n° 21616 | Fiche technique | 35693 caractères | 35693Temps de lecture estimé : 24 mn | 17/03/23 |
Résumé: Angoisse pour Théo. | ||||
Critères: ff -lesbos | ||||
Auteur : Claude Pessac Envoi mini-message |
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Résumé de l’épisode précédent :
Très mauvais départ entre Françoise et Théo, mais lui est très accroché… et effondré en apprenant la belle aux urgences. Tentative de suicide ?
Une, deux secondes, grand maximum, s’étaient écoulées sans doute entre le moment où Alejandra avait annoncé le coma de Françoise et celui où elle avait commencé à donner des explications. Deux petites secondes, une éternité d’angoisse pour Théo. Chute dans un précipice sans fond où il avait imaginé le pire : Françoise avait fait une bêtise à cause de lui – de leur dispute. Les insultes qu’il lui avait jetées à la face avaient été la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase – elle avait voulu en finir – à cause de LUI !
Anéanti par la culpabilité, livide, le souffle coupé, Théo avait vacillé, ses jambes s’étaient dérobées sous lui, il avait dû s’asseoir par terre, dos appuyé contre la cloison.
Un accident, juste un accident, pas une tentative de suicide ! Théo avait repris son souffle, il n’était donc pas responsable. Un soulagement inespéré, une réaction instinctive, animale, immédiatement balayée par une nouvelle culpabilité. Comment pouvait-il se réjouir de ce dédouanement de responsabilité alors que Françoise était entre la vie et la mort. Sa Françoise ! Sombre crétin égoïste ! s’était-il vertement tancé.
Embarrassée, Alejandra bredouille un peu :
Alejandra le coupe et débite à toute allure :
Au tour de Théo de lui couper la parole :
oooOOOooo
Le Professeur Sarkim a toujours conseillé à ses internes d’éviter d’opérer un patient qui leur serait trop proche : en neurochirurgie, les interventions sont bien trop délicates pour qu’une charge émotionnelle trop forte ne trouble le praticien au risque de faire trembler sa main. Aussi, lorsqu’on lui avait glissé l’identité de la patiente qui l’attendait au bloc, il avait hésité : la propre fille de celui qui avait été son meilleur ami. Le regretté Maurice Labarthe, chirurgien hors pair, qui aurait dû lui succéder à la tête du service. Et Françoise, la malheureuse enfant, le sort s’acharnait sur elle : la disparition de sa famille, l’odieuse agression, et au printemps dernier, le décès brutal de sa grand-mère. Et maintenant, un accident ! Putain de camion !
Après examen des radios, le neurochirurgien avait tout de même décidé d’intervenir personnellement : s’il y avait urgence absolue vu l’ampleur de l’hématome, l’opération ne serait pas très compliquée. Un p’tit trou dans la boîte crânienne, un bon drainage, rinçage, et ce serait bon ! Restait à espérer qu’une embolisation de l’artère méningée ne serait pas nécessaire, car elle compliquerait singulièrement l’intervention.
L’embolisation finalement n’avait pas été nécessaire et l’opération avait été un succès. Maintenant, il ne restait plus qu’à s’armer de patience. Attendre !
Le Professeur Sarkim observe avec bienveillance les deux ados fébriles assis devant son bureau. Il leur a déjà donné quelques explications sur l’état de sa santé de sa patiente, les a rassurés autant que faire se peut, sans leur cacher toutefois la réalité des risques, mais, leur a-t-il dit, « le pronostic vital de Françoise Labarthe n’est plus engagé désormais ». Le médecin a listé les traumas répertoriés, fractures « étonnamment peu nombreuses, compte tenu du choc » (humérus-tibia-cheville), « fractures nettes, aucune fracture ouverte », réduites avec succès et auxquelles s’ajoutent juste quelques plaies bénignes et trois côtes fêlées. Toutes les blessures côté gauche du corps, le côté droit est intact.
Le médecin se lève et à l’aide d’une baguette, il pointe ses explications sur une coupe schématisée d’un cerveau sur le mur. Comme il l’a fait jusque-là, il s’emploie à utiliser des termes aussi simples que possible et scrute les réactions de ses interlocuteurs pour s’assurer de leur bonne compréhension.
Le praticien se renverse en arrière, s’appuie contre le dossier son fauteuil et affiche un petit sourire vaguement moqueur.
