n° 19539 | Fiche technique | 57257 caractères | 57257 9813 Temps de lecture estimé : 40 mn |
10/04/20 corrigé 05/06/21 |
Résumé: On m'a informé qu'il y avait un problème : Raissa disparait chaque année, on perd sa trace, on a des doutes sur elle. Membres d'un Service de renseignements, Charlène et moi nous mettons à sa poursuite. | ||||
Critères: #policier fh ff nympho travail jalousie cérébral lingerie trans | ||||
Auteur : Samir Erwan Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Jalousie et meurtrière Chapitre 01 / 05 | Épisode suivant |
Ce texte est peut-être complexe au niveau de la forme : beaucoup de flash-back pour l’intrigue, plusieurs références aux séries « 1000fleurs » et « Secret de mission ».
Certes, « Jalousie et meurtrière » peut se lire indépendamment des autres récits mis en série, mais si le lecteur souhaite tout comprendre, je lui conseille de commencer sa lecture par « 1000fleur » puis de continuer avec « Secret de mission » avant de lire celui-ci. Mais le lecteur fait ce qu’il veut.
Ce texte, on peut le prendre comme la continuité d’un roman. C’est donc le troisième récit d’un trio de personnage : Raïssa, une étudiante en Science Po qui s’est fait recruter par un Service de renseignements, Charlène, membre de ce Service et accessoirement, transgenre et puis le narrateur, sans nom, sinon celui de Milly lorsqu’il se travestit.
Seulement, si vous n’avez pas lu « 1000fleurs » et « Secrets de missions », je vous y invite.
_____________________________________
Les détonations résonnent encore dans le parking sous-terrain. Je me précipite entre les voitures, le Glock encore chaud à la main, les genoux fléchis. Je pointe mon arme en direction d’où venaient les coups de feu et surgi, prêt à tirer de nouveau. Mes derniers tirs ont touché leurs cibles, l’homme qui nous a assaillis a le crane à moitié arraché, le sang coule dans le caniveau. Le second homme gémit, sa veste s’imbibe de couleur rouge au niveau de son ventre. Je lui mets l’arme sous le menton, rageur :
Il tente de rire, les yeux mi-clos, et s’étouffe dans une bile noire et rouge. J’esquive tout juste à temps sa lame qui voulait me percer, je me redresse en une seconde et ne réfléchit pas, tire une dernière balle. Le gars ne rit plus, ne respire plus. Je fouille rapidement les poches des deux agresseurs pour chiper papiers et documents avant de retourner auprès de JiPé, mon collègue. Celui-ci est adossé contre le pare-chocs d’une voiture, le menton sur la poitrine, son arme toujours à la main, mais saignant abondamment lui aussi. Il dit mon nom en me voyant arriver :
Je range mon Glock et soulève JiPé par les épaules. Il souffre et couine. J’ouvre la portière de ma bagnole et le dépose sans faire attention à ses cris de douleurs. Faut tracer et ne pas se faire prendre ! Dans des crissements de pneus typiques aux parkings sous-terrain, je dégage rapidement, inquiet des râles de JiPé.
Il m’avait demandé de l’accompagner pour un échange avec un de ses informateurs :
J’étais resté caché dans la voiture, la vitre baissée, observant l’échange d’information. Mais un second homme est apparu et a fait feu sur JiPé, j’ai riposté instinctivement.
Maintenant, son sang coule sur la banquette arrière et il tente d’émettre quelques mots incompréhensibles. J’appuie sur un numéro d’urgence sur mon téléphone tout en accélérant et zigzaguant à travers les rues de la Métropole. À l’autre bout du fil, on décroche, je débite les mots de passe puis hurle :
Je me presse, mais écoute JiPé articuler péniblement :
Je dérape dans un tournant, rétabli la conduite, JiPé râle. Je jette un œil sur les dossiers que j’ai récupérés sur les cadavres des deux assaillants : un logo en forme de demi-lune, devant un champignon atomique. Moonwar ?
Quand j’arrive à la planque, le médecin du Service, déjà arrivé, m’aide à extraire JiPé de la voiture. Mais nous constatons, sur le porche de la planque, que notre collègue est déjà mort. Je suis enragé. J’ai assisté à trois décès ce soir, dont deux de mon fait. J’ai tué deux hommes ce soir, cette pensée fuse, j’en prends soudainement conscience, ce sont les cinquième et sixième personnes que je tue depuis le début de ma carrière. Ce ne seront pas les derniers non plus au cours de cette aventure. J’ai besoin d’un verre.
Nous transférons le cadavre de JiPé dans le véhicule du médecin. Il part et me laisse seul sur le trottoir devant la planque. Je sais qu’il s’y cache des bouteilles d’alcool. Je grimpe donc à l’étage pour m’y reposer et pourquoi pas, pour m’y saouler. Voir des hommes mourir bouleverse, quoiqu’on dise. Même si ceux-ci ne sont pas de notre côté.
Une lumière est allumée dans la planque. Je tourne le bouton lentement, aux aguets. Il est peut-être normal que le Service ait rameuté plus d’une personne que le médecin pour cette opération qui a foiré. Mais on ne sait jamais. À pas feutrés, j’entre dans le vestibule de l’appartement. Le parquet ne grince pas. Le salon est éclairé. J’y jette un coup d’œil rapide : pas de méchants, pas de nouvelles embuscades.
