Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 21962Fiche technique41489 caractères41489
Temps de lecture estimé : 29 mn
31/08/23
Résumé:  Christiane veut quitter son mari. Mais saura-t-elle s’y prendre ?
Critères:  fh travail -rupture
Auteur : Femmophile      Envoi mini-message

Série : Gallinacée, amour et vengeance

Chapitre 03 / 08
La rupture

Résumé des épisodes précédents :

Une femme trompée se console dans les bras d’un collègue avant de quitter son mari.




Ce vendredi matin, nous avons effectivement été reçus par le CEO, comme on dit maintenant, le grand patron pour faire plus français. Homme affable, plutôt bien de sa personne, il nous a félicités pour les résultats obtenus dans notre région, largement supérieurs aux objectifs fixés.

Malicieux, Bertrand a expliqué avec un indubitable sérieux que la collaboration entre collègues était excellente et permettait d’envisager un avenir radieux. Je n’ai pas osé me tourner vers lui, ne souhaitant évidemment pas laisser se développer le moindre soupçon quant à la nature de notre « collaboration ».

La réunion s’est achevée assez tôt, vers dix heures trente, le temps de remonter dans nos chambres récupérer nos bagages avant d’assister à l’apéritif dînatoire organisé dans l’un des salons de l’établissement. Bertrand et moi avons fait semblant de consulter un dossier commun, ne souhaitant pas nous trouver dans l’ascenseur avec nos collègues et devoir regagner chacun notre chambre.


C’est dans la mienne que nous sommes entrés, chacun sachant que là s’achevait cette parenthèse aussi magnifique qu’inattendue. J’avais le cœur gros et les mots ont eu de la peine à se frayer un chemin, puisque mes sentiments eux-mêmes étaient complètement désorientés. Comme il n’y a pas de GPS des mots et des sentiments, il a fallu naviguer à vue, mais mes yeux embués ne voyaient que Bertrand, mon cœur battait pour Bertrand, et mon âme me suppliait de ne pas prendre un chemin différent du sien.


Mes larmes ont parlé pour moi, je me suis jetée dans ses bras, sanglotant de manière presque convulsive, incapable de m’exprimer. Je tremblais comme une feuille, je me serrai contre mon amant comme un enfant que l’on veut arracher à sa mère, je ne pouvais pas imaginer le quitter ainsi, à la porte d’un hôtel, après ce que nous venions de vivre.



J’ai relevé mon visage inondé de larmes vers lui, incrédule, j’avais tellement peur qu’il me fasse comprendre que l’aventure, certes agréable, était terminée et que nous redevenions bons collègues, effaçant ainsi toute sa tendresse et sa douceur, gardant mutuellement le souvenir d’un bon coup. Je lui ai sauté au cou et l’ai embrassé comme une furie. Il m’a enlacée fougueusement et m’a rendu mon baiser torride, l’air ravi.



L’apéritif dînatoire s’est agréablement déroulé, j’avais repris ma contenance et suis redevenue pour mes collègues la bourgeoise coincée, souriant poliment, mais sans exagération, demeurant la plus professionnelle possible.

Observant les allées et venues du personnel de service, j’avais remarqué que les serveurs arrivaient et repartaient en traversant la pièce adjacente, plongée dans la pénombre, sans doute un autre salon, mais apparemment inoccupé.

Nous avons salué nos collègues, le grand patron, et tout le monde est gentiment parti, ne restaient que Bertrand, nos deux valises et moi, le personnel avait à servir un repas ailleurs, nous avait-on dit, il nous suffisait de fermer la porte en quittant le salon.



De retour des toilettes, je me suis blottie encore une fois contre mon galant collègue, je voulais sentir la chaleur et la force de son corps, capter son énergie. Me détachant de lui, je lui ai pris la main et l’ai entraîné vers la pièce à côté, celle plongée dans l’obscurité.



La salle était sombre, mais au fond, on distinguait bien une sorte de vestiaire fait d’une paroi qui le séparait du reste de la pièce, alors c’est là que j’ai attiré mon amant, à l’abri du regard de quelqu’un qui entrerait de manière intempestive. J’ai cherché sa bouche et l’ai presque dévorée, lui mordillant les lèvres, suçant goulûment sa langue, et en proie à une formidable pulsion sexuelle j’ai plaqué ma main sur son entrejambe.



