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Temps de lecture estimé : 23 mn
19/10/07
Résumé:  Comme chaque mois, Claire doit se rendre à Brioude pour vendre sa production fromagère. Mais ce voyage lui réserve quelques surprises...
Critères:  fh hplusag jeunes bain campagne caférestau amour hdomine cérébral revede nudisme nonéro mélo -amourdram -prememois
Auteur : Musea      Envoi mini-message

Série : Les sorcières de Saint Amant

Chapitre 04
Les cadeaux du hasard

Claire était de retour chez elle. Elle avait vendu sa production en quasi totalité et commandé le pain de glace pour transporter le lendemain le beurre, la crème, les œufs et les fromages à Brioude. Une crémerie de la ville prenait régulièrement ses produits. Elle devait juste les apporter en carriole tôt le matin. Ce voyage mensuel était une véritable expédition, et lui permettait d’effectuer quelques emplettes qu’elle ne pouvait faire au village. Elle emporterait sa robe des dimanches pour trouver du satin noir indispensable à la réparation. Elle défit les rubans de sa capeline et posa celle-ci sur la table. La chaleur était étouffante en ce début juillet. Il faudrait partir tôt, vers cinq heures, afin de ménager le vieux Domino.


Elle allait mettre le déjeuner sur la cuisinière quand elle entendit frapper à la porte. Elle sourit, reconnaissant Anita dans l’encadrement.



Anita s’installa pour faire l’omelette pendant que Claire décrochait la grande poêle et glissait un bon morceau de beurre qui se mit à grésiller sur la fonte. Elle coupa en fines tranches la dernière part de tome, l’incorpora aux œufs battus et fit glisser la préparation dans la poêle. Une bonne odeur de fromage fondu s’éleva dans la cuisine. Les deux amies se sourirent avec gourmandise. Le déjeuner allait être délicieux.


Claire soupira :



Claire rougit. Durant cette période, elle avait reçu le bouquet de Louis.



Claire plia l’omelette avant de la glisser dans le plat de service :



Anita sourit :



Claire se mit à rire en servant son amie. Mais l’image des caleçons, pantalons et chemises de Louis entre les mains d’Anita s’imposa à son esprit pour se superposer au sourire malicieux de l’homme tout à l’heure, lui causant une gêne inexplicable… Elle reposa sa fourchette, troublée.



Claire soupira :



Claire se mit à rire. La gentillesse d’Anita lui rendait l’appétit.



ooooOOOOOOoooo



Le lendemain matin, très tôt, Claire attela Domino à la charrette, graissa les roues et hissa les caissons remplis de glace et de sciure qui contenaient les produits qu’elle destinait à la crémerie sans compter un panier de provisions pour midi. Le jour se levait lentement quand elle partit. Elle avait devant elle plus de trois heures de route poussiéreuse au milieu des châtaigniers, des noyers, des sapins, des acacias et des vieux chênes. Le paysage se déroulait lentement, entre prés, collines, forêts profondes, mystérieuses, bordées de myrtilles et de digitales mauves. Les oiseaux chantaient le jour naissant. Domino trottait allègrement. La journée s’annonçait belle.


Peu avant huit heures, Claire s’arrêta au bord de l’Allier pour se rafraîchir et faire brouter l’âne. Elle voulait refaire son chignon, défroisser sa robe et passer un linge frais sur son visage. Le soleil faisait scintiller l’eau et quelques libellules passaient entre les iris jaunes, fils bleus vrombissants. Claire soupira. Par un temps pareil, elle aurait aimé rester là, se baigner, profiter de ce moment de paix propre au réveil de la nature lorsque la chaleur ne pèse pas plus qu’une aile de papillon. Elle quitta ses bas et ses souliers et s’avança au bord de la rivière : juste tremper ses pieds dans le courant. La fraîcheur la fit tressaillir puis fermer les yeux.


Après le voyage les pieds serrés dans ses chaussures à talons, elle avait l’impression de renaître. L’eau était certes un peu vaseuse mais bienfaisante : mélange boueux frangé de lumière d’or, caracolant sur des galets gluants. Mélange odorant de menthe, de cresson et de lichens pourris, parfum de pierre et d’eau. Surtout ne pas tremper le bas de la robe… La jeune fille sortit un mouchoir de batiste et le plongea dans le courant, avant de le passer tout en douceur sur son visage. Elle soupira d’aise. Au loin, les cloches de la basilique Saint-Julien sonnèrent la demie de huit heures, il était temps de reprendre la route.


Claire retourna sur la berge rattacher ses cheveux défaits, rajuster la ceinture de sa robe et remettre ses bas et ses chaussures. Domino s’était éloigné quelque peu. Elle le retrouva près du pont en train de grignoter les feuilles d’un chardon bleu.