Seulement, une femme, de profil dans un sofa, en train de lire, concentrée. Elle est petite, fine, avec de longues jambes croisées, des talons hauts aux pieds. Elle porte un simple top noué à l’avant, laissant paraître un ventre plat. Je remarque son nombril étinceler dans la lumière de la lampe de lecture, il est percé. Ses cheveux noirs et rouges dénoués cachent son visage : elle n’est pas une menace. Je toussote pour annoncer ma présence, elle se retourne. Un visage en triangle, un tout petit nez, de belles lèvres que j’ai déjà embrassées, il y a longtemps…
Je m’avance vers elle, elle se lève, nous nous prenons dans nos bras, mon nez dans ses cheveux, son menton sur mon épaule :
Les retrouvailles sont rapidement terminées, Charlène a un visage soudainement sévère, elle arrête son regard sur mes yeux, mes pupilles, sur le point caché dans mon cristallin :
Je ne savais pas, à l’époque, que ce verre serait le début d’une histoire qui durera trente-six mois, et qui était la suite d’une histoire ayant commencé il y a trois ans.
Le whisky est bon dans ma bouche, ma gorge, ma poitrine, dans tout mon corps qui cesse enfin de trembler. J’ai avalé un verre, un deuxième, un troisième, en quelques minutes ; je verse mon quatrième tandis que l’alcool me monte à la tête et mon œil s’attarde sur le pied de Charlène. Elle a mis du vernis rouge sur ses orteils. Son mollet est enserré dans son jean, ses cuisses croisées m’invitent à les caresser, ses hanches aussi. Dire qu’il y a un pénis sous ce pantalon : je n’ai fait aucune fellation depuis la nuit du « Felipa », il y a huit mois. Et c’est elle, Charlène, cette belle chick with dick, cette poupée queutée, qui m’a initié à la turlutte, lorsque mon ennemi, Jacob, me l’a envoyé dans les bras, lors de la création du réseau « 1000fleurs ». Je salive à cette pensée, et il m’en vient une succession : elle se masturbant devant moi, souriante. Ou bien, elle, la salope, me maintenant les bras dans le dos pour bien me faire sentir qui dirigeait :
Ou bien encore, plus érotique que pornographique, ses fesses féminines et rebondies, sa taille fine et agile, ses seins plantureux et palpitants, son corps complètement indolent dans le lit au petit matin, ses cheveux noirs et rouges en cascade sur les oreillers. Ou bien encore, nouvelle image, de mes deux mains, je lui écarte ses fesses qui me font voir un O parfait pour m’y glisser, sans plus de cérémonie…
Charlène parle toujours d’Affaires internes, de JiPé et de protocoles propres au Service, mais je ne l’écoute pas, je viens d’ingurgiter un nouveau verre et les derniers souvenirs me donnent une intense érection. Je regarde Charlène avec un air qu’elle connaît bien, celui que je prenais il y a des années, à la tour Elizabeth, quand je lui faisais savoir que je désirais lui faire l’amour…
Elle remarque le changement sur mon visage et cesse de conférer sur les Affaires internes du Service. Elle prononce mon nom, d’une voix douce et nostalgique :
Je n’ai rien d’autre à faire que de me servir un nouveau verre.
J’enlève l’élastique qui me tient les cheveux en une sorte de chignon style samouraï, avant de les ébouriffer puis de les réarranger rapidement. Ils ont poussé d’une dizaine de centimètres depuis la mission du « Felipa ». Charlène prend une grande respiration, les yeux fermés :
Je suis outré : c’est moi qui l’ai recrutée, elle est devenue une agente confirmée, j’en suis certain, même si elle et moi n’avons jamais discuté des missions qu’elle avait effectuées. La mission « 1000fleurs » me l’avait prouvé, tout comme l’organisation de la nuit du Felipa, où elle avait deviné mon secret. Et puis ces derniers mois, lors du dernier été, alors que Raïssa et moi étions cantonnés en Métropole, nous nous étions fréquentés en dehors des heures de boulot, en dehors des missions. Nous avons partagé maintes soirées à discuter, à boire, à vivre ensemble, comme de vieux amis.
Je n’ai plus envie de faire l’amour avec Charlène, même si je trouve toujours ses gestes mesurés, ses yeux pétillants et son sourire mélancolique aussi beaux. Il s’agit de Raïssa ! Le Service enquête sur elle et il ne faut pas qu’un mastodonte comme notre Agence fouine et gratte dans nos vies.
Charlène me sourit, je l’ai toujours trouvé belle, cette transsexuelle. D’un ton calme, elle me raconte que le chef d’opérations de Raïssa a toujours été satisfait d’elle. Notre amie commune constituait un maillon extrêmement fiable dans une équipe, apportait des solutions, prenait des initiatives. Aucun doute à ce sujet, elle était un bon élément. Cependant, le problème était lorsqu’elle ne travaillait pas.
J’approuve, ça fonctionne de cette manière. Charlène continue :
Trois nouvelles semaines de congé dans le sud des États-Unis. Elle s’est volatilisée quatre jours. Il n’y a eu qu’une note dans son dossier. La troisième fois, Raïssa était de retour dans un hôtel chic, en Guadeloupe cette fois-ci : elle s’est évanouie dans la nature une semaine complète.
