais où il voulait en venir, j’ai écarté les cuisses et cambré les reins. La douceur du tissu recouvrant ses doigts me procurait un plaisir étrange, impersonnel alors que je connais les caresses de mon Maître. J’avais l’impression qu’il s’agissait d’un autre homme par l’intermédiaire de cet accessoire. C’était étrange et stimulant. Je me sentais mouiller de plus en plus et ma respiration me trahissait. Ses mouvements de plus en plus rapides et ses encouragements à me livrer à lui m’ont fait exploser.
- — Tu as joui ? Fort ?
- — Oui, très fort.
Clara restait bouche bée. Et moi je dégustais mon effet sur elle. Pourtant, au fond de moi, des doutes s’insinuaient. Comment la relation avec Edgar allait-elle se dérouler ? Je ne pouvais me mentir à moi-même et inventer toute cette histoire sans un fond de vérité ou de désirs enfouis. Je voulais impressionner Clara, certes, mais en racontant cette « aventure », je m’étais moi aussi excitée. Il était évident qu’inconsciemment je souhaitais vivre cela et peut-être plus encore. C’est avec cette pensée étrange, car inquiétante, que je quittais Clara pour retrouver mon bureau. Machinalement, je regardai mon téléphone et je vis le mail d’Edgar…
Mes mains se mirent à trembler en cliquant sur l’icône. Mon cœur accéléra et je perçus aussi une légère transpiration sous les bras. Je me cachais la sensation plus intense que je ressentais : des picotements à l’entrecuisse, des palpitations sur ma vulve. Je repensais à notre dernier rendez-vous, à ses mains me tenant durement les poignets sur le mur, dans mon dos, sur ma tête. Il ne s’agissait plus d’aventures inventées et bien contrôlées, mais de la vraie vie avec un vrai dominant, et je pris peur…