Domino suivit sagement sa maîtresse et reprit la route qui menait à Brioude. Les rues commençaient à s’animer. Claire croisa quelques automobiles, conduites par des notables venus pour faire des emplettes et des affaires en ville. Elle eut juste le temps d’arrêter sa carriole sur la place pour éviter un concert de klaxons. Domino, qui détestait être bousculé, pouvait exprès ne plus avancer s’il était contrarié. La jeune fille le réconforta de quelques caresses et carottes et rejoignit à pied la petite rue qui menait à la crémerie. Le propriétaire venait juste d’ouvrir sa boutique et des effluves fromagères s’en échappaient. Lorsqu’il aperçut Claire, il siffla d’admiration :



Paulo, sur le chemin, regarda Claire d’un œil malicieux. Depuis deux ans qu’il travaillait chez le crémier comme commis, jamais il n’avait vu la jeune fille vêtue de clair. Et elle était si changée dans la robe bleue ramagée d’œillets rouges qu’elle lui paraissait complètement différente, presque intimidante. Quand il eut terminé de charger les caisses, il ne put s’empêcher de remarquer :



Claire rougit et demanda :



Claire sourit. Paulo s’enhardit.



Ils arrivaient au magasin et le jeune commis ouvrit les caisses pour sortir les produits afin que le patron puisse vérifier la marchandise. Ce dernier tâta les fromages, compta les œufs, goûta le beurre et sourit :



Lorsque Claire ressortit du magasin, serrant son argent dans son sac, elle se sentit toute joyeuse. Elle avait eu des compliments, la commande avait été vendue sans souci, avec une augmentation en prime. Elle allait pouvoir vivre ce mois sans inquiétude et même faire quelques économies. Elle repensa à la proposition d’Anita et décida, puisqu’elle avait bien travaillé, de faire une visite à la boutique de tissus qui faisait l’angle de la place. Il y avait si longtemps qu’elle ne s’était pas fait un petit plaisir. Elle regarda la devanture qui exposait satins, velours, dentelles et poussa la porte qui carillonna gaiement. La propriétaire, une dame très élégante, lui sourit aimablement.



Claire acquiesça et se dirigea vers les rayonnages où s’empilaient les coupons. Les tissus les moins chers étaient noirs, semés de petites fleurs blanches ou bleues, ou rayés finement. Les vieilles paysannes allaient toujours ainsi et Claire repensa à ses robes toutes pareilles… Si elle voulait retrouver son âge, il fallait donner un peu de couleur à ses tenues, Anita avait raison. Elle regarda les autres couleurs : du bleu, du rose, du grenat, de l’ocre, du brun. Parfois fleuri, parfois uni, parfois rayé. Indécise, la jeune fille fixait les coupons l’air ennuyé. Que choisir de pas trop salissant et de passe-partout pour la campagne ?



Claire sursauta et rougit. Non, ce n’était pas possible ! Lafargue était là, derrière elle, son regard bleu plein de malice.



Et il lui montra une panne de velours violet.



Et elle reprit sa contemplation des tissus.



Mais croisant le regard courroucé de Claire il se détourna rapidement, appela la vendeuse qui mesura le velours mauve, et paya rapidement, se retournant brièvement pour la saluer.


Claire était embarrassée. Lafargue avait le don de surgir à n’importe quel moment. Ces manières de loup guettant sa proie la mettaient en rage, ce d’autant plus qu’ils étaient en public. Un pli de contrariété se dessina sur son front. Non, décidément, les achats de tissus ne seraient pas pour aujourd’hui. Elle n’avait qu’une envie : rentrer. Elle sortit de la boutique et s’apprêtait à dénouer les rênes de Domino quand une main se posa sur son épaule.



La jeune fille se raidit.



La jeune fille soupira.



Lafargue se mit à rire doucement.



Claire rougit. Louis saisit d’autorité la bride de Domino et la rattacha au poteau. Il prit ensuite la main de la jeune fille, la baisa et lança tout joyeux :



Assis dans l’arrière-salle du Café de l’Allier, Louis racontait à Claire son travail avec passion, ses promenades solitaires, ses lectures, ses rencontres. Elle l’écoutait avec attention. De temps en temps, elle souriait et rencontrait le regard bleu de l’homme, empli de tendresse. La limonade coulait dans sa gorge et rafraîchissait ses joues brûlantes. Jamais encore un homme ne l’avait invitée et surtout pas à presque midi dans une arrière-salle de brasserie. Mais ici, cela ne semblait pas choquer plus que ça le patron qui avait tout de suite proposé un coin tranquille, loin du comptoir des habitués. Un court instant, Claire se demanda si Louis était un assidu de ce genre d’endroit. Il semblait si à l’aise dans ce lieu. Puis elle décida que cela ne la regardait pas et balaya l’image furtive d’autres jeunes femmes pareillement assises en face de lui.