Je remercie Charlène du fond de mon être. La chronologie de nos vies, à Raïssa et moi, est remplie de trous. Mais je l’aime, et je lui ferai confiance jusqu’au bout. Il m’est absurde de penser qu’elle ait agi par traîtrise, par appât du gain, ou pour toute autre piste criminelle. J’ai recruté Raïssa, il y a presque quatre ans. Elle en avait vingt-quatre à l’époque. Elle s’est infiltrée en tant que « piège à miel » pour donner de la consistance à un dossier dont j’étais responsable. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré Charlène, et j’ai constitué le réseau « 1000fleurs ». Après cette aventure, Raïssa a monté les échelons du Service, et nous ne nous sommes pas vus durant trois ans. Jusqu’à ce que mon réseau ne s’effondre, et qu’elle surgisse dans ma vie pour me confier une mission. Dans laquelle j’ai brillé, mais sans que mon nom n’apparaisse dans le dossier. Puis, de retour au pays, nous nous sommes fréquentés…
Je ne peux qu’approuver : j’ai vécu avec Raïssa et Charlène une forme de polyamour, dans une atmosphère de stress intense lors de « 1000fleurs ». Je ferais tout pour protéger Raïssa et Charlène. Elles m’ont révélé à moi-même. Bien que je leur aie caché mon travestissement, nous étions tous les trois honnêtes et transparents envers les autres. Je réfléchis rapidement, malgré l’alcool dans mon corps.
Charlène me sourit encore, décroise sa jambe, avance ses fesses sur le coussin en appuyant ses coudes sur ses genoux. J’évite de regarder dans son décolleté, elle a de beaux seins.
C’est plutôt cette phrase qui a fait que je me suis laissé embarquer dans cette histoire de trois ans. Dans laquelle je me suis remémoré tant de discussions, tant de mouvements de corps, de déguisements, de flirts, de confessions, et de causalités…
Une semaine plus tard, remis des émotions de la fusillade du parking, après être passé en comité de suivi psychologique, j’avais dévoré toute la documentation fournie par Charlène. Nous avons passé ensemble de longues heures d’étude de dossier, dans la planque. Nous aurions pu travailler dans un des bureaux du Service, mais ne voulions pas nous faire interroger sur le dossier en cours, et nous ne voulions pas mentir. D’ailleurs, que faisait un chef opérationnel de terrain avec une coordonnatrice des Affaires internes ? Ainsi, j’ai revendiqué la planque, dont le porche avait été témoin du décès de JiPé, pour une enquête en attente. J’inventerai un besoin de calme pour l’analyse d’un dossier en cours – nous en avions toujours trois ou quatre au Service – pour préserver le cas des disparitions annuelles de Raïssa.
Charlène et moi lisions les comptes rendus, les appréciations des supérieurs de Raïssa, les diverses notes et résumés. Nous étions à l’affût d’un signe, d’un raté qui pourrait expliquer ses éclipses.
J’aurais voulu mieux discuter avec Charlène. J’aurais préféré qu’il n’y ait pas de nouveau une mission entre nous. J’aurais voulu me confier sur mon travestissement, lui demander conseil, j’aurais voulu qu’elle m’apprenne ce qu’est vivre dans la peau d’une femme. Mais je me suis retenu. Raïssa connaissait mon secret, celui de m’habiller en femme, la nuit, seul, et avoir des érections. Raïssa l’avait découvert, et avait utilisé cette « perversion » pour que nous réussissions à coincer Curtis. Elle et moi avions travaillé ensemble, elle m’avait appris la sexattitude à adopter, la démarche confiante d’une femme pleine de vie. J’aurais voulu en discuter avec Charlène. J’aurais voulu lui dire aussi que, depuis notre dernière mission commune à Raïssa et moi, dans la province de Villahermosa où j’ai infiltré le « Felipa », nous nous sommes revus régulièrement. Mais j’ai tu aussi cette information. Je ne sais pourquoi.
Par un heureux hasard, après la réussite du Felipa, le Service nous avait donc réaffectés, Raïssa et moi, dans la Métropole. Raïssa habitait un petit appartement dans le quartier du Mile-End, et nous nous y retrouvions quelques fois par semaine. J’aurais voulu le dire à Charlène, peut-être que l’enquête dont Charlène avait la charge aurait avancée plus rapidement. Mais je me suis retenu. J’avais pourtant tant de choses à lui dire !
Au contraire, j’ai plutôt tenté de me rapprocher d’elle physiquement. Une caresse sur la main qui partage un feuillet, un bras autour de sa taille fine, deux doigts qui relèvent une mèche de cheveux tombant sur son visage en triangle. Chaque fois, Charlène me souriait, ses yeux m’évitaient, elle se retirait et chuchotait mon nom :
Elle hochait la tête, réservée ;
Charlène retirait ma main de sa cuisse et continuait :
Une forme de jalousie me prenait le cœur. Je m’imaginais Charlène se faire prendre entre les fesses, je l’entendais hurler de plaisir, encourager son partenaire à y aller plus fort, je me l’imaginais puissant, son mâle, j’y voyais Charlène soumise, acceptant toute demande et tout ordre. Pourquoi se rendait-elle exclusive à cet homme ? Et au fait, peut-être est-ce que je me trompais : que préférait-il au juste ce connard ? Peut-être était-ce lui le soumis, Charlène lui mettant sauvagement sa bite dans sa bouche tout en le doigtant, avant de l’enculer… Charlène pouvait prendre les deux rôles, elle me l’avait bien démontré. Mais pourquoi se réservait-elle à cette relation ? Je lui ai posé la question.
J’acceptais, mais ça ne résolvait en rien mes interrogations. C’est pour cela que je ne me suis pas confié à Charlène. De nombreux scénarios me venaient en tête alors que Charlène s’asseyait à côté de moi en me dévoilant de nouveaux dossiers. J’aurais pu jouer le secrétaire qui a besoin d’une avance salariale et qui suce sa patronne – c’est un homme ! – ou bien le contraire, la patronne machiavélique qui m’oblige à me mettre à genoux devant elle, bouche ouverte…
J’aurais pu jouer le rôle de Milly. Nous aurions pu inverser les rapports, elle s’habillant en homme d’affaires à cravate, moi en comptable administrative ouverte à toutes les promotions. J’étais jaloux. Et je la désirais. Même si Raïssa était le sujet principal de notre réunion.
