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Temps de lecture estimé : 27 mn
02/06/21
Résumé:  Va-t-on retrouver Park Sen Trahl ? Rencontre avec « la » dernier amant et la dernière maîtresse de Sanmarco. Où l’on découvre qu’il y a Zepellin et Led Zeppelin
Critères:  fh hh hplusag hdomine policier -policier
Auteur : Domi Dupon  (Une antiquité sur le site)            Envoi mini-message

Série : Fatale Fellation

Chapitre 03 / 09
Mis au Gin

Résumé de l’épisode précédent  :

La victime se révèle de plus en plus détestable. Non seulement ses mœurs laissaient à désirer, mais il trempait aussi dans le trafic d’êtres humains. Après sa rencontre avec Charles, Colette s’interroge sur sa sexualité.






CHAPITRE 8


20 h 30 ! Elle ne viendrait plus. Accoudé au bar, il finissait son cinquième gin-tonic et était un peu gris.


À son arrivée, dans le troquet, Claude l’avait charrié, lui demandant s’il avait fait virer sa cuti à Coco. Ignorant la question, Charles avait commandé son premier verre. Le barman était revenu plusieurs fois à la charge, mais devant son mutisme, il avait fini par renoncer. Charles avait travaillé comme un dingue, sans quitter l’hôtel de la journée. Il devait finaliser le budget prévisionnel d’un projet immobilier pour son plus gros client. Sa concentration avait été parasitée par la soirée de la veille. Sa pensée n’avait cessé de vagabonder : ce corps contre lequel il s’était blotti ; les caresses qu’il lui avait prodiguées, cet orgasme inespéré… Orgasme à la suite duquel elle s’était endormie le tenant enlacé. Comme Marie-Hélène, elle ne s’était pas préoccupée de son plaisir, mais Colette, elle, l’avait fait bander. Sans doute le plaisir de la découverte. Il aurait aimé qu’elle le suce ou qu’elle le branle. Mais rien du tout. La pénétrer, pas dans son logiciel… Cette excitation avait perduré, malgré les ronflements de la dormeuse. La tête enfouie entre ses gros seins – sa femme avait une jolie poitrine, mais il n’aurait jamais pu caser sa tête entre ses deux globes –, il avait fantasmé sur cette bouche happant sa tige. Cela n’avait pas favorisé un retour à la niche de son pénis. N’y tenant plus, il avait reculé son bassin, de manière à atteindre son sexe, sans la réveiller, et il s’était branlé jusqu’à la jouissance. Il avait éjaculé dans sa main, et n’osant pas bouger, il s’était essuyé sur la couette et un peu contre la cuisse de sa partenaire quand il avait retrouvé sa position initiale. Elle lui avait fait oublier l’espace d’une nuit tout ce qui le taraudait.


Ce matin, elle était partie précipitamment. Toujours aussi réactif, Charles n’avait pas songé à lui demander son 06. Quand il y réfléchissait, elle s’était peu livrée, excepté sur sa vie sentimentalo-sexuelle. Il savait son nom, son âge, et qu’elle s’était fait plaquer par sa gonzesse. Il avait à peu près compris quel était son job. Lorsque le sujet avait été abordé, l’esquive avait été instantanée : elle prétextait une journée merdique à oublier rapidement alors, « blablater dessus, il pouvait oublier ». Avait-elle une raison particulière à refuser de parler de son travail ? Sans trop savoir pourquoi, ce refus l’inquiétait.


N’avait-il été pour elle qu’un coup d’un soir, un exutoire ? Que s’était-il imaginé ? Peut-être aussi qu’une fois dégrisée, elle avait réalisé qu’elle avait couché avec un homme. Après cinq gin-tonics, cette pensée le fit éclater de rire.

Claude lui jeta un regard interrogatif. Il l’apostropha :



Le mâchon avec un verre de beaujolais, la solution miracle pour Claude. Charles accepta. Boire tous les soirs devenait une très mauvaise habitude.