Là, je lui ai tendu ma culotte de soie rouge, que je venais d’enlever aux toilettes, et sur laquelle on voyait bien les coulures blanchâtres encore fraîches. Mon galant l’a délicatement élevée à la hauteur de son visage, en a humé le parfum et a passé sa langue sur la zone imprégnée de mes sucs, me regardant intensément.

J’ai relevé ma jupe sur le bas de mon dos, découvrant mes fesses nues, puis me suis appuyée au rebord d’une table et ai cambré mes reins au maximum pour faire saillir ma croupe charnue et ma vulve suintante.



Mon amant, estomaqué, mais docile, m’a littéralement clouée au meuble, s’introduisant en moi sans ménagement, et a commencé à me pilonner sauvagement, comme un bûcheron, ses mains agrippées à mes hanches. J’étais tellement excitée que j’ai joui presque aussitôt, dans un râle étouffé au vu de l’endroit. Bertrand a ralenti, mais mon désir n’était pas encore éteint.



Bertrand m’a assaillie de formidables coups de reins, la table tremblait sous ses assauts, et j’ai senti grandir dans mon bas-ventre une énorme vague, qui a déferlé dans tout mon corps au moment où l’organe mâle qui écartelait mes chairs a expulsé sa liqueur au plus profond de moi. Au vu du lieu à risque, la décrue de mon plaisir s’est faite rapidement, aussi rapidement que mon excitation soudaine eût grandi. Très digne, sous les yeux ébahis de mon collègue et amant, j’ai repris ma culotte, l’ai remise, lui en montrant le devant où se développait à vue d’œil une large tache.



Le trajet en métro jusqu’à la gare a été une épreuve, ni Bertrand ni moi n’avions envie de nous quitter. Nous avons même évoqué la possibilité de passer encore une journée ensemble dans la capitale, mais mon merveilleux amant avait invité ses enfants chez lui et moi, je voulais au plus vite régler ma situation conjugale, encore galvanisée par mon idylle avec Bertrand. Insensible au fracas du métro et à ses secousses, j’étais appuyée contre mon gentleman, en proie à une sorte de langueur, sentant s’écouler entre mes cuisses devenues collantes le miel de nos amours que la fine culotte ne parvenait plus à absorber. J’ai collé ma bouche à l’oreille de mon protecteur et lui ai murmuré :



Je passe sur les larmes de quai de gare, c’est trop difficile à raconter. Par contre, ne pouvant pas se résoudre à me laisser seule avec mon mari tout le week-end, Bertrand m’a invitée à passer la soirée du vendredi chez lui, ses enfants ne venant que le lendemain. J’étais folle de joie, cela me laissait environ deux heures pour annoncer à Roland les projets que j’avais pour lui, mais dont je n’avais pas parlé à Bertrand.

Mon voyage de retour a été l’occasion de réfléchir à la manière d’aborder mon mari, sans élever la voix ni, surtout, pleurer. Je voulais le dominer, l’écraser, j’étais redevenue femme de plein droit, libre de toute morale ou contrainte, comme le montrait l’auréole odorante qui maintenant tachait ma robe au niveau des fesses et que je ne cherchais pas à dissimuler, la considérant comme partie intégrante de ma féminité retrouvée.


En début d’après-midi, j’étais à la maison, Roland arrivait en général un peu plus tôt en fin de semaine, vers seize heures. Je me suis douchée, mais, avant que l’eau ne dissolve les traces de mes plaisirs, j’avoue m’être caressée, insérant profondément mes doigts dans mes muqueuses encore grasses de fluides pour les lubrifier, avant de les laisser s’occuper de mon clitoris impatient. L’orgasme est arrivé très vite et la jouissance m’a apaisée, rendant mon esprit disponible pour la suite de l’après-midi.


