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Temps de lecture estimé : 24 mn
22/10/24
Présentation:  Où l’on retrouve Cassandre, la braqueuse romantique découverte dans la série « Cavale », publiée ici il y a quelques mois. Il n’est pas indispensable d’avoir lu « Cavale », mais c’est mieux, j’y ferai quelques fois référence.
Résumé:  Décidément, Cassandre a le chic pour se mettre dans des situations compliquées. Ou bien, c’est elle qui attire les ennuis ?
Critères:  #policier
Auteur : Laetitia            Envoi mini-message

Série : Imbroglio

Chapitre 04 / 05
Imbroglio

Résumé des épisodes précédents :

Décidément, Cassandre a le chic pour se mettre dans des situations compliquées. Ou bien, c’est elle qui attire les ennuis ?




Les jours défilaient, et il ne se passait pas grand-chose. Pas de nouvelles de Nelle… « Je vous rejoins très prochainement », avait-elle dit. La notion du « prochainement » est forcément relative d’un individu à l’autre. Enfin, elle devait avoir ses raisons.


Renata avait renoncé à téléphoner à son père. Nous passions le temps à écouter de vieux disques psychédéliques, à faire d’immenses promenades dans le coin. Nos corps étaient devenus deux parfaites machines à faire l’amour. Ils nous donnaient donc entière satisfaction… Quand on a la santé, comme disent les imbéciles !


À l’occasion d’une de ces virées pédestres, Renata s’était amusée à ne rien porter sous son short et t-shirt. Ce genre de gamineries, c’était tout à fait elle. En ce début octobre, l’été indien était là et la douceur se transformait encore parfois en chaleur. Le sud de l’Ardèche est déjà méditerranéen.



Les randonneurs se faisant rares après l’été, nous avons fait l’amour au bord de la rivière. C’était parfait.


À l’occasion de ces virées, j’emportais parfois un Colt Trooper que j’avais en réserve. Renata s’en tirait convenablement avec. Je lui appris surtout à le tenir pour que l’ensemble donne un air menaçant. Ça ne fait pas tout, mais ça impressionne toujours un peu.



Ce qui était clair, c’est que ce curieux silence ne valait rien de bon. Comment évoluait notre petite affaire ? Nelle nous en dira certainement plus… Quand elle sera là !


Et elle arriva. Un soir, nous avons entendu une voiture monter le chemin vers la maison. Je me suis saisie aussitôt du Walther PPK, que j’avais constamment à portée de main ces derniers temps. Je suis sortie devant la maison et j’ai regardé progresser un Range Rover. Le manque de précautions prouvait bien que les occupants ne cherchaient pas à nous surprendre. Ou bien l’occupante. Et c’était bien une occupante… Nelle Van Nieuwen descendit de sa voiture. Elle portait un jean délavé et élimé, déchiré aux genoux, un blouson de cuir et des converses. Malgré la lumière qui baissait, elle avait sur le nez une paire de Ray Ban Aviator aux verres bleutés, parfaitement raccord avec ses cheveux blond pâle, tirés en arrière et attachés en queue-de-cheval. Un look de baroudeuse, mais une baroudeuse très féminine.



Renata était restée près de la fenêtre dans la chambre avec le Colt Trooper, pour faire bonne mesure avec le Walther PPK que je tenais le long de ma cuisse.



L’arrivée de Shadow, alias Nelle me fit le plus grand bien. Elle baissa ses lunettes sur son nez, et dit :



Je mis de l’eau à bouillir pour des tagliatelles carbonara et j’ouvris une bouteille d’Amarone della Valpoli-cella Classico rouge 2019.



Décidément, cette fille avait toujours le mot pour rire.



Voilà pourquoi Shadow n’avait pas touché à son argent. Elle se tourna vers Renata :



Avait-elle tout fait pour le sauver ? Au moins pour l’épargner, quant à le sauver…



Elle eut un petit sourire, vida son verre d’Amarone della Valpolicella :



Elle commençait les phrases, je les complétais :



La première fois que j’ai rencontré Nelle, à Paris, et qu’elle m’avait sortie d’un mauvais pas avec les petits loubards, j’avais pu expérimenter la manière directe et plutôt froide, qu’elle pouvait avoir de régler ce genre de litiges. J’aurais presque plaint le petit jeune homme en question.