Dans le bus où ils s’étaient retrouvés pour rejoindre le CHU, les deux jeunes gens avaient monté leur plan :
- — Tu l’aimes ? Tu veux pouvoir l’approcher ? Alors, il faut une bonne raison pour convaincre les médecins. Il n’y en a pas trente-six : donc, comme j’ai dit, TU es le fiancé de Françoise ! Vous vous connaissez depuis six mois et vous avez d’ailleurs prévu de vivre ensemble dès le mois prochain. Comme elle n’a que toi et moi au monde, personne ne pourra venir dire le contraire.
Comme Théo avait paru vouloir émettre une remarque, la petite blonde avait enchaîné :
- — Attends ! Françoise est venue chez moi hier soir ! Je te jure, elle était catastrophée par la tournure qu’avait prise votre discussion dans le patio ! Elle ne comprenait pas son attitude, elle regrettait de t’avoir poussé à bout avec, je cite, « ses questions imbéciles ». Elle était désespérée, anéantie, au trente-sixième dessous, elle n’arrêtait pas de me demander comment elle allait pouvoir recoller les morceaux entre vous. Non, vraiment, Théo, je te promets, elle t’aime, elle est totalement amoureuse de toi ! Ce flash, ce coup de foudre qu’on a vu entre vous était bien réel et totalement partagé : relation bijective – polarités accordées – le courant est passé entre vous !
- — C’est vrai, t’es sûre ? avait demandé Théo, submergé d’émotion par cette nouvelle. Mais, si au réveil, elle…
- — Si elle ne te reconnaît pas ? Si elle ne se souvient pas de toi ? Si elle te vire comme un malpropre ? Amnésie, due au choc ! Point ! Mais je suis certaine que son sentiment ne sera pas anéanti et, puisqu’il paraît que les personnes dans le coma entendent, alors, parle-lui, convaincs-la, argumente, clame-lui ton amour.
Levant un index menaçant, Alexa avait conclu :
- — Je compte sur toi pour faire le job !
Face au médecin, Théo comprend que la fable des six mois n’est pas crédible :
Les yeux embués du garçon finissent de convaincre le chirurgien :
Alors qu’il pense en avoir fini avec eux, Théo intervient encore :
Le professeur est décontenancé :
Devant l’air désespéré du jeune homme, le praticien bredouille :
oooOOOooo
Gros pansement sur son crâne rasé, électrodes, tuyaux, masque de ventilation sur le nez, teint pâle, presque transparent, Françoise gît, immobile sur le lit blanc. Théo a bien de la peine à reconnaître, dans ce quasi-fantôme, la très solaire Méditerranéenne rencontrée l’avant-veille. C’est sans doute son immobilité absolue conjuguée aux bips-bips des machines qui est la plus angoissante. Alexa d’ailleurs n’a pas tenu le choc : elle a craqué au bout de dix minutes, courant dans le couloir pour pleurer tout son soûl, pour évacuer la tension nerveuse accumulée.
Théo parle. Pour masquer ses angoisses, il s’est accroché, un sourire forcé aux lèvres. Théo raconte encore et encore leur rencontre, le coup de soleil qui les a aveuglés Françoise et lui. Leur complicité immédiate, leurs sourires partagés, les battements de cils échangés, l’incroyable force du lien qui s’était instantanément noué entre eux. Il lui raconte aussi tous les voyages qu’ils vont faire ensemble, Bali, Bora-Bora, les aurores boréales au Cercle polaire, la barrière de corail australienne…
Bien sûr, il n’aborde pas le pénible épisode du patio. Il ne l’abordera jamais au cours des quatre jours et quatre nuits qu’il passera finalement au chevet de sa belle. Car oui, le Professeur Sarkim, contrevenant au règlement du CHU, l’a autorisé à demeurer auprès de sa belle, en permanence. À peu près 18 heures sur 24 puisque le matin, soins, toilette, consultations, il devait s’éclipser. Retour rapide alors à la maison où Christelle s’employait à le câliner, l’encourager et… le requinquer. Adorable Christelle qu’il appelle Maman, elle, qui l’a élevé depuis ses quatre ans, qui l’a bercé, choyé, éduqué, aimé. Car, en effet, si tout le monde sait que Théo a perdu son père quand il avait dix ans, rares sont ceux à le savoir également orphelin de mère. Une mère qu’il n’a pas connue puisqu’elle est morte alors qu’il n’avait pas deux ans. Hormis quelques adultes, nécessairement, seul Jean-Phi était au courant jusque-là. Alejandra l’est aussi désormais. Ainsi que Françoise, si… elle a capté ses confidences.
