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Temps de lecture estimé : 5 mn
16/05/25
Résumé:  Depuis les Baléares jusqu’à la Galice, la guerre civile faisait rage depuis maintenant deux ans.
Critères:  #drame #nonérotique #historique
Auteur : Melle Mélina      Envoi mini-message

Projet de groupe : Une chanson, une histoire
El paso del Ebro

Ce petit texte est une histoire vraie. C’est une chanson républicaine pendant la guerre civile espagnole qui va vous plonger directement dans l’action, ou plutôt dans l’horreur de l’action


El paso del Ebro


Espagne, Juillet 1938


Depuis les Baléares jusqu’à la Galice, la guerre civile faisait rage depuis maintenant deux ans.


L’Espagne était le grand laboratoire de l’Europe, les armées allemandes, italiennes profitaient de cette occasion pour tenter des stratégies, ils vérifiaient la qualité de leurs armes, ils attendaient la réaction de la France et de l’Angleterre qui – pour le coup – restaient muettes comme des tombes. Les pions venaient de bouger sur le grand échiquier mondial, il semblait que les Espagnols n’étaient rien d’autre que des marionnettes et quelques puissants s’amusaient entre eux comme des mômes s’amusent avec des figurines.


Les armées séditieuses occupaient maintenant près des trois quarts du territoire et une dernière grande bataille devait être menée, le front était à présent sur l’Èbre et une victoire de Franco signerait à coup sûr la fin de la République.


Loin du front, les femmes entonnaient des chants pour pleurer leur peine et dans un orchestra magnifique, elles chantaient à gorge déployée pour quiconque voulait bien les entendre.

Les plaintes devenaient mélodies et donnaient des frissons de bonheur pour certains et de soulagement pour d’autres. Les chants rappelaient la douleur, mais ils étaient tellement forts, ils portaient en eux tant d’énergie qu’ils devenaient des odes à la joie, à l’espoir.

C’était un vent accablant qui amenait les rumeurs, les hurlements, les bruits d’aciers qui s’entrechoquent, et il s’immisçait dans les têtes et dans les cœurs des femmes qui écoutaient les plaintes lointaines. Comme en écho, les hommes répondaient aux chants féminins et elles les entendaient chanter à plein poumon leurs espoirs.


El ejercito del Ebro

Rum balabum, balabum bam bam

Una noche el rio paso

Ay Carmela, Ay Carmela


La bataille de l’Èbre venait de commencer dans une chaleur estivale rarement aussi étouffante. Il flottait dans l’air un parfum jamais ressenti jusqu’alors, un sentiment indéfinissable pourtant bien présent. Sans véritablement comprendre pourquoi, les deux camps pressentaient cette bataille comme la clef de cette guerre, celui des deux qui l’emporterait se verrait remettre les lauriers de la victoire. Toutes les forces s’étaient réunies pour le gain de cette terre.

Alors, affaiblis, les fidèles à la République chantaient de plus belle comme pour exorciser leurs peurs et pour se donner du courage. Certains chantaient dans l’espoir de s’auto-persuader de leur future victoire mais au fond d’eux-mêmes, ils croyaient plus en leur mort prochaine qu’en cette hypothétique fin.


Y las tropas invasoras

Rum balabum balabum bam bam

Buena paliza les dio

Ay Carmela, Ay Carmela


La grande faucheuse emmenait par millier les hispaniques comme si elle eût voulu dépeupler l’Espagne comme lors des grandes années de la peste noire. C’était une véritable hécatombe et les soldats, aveuglés par la haine, ne comptaient pas en rester là. Lorsque la lassitude les touchait, ils se motivaient les uns les autres pour reprendre de plus belle.

C’était bien humain. Les hommes nageaient dans cette atrocité comme des poissons dans l’eau, c’était leur domaine, ils pouvaient se laisser aller, être vraiment eux-mêmes, plus instinctifs que réfléchis, plus animaux que jamais sans personne pour le leur reprocher. Les soldats ne se comportaient plus comme tels, ils étaient devenus des assassins.