Voulant impérativement capter l’attention de mon mari, voire le choquer, je me suis habillée presque comme une prostituée. J’ai ressorti de mes armoires une courte jupe en cuir noir, un peu étroite désormais et qui moulait mes rondeurs avec vulgarité, parfait ! Une paire de bas autofixants à motifs, dont la lisère inférieure effleurait quasiment l’ourlet de la jupe a complété ce tableau osé, rehaussé par un chemisier de satin, lui aussi un peu étriqué (il avait dû rétrécir avec les années… !) que je n’ai pas pu boutonner entièrement, tant mieux, car sans soutien-gorge il comprimait mes seins et les propulsait en avant dans un décolleté des plus provocants. Rouge à lèvres pétant, grosses boucles d’oreilles, talons hauts, quand j’ai osé me regarder dans le miroir j’ai eu la conviction que rue Saint-Denis, je n’aurais pas déparé.

Pour finaliser le décor, j’ai posé deux valises au milieu de la cuisine. Et j’ai attendu.


La porte d’entrée a claqué, pas dans l’escalier, et Roland est apparu à la porte de la cuisine. J’étais debout, négligemment appuyée contre un meuble, un verre de vin à la main.



J’ai lu l’inquiétude dans le regard de mon mari, peu habitué à ce que je sois aussi salace et aussi directe.



La cuisine était équipée de haut-parleurs connectés, alors via le Bluetooth de mon smartphone, les mains tremblantes de rage, j’ai diffusé à plein volume le fichier sonore enregistré à son insu. J’étais survoltée, prête à lui jeter mon verre à la figure, à hurler, voire à le frapper, mais j’ai réussi à ne pas m’emporter.



Roland est devenu pâle comme un suaire, incapable de dire un mot, toute superbe avait disparu de son attitude, il n’était plus que le fantôme de lui-même. Il a juste réussi à bredouiller quelques mots, ineptes.



J’ai posé mon verre et suis partie, sans me retourner, tortillant exagérément de la croupe. Une fois dans ma voiture j’ai démarré, mais je me suis arrêtée trois minutes après pour fondre en larmes, tremblant de tous mes membres, vidée, déjà en proie à de terribles remords. N’était-il pas possible de faire autrement ? Roland méritait-il vraiment pareil traitement de ma part ? N’aurais-je pas dû au moins l’écouter, même si c’est lui qui a souillé le nid conjugal ? C’est vrai qu’il a toujours été là pour les enfants, qu’il m’a toujours soutenue, mais que moi je n’ai sans doute pas été à la hauteur de ses attentes sexuelles, et que je ne lui en ai jamais parlé. Pourquoi me suis-je jetée aussi vite dans le lit d’un collègue, lui accordant sans hésiter des pratiques contraires à mes principes, sans même avoir essayé de reconquérir mon mari ? Ne mérite-t-il pas une petite chance ? Que vont dire les enfants quand ils apprendront notre séparation ? Ils adorent leur père… Je vais être la briseuse de couple… Et mes cathos de frères du conseil d’administration ? Vont-ils vraiment demander la démission de Roland ? Je m’étais peut-être un peu avancée dans mes menaces…


Complètement déstabilisée par mes propres interrogations, j’étais incapable de me concentrer sur la route, et je me suis perdue pour aller chez Bertrand. Il a fallu que je l’appelle pour qu’il me guide et je dois dire que je n’ai rien vu du décor de son appartement, car à peine avait-il ouvert la porte que je me suis effondrée dans ses bras, en pleurs. Le pauvre. Il devait commencer à en avoir marre, de mes larmes.



J’ai asséché complètement mon système lacrymal, et ai attendu que cessent mes tremblements nerveux incoercibles. Cela a pris du temps, mais j’ai finalement réussi à regarder autour de moi plutôt qu’à l’intérieur de moi-même. La pièce était vaste, très lumineuse et meublée avec beaucoup de goût, mais les posters de judo semblaient un peu incongrus au regard du reste. Je me suis levée, avec peine, et suis allée me présenter, les yeux rougis, la démarche hésitante, à mon admirateur.



Bertrand m’a pris la main et m’a fait une visite guidée de son très bel appartement, me racontant des anecdotes à propos de ses enfants lorsque nous avons vu leurs chambres, sa bonne humeur et sa joie manifeste de me voir m’ont aidée à reprendre le dessus. Très gentleman, il m’a simplement montré la chambre d’amis à ma disposition ainsi que la salle de bains attenante, dans laquelle j’ai pris peur en me voyant dans le miroir. Mon visage était défait, mon maquillage avait dégouliné, mon rouge à lèvres semblait tartiné et, surtout, je portais encore ma tenue de pute, vulgaire à souhait, que j’avais complètement oubliée.