Le cas Moonwar revenait souvent sur le tapis. J’avais dévoilé à ma collègue – car Charlène n’était plus qu’une collègue, désormais – les dossiers subtilisés aux cadavres du parking souterrain. Charlène possédait aussi de nouvelles informations.
Moonwar était une cellule d’hommes ultraconservateurs opérant dans l’ombre et avec du lobbying pour acheter plusieurs compagnies. À l’occasion, la compagnie camouflant Moonwar mettait à pied les travailleurs pour en tirer du profit, d’autres fois ils revendaient plus cher ladite compagnie et se créait du capital.
En effet, dans les dossiers que nous avions, cette cellule d’hommes d’affaires ressemblant aux francs-maçons ou aux Illuminatis, était dans le radar de l’équipe auquel Raïssa faisait partie. Moonwar avait un comité stratégique – nous avions les noms des gouvernants – ainsi qu’un service action : les hommes de ce dernier service semblaient être des mercenaires qui officiaient en basse œuvre, arme à la main. Raïssa n’était qu’un membre de l’équipe enquêtant sur Moonwar et avec ses collègues, ils avaient bien bossé. Des photographies des principales cibles étaient dans le dossier, des comptes rendus de filature, des avis et des avertissements, tout était répertorié. Je me suis outré :
Je suis tombé sur les dossiers de certains représentants de Moonwar œuvrant au pays ou à l’étranger. J’ai tenté de faire des parallèles entre Moonwar et les pays visités par Raïssa durant ses congés. Aucun lien ne fonctionnait. Charlène et moi étions excédés : il n’y avait pas de rapprochement entre ses disparitions et ses dossiers !
J’en imaginais un, un point faible, mais ne voulais pas m’en convaincre, ni le dire à ma collègue si sexy qui se refusait à moi…
J’avais pris rendez-vous avec un certain Elliot, instructeur au camp d’entraînement du Service depuis plus de vingt ans. Charlène m’avait fait savoir que Raïssa avait vécu une relation avec lui, lors de son stage et que depuis, Elliot et elle gardaient contact.
C’est donc dans la cour du camp, sous un soleil plombant, alors que de futures recrues du Service joggaient comme des cons, que nous nous sommes serré la main, Elliot et moi. Il mesurait vingt centimètres de plus que moi, possédait des épaules d’haltérophile, et des avant-bras gros comme mes cuisses. J’osais à peine imaginer son pénis de noir dans la bouche de Raïssa. Mais pourquoi fallait-il que ces images me traversent la tête ? Elliot était jovial, me souriait de ses dents blanches et m’a demandé d’emblée :
Malgré le ton agressif de sa voix, il continuait de sourire comme si nous étions deux copains. Je jouais le jeu, acceptant sa condition :
Je transpirais énormément. Ce n’était pas dû au mensonge que je venais de réciter comme un bon petit soldat ayant appris sa leçon, mais au soleil éclatant. Elliot a éclaté de rire en hochant la tête :
J’ai joué l’espion déçu, quelque peu pitoyable, les épaules basses, le regard par terre :
Elliot s’est alors empressé, tombant dans le piège :
Elliot a buté, son sourire était évanoui, il avait les yeux au loin, regardant les recrues faire des pompes. Sa peau noire était belle, il restait jeune malgré ses cinquante ans :
Elliot a expiré son souffle, quelques gouttes de sueurs au front, il m’a invité à m’asseoir avec lui au pied d’un arbre donnant enfin de l’ombre. Il a pris un temps avant de répondre, après un nouveau soupir :
J’approuvais, compréhensif, connaissant que trop bien la teneur de cette mission clandestine évoquée et la nature de cette thérapie. Elliot m’a regardé, dépité :
Il se mordait l’intérieur des joues, hésitant à continuer, je l’ai encouragé :
Il a hoché la tête, son regard perdu dans son passé :
Elliot me regardait, les sourcils relevés, les yeux grands ouverts, toujours surpris par le combat qu’il a perdu face à Raïssa.
Des oiseaux ont chanté, les recrues se sont mises à sautiller, un instructeur adjoint beuglait. Il y a vingt ans, j’ai suivi le même corpus d’entraînement. Elliot, ce grand vétéran noir, ne devait pas être au camp lorsque j’apprenais l’art du subterfuge, du maniement des armes, et des techniques de contre-espionnage. Il restait muet, Elliot, les yeux dans le vide. J’ai dû l’encourager à poursuivre :
Il a braqué son regard noir sur le mien, un sourire de connivence aux lèvres, m’a scruté, puis a raillé, presque réjoui :
Si je visais bien sa pomme d’Adam avec le tranchant extérieur de ma main, d’un coup sec, rapide, il étoufferait ses propos. J’ai plutôt souri, une brûlure au cœur :
Et si avec le bout de mes doigts joints et bien raides, je lui donnais un vif impact sur son nez épaté, il ne pourrait plus respirer. Je me suis contenu, ai pris une grande respiration, on m’a toujours affirmé que j’étais résilient :
Elliot a badiné comme si nous étions au bistrot, me racontant certaines séances de baise avec ma princesse sahélienne : comment elle aimait sucer, la manière dont elle s’invitait dans son lit pour le chevaucher avant de repartir, comment au langage corporel de Raïssa le jour, Elliot savait comment la prendre la nuit.