Face à la similitude de leurs destins, un titre de roman était spontanément venu à l’esprit de Théo : « Chiens perdus sans collier », mais dans la seconde suivante, l’adolescent avait balayé toute analogie avec leur cas. S’ils étaient chiens, alors ils étaient chiens de bonnes lignées, chiens de race, pas les gentils corniauds égarés de Cesbron. Perdus, ils ne l’étaient pas, riches qu’ils étaient de leurs amis, riches qu’ils étaient de leur amour dont Théo, enthousiasme juvénile ou inconscience exaltée, n’osait plus douter désormais même si une appréhension maladive lui tordait encore et toujours les boyaux. Quant aux colliers, ils pourraient s’en offrir des modèles haut de gamme, cuir Connelly serti des petits diamants : les donations et legs de leurs parents respectifs leur assuraient, s’ils le souhaitaient, un avenir confortable de rentiers désœuvrés. Ce qui, en l’occurrence, n’était pas leur souhait…
Chiens perdus sans collier, non, Théo s’imaginait, leur imaginait, un avenir ensoleillé d’inépuisables tendresses et de câlineries emmiellées. Enfin, si elle le voulait bien elle aussi.
« Faites qu’elle se réveille. Vite ! »
oooOOOooo
Un an plus tôt…
Dans un coin du vestiaire des filles, la gazelle s’était déshabillée rapidement. Gazelle, c’était bien le seul surnom qu’elle ait jamais accepté. Parfaitement justifié et totalement mérité : sur quinze cents, elle explosait les chronos, la gazelle ! Une foulée longue, régulière, déliée et élégante. La classe ! Alors oui, gazelle, elle avait accepté.
Comme à son habitude, Françoise avait traîné avant de rejoindre le vestiaire. Éviter le groupe, attendre que le maximum de filles soit parti. Toutes si possible. Pour cacher ses brugnons : encore et toujours son complexe mammaire !
Dieu sait pourtant que dans le club, la plupart des sportives, particulièrement les sprinteuses et les fondeuses comme elle, lui ressemblaient bien plus qu’elles ne ressemblaient à une Marylin ou une Bardot. Les deux ou trois qu’elle catégorisait comme bimbos portaient des soutifs bonnets C : rien d’extravagant donc.
Presque déshabillée (elle ne quitterait son soutien-gorge sport qu’au tout dernier moment), elle s’embarrassait les mains de flacons de shampoings, gel douche, lait corporel… Une ruse qui lui permettait de tenir son drap de bain serré contre son corps et pendu entre les dents. Camouflage !
Françoise venait de s’installer dans l’une des douches, l’une des deux à bénéficier de parois latérales carrelées quand elle avait été apostrophée par une voix joyeuse. Tournant la tête, elle avait reconnu la « puce ». Une drôle de petite nénette, toute menue, mais qui faisait des étincelles au lancer de marteau. À croire qu’elle compensait son gabarit a priori peu compatible avec cette discipline par une énergie hors du commun. Une véritable bombe à neutrons, ce moucheron !
Tout en parlant, la drôlesse massait avec un soulagement évident les obus faramineux qui lui faisaient office de seins.
Coup de fard de Françoise, mais puisqu’elle était découverte, par correction et pour ne pas risquer un torticolis à force de se dévisser le cou, elle s’était retournée de trois quarts vers la drôlesse.
Voyant le regard surpris de la brune, Alejandra s’était expliquée :
Françoise avait ouvert de grands yeux face à la décontraction absolue de son interlocutrice qui tirlopotait ses poils pubiens pour preuve de ses dires.
Elle exagérait la puce : elle n’était pas très grande, mais ses proportions étaient parfaites. Une mini-Falbala !
Ces remarques totalement désinvoltes avaient déjà de quoi sidérer la brune timide, mais quand la gamine lui avait tiraillé les poils de sa touffe, Françoise avait bondi en arrière : une morsure de crotale ne l’aurait pas fait réagir plus brutalement et la pauvre s’était pris le robinet de douche dans les reins. Aïe !
Alejandra avait réalisé qu’elle était sans doute allée un peu loin et s’était confondue en excuses :
Alors que Françoise, déjà rhabillée, séchait encore ses longs cheveux, Alejandra était revenue dans le vestiaire, pudiquement emmitouflée dans son drap de bain. Le pauvre sourire triste qu’elle lui avait adressé en murmurant de nouvelles excuses avait fait fondre la grande.
Prenant le visage d’Alejandra entre ses mains, Françoise s’était penchée et lui avait déposé un gentil poutou sur le front : sourire radieux de… Choubidou !