Il a éclaté de rire avant de m’embrasser tendrement sur la joue, suivant de l’index une longue coulure de Rimmel qui devait me faire ressembler à un chef indien partant sur le sentier de la guerre.



J’ai passé une robe longue boutonnée, assez près du corps en haut avec un profond décolleté cache-cœur, et fendue sur le côté. La ceinture nouée marquait ma taille de manière un peu excessive, mais je trouvais que cela mettait en valeur mes rondeurs sans effet de vulgarité grâce à la coupe fluide de la partie inférieure. J’ai troqué mes horribles boucles d’oreilles comme des roues de vélo contre de jolis pendants brillants, et me suis remaquillée légèrement, effaçant sur mon visage les ravages des larmes.



Je n’ai évidemment rien dit, et j’ai fermé les yeux quand mon hôte a posé ses lèvres sur les miennes, avec une infinie légèreté, sa main caressant ma joue et glissant jusqu’à ma nuque. Ce sont mes lèvres qui se sont ouvertes, réclamant un baiser plus profond, plus sensuel encore, que nous avons longuement partagé, laissant parler nos regards plutôt que nos mots.



Nous avons bu un verre, sans parler de ma situation, et ensuite Bertrand a servi le repas qu’il avait préparé, un véritable délice. Il m’a confié qu’il s’était mis à cuisiner après le décès de son épouse, les enfants en ayant marre de toujours manger la même chose.

La soirée est passée très vite, hélas, et l’intensité de cette journée m’a rattrapée, j’étais épuisée. Bertrand m’a proposé de dormir dans la chambre d’amis, mais mon regard de chien battu a eu l’effet escompté.



Je suis donc retournée à la salle de bains pour quelques ablutions, et pour passer un vêtement de nuit, en l’occurrence un joli pyjama de soie rouge, avec shorty en dentelles. Mais, Bertrand ne m’avait pas montré sa chambre, je ne savais donc pas où aller et j’étais plantée à l’entrée du couloir, un peu hésitante. J’ai sursauté quand ses mains chaudes se sont posées sur mes épaules à demi nues et qu’il m’a glissé à l’oreille :



Quelques minutes plus tard je dormais dans les bras de celui qui me comprenait, me dorlotait, me valorisait, et me procurait un immense sentiment de plénitude. C’est la lumière du jour et l’odeur du café qui m’ont réveillée, Bertrand était déjà levé.

Dans la cuisine, mon amant, très sexy en simple boxer, s’affairait à griller du pain, à couper des fruits en morceaux pour un petit-déjeuner royal. J’avais oublié de prendre une robe de chambre, alors c’est en pyjama un peu ajouré que je suis allée embrasser le plus attentionné des hommes.



Nous avons dégusté ensemble un plantureux petit-déjeuner, au cours duquel j’ai ressenti le besoin de résumer brièvement à mon hôte « l’entretien » avec mon mari, ainsi que les remords qui avaient immédiatement suivi et qui m’assaillaient toujours.



J’ai passé la journée chez Bertrand, en partie à cogiter. Après un bref déjeuner, il m’a emmenée marcher pour me changer un peu les idées, m’a appris à reconnaître les chants d’oiseaux, à lire les traces des animaux de la forêt, il était incollable sur la nature. En fin de journée, j’ai repris ma voiture et suis rentrée chez moi.

Roland était parti, ses armoires et placards vidés, une enveloppe était posée sur notre lit. J’ai hésité à la jeter sans l’ouvrir, mais je n’ai pas pu.


Mon amour,


Je comprends ta réaction, mon attitude n’est en aucun cas excusable ou pardonnable, et je ne cherche d’ailleurs ni excuse ni pardon. Notre vie de couple, c’est vrai, s’est bien dégradée ces dernières années, mais nous n’avons jamais eu le courage d’en parler, ni toi ni moi, chacun pensant certainement que c’était à l’autre de le faire, et voilà où nous en sommes aujourd’hui.