Leur période d’amour charnel a duré deux semaines. À l’époque, Raïssa terminait ses séances d’hypnose pour contrer la nymphomanie qu’elle avait « contractée » lors de la mission clandestine « 1000fleurs ». Soit avait-elle fait une rechute avec Elliot, soit subsistaient chez elle des traces de volonté de sexe à outrance ? Mais je devrais hausser les épaules : chaque femme, chaque personne, a bien le droit d’éprouver du désir sexuel. Mais ce qui me blessait, c’est que c’était sans moi ! Je devais me raisonner : « Raïssa ne t’était pas exclusive, ducon ! » Elliot me narrait de la manière dont il pouvait lui prendre la bouche. La manière dont il pouvait lui maintenir, d’une seule main, ses deux poignets dans son dos. La manière dont il pouvait la faire supplier. La manière dont elle criait comme une…
Elliot s’apercevait trop tard en avoir peut-être trop dit. J’avais ravivé ses souvenirs, ils s’étaient insinués dans sa tête et son entrejambe, car il a changé de position, son énorme membre noir – je me l’imaginais veineux dans la bouche de mon agente favorite – gonflant sous son pantalon.
Je devais le demander, même si les mots ont été difficiles à s’extraire de ma bouche pleine de bile caustique que je voulais cracher sur le corps puissant et bien membré d’Elliot.
Elliot se mordait l’intérieur des joues, hésitait à prolonger cette discussion et par chance pour lui, et non pour moi, l’instructeur adjoint l’a appelé. Elliot s’est rapidement levé, moi aussi. Il s’est retourné vers moi en haussant les épaules et remis son grand sourire à son visage avant de me tendre sa grande paluche :
Et il est parti en courant gaiement. Je maudissais son corps d’athlète de cinquante ans et l’interruption de ses aveux. « Non. Oui. Je n’étais pas le seul », avait-il laissé entendre. Je suis parti du camp, ronchonnant.
Le voyage pour rencontrer l’amant de Raïssa a duré quelques jours, le camp d’entraînement étant dans une autre Province. Avec une voiture banalisée, je roulais entre des champs de patates et des pâturages, et je ruminais l’interview. J’en étais jaloux. J’avais le cœur serré, les mains crispées sur le volant, et les vaches me regardaient filer sans m’aider à résoudre l’affaire. Je n’avais pas relevé beaucoup d’information.
Charlène en revanche, m’a accueilli emplie d’espoir. Dans notre repaire éphémère, elle allait et venait entre moi et son ordi, m’expliquant les futures étapes de notre collaboration. Son cul était tellement mignon dans son jean, ses cheveux vivant autour de son visage, ses yeux si resplendissants ! Elle avait programmé un logiciel spécial qu’elle avait téléchargé sur une clé USB de 64 Go. Elle l’avait codé pour que, dès l’insertion du sésame dans l’ordinateur de la cible, le programme se lance et chipe les données Internet. Celles-ci se déverseraient alors en sens inverse dans la clé. De plus, un keylogger, un logiciel-mouchard, s’installerait et se camouflerait parmi les divers dossiers racines, permettant de recopier en temps réel tout ce qui se passait sur son ordinateur. J’étais fasciné par son grain de peau sans maquillage, par ses lèvres m’expliquant ce que je devais faire.
J’ai soupiré, ai tenté d’expliquer à Charlène que tout de même, ce ne sera pas en s’infiltrant chez Raïssa que nous trouverons des données intéressantes. Je l’avais déjà fouillé, l’appart à Raïssa. C’était avant que nous ne sortions à un spectacle en plein air, elle prenait une douche, et ce n’était que de la curiosité mal placée. Et il n’y avait rien de spécial, sinon des vêtements affriolants. Mais Charlène gardait espoir, et elle était tellement belle alors qu’elle tentait de me convaincre. Et nous parlions de données web.
En effet, j’étais old school. Les jeunes recrues abusaient du numérique, tout en ayant de bons résultats, il faut le reconnaître. Raïssa possédait déjà un smartphone quand je l’ai embauché, elle était d’une génération connectée. Pas moi. J’ai dit :
Quand j’ai quitté l’appartement pour effectuer le casse, Charlène m’a giflé les fesses du plat de la main, comme le ferait une sœur. J’ai été surpris, interloqué, ne sachant réagir sur le coup. Une sœur ou une nouvelle future amante ?
Vêtu de noir, je suis passé par les terrasses extérieures du quartier du Mile-End où résidait Raïssa lorsqu’elle était dans la Métropole. Elle habitait au troisième étage, de grands arbres dans la cour intérieure cachaient mon avancée. C’était la nuit, tous les voisins dormaient, un chat par contre a louché vers moi lorsque j’ai ouvert la porte arrière. Je me suis précipité sur le système d’alarme à temps pour qu’il ne se déclenche pas. Il y avait beaucoup de plantes, peu de pièces. Raïssa a toujours vécu humblement.
Puis j’ai soupiré. Je suis souvent venu dans ce petit appartement, suite à la mission du Felipa. Raïssa et moi, affectés en ville, nous fréquentions de manière plus personnelle, plus intime. Nous développions de nouvelles affinités, dégustions des poissons, discutions de ce que pourrait être le monde si les talibans n’avaient pas été armés par les States, si le mur de Berlin était tombé plus tôt, ou plus tard. Nous jouions avec des uchronies pour le plaisir intellectuel, pour la gymnastique mentale. Je me laissais pousser les cheveux, Raïssa les ébouriffait ou tentait de les peigner pour y trouver un nouveau style. Elle me regardait avec une moue réflexive. Puis elle souriait, nous passions à un autre sujet.
Dans l’appartement, la nuit du casse, j’ai remarqué beaucoup de vêtements, une autre vie avec des robes de luxe et de la lingerie fine. J’ai eu une folle envie de subtiliser un body corbeille en tulle et en dentelle noire que je ne connaissais pas, Milly l’aurait bien porté. Je me suis dompté, j’ai continué l’exploration que m’avait demandé Charlène.