Il avait cru pouvoir remonter la pente, tourner la page. Le Babacha, son havre, son refuge, l’avait fait replonger. Du moins la rencontre qu’il y avait faite. L’autre avait feint de ne pas le reconnaître, mais son passé l’avait bel et bien rattrapé. Hier, l’apparition de cette espèce de clone de Marie-Hélène avait fait planer l’espoir d’une seconde chance. Ce soir, seul face à son gin, l’atterrissage en solitaire le plongeait dans le doute et la déprime. Il pensait avoir fait ce qu’il fallait pour accepter son deuil et aller de l’avant. La veille, au moment de s’endormir, la capacité qu’il avait eue d’aimer sans état d’âme Colette, l’avait persuadé qu’il avait surmonté toutes ses épreuves, qu’il était un homme… enfin, une personne neuve. Mais ça n’avait été qu’un mirage, qu’une illusion de passage.


Le barman avait raison : la panse remplie, Charles se sentait mieux et voyait le côté positif de sa rencontre. Ce n’avait pas été un triomphe, mais il était parvenu à amener Colette dans son lit et, en sus, à la faire jouir. C’était un grand pas en avant. Il n’avait plus de raison de rester à Lyon. Il devait reprendre les rênes de sa vie. Il retournerait à Bourgoin, réglerait ses affaires, mettrait la maison en vente et se chercherait un appart sur Grenoble ou Chambéry. Son hôtel était payé jusqu’à la fin de la semaine, il finirait son séjour (peut-être la reverrait-il ?). Ensuite, il entamerait une nouvelle vie, une autre vie de laquelle Charles disparaîtrait.



#***************#



Fumer dans son bain. C’était pas cool, mais c’était un plaisir que m’autorisait le célibat. Gaby hurlait chaque fois qu’elle me voyait avec une cigarette, alors dans la maison fallait pas y penser, et dans la baignoire, une hérésie. J’étais pas accro à la clope. Je n’en avais jamais sur moi et sauf évènement hyper stressant et avec quelqu’un à taxer, je ne fumais pas au boulot.


Mais là, toute seule dans mon bain… c’était le pied. J’avais toujours eu la faculté de compartimenter et là, batifolant dans la mousse, j’avais relégué l’enquête dans un coin inaccessible de ma mémoire. Je laissais ma pensée dériver librement.


Anna ! Sa réaction quand j’avais évoqué très indirectement son hétérosexualité me chiffonnait. Ensuite, cette seconde allusion dans la voiture à mon célibat interrompu fut suivie de sa main sur ma cuisse. Tout à fait son genre de réflexion, mais la main… Une première. Avec moi, elle ne s’était jamais montrée tactile. Alors ce geste spontané m’interpellait. Je me faisais certainement un film. Elle restait très discrète sur sa vie sentimentale. Les rares aventures supposées dont j’avais eu vent mettaient toujours en scène une figure masculine.


J’abandonnais Anna pour revenir à mon improbable aventure de la nuit dernière. Ma première nuit dans le lit d’un homme, mon premier orgasme hétéro. J’avais été tentée de retourner au Babacha-bar. Peut-être que… mais un reste de raison et un fort besoin de changer de sous-vêtements m’avaient poussée à rentrer chez moi. L’envie que j’avais de le revoir me perturbait plus que ce qui s’était passé la veille sous l’influence de l’alcool.


Charles pouvait se prévaloir du titre de mec, il en avait les arguments, du reste parfaitement fonctionnels. Malgré ses affirmations et sa petite culotte rose, les femmes ne le laissaient pas indifférent. À en juger par l’état de sa bite, je l’intéressais au plus haut point. Plus étonnant, son intérêt manifeste avait provoqué un bel émoi dans mon entresol. Ce soir-là encore, d’imaginer son sexe tendu alors qu’il me mignardait le clito me faisait me sentir toute chose, toute chaude.


Je fermai les yeux et me laissai aller. D’une main, je me caressais les seins, l’autre s’occupait de ma verticalité, ouvrant un peu plus les lèvres à chaque passage de la savonnette. Lorsqu’il m’avait crue endormie, il s’était paluché. Le contact de son sperme gluant sur ma peau m’avait troublée.

À ce moment, je m’étais trouvée un peu dégueu d’avoir profité de lui sans retour. Ce soir dans ma baignoire, ma main remplaçait la sienne. Je le branlais, j’appréciais la douceur de cette peau que je coulissais, la grosse veine qui courait le long de son sexe palpitait sous mes doigts. Je posai mes lèvres sur son sexe que j’avais décalotté, doucement, ma bouche l’absorbait. Et je le…


Trop, c’était trop ! J’avais envaginé ma savonnette et l’utilisais comme un gode. Les jambes posées sur les rebords de la baignoire, je me masturbais comme une folle. Alors que l’orgasme libérateur pointait le bout de son clito, je vis la main d’Anna qui s’activait, nos lèvres qui se… J’explosai.