El furor de los traidores

Rum balabum balabum bam bam

Lo descarga su aviación

Ay Carmela, Ay Carmela


Arrivèrent les nuées d’oiseaux de métal qui jetaient leurs fientes meurtrières, l’escadrille allemande balançait des bombes comme la pluie de l’eau. Les Républicains avaient le visage tourné vers le ciel, ils recherchaient parfois le regard de Dieu, il était probablement tout occupé à la contemplation de ce maudit spectacle. Mais ils n’avaient pas le temps de maudire Dieu qu’ils devaient se cacher sous les décombres ou sous leurs frères déjà morts pour éviter les gravats et les tonnes de terre que les bombes faisaient se projeter.

Le bruit était assourdissant, rendant la terreur encore plus palpable car tous savaient qu’avec le vacarme, des camarades par centaines tombaient. Parfois l’éclat était si proche que les tympans explosaient et ils hurlaient leur douleur dans un silence profond, ils étaient devenus sourds.


Pero nada pueden bombas

Rum balabum balabum bam bam

Donde sobra corazón

Ay Carmela, Ay Carmela


Ils n’avaient plus le temps d’avoir peur, ils étaient tous à un tel degré d’agitation que les cerveaux ne laissaient plus le loisir de chercher à comprendre. Animés tels des robots, ils exécutaient le moindre mouvement machinalement sans aucun détour dans les méandres de la pensée. Si la chute meurtrière eut cessée, le temps de souffler, ils auraient sans aucun doute pleuré pour soulager leur âme ou leur cœur devenu si sombre…

Combien de temps dura cette bataille, depuis combien de temps ils tiraient sur des formes à peines visibles, cachées tout comme eux derrière des monceaux de terre ou même de corps, depuis combien de temps se cachaient-ils et s’enfouissaient-ils dans des trous tels des lapins, depuis combien de temps n’avaient-ils plus dormi, depuis combien de temps n’avaient-ils plus mangé… pissé, chié et plus simplement encore pensé ? Ils ne savaient plus. Ils ne savaient plus rien, ni ce qu’ils fichaient ici à risquer à tout instant leur mort, ni même qui ils étaient… ?


Contrataques muy rabiosos

Rum balabum balabum bam bam

Deberemos resistir

Ay Carmela, Ay Carmela


Avec plus qu’un seul mot d’ordre : résister, ils tenaient encore debout mais même la motivation la plus ancrée, la plus décidée ne peut résister bien longtemps aux ravages de la guerre. Une lassitude s’installait progressivement dans les âmes des combattants de part et d’autre des tranchées de sorte qu’il vint un jour où un timide cessez-le-feu bien involontaire permit aux belligérants de souffler, de faire le point.

La bataille semblait perdue, la défaite inexorable, il fallait penser désormais à fuir. Dans un moment de relative accalmie, les hommes se mirent à pleurer, leurs corps lâchaient. C’était un moment de lucidité, ils avaient perdu, ils avaient tout perdu, leurs idéaux, leur patrie, leurs familles et leurs âmes.


Pero Igual que combatimos

Rum balabum balabum bam bam

Prometemos combatir

Ay Carmela, Ay Carmela



Tout avait commencé en été et maintenant le froid régnait, serait-on déjà en hiver ? L’hiver arriva promptement cette année et autant l’été avait été particulièrement chaud, la saison froide promettait des records de froideur.

Par un beau matin de janvier, recherchée par les phalangistes, « la Pasionaria » Dolorès Ibarruri et d’autres camarades s’enfuirent à Moscou, conscients que les Franquistes exécuteraient sans merci les derniers Républicains.



EL PASO DEL EBRO (Ay Carmela)


https://www.youtube.com/watch?v=VQgSyUK08Rs