Elle vida un nouveau verre de vin et le reposa en ajoutant :



Renata frissonna.


Nous sommes allées nous coucher. Nelle eut un sourire en voyant Renata me suivre dans ma chambre.



Le lendemain, j’ai passé quelques coups de fil pour trouver de l’armement :



Ce matin, j’étais passée au tutoiement.



En rentrant d’Orange, Nelle et Renata étaient dans le salon en train de jouer aux échecs. Je notais le regard de la tueuse posé sur les cuisses de la jolie Allemande, qui avait la jupe légèrement remontée. Ainsi donc, Nelle avait les mêmes goûts que les miens. Pourquoi pas…


Je voulus en avoir le cœur net. Je me suis assise à côté de Renata et je l’ai embrassée, glissant ma langue dans sa bouche. J’observais les regards interloqués de deux jeunes femmes. Puis je me suis écartée de Renata, j’ai pris la main de Nelle et l’ai posée sur la cuisse découverte. J’ai approché mon visage de celui de la Hollandaise pour l’embrasser à son tour, tout en regardant sa main remonter sous la jupe de Renata. J’embrassais tour à tour les deux jeunes femmes, puis j’ai appuyé sur l’arrière de leur crâne pour qu’elles le fassent à leur tour. Pendant leur baiser, j’ouvrai la chemise de la tueuse, et pris un de ses petits seins dans ma main. Elle frissonna lorsque mes lèvres remplacèrent ma paume. Ma main descendit sur son ventre. Renata s’occupait de son côté de l’autre sein de Nelle. Nos mains se rencontrèrent pour déboutonner le pantalon de la Hollandaise, et se glisser dans l’ouverture. Nos doigts se mêlèrent sur l’étoffe de la petite culotte. Je pris mes deux amantes chacune par la main et les entraînèrent vers la chambre. Le lit king size étant plus adapté que le canapé pour nos ébats triangulaires.


J’émergeais du long moment de léthargie qui avait suivi le plaisir d’un orgasme puissant. Nous étions nues sur le lit, les trois dans le même état. Nelle avait encore sa main entre mes cuisses, la tête de Renata était posée sur sa poitrine.


Nous étions maintenant trois. Trois amantes contre des puissances plus fortes que nous. Mais nous avions pour nous l’effet de surprise et surtout ce plus que nous apportait la fusion de nos corps, mais aussi maintenant de nos âmes, nous liant dans un pacte bien plus fort que ceux d’en face.



oooOOooo



Quelques jours plus tard, nous sommes parties dans la belle Audi A7 du papa de Renata, direction Le Havre. J’en avais un peu marre de traverser la France dans un sens puis dans un autre, depuis le début de cette affaire.


C’est vers Issoire, sur l’autoroute, que se cala juste derrière nous une Mini immatriculée à Genève. Manifestement, c’était nos potes Bakary et Moussa. La dernière fois que j’ai vu les deux géants sur l’aire d’autoroute, ils ne m’avaient pas fait la meilleure impression. Maintenant, j’en étais certaine, nous n’allions pas être amis, eux et moi. Je me remémorais bien les airs méprisants de ces deux types.



Je suis sortie de l’autoroute après Clermont-Ferrand. Évitant Riom, je pris une petite route vers Volvic.



Derrière nous, la Mini manœuvrait furieusement pour doubler à son tour dans un virage.



En effet, la pauvre petite auto trimballait presque deux cent cinquante kilos, ce qui était forcément beaucoup pour elle. Dans mon rétroviseur, j’avais l’impression que bien qu’ils soient assis chacun sur leur siège, leurs épaules se touchaient. L’Audi, de son côté, passait de 0 à 100 km/h en à peine plus de cinq secondes. Ils furent rapidement distancés sur la petite route sinueuse. Je laissais la Mini sur place avec des accélérations à 160 km/h, dans une petite bourgade entre deux feux tricolores. J’accélérais encore à la sortie du village, les distançant complètement. Puis je m’arrêtais, camouflée derrière un bosquet sur une petite route adjacente. Passèrent trois minutes, puis la Mini ensuite. Je sentais que Renata était terrifiée, mais elle ne disait rien.