Je sursautai violemment. Je m’étais endormie dans ma baignoire et j’avais rêvé qu’Anna m’…, sauf que je ne rêvais pas. Le tintamarre n’avait pas cessé avec mon réveil.




CHAPITRE 9



Elle s’énervait sur la porte, mais personne ne répondait. Merde ! Colette avait peut-être rejoint à l’hôtel la gonzesse avec qui elle avait baisé hier soir.


Quand Sarah l’avait dérangée, Anna matait pour la xième fois, Thelma et Louise, film culte de sa mère. Elle lui avait filé le virus. Chaque fois qu’un petit vélo dérangeant trottait dans sa tête, elle le visionnait et elle oubliait tout, en l’occurrence, ce soir, Colette. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait ou elle comprenait trop bien. Elle avait, dans le passé, lors de soirées arrosées, couché avec des filles, mais là, c’était différent, elle ne maîtrisait pas.


Comme chaque fois, elle s’était identifiée à Louise… C’était compter sans l’obstination de Sarah. Si cette dernière n’était pas restée à mater ces putains de vidéo, elle ne serait pas là à tambouriner à cette porte en hurlant.



Elle allait renoncer et rejoindre la scène de crime, quand enfin… Descente d’escaliers précipitée.



Quand la porte s’entrouvrit, elle la poussa brutalement et entra. Elle ne fit qu’un pas avant de stopper net, la bouche ouverte. Colette, nue, sortant du bain, dégoulinante. Les yeux d’Anna se fixèrent sur cette lourde poitrine encore humide.



Quelle conne elle faisait, pensa-t-elle ! Les larmes arrivaient.



Colette s’interrompit embarrassée. Elle lui pressa l’épaule d’une main ferme. Instinctivement, Anna posa la sienne sur son poignet. Elles restèrent ainsi, mutiques, immobiles. En face, on rompit le charme.



Les quelques secondes qui précédaient avaient été porteuses d’une telle tension. La vulgarité de la remarque les détendit.



Plus une affirmation qu’une question.



Tandis que sa cheffe se préparait, Anna manœuvra sa caisse, la plaçant sur la ligne de départ. Elle n’utilisait jamais une voiture de service, mais toujours sa Subaru P1. Un gyro bricolé qu’elle collait sur son toit lui permettait de pousser sa bagnole à la limite de ses possibilités et d’ignorer joyeusement le Code de la route. Ce qui ne l’empêchait aucunement de parler.



Elle n’avait pas dit un mot sur le crime. Vengeance mesquine. Colette devrait demander.



La voiture fit une embardée et rata de peu la glissière de sécurité de l’autoroute.



Il lui fallut toute sa volonté pour ne pas étreindre cette main. Heureusement, Colette apparemment inconsciente de son trouble enchaînait.



On arrivait à l’embranchement qui menait au Parc. Vingt bornes en moins d’un quart d’heure. Anna n’avait pas amusé le terrain. Elle se gara derrière un fourgon de la PTS. Tandis que Colette détachait sa ceinture, Anna se tourna vers elle et, d’une voix incertaine, déclara :



Elle sortit de la voiture, sans attendre de réponse, et se dirigea vers les lumières.



#***************#



Arrivée sur la scène de crime, Anna rejoignit les collègues de la PTS tandis que je retrouvai Bryce qui était en grande conversation avec un grand blond portant un brassard de police. Un des flics de la BAC qui avaient fait les premières constatations, supposai-je.


Celui-ci, à la demande de mon adjoint, me résuma leur intervention. Un jeune homme, Jean-Claude Chazot, se promenait par là par hasard, il avait trouvé le corps et appelé la police. Échange de regards complices entre les deux hommes : on savait très bien que, de ce côté-ci du parc, dès la nuit tombée et parfois même avant, on ne se promenait pas par hasard. Le lieu était connu comme coin de drague gay.