J’ai des choses à te dire, mais ne suis pas certain que tu veuilles les entendre parce que je t’ai profondément blessée. Pourtant, je ne peux pas accepter de te quitter ainsi, jeté dehors en quelques minutes et menacé d’être broyé par ta vengeance aveugle, sans avoir pu dire un mot. J’apprécierais qu’avant de mobiliser tes redoutables troupes familiales (ton colonel de frère va avoir envie de me fusiller comme traître, le curé va souhaiter m’excommunier avant de me crucifier et les jumeaux de la banque vont tout faire pour me ruiner jusqu’à mon dernier centime…) tu prennes la peine de m’écouter, afin d’être certaine que tout a été tenté avant de déclencher l’irréversible et de nous en faire assumer les lourdes conséquences.

Je sais bien que tu auras un avocat, moi aussi, mais s’il te plaît Christiane, avant de t’en remettre aux oukases de tes frères puis à l’implacable glaive de la justice, accorde-moi au moins un moment pour te parler, en terrain neutre de ton choix si cela peut te convaincre d’accepter.


Avec tout mon amour,


Roland


Je me suis assise au bord du lit, secouée, à la fois par le ton plutôt réaliste et par les propos que je ne pouvais nier : je n’avais rien fait moi non plus pour éviter cette situation, et je ne maîtrisais pas du tout les conséquences de ce que je voulais provoquer. Mais, je devais rester prudente et ne pas céder au chantage affectif, une arme de destruction massive au sein des couples en déshérence.


Toute proposition mérite réponse, alors j’ai rédigé un SMS laconique :


J’ai lu ta lettre. Je vais étudier ta proposition, mais j’ai besoin de temps. Tu seras tenu informé de ma décision.


Dire que j’ai mal dormi est un doux euphémisme, et prétendre que la nuit porte conseil ne prévaut que pour ceux qui n’en ont pas besoin. Au petit matin déjà, je tournais en rond dans la maison silencieuse. Devais-je, oui ou non, accepter un entretien avec Roland ? Est-ce que je risquais de m’y faire embobiner par cet habile négociateur ? Il avait su faire plier des Chinois lors d’âpres discussions, il n’avait sans doute pas peur de moi. Par contre, il ne connaissait pas mes exigences ni mes prétentions, elles n’étaient d’ailleurs pas claires pour moi, cette incertitude devait lui déplaire, car elle ne lui permettait pas d’élaborer une stratégie de défense.

Je me suis refusée à demander conseil à Bertrand, voulant le garder en dehors de mes démêlés sentimentaux et bientôt juridiques.


Après avoir listé les arguments en faveur de cette ultime entrevue et ceux qui s’y opposaient, j’ai décidé d’accepter. En effet, partant du principe que tout accusé a le droit d’être entendu, j’étais d’accord d’écouter ce que Roland avait à me dire. Le lundi matin, j’ai donc envoyé un bref message à mon époux.


Rendez-vous mardi après-midi, 14 heures, parc Diderot, côté kiosque à musique. Pas plus d’une heure et demie, aucune intention de signer quoi que ce soit.


Roland a accusé réception de mon message presque aussitôt. Le parc Diderot est un grand jardin public, avec des bassins, des chaises à disposition un peu partout, et en semaine il est peu fréquenté, nous y serions donc tranquilles pour « discuter ».

Je suis restée à la maison en télétravail le mardi matin, souhaitant avoir le temps de me préparer à cette drôle de rencontre avec mon mari que, il faut bien le dire, j’avais littéralement foutu dehors sans sommations, ce qui avait l’air de l’avoir marqué.

Sans même savoir pourquoi, j’ai choisi mes vêtements avec soin, une élégante robe bleue que nous avions achetée ensemble, quelques discrets bijoux offerts par Roland, et j’avais attaché mes cheveux en chignon un peu négligé, dégageant ma nuque, que Roland adorait embrasser avant de me faire l’amour lorsque cela lui plaisait encore. Souhaitais-je, inconsciemment, lui plaire encore ?


Je l’ai vu arriver, plutôt élégant dans son style sport chic, mais je m’étais juré de ne pas baisser ma garde face à ses éventuelles roucoulades.