J’ai repris la route et suis arrivée à cent quatre-vingts derrière la Mini, tous feux allumés dans la nuit tombante. Une camionnette arrivait en face. Je doublais, passais sous le nez du pare-chocs de leur voiture, alors que la camionnette faisait des appels de phares, puis je donnais un gigantesque coup de frein. J’enfonçais enfin la pédale d’accélération, l’Audi s’envola à nouveau. Dans mon rétroviseur, je vis les phares de la Mini chavirer, puis se rétablir au milieu de la route. À l’occasion d’une belle et longue ligne droite, je repassais à deux cents. Nous avons traversé un bled endormi. Puis j’ai pilé et me suis garée sur le parking d’un hôtel, ouvert très certainement seulement en saison. La mini passa devant nous à une allure misérable. 130 km/h ?


Je fis ronronner à nouveau le moteur de l’Audi et j’écrasais à nouveau l’accélérateur. Je recommençais mon cirque. Mais cette fois, il faisait complètement nuit, je pouvais donc changer de technique. J’éteignis mes phares. J’étais dans un état assez bizarre. À la fois excitée comme une puce, et à la fois froide et calme. Il fallait prier pour que ne vienne pas à l’idée d’un automobiliste en face, de doubler. Il rencontrerait alors une Audi tous feux éteints lancée à deux cents. J’arrivais sur la Mini. En face le nez d’un poids-lourd apparu. Je le laissais passer, doublais aussitôt après et me rabattis juste devant la Mini. Comme je n’avais aucune lumière, ou Moussa, ou Bakary, allez savoir lequel conduisait ne vit que mes feux-stop s’allumer sous son nez, légèrement aveuglé par les phares du camion qui les avaient éclairés juste avant. Cette fois, ça marcha. La Mini prit d’elle-même la décision de quitter la route, en dépit de l’avis de son énorme conducteur. Je l’imaginais crispé sur le volant en écrasant le frein avec ses réflexes, cette fois émoussés. Malheureusement, elle partit sur la droite et n’alla donc pas s’écraser contre le poids-lourd suivant qui déboulait en face. Dommage… Dans le rétroviseur, je vis les phares de la Mini à une hauteur anormale. Puis lesdits phares de la jolie voiture anglaise inspectèrent le ciel. Je ne vis pas la suite, nous étions déjà trop loin.



J’eus un petit rire. À l’arrière, j’entendis Renata déglutir.



Nous étions débarrassées des deux truands. Morts ou pas, ils n’étaient plus à nos basques.


Le reste de la route fut bien plus calme et reposant. Je ne faisais que quelques excès de vitesse, rares et prudents. Nous sommes arrivées tard dans la nuit en Normandie. Nous avons trouvé une chambre dans un hôtel près de Honfleur, pas très loin du Havre.



Renata eut un petit rire qui désarçonna encore plus le pauvre réceptionniste.


Le lendemain matin, le portable de Renata sonna :



Je pris le téléphone :



Renata reprit le téléphone :



Et il raccrocha. Reni, c’est tout mignon comme petit surnom.



Est-ce qu’on allait se mettre aussi à appeler Shadow, je ne sais pas Chacha, par exemple ? Enfin bref…



Nous avions convenu de laisser Renata à Honfleur, et d’aller, Nelle et moi, faire du repérage sur le port du Havre. Juste pour jauger la configuration des lieux. L’arrivée du cargo n’était prévue que dans quelques jours.