La jeune fille, gênée, sourit tristement :



Claire ouvrit de grands yeux. Jamais encore quelqu’un ne l’avait interpellée aussi intimement. Elle hésita un long moment avant de répondre, cherchant les mots exacts et c’est avec lenteur qu’elle expliqua au luthier ce qu’elle ressentait.



Claire fut blessée de cette remarque. Elle se rebiffa.



La jeune fille soupira :



Le luthier fixa Claire avec une lueur d’émotion :



Ce disant, il enveloppa Claire d’un regard brûlant qui fit tressaillir la jeune fille. Sentant le trouble la gagner, elle crut bon de plaisanter :



Louis sourit à cette boutade et pour achever de troubler Claire il se pencha pour lui murmurer :



Claire rougit et baissa les yeux.



Louis la retint :



Claire éluda la question et repoussa doucement la main qui la retenait.



Louis, désarmé, relâcha son emprise :



La jeune fille se leva. Le luthier fit de même et lui baisant la main.



Louis sourit tristement.




ooooOOOOOOoooo



Sur la route qui la ramenait chez elle, Claire ne cessait de penser à sa rencontre avec le luthier. Sa dernière phrase, son regard, maintenaient la jeune fille dans un état de trouble qu’elle ne parvenait pas à dissiper. Une douce morsure au creux des reins, elle conduisait distraitement Domino qui en profitait pour aller brouter à l’ombre dès qu’il le pouvait. La chaleur était pesante. L’âne peinait sous le soleil et Claire, sous la capeline de paille qu’elle gardait toujours dans la charrette, suait à grosses gouttes : il fallait s’arrêter près de l’Allier, prendre un peu de repos.


Elle fit bifurquer Domino vers un chemin ombragé qu’elle connaissait et qui rejoignait la rivière et elle ne tarda pas à dételer l’âne près de la rive. Elle sortit ensuite les provisions du panier ainsi qu’une couverture et s’installa sous les arbres. Le sandwich au pâté de lapin était certes un peu suant, le vin de framboise coupé d’eau assez chaud, mais Claire ressentit un profond soulagement à savourer son repas dans cet endroit. Il y avait longtemps, presque une éternité, elle avait pique-niqué avec ses parents ici… Elle s’était même baignée dans le petit bassin que faisait l’Allier à cet endroit.


Si elle osait… Le lieu était désert et avec cette chaleur personne n’y viendrait… Elle reposa son verre, prit la bouteille pour la mettre à fraîchir dans le courant entre deux galets et évalua la température de l’eau du bout des doigts : elle était idéale, tentante. Claire fit passer sa robe par-dessus tête, quitta ses chaussures, hésita un moment avant d’ôter combinaison, culotte et soutien-gorge. Nue, elle s’avança vers l’eau et y entra en poussant un petit cri.


La fraîcheur la saisit mais en se mouillant régulièrement tout en avançant, elle arriva à se plonger toute entière dans l’Allier. Le courant la portait sans la déstabiliser et c’est avec plaisir qu’elle s’allongea pour savourer plus complètement ce bain improvisé. Au dessus d’elle, les feuilles dansantes des saules, des peupliers, et ce bruit d’eau cascadante… Claire soupira de délice. Elle se sentait revivre, reprendre le contrôle d’elle-même. Le trouble moite et insidieux qu’elle ressentait depuis le matin la quittait comme une peau morte. Elle était apaisée, détendue. Domino buvait non loin d’elle à longs traits, la fixant de ses yeux doux et humides.



L’âne agita ses oreilles pour toute réponse. Lui aussi goûtait le moment. Les mouches avaient presque quitté ses yeux et il prenait le temps de débusquer les herbes fraîches dont il raffolait. Deux libellules bleues passèrent près de la jeune fille, se poursuivant dans un joli ballet amoureux. Claire les observa un moment en nageant, puis elle décida de regagner la rive. Le soleil tournant, le bain devenait trop froid. Elle sortit de l’eau en prenant garde de ne pas glisser sur les galets gluants des bords de la rivière et essora sa chevelure trempée.