L’ordinateur, la clé insérée, les programmes se sont affairés tandis que je fouillais la bibliothèque. De prime abord, pas de livres secrets, pas de cachette dans les bouquins. Plusieurs dossiers papiers, des notes de cours de science po, mon récit sur les « Panama papers » imprimés et reliés, deux-trois notes manuscrites de sa main : « C’est chaud ! ». La clé USB s’est mise à clignoter, elle avait fait son boulot d’aller et de retour, il était temps de déguerpir, y laissant des centaines d’heures de souvenirs.
Charlène heureuse de me voir revenir : « On fait l’amour maintenant ? » voulais-je lui demander, me remémorant l’effraction que nous avions accomplie ensemble, lors de cette mission « 1000fleurs ».
Ce n’était que la première partie de l’enquête. Trente-six mois, jour pour jour ou presque. Il n’y a rien de définitif. Dans notre monde, on ne sait jamais quand commence une mission, et quand elle se termine. On ne sait jamais non plus ce qui nous tient parfaitement à cœur.
Nous avions baptisé ce dossier : « Mantille », car Charlène devait justifier son temps de travail sur cette affaire. Personne d’autre que Richard et moi étions au courant de l’investigation, et mon nom n’y apparaissait nulle part. Cependant, peu après ma visite de courtoisie à Elliot, puis le petit casse dans l’appartement de Raïssa, j’ai reçu ordre de réaffectation à mes missions principales sur le renseignement extérieur.
Lorsque je l’ai annoncé à Charlène, son si beau visage plein d’espoir s’est affaissé. Charlène m’a fixé dans les yeux, j’aurais voulu apposer ma main contre sa joue et me précipiter sur ces lèvres sensuelles. J’ai toujours ce désir pour Charlène. Il est difficile de le refréner. Je ne sais pourquoi. De l’amour ? Oui. Mais encore ? Charlène m’a dit, d’une voix de gamine peinée :
Ma réaffectation me blessait aussi. J’aurais préféré rester avec Charlène. Enquêter sur Raïssa. M’infiltrer dans les côtés obscurs de mon agente sahélienne, tout en essayant de noyauter Charlène, malgré sa fidélité.
Charlène me regardait avec des yeux implorants. Comme habituellement, ma poupée queutée préférée était belle. Elle portait une jupe ample et longue. Un chemisier noir laissait rebondir ses seins. Et un regard, et quel regard ! J’ai soudainement eu une érection, et je me suis vu faire deux pas en sa direction et l’embrasser sauvagement. D’un geste sec et sans aucune retenue, j’arrachai son chemisier tout en la poussant vers le mur, qu’elle soit prise au piège de ma jambe entre les siennes tandis que je relevais sa jupe. Je glissais ma main dans son slip pour empoigner son sexe déjà ferme et la retourner face contre la paroi, une main dans ses cheveux, une autre sortant mon membre. Charlène aurait gémi, se serait laissé faire. Dans ma projection.
Car je voyais en elle. C’était un jeu, ces yeux implorants, cette moue taquine. Je voyais l’espionne professionnelle derrière ce regard. J’ai connu ses multiples couvertures lors de la mission « 1000fleurs ». Je me suis donc retenu de me projeter sur elle, et j’ai bien fait. Après ces quelques secondes d’incertitude, elle a repris un sourire normal, et m’a invité à dîner chez elle.
Charlène a hésité, baissé les yeux :
Bien sûr que non, franchement ! mais il est mieux d’assurer ce connard ! J’ai badiné en la rassurant, et nous nous sommes retrouvés, deux jours avant mon départ dans un autre territoire, dans un appartement cossu du début du siècle, avec des colonnes de bois et de hauts plafonds. Ça a été un repas sympa, avec Simon, avec Lucie, qui s’est déroulé en coulisse de cette mission « Mantille ».
Charlène m’a fait la bise, je voulais lui prendre la bite. Je suis parti vers mon affectation, seul avec mes démons, mes obsessions, et mon manque de baise…
À notre réaffectation, avec mon équipe d’agents habitués, nous avons mené quelques opérations pendant un an sur des scientifiques employés dans d’un laboratoire pharmaceutique. Sous couvert de recherche contre le cancer, ils y menaient de la prospection en fission nucléaire.
Le travail m’a bien pris la tête durant l’année. J’ai peu réfléchi aux données extraites des dossiers de Charlène concernant « Mantille ».
Toutefois, Raïssa occupait mes pensées. Charlène et moi enquêtions sur elle et je n’ai jamais abordé le fait, à Charlène, que Raïssa et moi, huit mois auparavant, avions vécu une relation forte. C’était tout de suite après la mission du Felipa.
À l’étranger, loin de la Métropole, seul, je soupirais à l’occasion de la relation établie avec Raïssa. Nos rires et nos analyses, nos discussions et nos moments de tendresse. Raïssa et moi, dans son appartement, lors de cet été de tous les records de chaleurs, nous caressions d’amitié, nous regardions avec des yeux d’amoureux. Mais jamais plus nous n’avons fait l’amour.
Nous dînions tard le soir, le plus souvent sur sa terrasse, couverte à l’ombre des arbres, ouvrions des bouteilles, devisions sur le sort du monde et anticipions certaines réactions des grands politiciens de ce monde contemporain. Nous étions souvent en accord avec l’autre bien que certains points de vue divergeaient. Ce n’était que sur des précisions ou des interprétations de l’autre que nous étions en désaccord : lorsque Raïssa ou moi affinions le propos que nous venions d’émettre, l’autre comprenait le sens et pouvait renchérir.