Après le pont de Tancarville, il se mit à tomber de la pluie normande, laquelle, pour le connaisseur, ne saurait se confondre avec la pluie bretonne. La première à des gouttes petites et piquantes, plus que la seconde, qui elle a des gouttes plus molles. Du moins, c’est ce que Nelle expliqua avec son accent néerlandais au serveur du restaurant où nous étions arrêtées. Le pauvre hochait la tête, légèrement éberlué et à moitié convaincu. J’adorais l’humour pince-sans-rire de Nelle et la manière qu’elle avait d’expliquer des énormités avec le plus grand sérieux. En fait, j’adorais pas mal de choses chez Nelle. Son sang-froid et son professionnalisme indispensables dans notre branche, mais aussi ses jolies fesses, sa manière d’embrasser, et de donner du plaisir à sa partenaire. Froide, une arme à la main, beaucoup moins froide au lit. C’était Nelle.


Avant de repartir, je la laissais monter dans l’Audi et je téléphonais à Renata sur le parking :



Je pris sur moi pour garder mon calme.



Je comprenais. Enfin, j’essayais.



Quand elle prenait ce ton plein de détresse, il ne me restait plus qu’à céder. Une indécrottable romantique, je vous dis…



Bakary et Moussa. Les deux types, grands et gros, qui avaient manifestement l’habitude de louer des voitures toutes petites malgré leur morphologie, avaient cette fois pris un véhicule XXL.



Vers 16 heures, nous étions en approche de la zone portuaire du Havre, pour notre rapide repérage. Quand nous sommes reparties, il tombait des trombes d’eau cette fois. Je m’engageais dans une station-service. Le gérant semblait somnoler dans sa guérite alors que je faisais le plein. Le pick-up américain monstrueux se gara à la pompe d’à côté. Le gérant allait faire l’affaire de l’année. Remplir le réservoir du pick-up allait vider ses cuves.


Le conducteur de l’engin ne fut d’abord pas visible derrière les verres teintés. Mais la vitre électrique descendit et la tête de Moussa parut. Il me fixa en essayant de se donner un air terrifiant. Peut-être que ça aurait pu marcher, mais l’énorme pansement en travers de son front annulait absolument l’effet inquiétant et le rendait tout simplement comique. Il ressemblait plutôt à un œuf de Pâques. Je lui éclatais de rire au nez. Je soulevais un pan de mon blouson pour découvrir le holster à ma ceinture, contenant mon Walther PPK.



Il me regarda avec un air ahuri. Il était dommage que je ne puisse pas tirer tout de suite, là, sans le moindre commencement de discussion.



Je retirais ma carte de crédit de la pompe et je remontais au volant, tout en continuant à rire.



Sur ses genoux reposait son Beretta. Je déposais un baiser sur sa joue, puis sur ses lèvres.


La calandre monstrueuse du pick-up restait derrière nous à une cinquantaine de mètres. Un petit projet était en train de germer dans nos têtes.



J’avais passé des week-ends romantiques et érotiques sur la côte normande à une époque. Époque à laquelle je n’imaginais pas que je serais un jour suivie par deux tueurs africains, de cent vingt kilos chacun, au volant d’un pick-up non moins monstrueux, sur la route entre Pont-Audemer et Honfleur.


Le lendemain, nous sommes sorties discrètement de notre hôtel avec Nelle, laissant l’Audi bien en vue sur le parking. Les deux truands se trouvaient à une cinquantaine de mètres dans leur pick-up. Ils n’avaient même pas envisagé que nous puissions sortir à pied par-derrière. Ces deux abrutis se contentaient de surveiller l’entrée de l’hôtel et notre voiture. Étaient-ils seulement des leurres pour masquer l’arrivée d’une équipe plus puissante et surtout moins voyante ? Nelle avait répondu à ce sujet au petit-déjeuner :



Je ne pouvais qu’acquiescer à cette affirmation, pendant que Renata l’observait, légèrement horrifiée, en buvant son thé. Tous ces morts commençaient à lui peser. On s’habitue à l’accumulation de cadavres divers et variés. C’était bien entendu le cas pour Nelle et moi, mais pas encore pour Renata.