Comme je m’étonnais qu’il se soit identifié, l’OPJ Blagapar (c’était son nom) me répliqua qu’on pouvait être pd et pas complètement con. En voyant le cadavre, il avait dégueulé. Comme il était fiché pour plusieurs faits de racolage actif, il savait qu’on le retrouverait, alors il avait préféré anticiper. Blagapar l’avait retenu au cas où nous voudrions l’interroger, mais il n’avait rien vu, rien entendu. Je demandai à l’OPJ de prendre ses coordonnées, de l’inviter à venir faire sa déposition à l’hôtel de police à 10 heures demain matin et de le libérer.


J’entraînai Bryce vers la scène de crime. Les spots installés par les technos l’illuminaient comme en plein jour. Surréaliste, seul mot pour qualifier ce que je voyais. Le décorum mis en place pour Sanmarco, dans l’intérieur bourgeois impressionnait par son sens du détail, mais n’atteignait en rien l’esthétisme malsain de celle-là. Les arbres inquiétants, le quartier de lune en partie dissimulé par un gros nuage, les quelques étoiles qui parsemaient le ciel transcendaient la scène. Pârk, nu, émasculé, avait été assis dans une espèce de fauteuil régence qui avait beaucoup vécu. On lui avait attaché les bras à ceux du siège. Dans sa main droite, il tenait un cigare comme si c’était un cierge, et dans sa gauche une culotte. Mais pas une culotte sexy… plutôt une culotte d’écolière. Le message paraissait clair. Comme je m’y attendais, il avait la bite dans la bouche. Je demandai à Bryce d’éclairer son entrejambe. Je me baissai : pas de plug.


Le crime ressemblait en bien des points à celui de Sanmarco. L’absence de plug, la différence de position du corps pouvaient s’expliquer par une nécessité d’improvisation… Ou un assassin différent ! Il fallait attendre. Cette salope de Gabrielle ferait parler le macchab. J’en avais assez vu, et si je pouvais me tirer avant que cette conne arrive… Me faire ramener par Anna ? J’aurais bien aimé, mais elle en avait pour un moment. Je réquisitionnai Bryce, tout heureux lui aussi de quitter l’endroit.

Manque de pot avant que nous atteignions la voiture, une voix honnie nous interpella.



J’allais la tuer ! Bryce, les bras sur le toit de sa caisse, tentait de contenir son hilarité. Ce ne fit qu’augmenter ma rage et il en profita.



Ladite légiste ne perdait pas de temps, elle était déjà penchée sur le corps. Bryce avait rejoint Anna et, à leur mine, il n’était pas difficile de comprendre qu’ils bavaient sur Gabrielle et se fichait de ma figure. Discrètement, je leur fis un doigt. Ce qui me valut une grimace clownesque de la part de mon second et un joli bout de langue rose de celle qui avait admiré mes nichons.


Mon ex n’en eut pas pour longtemps. La professionnelle avait pris le pas sur la femme. Elle s’exprima d’une voix posée.



Mes deux compères qui s’étaient rapprochés se délectaient. Ils ne perdaient rien pour attendre.



S’adressant aux ambulanciers :



Anna, responsable de toutes nos scènes de crime, donna son accord. Gabrielle avait déjà mis les voiles. Nous la suivîmes, abandonnant mon adjointe à la supervision de la PTS.


Sur le chemin du retour, négocié à une allure plus tranquille, nous planifiâmes la journée du lendemain. Je partais du principe que Mc Roth ne voudrait pas s’emmerder avec un meurtre et, avec son équipe, continuerait d’enquêter sur le trafic. Nous décidâmes d’explorer les deux pistes qui s’offraient à nous. Bryce, secondé par Toustra, se chargerait de l’hypothèse règlement de compte. Ce qui selon notre analyse et les propos de Gabrielle devrait le conduire sur la piste des assassins de Kim Jong. Anna et moi creuserions dans le passé de Sanmarco, puisque toujours, selon ma légiste détestée, c’est là qu’il fallait chercher son meurtrier. Déjà, nous allions interviewer ses deux dernières maîtresses puis son ex.



#***************#



CHAPITRE 10

(mercredi matin)


Quand je montai dans ma vieille Renault, j’avais pas vraiment les yeux en face des trous. L’alarme programmée pour six heures du mat s’était avérée inutile, tant mon sommeil avait été chaotique. L’inconscient se fichait des décisions du conscient. Les rares moments où je m’étais assoupie avaient donné lieu à une pénible sarabande où dansaient Anna, Gabrielle et plus étonnant, Charles. Lors des périodes insomniaques, les évènements de la soirée avaient tourné en boucle.