Le temps que Françoise finisse de sécher ses cheveux, Alejandra était prête à partir elle aussi. Lui emboîtant le pas, elle avait demandé timidement :
Sur ce point, elle avait été largement satisfaite : le duo n’avait pas quitté le centre omnisport qu’elle connaissait déjà l’âge de la volubile sportive (elle aurait dix-sept ans dans huit jours, le 12 octobre), son adresse, la profession de ses parents, le petit nom de son chat, qu’elle était en première dans le lycée qu’elle-même avait fréquenté et que son petit ami s’appelait Matthieu, qu’il était beau comme un astre et qu’il lui faisait l’amour comme un dieu !
Évidemment, c’était là LE point qui intéressait l’indiscrète ! Aaah, jusqu’où ne pas aller trop loin !
Dans le bus qui les ramenait au centre-ville, la puce avait repris ses confidences. Vu la discrétion de sa compagne, Françoise avait compris qu’avec cette bavarde volubile, elle risquait fort d’être rapidement mal à l’aise avec elle dans un lieu public.
Ce jour-là, leur conversation, débridée et sans fard, avait laissé Françoise un peu étourdie, mais heureuse. Une parenthèse joyeuse dans son quotidien morne et routinier. Aussi avait-elle accepté avec plaisir de revoir sa choubidou (Alejandra avait proposé à « Fran’ » de l’appeler Alexa, mais celle-ci avait décliné la proposition : « C’est tellement chantant Alejandra », un prénom qu’elle prononçait avec l’accent parfait et une sorte de gourmandise même). Un calendrier de rendez-vous bihebdomadaires (mercredi et samedi) s’était installé : des rencontres où Alejandra parlait et Françoise écoutait… et faisait un tri amusé dans les confidences épicées de sa partenaire. Une complicité vite transformée en amitié sincère s’était nouée entre la grande timide et la petite extravertie, laquelle n’avait de cesse de pousser la solitaire à se trouver un amoureux… « Ou au moins un plan cul de temps en temps. Pour l’hygiène, merde ! »
Un dimanche après-midi, hors calendrier donc, Alejandra avait déboulé chez elle : en pleurs !
Aie, avait pensé Françoise, l’enfoiré !
Pendant une bonne demi-heure, Françoise avait tenté de consoler son amie. Tous les poncifs, toutes les phrases bateaux y étaient passées, mais rien n’y avait fait ! La pauvrette était désespérée.
Puis, tout à coup, la poupée de chiffons, assise toute ratatinée au bord du lit, s’était redressée.
Françoise avait cherché une explication plausible : « En fait, ils… ». En fait quoi ? Elle n’avait pas trouvé. Elle n’avait pas voulu trouver. Pas envie de mentir à son amie. Surtout pas un jour comme celui-là. Alors elle avait expliqué, l’accident, la mort de ses parents, de ses frères, les jumeaux. Et que sa dernière parente, sa grand-mère, « habite l’étage en dessous, mais ne va pas très bien depuis quelques mois ». Ces premiers aveux avaient lézardé le mur de ses secrets. La digue avait cédé, tout le reste avait suivi : toutes ses peurs, ses blocages, ses méfiances. Le rire et les ragots de Tristan et du coup, son insurmontable complexe au sujet de ses seins. Les moqueries incessantes en classe, les vexations, les brutalités, le harcèlement scolaire si destructif. L’agression aussi. Bref : la totale.
Explosée, atomisée par ces révélations, le visage baigné de larmes, Alejandra était restée sans voix et avait pris son amie dans les bras, la serrant contre elle, la câlinant longuement.
Par réflexe, Alejandra avait croisé les bras sur sa poitrine.
Alejandra avait marqué un temps, repris son souffle.
À nouveau, Alejandra avait marqué un temps : le prochain aveu visiblement lui en coûtait !
Les deux jeunes filles, depuis en moment, s’étaient allongées en travers du lit, Françoise sur le dos, Alejandra en chien de fusil à son côté, le bras gauche en béquille, la tête dans sa main. Sentant l’importance de l’aveu à venir, Fran’ s’était redressée légèrement et avait planté son regard dans les yeux bleus de son amie. Pour l’encourager, lui apporter son soutien.
Pour couper court à toute interrogation, la Catalane avait enchaîné rapidement :
Alejandra avait attrapé l’épaule de sa voisine et serré fortement ses doigts dessus. Françoise s’en était trouvée surprise, un peu gênée en fait. Après les aveux recueillis… Elle avait bredouillé :
Un peu affolée, la grande brune avait levé ses mains, les écartant d’une quarantaine de centimètres. L’étreinte des doigts sur son épaule s’était relâchée et la main avait glissé, à peine, vers son torse. Et Alejandra s’était penchée nettement au-dessus son visage.