Nous avons quitté Honfleur à bord d’un utilitaire que nous avait prêté un employé de l’hôtel contre quelques petits billets. Nous avons trouvé l’endroit idéal pour la réalisation de notre plan du côté de Genneville, au milieu du bocage, des vaches normandes et des vergers de pommiers du pays d’Auge. La route était minuscule et montait sérieusement entre les haies. Nous avions trouvé, dans une ferme à une dizaine de kilomètres de là, un vieux tracteur, à un prix exorbitant, vu que le moteur fuyait de partout. Nelle monta sur le tracteur, et le fermier vendeur se moqua ouvertement des citadins, deux femmes en plus, qui achetaient ce genre de saloperie, bonne pour la casse. Notre plan se mettait en place.


Deux heures plus tard, Renata et moi nous installions dans un restaurant, à la table jouxtant celle de nos deux amis. Celui qui voulait écraser ma tête entre ses mains, Moussa, me jeta un regard furieux. L’autre, Bakary, avait l’air bien plus calme et bien plus dangereux. Assise sur son tracteur, à une dizaine de kilomètres de là, Nelle attendait en lisant Métaphysique des Mœurs de Kant. C’était, je le supposais, le fusil d’assaut posé sur ses genoux qui devait soutenir le livre.


Nos deux géants faisaient sensation dans le petit restaurant, surtout auprès du patron qui devait angoisser pour ses chaises. Je demandais à ce qu’on leur serve un Calvados du Pays d’Auge. Ils prirent certainement ça pour une demande de trêve temporaire, puisqu’ils me remercièrent avec courtoisie. Renata me demanda d’où je tenais mon sang-froid.



Ils acceptèrent et s’installèrent de chaque côté de Renata en lui disant qu’elle n’avait aucune raison d’avoir peur. Pour le moment, ajouta Bakary. À leur façon d’accepter cette petite trêve, ils étaient presque gentils. Pour un peu, j’aurais eu presque de la peine pour eux.



Il semblait bien être le patron du tandem.



Renata était plus blanche que le filet de poisson dans son assiette. Mais pour l’instant, les deux gros monstres marchaient bien dans le plan que nous avions mis en place avec Nelle.



Bakary nous sortait ces horreurs au milieu de la salle de restaurant en allemand, avec des chefs d’entreprise autour, racontant à leurs secrétaires leurs extraordinaires aventures, avec l’espoir de coucher avec elles l’après-midi même. Bakary lui parlait de la technologie moderne appliquée à la torture et des deux grands spécialistes dans le domaine. Le contraste aurait pu me faire froid dans le dos, si j’avais été émotive. Bon, ça fonctionnait parfaitement sur Renata, apparemment, toute tremblante entre les deux monstres. Pour enfoncer le clou, Bakary se tourna vers elle et lui dit dans son allemand à l’accent horrible :



Il en ajoutait une couche de plus dans sa petite bataille psychologique. Renata se mit à trembler. Parfait pour notre plan ! Je demandais l’addition, qui me fut apportée avec la plus grande célérité.



Mon blouson cachait parfaitement l’étui surélevé qui permettait de garder à la ceinture un pistolet en le laissant parfaitement invisible. Je leur montrais en écartant légèrement mon blouson.



Il s’exprimait aussi calmement que lorsqu’il vantait, quelques instants avant, les tortures que pratiquaient ses patrons.



Nous sommes sorties et Renata me dit qu’elle était terrorisée. Je manœuvrais pour sortir l’Audi du parking, et les deux monstres étaient déjà dans leur pick-up.



Elle me fit oui du menton, ce qui mit en évidence la jolie fossette que j’aimais tant. Elle dit :



Nous quittions Honfleur. Le pick-up nous suivait conformément au plan et j’allais de plus en plus vite. Nous allions sur la route vers Paris, je connaissais mon itinéraire par cœur. Tout était fait pour les leurrer. C’est leur propre suffisance qui allait les perdre. Ils se sentaient très certainement sûrs d’eux dans leur énorme pick-up. Comme nous étions sur la route de Paris, ils devaient se délecter, parce que dans leur esprit, nous étions en train de fuir.