Impossible de me détacher de l’affaire. Le déplacement nocturne à Jonage m’avait vraiment perturbée. J’avais cogité sur les paroles de Gabrielle. Ça m’emmerdait, mais j’avais eu beau tourner les faits dans tous les sens, elle avait raison. Le second meurtre, conséquence évidente du premier, mais avec un mobile totalement différent. En me repassant le film de la soirée, il m’apparut que j’accordais plus d’importance au petit accrochage avec Anna qu’à la rencontre avec mon ex. J’avais essayé de ne pas réfléchir à ce qu’impliquait ce constat.


De guerre lasse, je m’étais levée à cinq heures du mat. Un copieux petit-déj avait suivi une longue séance de relaxation pour me vider la tête.


Une douche plus tard, je roulais en direction de Lyon. La traversée des bouchons n’avait pas arrangé mon humeur. Quand, sur le coup de huit heures, je débarquai à la maison poulaga, celle-ci ne s’améliora guère à la vue de Madame la légiste (qu’est-ce qu’elle foutait là à cette heure ?) en grande conversation avec Mademoiselle la procureuse de la république, sous l’oreille attentive de Bourrel. Anna se matérialisa à mes côtés.



Fulgurance : en prime, j’avais dit au gars de la BAC de nous envoyer le mec qui avait donné l’alerte. Tu préviens l’accueil qu’on le fasse poireauter.


Bourrel s’impatientait.



Je rejoignis le trio. Bourrel, sans préambule et sans salutation :



Pourquoi n’étais-je pas surprise ? Mary-Lou n’avait pas daigné faire acte de présence à Jonage. Elle n’avait pas du tout l’intention de se faire chier avec un meurtre… et comme elle était dans les petits papiers du patron (et pas seulement dans ses petits papiers). Tellement prévisible que je ne pus m’empêcher de me faire un clin d’œil entendu à Gabrielle qui y répondit par un geste discret. L’espace d’une seconde, nous avions retrouvé notre complicité.



Dès qu’il eut disparu, « Béa » me sauta à la gorge.



Elle commençait à me les briser menu la copine à Ampépeur.



Mon geek qui devait laisser traîner une oreille apparut opportunément. Il posa une main sur le ventre de sa compagne.



Courageux, le mec. Elle allait l’étriper. Nulle, j’étais en relation de couple. De la Bitchboille se calma instantanément :



Je coupai court.



Et tout ça énoncé sans un brin d’agressivité… mieux, avec le sourire. J’eus droit à un regard étonné.



Je pensais surtout qu’on venait de signer une trêve et ça améliorait mon humeur.



Béa prenait des notes !



Personne ne réagissant, elle s’esquiva, non sans me presser le bras en passant à côté de moi.



Plus bas :



Après son départ, Ampépeur nous fit un compte rendu exhaustif de ses découvertes. Il avait abandonné les recherches sur les téléphones prépayés. Selon lui, ils étaient définitivement désactivés. Par précaution, il avait installé des alarmes qui le préviendraient si par hasard l’un d’eux se réveillait. Mais il n’y croyait pas.


Les fichiers TOR de l’ordi de Sanmarco ne lui avaient pas résisté très longtemps. L’activité de ce dernier sur le darknet se limitait à des échanges chiffrés avec quatre correspondants. Serge n’avait eu aucun mal avec trois d’entre eux qui utilisaient une variante du codage César. En clair, les messages ne parlaient que de ventes ou de location de « goodies », mais il était facile d’extrapoler. On avait affaire à des acheteurs et les « goodies », plus que probablement, étaient les jeunes femmes que Sanmarco leur vendait ou louait. Si lui usait d’un vocabulaire choisi et neutre, ces « clients » ne prenaient pas les mêmes précautions.


Serge en avait localisé deux : le premier, un chirurgien lyonnais, et le second, un industriel haut savoyard qui vivait à Rumilly. Il communiqua les adresses à Marylou qui, dans la foulée, téléphona à son second pour qu’il les fasse cueillir. Le troisième, aussi lyonnais, se montrait plus prudent. Ses messages avaient tous été envoyés à partir d’ordinateurs publics ou semi-publics. D’après ses pointages, Serge estimait qu’on avait affaire à un quidam qui évoluait dans la sphère publique : fonctionnaire, politicien. Il allait creuser.