Si j’ai baisé avec cette allumeuse, c’est parce que je suis sexuellement frustré depuis trop longtemps. L’amour en missionnaire un dimanche sur deux, ça va un moment, et malgré plusieurs tentatives de te faire découvrir d’autres façons de faire l’amour, rien n’a changé. Tu as le cul triste, Christiane, ce n’est jamais toi qui manifestes une quelconque envie de sexe, une once de désir, tu ne me prends jamais dans ta bouche, tu ne me caresses jamais, je ne peux pas te lécher la chatte, à t’entendre tout est dégoûtant et dégradant dans ce domaine. Ce côté bonne sœur, franchement, c’est pénible, alors j’ai petit à petit abandonné l’idée de te convertir aux joies du lit et ta ménopause m’a bien aidée, mettant en sommeil profond ta libido qui déjà faisait la sieste. J’ai moi aussi soixante ans, ma chérie, et si l’andropause n’est pas aussi voyante que la ménopause, sache qu’elle a aussi ses inconvénients. Pourtant, j’ai encore des envies et des besoins sexuels, et c’est avec ma femme, la mère de nos enfants, que j’aurais aimé les satisfaire, mais tu n’as jamais eu l’air de t’en soucier. Me masturber sous la douche comme un adolescent ne me convenait guère, et mes ultimes tentatives pour te montrer que j’avais envie de toi se sont soldées par des refus agacés de ta part, alors je me suis organisé pour… pour… gérer ma frustration, sans t’en parler c’est vrai, mais toi non plus, jamais tu n’as prononcé le moindre mot touchant à notre sexualité. Tabou ? Pas important ? Trop cochon ? Je ne sais pas. Mutisme total, on n’en parle pas.



J’étais estomaquée, Roland me coupait l’herbe sous les pieds, désamorçait brutalement mes désirs de vengeance. Non seulement il assumait pleinement l’adultère, sans chercher à m’entourlouper pour se défendre, mais, en plus, il me servait le même discours que Bertrand (dont je pensais qu’il avait un peu exagéré pour mieux réaliser son fantasme de me mettre dans son lit) en plus détaillé, sur mon pouvoir de séduction que j’avais été incapable de concrétiser, ou plutôt d’assumer, même avec lui, mon propre mari. Je tombais des nues. Que répondre à pareille question ? Comment ne pas passer pour une pauvre gourde qui joue avec le feu sans réaliser que c’est dangereux, puisqu’elle a elle-même alimenté le brasier qui va détruire son couple ? Comment n’avais-je pas su lire la lassitude de mon mari face à ma morale étriquée ? J’ai vite improvisé un embryon de réponse, idiote, car je n’avais pas du tout imaginé de pareilles révélations.



Roland s’est passé les mains sur le visage, l’air profondément abattu, et a longuement soupiré avant de reprendre la parole.



Dieu qu’il était beau, mon mari, dans sa résignation lucide, je dirais presque dans sa grandeur. Il avait fauté, lourdement, mais il l’assumait sans discuter, se bornant à mettre en avant des faits, difficilement contestables, sans chercher à se disculper, ni à m’écraser, cela m’a prise au dépourvu. Comment avais-je pu ne pas mieux aimer ce grand fauve, vaincu, mais pas soumis, encore digne dans la défaite ? Et moi, je m’apprêtais à briser sa vie si je mettais toutes mes menaces à exécution en présentant à mes frères la situation selon mon propre point de vue, alors que j’étais restée aveugle à sa frustration et, sans doute, à l’amour qu’il avait pour moi, enfermée dans mes certitudes d’un autre temps. Je me sentais toujours femme bafouée, mais ne pouvais plus désormais lui en attribuer l’entière responsabilité, de même que mon envie de le réduire à néant n’avait plus de sens, notre échec commun reconnu et ses conséquences suffisaient largement.

En le regardant, avant d’essayer de lui répondre, j’ai eu une subite envie qu’il me fasse l’amour comme il l’avait évoqué, à la hussarde sur une table, troussée debout dans les toilettes, je savais maintenant la force des orgasmes de mon corps si on savait l’y conduire, mais en trente-cinq ans je n’avais pas été capable ou n’avais pas voulu en montrer le chemin à Roland, et lui n’avait pas su le découvrir, alors que Bertrand m’y avait guidée en une seule nuit.