Lorsque la main d’Alejandra avait glissé sur son sein gauche, une énorme décharge d’adrénaline lui avait fait pousser un cri, immédiatement étouffé par la bouche de sa douce agresseuse plaquée sur ses lèvres. Tremblant de tout son corps, Françoise n’a pas trouvé la force de se défendre, elle n’avait surtout pas trouvé l’envie d’échapper au bâillon. Aussi vite que son corps s’était raidi, aussi vite, il s’était amolli, abandonné. Les lèvres s’étaient soudées, les langues s’étaient trouvées, leurs souffles s’étaient mêlés. Un cocon de douceur absolue avait tout d’abord enveloppé les deux filles, avant qu’une frénésie ne les submerge quand les doigts d’Alejandra, au travers de l’étoffe légère du t-shirt, s’étaient emparés d’un téton déjà formidablement érigé et sensible. Ivre d’un désir dont elle n’avait pas cherché pas à trouver l’explication, Françoise avait commencé à trousser son vêtement qu’elle avait elle-même enlevé quand les lèvres de sa partenaire avaient quitté sa bouche. La bouillante Espagnole s’était levée d’un bond, avait fait voler sa robe, son soutif et son slip avant de revenir se lover, nue et impatiente, contre son amante.
Tour à tour, les deux filles s’étaient léchées, sucées, palpées, gougnoutées les nichons, l’une soupesant à l’envi de formidables loches, l’autre suçotant, extasiée, d’ahurissants tétins insolents. Mille et une caresses, mille et une douceurs, tendresses et découvertes piquantes les avaient enivrées. La très prude Françoise n’avait pas été longue à capituler à toutes ces agaceries délicieuses, elle s’était débarrassée elle-même, presque rageusement, de son jogging et de son slip. Alors, après s’être défiées du regard, avec un bel ensemble, chacune avait plongé des doigts affolants dans l’autel velu de l’autre. Explorations minutieuses de ravines ennoyées, patients défroissages de dentelles satinées, excursions plus ou moins poussées de gouffres submergés.
Françoise se laisse emporter dans une tumultueuse rivière de sensations inédites qui la nettoie de tant de frustrations accumulées. Corps à corps voluptueux, caresses tour à tour papillonnantes ou presque brutales, embrassades asphyxiantes et étreintes étouffantes, il lui semble au plaisir. Elle qui n’a jamais rien expérimenté que des auto-caresses toujours coupables, indignes masturbations en catimini, découvre en son corps des chemins de liberté, sentes irradiantes, parcours illuminés que ses mains timorées n’avaient jamais eu l’audace d’arpenter. Elle s’affranchit des pesants principes christiano-bourgeois, se défait du carcan des traditions ancestrales obtuses, s’émancipe et s’ouvre à une liberté décomplexée. Liberté d’oser l’interdit, liberté de donner et recevoir sans hypocrisie. Liberté pour sa peau, son sexe, sa bouche, ses doigts de s’étourdir, avec un bonheur crânement revendiqué, dans des jeux délicieusement immoraux.
Combien de temps les filles avaient-elles poursuivi leurs travaux manuels ?
Pas bien longtemps en définitive. Certains bourgeons gentiment chahutés avaient très vite transformé leurs frissons sporadiques en maelström conjugué. Cris, rires, pleurs, stupeurs et tremblements avaient accompagné leur transport divin.
Étourdie, encore plongée dans une incompréhension totale de ce qui venait d’arriver, Françoise avait, rouvrant les yeux, découvert Alejandra, à genoux sur le lit, la dominant, presque moqueuse.
Les complices avaient éclaté de rire à cette apostrophe totalement machiste ! Attirant la petite rouée vers elle, Fran’ lui avait offert ses lèvres avant d’avouer :
Comme Françoise restait muette, Alejandra s’était lancée :
Découvrant un voile chafouin sur le visage de sa belle, elle s’inquiète :
Un sourire attendri avait éclairé le visage de Françoise.
Alejandra avait plongé entre les cuisses de sa chérie et capturé un bijou nacré entre ses lèvres.
Ni une ni deux, la Catalane libertine avait ripé sur le côté, enjambé l’obstacle du corps alangui et déposé délicatement son coquillage irisé sur une bouche qui s’avéra gourmande et, somme toute, relativement experte…
C’était reparti pour un tour. Un nouveau tour, suivi de quelques autres, à l’occasion, au cours des mois suivants.
En toute amitié, dans une glorieuse liberté pleinement désinhibée.