Elle chercha un moment dans l’eau peu profonde, sur les fonds sableux, réussit à en retrouver cinq. Puis, torsadant ses cheveux, elle fixa les épingles pour maintenir ce chignon improvisé, en espérant que ça tienne jusqu’à la maison… Elle attendit quelques instants avant de se rhabiller. Un vent léger caressait délicieusement son ventre, ses seins, ses cuisses, l’enveloppant de tiédeur douce. Un moment, elle se dit qu’il serait bien agréable de rester ici tout l’après-midi et prendre un peu de vacances. Elle se sentait libre, dans une bulle qui la protégeait du monde. Elle s’assit sur la couverture, rassembla les reliefs de son repas et les posa dans le panier. Puis, juste pour le plaisir d’un instant, elle s’allongea et ferma les yeux. Elle n’entendait plus que le bruit du vent dans les feuillages, les chants des oiseaux…


Elle avait dû s’assoupir sans s’en apercevoir. Le cri d’un geai sortant d’un buisson et des craquements de branches la firent sursauter. Elle était si bien qu’elle avait oublié qu’on pouvait la surprendre. Elle se leva d’un bond, remit à la hâte ses vêtements et alla rechercher la bouteille de vin de framboise. Elle était glacée et Claire but une longue rasade du breuvage. Maintenant, il lui fallait retrouver l’âne, qui avait disparu sous les frondaisons. Elle siffla et Domino ne tarda pas à surgir et trottiner vers elle. Elle l’attela à la charrette et ils reprirent la route du retour. Le soleil était moins chaud et Claire se félicita d’avoir passé les heures les plus difficiles près de la rivière.


La seule chose qui l’inquiétait était qu’on ait pu la voir pendant qu’elle dormait. Mais elle chassa cette éventualité, qui fixait immédiatement l’image de Lafargue dans son esprit : penser aux yeux de cet homme sur sa nudité était tout sauf raisonnable. Même si sa mère, alors qu’elle n’était qu’une enfant, lui avait dit que le désir était une belle chose, Claire ne voulait surtout pas s’abandonner à l’émotion qu’elle ressentait. Elle avait peur, comme la plupart des jeunes filles de son âge, d’être submergée par des sentiments sur lesquels, elle le sentait confusément, elle n’avait que peu d’emprise. Et puis, elle savait, pour avoir vu des voisines venir consulter sa mère, ce que le désir sexuel peut engendrer de grossesses non désirées, de secrets, de perte d’honneur… et cela, Claire n’en voulait à aucun prix.



ooooOOOOOOoooo



Quand elle arriva à la ferme, il était presque six heures du soir. Anita l’attendait à côté de la barrière en agitant un paquet enrubanné. Sûrement un riche client de l’hôtel d’Ambert qui lui avait offert un présent lors de ses livraisons et qu’elle tenait à tout prix à lui montrer. Claire éclata de rire lorsqu’elle arriva à sa hauteur :



Claire rougit, pensa immédiatement à Lafargue mais ne dit rien. Heureusement Anita enchaîna aussitôt :



Anita leva les yeux au ciel.



Anita s’exécuta et sitôt à l’intérieur :



Anita hésita. Ouvrir un cadeau qui n’est pas à soi, c’était quelque peu indiscret. Elle préféra attendre que son amie se décide et demanda :



Claire haussa les épaules.



Claire soupira et alla chercher des ciseaux pour couper le ruban qui entourait solidement et élégamment le paquet. Elle tremblait un peu. Lorsqu’elle ouvrit la boîte, Anita s’exclama :


Eh ben… mazette ! Tu as une bonne fée qui veille sur toi ! C’est magnifique !


Entourés de papier de soie, les deux coupons de coton fleuri, grenat et bleu lavande aperçus chez la mercière étaient pliés artistement et, glissée entre les deux, une carte marquée de son prénom. Le rouge aux joues, elle tira cette dernière qui révéla, épinglé à elle, un troisième coupon de soie blanche brodée de papillons multicolores.



Claire, anéantie, baissa les yeux. Il était peut-être temps de passer aux aveux. Elle s’assit et se resservit un verre d’eau. Puis commença :



Anita ouvrit des yeux immenses.



Claire rougit.



Anita sous le coup de l’étonnement en perdit la parole. Elle se leva, aspira une grande goulée d’air et toisa son amie d’un air fâché.



Anita secoua la tête d’un air navré.



Quand Claire eut terminé son récit, Anita soupira :



Anita haussa les épaules :



Claire retira l’épingle qui retenait encore le billet à la soie blanche et lut le message de Lafargue : Merci de ce délicieux moment passé en votre compagnie. Ce petit cadeau vous consolera je l’espère de la perte de temps que je vous ai occasionnée. La soie blanche, j’aimerais que vous la portiez pour fêter avec moi le 14 juillet. Nul doute que votre amie Anita vous en fera une robe ravissante. Je passerai vous prendre jeudi en huit, vers neuf heures. L.


Claire était devenue blanche jusqu’aux lèvres. Elle serra les poings :



Anita regarda son amie.



Anita soupira.