Après Fiquefleur et sa jolie église, une petite route mène vers Geneville et Beuzeville. Je pris donc cette petite route à cent soixante, juste pour conforter dans les cervelles des deux imbéciles l’idée suivante, nous avions peur et nous voulions fuir. La route était étroite et à cette vitesse, les haies défilaient de chaque côté. Renata restait figée, mais ne disait rien. Seize heures au tableau de bord de l’Audi. Nous étions légèrement en retard pour notre rendez-vous avec Nelle. Nous avons passé Manneville, à une allure plus raisonnable. Dans le rétroviseur, je vis que le pick-up envisageait de nous doubler. J’accélérais à nouveau. Un peu plus loin, il y a un hameau appelé La Roche. Je freinais au dernier moment et pris une route encore plus petite qui montait dans le bocage. Derrière, le pick-up tortilla du cul, rata le croisement, recula. Je ralentis suffisamment pour leur permettre de nous rattraper.


En croisant une Twingo à plus de cent quarante, je craignis un instant que le pick-up ne percutât celle-ci à cause de sa taille et de l’étroitesse de la route. Il passa juste et le conducteur de la Twingo devait avoir une crise de nerfs maintenant. Nouveau carrefour, j’ai pris à gauche et accélérais à nouveau. L’Audi s’inscrivit admirablement dans la courbe. Le pick-up, parfait pour le tout-terrain, mais moins à l’aise sur le bitume, eut plus de soucis, mais enfin, y parvint. J’accélérais encore, distançant les méchants. C’était une toute petite route où deux véhicules ne pouvaient pas se croiser. Elle était droite et plate pendant un kilomètre, puis il y avait une montée, assez raide.


Je klaxonnais avant d’attaquer la montée et j’avais collé à nos suiveurs environ trois cents mètres dans le nez. Après les montées, généralement, on redescend. Nous avions placé le tracteur dans un chemin tout de suite après la pente de façon telle, que lorsque Nelle l’aurait avancé au milieu de la route, personne arrivant de la côte ne pourrait le voir. Enfin si, ils allaient le voir, mais vraiment trop tard. En passant, je vis le nez rouge du tracteur qui avançait déjà en travers de la route. Je freinais furieusement, pendant que dans mon rétroviseur, je vis Nelle sauter du tracteur, son fusil à la main et peut-être son livre dans l’autre. Je reculais de quelques mètres quand l’Audi s’arrêta, ce qui nous permit d’assister au spectacle.


Le pick-up apparu monstrueux au sommet de la côte à bien plus de cent soixante. L’homme qui voulait m’écraser la tête n’eut pas même le temps de songer à freiner. Les cinq jerricans d’essence que Nelle avait mis autour du moteur du tracteur ne pouvaient, bien entendu, rien arranger. Le pick-up poussa toute de même l’engin sur une quinzaine de mètres, qui s’était sous le choc renversé sur la route avant de s’enfoncer dans la haie à gauche. Tout se mit à exploser puis à brûler. Nelle s’approcha autant qu’elle put du tracteur pour jeter un œil. Puis elle se tourna vers nous en levant le pouce vers le haut. Les deux amateurs de tortures devaient être en train de rôtir. Ils n’avaient jamais imaginé qu’ils perdraient un jour leur graisse sur une jolie petite route du Pays d’Auge.



Je rigolais. Renata eut un nouveau frisson. Dans son genre, Nelle pouvait aussi faire dans le macabre.



Nous étions déjà sur la route qui nous ramenait à Honfleur. Nous avions croisé des véhicules de la gendarmerie, puis une ambulance (pourquoi faire ?), et enfin les pompiers (là, on comprenait mieux !). Des gyrophares de différentes couleurs tournaient au-dessus de ces véhicules qui poussaient toutes sortes de cris d’épouvante avec leurs sirènes. En fin de compte, c’était plutôt joli, un peu comme une espèce de petite fête. Je me demandais si le conducteur de la Twingo, que j’avais croisé comme une dingue, se souviendrait de la marque de la voiture grise. Et même si elle était grise d’ailleurs. À mon avis, ça allait bien trop vite et il avait eu bien trop peur. Je me demandais également, quelle description ferait le paysan des deux filles qui ont acheté son tracteur.



FIN DE LA PARTIE 4