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Temps de lecture estimé : 11 mn
27/11/24
corrigé 02/12/24
Résumé:  La comtesse de Beauchamp confie sa fille Adélaïde à Madame HORTENCE afin que celle-ci corrige son éducation.
Critères:  #drame #historique #aventure contrainte
Auteur : Stiletto      Envoi mini-message

Série : L'éducation d'Adélaïde

Chapitre 02 / 04
Mme HORTENSE

Note du comité éditorial

Cette série est à replacer dans son contexte du dix-neuvième siècle. La condition de la femme n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Heureusement que cela évolue (lentement) dans le bon sens.



Résumé de l’épisode précédent :

Adélaïde refusant catégoriquement un mariage de raison qui pourrait les sauver de la ruine, sa mère n’a eu d’autre choix que de faire appel à Madame HORTENCE




Le lendemain.


La nuit n’a pas fait changer d’avis la Comtesse de Beauchamp, et, dès l’aube, elle s’empare du même cordon que la veille. Constance, à peine réveillée, mais toujours aussi essoufflée, surgit prestement dans le salon.



La servante repart aussi vite qu’elle est apparue, et revient quelques minutes plus en compagnie de sa jeune maîtresse.



D’un geste de la main, Joséphine congédie la domestique avant de s’adresser plus longuement à sa fille.



La comtesse éprouve un sentiment de fierté en constatant le caractère bien trempé de la jeune femme. Adélaïde n’est pas sa fille pour rien : effrontée, intrépide, mais surtout profondément en colère contre cette société qui rend les femmes esclaves des hommes. Elle lui rappelle sa jeunesse, à l’époque où elle aussi se révoltait contre ce monde patriarcal.

Mais elle ne peut se permettre de le montrer, même pas à son propre enfant.



Demandez à Constance de vous aider à faire vos valises, nous partons sur le champ.


La comtesse avait prévenu le cocher qu’elle aurait besoin de ses services, et les chevaux sont prêts lorsqu’elle et Adélaïde se présentent devant la calèche.

Après s’être occupé des bagages et avoir aidé ses maîtresses à monter, Firmin demande :



Sachant que toute protestation est inutile, le cocher fouette les chevaux afin de conduire les deux femmes à l’endroit demandé. Et tandis que le cabriolet s’élance sur les pavés, Adélaïde rumine sa haine contre cette mère qui l’emmène vers une destination inconnue.


Une heure plus tard :



Devant l’allure toujours aussi patibulaire des badauds, le cocher s’inquiète de nouveau pour ses maîtresses, mais, craignant de se faire rabrouer comme la veille, il obéit sans discuter. Néanmoins, il serre son fouet prêt à intervenir, tandis que la comtesse et sa fille s’engagent dans une ruelle sombre et répugnante de saleté : la sulfureuse rue du Paradis.


En voyant son nom sur une plaque défraîchie, Adélaïde ne peut s’empêcher de s’exclamer :



Adélaïde reste perplexe devant cette réponse énigmatique, cependant, son attention est vite captée par les personnes qui hantent les lieux. Il y a bien sûr de nombreux mendiants, mais ce qui intrigue le plus la jeune fille, ce sont les femmes sans âge qui se tiennent debout à intervalles réguliers, en tentant de sourire malgré leurs dents cariées.

Inquiète, elle demande :



Élevée depuis sa plus tendre enfance dans un cocon, Adélaïde ne comprend pas le sens de ces paroles. La seule chose évidente à ses yeux, c’est que ces malheureuses sont dans une misère extrême. Est-ce pour cela que sa mère l’a emmenée ici ? Pour lui montrer la réalité du monde, et lui faire comprendre à quel point elle est chanceuse ?


La jeune fille se pose toujours la question quand elles arrivent devant une sinistre porte en bois, parsemée d’énormes clous rouillés.



La comtesse fait résonner le marteau en bronze, et une fente s’ouvre à hauteur d’homme.



Les deux femmes se sentent dévisagées, puis la voix grave leur répond :



La fente se referme aussi sèchement que le couperet d’une guillotine.


