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Temps de lecture estimé : 17 mn
18/12/07
Résumé:  Claire découvre sa robe de bal chez la couturière et nos deux amoureux dînent à l'auberge. Mais un client les surveille. Serait-il une menace pour le couple?
Critères:  #drame #fantastique #sorcellerie #premiersémois fh hplusag bizarre hotel caférestau fête amour cérébral
Auteur : Musea      Envoi mini-message

Série : Les sorcières de Saint Amant

Chapitre 12
Ange ou démon



Mme Bourdeuil tournait autour de Claire qu’elle venait d’aider à revêtir la robe de soie. Angèle, la cinquantaine rebondie, grands yeux clairs et chignon blond, passa la tête dans l’embrasure de la chambre, et de ravissement joignit les mains :



Et elle courut les chercher avant de les piquer gracieusement dans la chevelure brune.



Claire n’en crut pas ses yeux. Devant elle se tenait une belle jeune femme vêtue d’une robe élégante comme elle en avait vu parfois dans les magazines de mode que collectionnait Anita. La robe était gracieuse, souple, légèrement satinée et les broderies de papillons multicolores donnaient de l’éclat au teint mat de la jeune fille. Elle tourna légèrement sur elle-même. Les manches courtes, en forme d’ailes, voletaient. La taille haute, façon empire, et ornée d’un ruban vert, enveloppait la poitrine et l’arrondissait joliment. Enfin, les roses donnaient la touche finale à la toilette, rendant encore plus distinguée la silhouette de Claire. Émue, ne pouvant articuler un mot, la jeune femme s’observait sans parvenir à croire ce qu’elle voyait. Mme Bourdeuil interrompit sa contemplation :



La jeune fille rougit.



Lorsque Louis apparut dans l’embrasure de la chambre, Claire se retourna, prise d’une émotion intense. Louis, tout comme elle, resta silencieux. Son regard se fit aigu, presque sévère tant la vision le ravit.



Et elles s’éclipsèrent d’un air entendu et complice.



Le luthier eut un petit rire :



La jeune fille rougit, baissa les yeux. Le luthier s’approcha d’elle et lui prit tendrement le menton avant de poser ses lèvres sur les siennes. Le baiser qu’il lui donna était plein de passion contenue, et Claire sentait battre son cœur à tout rompre. Il l’enlaça étroitement et lui murmura :



Claire ne répondit pas. Elle tremblait.



oooo00000oooo



Un peu plus tard, elle franchissait avec le luthier le seuil de l’auberge, déjà bondée de jeunes couples. Gustave Meyer s’agitait au bar, servant du vin blanc à toute vitesse. Aussi blond que le luthier était brun, pourvu d’une moustache fine, le sourire facétieux, l’aubergiste plaisait. Sa haute taille, son franc-parler, l’éclat de son regard vert, l’accueil chaleureux qu’il proposait ainsi que les délices cuisinés par sa mère, tout en lui respirait l’homme avenant, le camarade enjoué qu’on a plaisir à retrouver. Louis s’approcha du comptoir, délaissant un moment sa compagne dans l’entrée et malgré le bruit qui envahissait la salle, le héla d’une voix forte :



L’aubergiste considéra un moment son ami avec amusement puis, intrigué, s’exclama :



L’aubergiste leva les yeux aux ciels, soupira et, délaissant ses bouteilles :



Claire rougit. L’aubergiste lui adressa un sourire amusé puis il entraîna le jeune couple à une table, partiellement dissimulée derrière un grand vaisselier de chêne.



Louis fit asseoir sa compagne avant de prendre place. Voyant la timidité de la jeune fille, il crut bon de lancer une boutade :



Claire sourit :



Louis pouffa :



Le luthier sourit, ému de cette déclaration pudique. Il prit la main de la jeune fille et la porta à ses lèvres.



Claire, un peu interloquée par cette question brutale, sentit son cœur battre à grands coups :



Claire sourit :



Mais devant le regard passionné de Louis, elle crut bon d’ajouter :



Louis sourit et malicieusement :



Claire s’apprêtait à protester énergiquement lorsque Geneviève, blonde et plantureuse femme d’une trentaine d’années, s’avança vers eux et débita :



Cuisses de grenouilles en persillade

Ou Truite farcie au bleu d’Auvergne

Pintade au chou

Ou Aligot du chef

Plateau de fromages

Salade

Tartelettes des bois

Sorbet framboise à l’eau de vie


Mais si vous préférez, nous avons aussi une carte.



Et elle repartit vers les cuisines commander leurs entrées.