Restait le dernier. Il était tombé sur un os. Tant pour la localisation que par le cryptage. Les messages tournicotaient autour de la planète de proxy en proxy avant d’atterrir dans la boîte de Sanmarco, donc difficile, voire impossible de les tracer. Le code utilisé faisait partie de ceux qu’on ne pouvait craquer si l’on n’avait pas la clé. Il supposait que c’étaient ses fournisseurs « en matière première ». Le mort devait avoir la grille pour le déchiffrer. Là aussi, il creuserait.


Quant au laptop et au téléphone de Pârk, quasiment rien à en tirer à l’exception de vidéos hardos dont plusieurs dans lesquelles Sanmarco sodomisait la même jeune femme. Les cris et gémissements de celle-ci montraient combien elle appréciait ce traitement. Lorsqu’il avait commencé à visionner la première sextape, Serge avait été très choqué, car, un instant, il avait cru que la personne de sexe féminin pouvait être sinon une enfant, du moins une jeune adolescente. Pas de seins, pas de fesses, entièrement lisse. Il avait compris son erreur en voyant le visage de la sodomisée, probablement une trentenaire. Le mort avait des goûts douteux et ce n’était pas un hasard s’il trempait dans le trafic de jeunes filles.



J’avais un trou. Qui c’était celui-là ? Anna vit mon trouble.



Toujours aussi speed, elle était déjà partie vers la salle d’interrogatoire. J’abandonnai Serge à sa compagne et ses ordinateurs et lui emboîtai le pas. Elle marchait en se déhanchant outrageusement. Pas possible, elle m’allumait.



Éclat de rire.




#***************#



Anna n’avait pas exagéré. Personnage d’un film, le réalisateur se serait fait agresser par toutes les ligues de soutien au mouvement LGBT ! Il nous attendait en tournant nerveusement autour de la table. Un slim jaune moulait un petit cul qui ondulait au rythme de ses pas. Une chemise, plutôt un chemisier, fuchsia s’ouvrait largement sur une poitrine lisse laissant deviner des tétons anormalement volumineux pour un « mec ». Il était chaussé de Convers à semelles compensées rouges à pois blancs. Malgré cela, il ne devait guère dépasser le mètre soixante. Pour couronner le tout et sa tête, une coiffure qui me rappelait Sailing, un vieux 45 tours qu’écoutait ma mère. Je ne me rappelais plus le nom du chanteur, mais je revoyais sa coiffure : de longs cheveux blonds méchés partant dans tous les sens. Autre point de ressemblance, musclé comme une serpillière. La comparaison s’arrêtait là. Le chanteur en question n’avait pas le visage d’une fouine qui a mal dormi et ne se maquillait pas tout seul devant un miroir ébréché. Il avait dû regarder plusieurs fois la cage aux folles, car sa gestuelle copiait celle du regretté Serrault avec le talent en moins.


À part ce grand moment clownesque, Roma, comme il… elle avait voulu qu’on la nomme, ne nous avait rien appris sur le meurtre. Ses relations avec Sanmarco, bien que régulières depuis quelques mois, étaient purement sexuelles, ponctuelles sans pour autant être tarifées. Je retins un sourire, car il s’était rencontré au Babacha-bar. Je me dis que j’y retournerai ce soir en espérant y trouver Charles. Cette expérience presque hétéro ne m’avait pas déplu et… Si elle se la jouait grande folle, ténorisait à outrance avec des effets de bras, son vocabulaire ne dépassait guère les 100 mots de TF1, version caniveau. Elle nous expliqua avec force détails, geste à l’appui, leurs pratiques.


Il adorait se faire « féconder » par Paolo, car c’était un « triqueur » de première qui ne « crachait pas son foutre » au bout de trente secondes. En plus, il ne lésinait pas sur la marchandise : quand il avait fini de le « téter », il n’avait plus soif. Il adorait moins les travers de son amant. Il l’obligeait à porter des tenues ringardes du XXe siècle. Dans ces moments-là, il l’appelait Charline ou Rosy, au gré de ses humeurs. Pendant qu’elle s’exhibait devant lui, il l’insultait puis la fessait ou la fouettait, toujours en lui criant dessus. Je ne retranscrirai pas le florilège de saloperies que Roma nous a rapportées, mais « garage à bites » ou « pute de chantier » faisaient partie des plus délicates. Pour finir, il la « tringlait » et pour Roma, cette baise excusait le reste. Vendredi dernier, il était allé trop loin.