« Eh bien, drôle d’accueil », se dit Adélaïde.

Elle n’est cependant qu’au début de ses surprises. La porte s’ouvre au bout de quelques minutes, mais cette fois-ci, c’est une femme outrageusement maquillée et habillée de façon ostentatoire qui les accueille. Sa mère semble la connaître, mais, en ce qui la concerne, elle ne l’a jamais vue. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne ressemble pas à l’idée qu’elle se faisait de la mère supérieure d’un couvent !

Une voix aussi mielleuse qu’éraillée la sort de ses interrogations :



Sans même daigner répondre, Joséphine pousse sa fille à l’intérieur de la pièce, tandis que la lourde porte se referme derrière elles.



La comtesse de Beauchamp tend une bourse à leur hôtesse, qui la fait disparaître prestement dans son corsage.



La lourde porte s’ouvre un instant pour laisser repartir cette dernière, avant de se refermer aussitôt.

Durant toute la durée de l’entretien, la mère et la fille n’ont pas échangé un seul mot, pas un seul regard. Ce n’est qu’une fois seule dans la rue que Joséphine verse une larme avant de se ressaisir aussitôt. « ALEA JACTA EST », se dit-elle en quittant les lieux, les yeux embués.


À partir de maintenant, Adélaïde est seule avec sa nouvelle préceptrice.



Adélaïde ne prononce pas un mot durant ce petit discours de présentation.



Madame Hortense ouvre la porte, et Adélaïde pénètre dans un salon affreusement décoré dans un style baroque, et rempli de jeunes femmes quasiment dévêtues.



En entendant la voix de sa patronne, une petite brunette à la moue coquine et au regard espiègle fait son apparition.



Adélaïde regarde ceux que la jeune fille porte, et ne trouve pas de mot pour exprimer à quel point elle les trouve vulgaires. Pourvu qu’elle n’ait pas à porter la même robe affriolante et un maquillage aussi outrancier, se dit-elle !



Sans attendre, la petite brune la prend par la main et l’entraîne dans un dédale de couloirs jusqu’à une petite chambre de bonne sous les combles. Adélaïde a le temps d’apercevoir ça et là d’autres jeunes filles toutes plus vulgaires les unes que les autres, et à sa grande surprise, elle constate avec dégoût que certaines enlacent des hommes qui ne sont certainement pas leur époux.



« Confortable, elle plaisante ou quoi », se dit Adélaïde en examinant ce qui ressemble plutôt à un taudis. « Décidément, cette fille et moi n’avons pas la même idée du confort. Et pour ce qui est de l’élégance et des bonnes manières, n’en parlons même pas ! »



Ces mots à peine prononcés, la jeune fille, abasourdie par l’enchaînement si soudain des événements, se blottit dans un coin sans plus rien dire.

Au bout de quelques minutes, ne sachant pas très bien comment la sortir de sa prostration, Edwige décide de poser une question qui lui brûle les lèvres.



Adélaïde se redresse brusquement.



Edwige se met à pouffer de rire.



Les grands airs que prend sa nouvelle camarade amusent Edwige.



Edwige regarde son » élève « avec un mélange de surprise et d’agacement. Elle se demande si Adélaïde se moque d’elle en jouant les bourgeoises coincées, auquel cas elle est une très bonne comédienne, ou si elle n’a pas perdu la boule.



Cette fois-ci, il n’y a plus de doute, la nouvelle est complètement folle ! Ce n’est pas grave, cela promet de bonnes parties de fous rires. « Tâchons d’en profiter », se dit Edwige.



Edwige se tord de rire.



Il faut plusieurs minutes à la jeune fille pour pouvoir reprendre son sérieux.



La petite brune éclate encore une fois de rire.



Edwige regarde sa nouvelle camarade d’un air stupéfait.



Cette fois-ci, Edwige ne rit plus.



Edwige ouvre des yeux ébahis alors qu’Adélaïde la regarde d’un air terrifié.



Et elle ajoute, l’œil malicieux :


Tu verras, ici, il n’y a que du beau monde !



À suivre…