Lors d’une de ces discordes d’angles de vue, après deux heures d’échanges d’idées et d’expériences, après que nous ayons fait le tour du sujet en tirant un nouveau fil pour continuer à débattre, Raïssa s’est soudainement tue. Elle a fixé de ses grands yeux noirs un point inconnu par-delà ce monde. Je l’ai questionné : « Ça va ? » Elle est revenue vers moi, a haussé ses pommettes, a bu son vin, et a poussé un profond soupir, autant avec un sourire charmeur, espiègle et désarmant qu’imperceptible, mélancolique… Son coude sur la table, sa joue dans sa main, ses cheveux tombant sur une épaule, elle m’a dévisagé et a murmuré :
Elle a continué à me contempler, maintenant son sourire telle une vague à l’âme. J’ai cru que c’était bon, qu’elle me ferait un petit signe de son doigt : « Viens ici… ». J’y serais accouru, j’ai cru qu’elle approcherait ses lèvres des miennes, que nous nous serions étreints, que…
Rien de tout cela. Elle a plutôt frémi, s’est ébouriffé la tête, s’est redressée, est redevenue elle-même soudainement fière et sûre d’elle :
À quoi pouvait-elle bien penser lorsque son regard devenait hagard, lorsqu’elle se perdait en elle, ou ailleurs dans le monde ? Peut-être dans des souvenirs ou des fantasmes, peut-être dans une autre vie ? Qu’est-ce qui la rendait nostalgique sans crier gare ? Une réflexion, un mot, une odeur, une sensation, un souvenir ? Pardon ? Un souvenir ? Nous sommes en proie avec la somme de nos expériences et nos devoirs de mémoires.
Aussi, durant cette année d’enquête contre le laboratoire « nucléaire pharmaceutique », je me suis ressassé mes réflexions de cet été-là, avec Raïssa. Pourquoi ne faisions-nous plus l’amour ? Était-ce parce qu’elle avait découvert mes travers de travestissements et que depuis, elle ne me voyait sexué qu’en étant Milly ? L’homme que j’étais, que je suis, qu’elle avait retrouvé était tout aussi performant, tout aussi doux, à l’écoute, mesuré que bestial et téméraire. Mais malgré les caresses cordiales que l’on donnait à l’autre, la main sur le bras, sur la joue, dans les cheveux, une claque sur la cuisse, nos corps qui se touchent lors d’un concert estival ou dans une file d’attente, coincés entre une foule d’autres corps, quand je faufilais ma main dans son cou, sous ses cheveux, pour l’attirer vers mes lèvres, elle éclatait de rire, se faufilait, changeait de sujet. Pourtant, elle semblait souhaiter ma présence. Mais nous étions passés en « friend-zone », après notre mission de la nuit du Felipa.
Autre dîner tard chez elle, je lui ai posé la question. Raïssa et moi n’avions aucun tabou, pouvions parler de tout.
Je ne lui faisais aucun reproche, c’était un simple questionnement, Raïssa l’a bien saisi. Elle a haussé les épaules, s’est redressée, n’a pas fait fuir son regard :
Elle a resservi nos verres pour gagner du temps, pour réfléchir à ce qu’elle me dirait, de manière concise, sans justification, juste des explications. Ses yeux dans les miens, son regard franc, son allure posée, elle s’est mordu une lèvre :
Elle a presque crié à ces derniers mots. J’en suis resté bouché bée. J’allais jouer au beauf et lui répondre : « Bah alors, allons dans la chambre ! », mais Raïssa s’est caché le visage dans ses mains. J’ai cru qu’elle sanglotait. Mais non, elle m’a de nouveau fait face :
C’était elle qui était craquante. J’aurais voulu enlever toutes barrières mentales et lui sauter dessus, faire l’amour comme les bêtes que nous étions, éjaculer en elle, lui faire un enfant, s’étreindre à s’en étouffer, à en mourir.
Un silence est passé. Nous avons bu. J’étais amoureux. De ce fait, je respectais complètement les désirs de Raïssa. J’ai donc fait en sorte que ma fougue vers son être s’atténue. Je me suis repris, j’ai dit :
Nous avons éclaté de rire.
Avons continué nos vacances d’été dans l’insouciance. Avons été voir des spectacles, avons regardé des amuseurs publics dans les rues, avons pris des coups en plein après-midi. Raïssa m’a invité un soir à la rejoindre chez elle. Elle avait acheté de la lingerie fine, des guêpières, des bustiers, des robes. J’étais fasciné par leur texture au toucher, par leur odeur que Milly pourrait porter. Raïssa me souriait, fière et heureuse :
Nous avons donc fait des séances d’essayage, je me baladais à moitié à poil devant Raïssa qui jugeait si telle ou telle toilette me seyait bien. J’en avais des érections, comme chaque fois que je portais de la lingerie, et Raïssa ignorait l’effet que ça me produisait. Surtout devant elle. Jouait-elle avec moi ? Aurais-je dû me sentir blessé, de la voir me narguer en me faisant pavaner en petite tenue féminine devant elle ? Mais non, c’était pour parfaire mon éducation, ma sexytude, mon rôle… Je suis reparti de chez elle avec des sacs plein les bras. Ma collection devenait de plus en plus affriolante ! Puis, un autre jour de cet été-là, une autre nuit plutôt, n’en pouvant plus, j’ai sauté le pas. L’incartade se trouve dans les coulisses de la mission « Mantille » …
*
Donc, durant cette année d’enquête et d’opérations contre les scientifiques du faux laboratoire pharmaceutique – où l’équipe et moi avions remonté au propriétaire après maintes opérations de filatures, de chantages, d’extorsions et d’intoxication – après de nombreux, trop nombreux soirs de rumination de souvenir, d’absence, de manque de mes deux belles, j’avais finalement de nouveau du pain sur la planche sur le dossier « Mantille » !