Le portrait de Sanmarco qui s’affinait à chaque témoignage me rendait son assassin presque sympathique. Anna me donna un coup de genou sous la table et l’attaqua agressivement.



Il/elle éclata en sanglots. Le genou d’Anna qui se frottait à ma cuisse me perturbait et j’avais du mal à garder mon sérieux : imaginer ce garçon/fille commettre un meurtre.



Échange de regard avec Anna. Je décidai d’interrompre cette comédie. Je renvoyai Romain Tenant en le remerciant pour sa collaboration. Lorsqu’il eut quitté la salle, le fou rire nous prit. Quand nous nous reprîmes, Anna m’entreprit sur un tout autre sujet.



Cette conne par contre m’avait émue. Ma réponse avait amené un « je-ne-sais-quoi » dans son regard. Je lui étreignis le bras.



Sarah, revenue de la Part-Dieu, visionnait, une fois de plus, les vidéos des caméras de sécurité de la gare. Elle nous fit un compte-rendu de ce qu’elle avait découvert et nous éclaira sur ce qu’elle cherchait encore.



Je repensai à ce que m’avait dit Gaby.




#***************#



Avant de rencontrer, Hailey, jeune Anglaise et dernière maîtresse en titre, j’éprouvai le besoin de m’isoler. Abandonnant Anna et Sarah, très occupées avec les vidéos, je m’enfermai, une fois de plus, dans mon bureau. Je me sentais mal. Je ne parvenais plus à cloisonner. Durant ma période « Gaby », notre relation n’avait jamais empiété sur notre vie professionnelle, une porte à l’épais blindage séparait nos deux mondes.


Je n’avais pas menti à Anna : j’avais fait mon deuil de Gaby et j’en étais heureuse. Mais l’attitude ambiguë de mon adjointe me déstabilisait tout autant que mon attirance pernicieuse pour Charles. Ces interférences, je le savais, étaient dues en grande partie à la fragilité causée par ma rupture. Ce qui m’inquiétait était la possible répercussion sur mon boulot. Et avec l’enquête qui nous était tombée dessus, ça tombait au plus mauvais moment.


Born in USA me tira de mes réflexions et comme par hasard le fixe de mon bureau fit entendre sa sonnerie martiale à la même seconde. Bryce sur le portable et Poilala sur la ligne interne. Je demandai à Bryce de patienter. Le brigadier m’informait qu’un dénommé Jean-Claude Chazot attendait depuis un moment déjà, qu’il commençait à renauder. Il disait que je l’avais convoqué pour 10 heures. Je l’avais zappé celui-là. Je passai la tête hors de mon bureau.



Je ne donnai aucune consigne à ma lieutenante, elle savait quoi faire. Débarrassée du problème, je repris Bryce. Il avait voulu rencontrer la veuve de Pârk en l’absence de sa fille. Il s’était fait accompagner par une interprète, une jeune Coréenne bien sous tous rapports qui faisait sa seconde année d’internat à Léon Bérard*. Selon mon adjoint, la jeune fille avait un don, car elle avait réussi à gagner rapidement la confiance de sa compatriote et était passée du stade de traductrice à celui d’enquêteuse.


Sur ses directives, elle avait interrogé Madame Kim Jong sur les habitudes de son mari. Sur sa vie professionnelle, il n’avait rien appris de plus que la première fois : elle ignorait tout des affaires de son conjoint. Sur sa vie sociale et familiale, elle l’avait décrit comme une personne assez casanière. Ils recevaient peu, et uniquement de ses relations à lui, et sortaient encore moins. Le seul point un tant soit peu intéressant, sa vie sexuelle. En l’absence de sa fille, elle avait accepté d’en parler à sa jeune compatriote à la seule condition que Bryce sorte de la pièce bien qu’il ne parlât pas un mot de coréen.


L’enregistrement de cette conversation après traduction, révélait un mec aux pratiques aussi tordues que celle de Sanmarco : qui se ressemble s’assemble. Lui, ses vices étaient le voyeurisme et les jeux de mains. Il aimait que sa femme se masturbe avec les mains, avec des sex-toys, légumes ou autres objets adéquats. Il matait et quand elle avait joui, il la baisait. Il adorait aussi la pénétrer à la main urbi et orbi. Il l’avait offerte une fois à Sanmarco, mais celui-ci avait refusé. D’après ce que lui avait raconté son mari, il avait motivé son refus par le fait qu’elle était trop vieille et trop grosse. Vieille, elle avait 41 ans. Grosse, elle avait surtout une poitrine avantageuse. Bryce la trouvait voluptueuse, mais comestible. Quand il m’avertit qu’il ne rentrerait au bercail qu’à 14 heures, je compris qu’il trouvait sa jeune traductrice encore plus goûteuse !


Conclusion, nous pouvions laisser de côté l’épouse. D’après mon adjoint, elle n’était guère affectée par la mort de son mari, plutôt soulagée et surtout préoccupée de son avenir matériel. Elle ne nous serait pas d’une grande utilité. Ma pensée alla à une autre épouse, ou plutôt ex : Rosette Delion. Si Gaby avait raison, la haine qui avait tué Sanmarco remontait à loin. Qui mieux que son ex pourrait nous en parler ? Aller la voir dans son « bazar » ? Pour la déstabiliser, il valait mieux qu’elle joue à l’extérieur. Je décidai de la convoquer. Un mail aux couleurs de la préfecture ferait l’affaire. Je l’écrivis rapidement et lui envoyai dans la foulée.


Anna en avait fini avec le découvreur de scène de crime. Elle me résuma rapidement leur entretien. La seule chose à en retenir. En arrivant sur le site alors qu’il allait garer sa voiture, il avait croisé une berline noire dont il n’avait pas reconnu la marque. Dans ses phares, il lui avait semblé que le conducteur était un Asiatique. Encore des vidéos à visionner, en supposant qu’il soit revenu sur Lyon ou qu’il ait pris la A42 à Beynost. Retrouver une berline noire sans autre indication… quasiment mission impossible. On s’en occuperait plus tard. Quand un Asiatique rencontre un autre Asiatique… Quand on ne croyait pas aux coïncidences, c’était prometteur. Il était temps de s’occuper de Hailey Brillant.


Elle attendait dans le hall d’entrée. Je reconnus immédiatement la fille que Sanmarco sodomisait dans la vidéo trouvée par Sergio sur le smartphone de Pârk. Anna, par un signe discret, me signifia qu’elle l’avait aussi retapissée. Un cinquantenaire en costard-cravate l’accompagnait. « Merde, elle a amené son avocat, c’te conne ! »


Retour dans la salle d’interrogatoire. En fait d’avocat, il s’agissait de John Brillant, son mari qui nous annonça benoîtement qu’il connaissait les frasques de sa moitié. Lui-même fort peu porté sur la chose, nous expliqua-t-il dans un français parfait et presque sans accent, comprenait que la jeunesse d’Hailey demandait plus que ce qu’il lui donnait. Sans nul complexe, il rajouta que le récit de ses parties de jambes en l’air le motivait pour l’honorer.


Hailey avait encore moins de choses à nous apprendre sur son amant que cette grande folle de Roma, si ce n’est d’autres précisions sur le comportement définitivement déviant du mort. Excepté lors de leur première joute, il ne l’avait jamais baisé normalement. Seule la sodomie semblait lui apporter la jouissance. Il n’avait jamais été violent avec elle sauf à considérer qu’une torsion ou un étirement de tétons le soit. Il aimait bien qu’elle se vête en jeune fille sage. Comme Roma, au cœur de l’action, il l’appelait soit Rosy, soit Charline. Elle avait eu aussi affaire à Pârk qui avait assisté à une de leurs baises. L’épisode comme elle le raconta prêtait à rire…




… et en voyant la gueule d’Anna, j’éclatai de rire.




John Brillant essayait vainement de garder son sérieux. Quand nos regards se croisèrent, il craqua. Pour une première, c’était une première dans une salle d’interrogatoire. L’anglais et moi pliés, Hailey furieuse, et Anna qui se demandait le pourquoi du comique de la situation. Tandis que j’expliquai en français à mon adjointe que Led Zeppelin avait été un des pionniers du Hard-Rock, Brillant apprenait à sa moitié que le graf zeppelin était un dirigeable géant et allemand tristement célèbre.


Nous nous quittâmes dans la bonne humeur sans que l’enquête ait avancé d’un iota.



À suivre