Charlène m’avait envoyé par mail deux ou trois pistes relevées des dossiers épluchés. « J’ai besoin de toi sur le terrain pour deux dossiers. » J’ai donc demandé deux semaines de congé au Service – la mission du labo est terminée, allez ! – pour revenir à la maison en Métropole après avoir fait différentes escales, utilisant trois passeports différents, changeant d’identité pour que le Service me perde. À l’insu du Service, dans une opération non autorisée, je devais guetter une maison près du fleuve, éloignée de tout quartier résidentiel. Selon les renseignements glanés par Charlène, issu des rapports de l’équipe de Raïssa sur l’enquête MoonWar, cette maison semblait être soit le QG du clan, soit l’une de leurs planques. Plusieurs cibles s’y rendaient régulièrement. Des rencontres officieuses s’y tenaient.
J’étais de retour chez moi, mais loin en Région, sur les rives du fleuve immense. Je me suis caché dans les marais, guérillero dans son propre pays, content d’entendre le chant connu des oiseaux. Avec une lunette infrarouge à long objectif, je pouvais espionner tranquillement les allées et venues dans cette charmante maisonnette. J’ai reconnu deux visages. Je les ai pris en photo, puis les ai envoyés à Charlène pour nos dossiers. En rampant à la nuit tombante, je me suis avancé tel un serpent pour aboutir, nuit sans lune, sur le terrain de la maison. Il n’y avait plus de lumière dans le repaire, j’avais auparavant filmé les occupants partir en voiture, mais ils pouvaient revenir d’une minute à l’autre. Je me suis donc précipité, ai joué du crochet dans la serrure, ai neutralisé le système d’alarme sans souci. J’ai cherché les meilleures cachettes, ai fouillé rapidement les pièces pour y placer une demi-douzaine de micros reliés à l’ordinateur de Charlène. Ai pris en photo rapidement des centaines de dossiers, surtout ceux qui, j’en ai été estomaqué, concernaient Raïssa. Le but ici n’était pas de faire tomber MoonWar, mais de sauver mon agente. J’ai découvert des caches d’armes : le clan MoonWar était vraiment criminel. Des phares ont apparu dans l’allée, je suis sorti et me suis engouffré dans les fourrées, inaperçu.
Les micros fonctionnaient, mission réussie. Je suis reparti en ville retrouver Charlène.
*
Elle m’a accueilli à bras ouverts, heureuse de me revoir. Elle s’était mise sur son trente-six pour me recevoir, en jupe moulante, ses seins débordants, son cul serré, ses cheveux détachés, son visage en triangle, ses yeux de biche, son petit nez pointu, ses lèvres mouillées :
Nous nous sommes fait la bise, son corps était chaud, mon désir envers elle ne m’avait jamais quitté, j’avais envie de la prendre par la taille, de coller mon sexe contre son bassin, d’empoigner ses fesses à pleines mains.
Charlène a acquiescé puis m’a montré divers documents. Elle m’a expliqué avoir trouvé un lien entre Raïssa et un certain Tony. J’ai questionné sur la source, elle m’a répondu, rayonnante :
Charlène a continué de m’instruire : Raïssa fréquente des réseaux sociaux-tests qui ne sont accessibles que sur ce web caché. C’est ainsi que Charlène a pu remonter la piste d’un « correspondant » de Raïssa, le Tony en question, réceptionniste d’hôtel dans un pays du sud.
J’étais inquiet de la tournure que prenait notre enquête. Nous-mêmes, Charlène et moi, commencions à douter de la fiabilité de Raïssa, agente que j’avais recruté il y a quatre ans et qui était exemplaire dans ses missions.
Je l’ai coupée, incapable d’entendre plus de doutes à son sujet :
Charlène s’est mordu les lèvres, résignée, tentant de croire elle aussi à ma conviction profonde. Nous avons discuté encore un moment sur les documents exposés et nous avons décidé que je prendrai le prochain avion pour visiter ce pays du sud, et rencontrer Tony : peut-être en apprendrions-nous davantage ?
Pourquoi remettre ce Simon sur le tapis ? Je m’en fichais complètement de son mec !
Charlène a baissé les yeux, pensive, et comme d’habitude lorsque j’étais en manque et qu’elle était près de moi, j’avais envie de lui bondir dessus, de lui tirer les cheveux gentiment, mais fermement, de relever sa robe, de jouer avec son sexe…
J’aimais Raïssa, ma princesse du Sahel aux cheveux noirs et ondulés, au corps parfait, aux seins lourds et à ses fesses bombées. D’un amour profond. Je ne l’aimais pas seulement physiquement. J’aimais sa tête, ses valeurs, ses éclats et son imagination. Manipulatrice.
J’aimais aussi Charlène. J’aimais son ambiguïté, son corps menu, sa taille fine, ses seins rebondis et ce qui se cachait entre ses jambes. Je ne l’aimais pas seulement physiquement, non plus. J’aimais son dualisme, ses inventions, son intelligence et son art de me convaincre simplement en me regardant.
Elle m’a fait un si beau sourire que je me suis questionné :
Elle était si radieuse, Charlène, que je me suis demandé si ça n’allait pas être encore un de ces plans foireux… Elle était manipulatrice aussi, Charlène. Ce deuxième repas avec Charlène se cache lui aussi dans les coulisses de la mission « Mantille ».