Ils discutèrent un moment, de tout, de rien, de cette soirée qui les réunissait. Louis observait sa compagne avec tendresse. Il la trouvait ce soir différente. Pas seulement grâce à sa nouvelle robe, mais il sentait quelque chose de spécial qu’il ne pouvait pas s’expliquer. Un moment, il crut voir une lueur étrange émaner du pendentif de Claire. Il sursauta et tendit la main vers l’objet qu’elle portait au cou :



Claire tressaillit.



Et elle lui expliqua ce qui s’était passé dans la nuit de lundi à mardi. Le luthier fronça les sourcils et prit sa main.



La jeune fille sourit :



Elle saisit son sac et alla demander à une jeune serveuse où se trouvaient les toilettes pour dames. Elle lui désigna un petit couloir qui jouxtait le bar dans la salle à côté et Claire s’y engagea. Elle ne vit pas le regard avide d’elle de l’homme accoudé au bar qui sirotait une chartreuse. Il la suivit des yeux, avec un étrange sourire. Sa main gauche caressa le poignard dans la poche de sa veste et il murmura :



Lorsque la jeune fille revint, elle croisa le regard étrange, pareil à celui de son cauchemar, et une montée d’angoisse l’étreignit. Le pendentif à son cou devint glacé. Elle porta la main à sa gorge tandis que l’homme, d’un air narquois, levait son verre à son intention. Elle pâlit et se dépêcha de rejoindre la grande salle. Louis souriait à Geneviève qui venait de déposer les entrées à leur table.



Geneviève sourit à la jeune fille :



Louis inquiet leva les yeux.



Mais le luthier n’en crut pas un mot. Lorsque Geneviève les quitta, il demanda :



Mais la jeune fille le retint.



Le luthier acquiesça, mais s’empressa d’ajouter :



Louis observa un moment l’homme. Les cheveux vaporeux et ondulés s’étalaient négligemment sur le col du costume sombre, et les traits fins du visage émergeaient d’une manière presque féminine. Mais la carrure imposante et l’allure nerveuse démentaient toute fragilité. L’homme devait avoir vingt-cinq ans. Un visage d’ange allié à un corps musculeux : une sorte de statuaire de Raphaël. Sentant qu’il était observé, l’ange posa sur Louis un regard dédaigneux et cruel. Un rictus de mépris plissa sa bouche. Il éleva son verre de chartreuse et but en fixant le luthier haineusement. Louis soutint le regard et serra les poings. Il ne ferait pas de scandale chez son ami Gustave, mais il se promit d’entretenir cet homme à sa façon s’il s’en prenait d’une quelconque manière à Claire. La main de la jeune fille se posa sur son poing gauche. Elle tremblait. Alors, pour la rassurer, Louis sourit et recouvrit de son autre main le poignet de sa compagne, avant de mêler son regard au sien.



Et il attaqua son assiette avec entrain, s’efforçant de masquer la colère qu’il ressentait. Claire soupira, presque découragée par l’assiette débordante qui se trouvait devant elle, mais l’attitude de Louis l’aida à retrouver l’appétit, coupé par l’inconnu. La truite était délicieuse, fondante, et la farce au bleu onctueuse. Le luthier semblait aussi se régaler. La jeune fille sourit. En mangeant, Louis semblait si sûr de lui, d’eux, de leur bonheur. Comme s’il avait compris ses pensées, il lui rendit son sourire, l’encourageant du regard.



Et de nouveau, elle se concentra sur son assiette. Lorsque Geneviève apporta le plat fumant d’aligot, la jeune fille avait laissé de côté sa peur et riait des plaisanteries que Louis lui racontait :



Le jeune couple acquiesça. Le plaisir d’être ensemble alimentait leur gourmandise, trompait leur faim de se joindre, de se toucher. Louis observait sa compagne à la dérobée, se délectant d’elle par avance. Il caressait des yeux tous ses contours, imaginait le jeune corps abandonné à son désir, palpitant sous le sien. L’aligot ne rassasiait pas la faim qu’il avait d’elle. Claire sourit en rougissant, rencontrant les yeux bleus du luthier :



Claire baissa les yeux en rougissant.



Louis tressaillit :



Un voile d’embarras parcourut le visage de la jeune fille :



Claire reposa ses couverts, l’appétit à nouveau coupé à l’écoute du programme.



Le luthier sourit :



Claire resta un instant songeuse. Elle repensait à son cauchemar. Et si l’homme se servait de leur désir pour les perdre ? Le pendentif une nouvelle fois s’alluma d’un éclat vert et la jeune fille tressaillit, persuadée d’un avertissement.



Le luthier étreignit les doigts fins de sa compagne et, plantant son regard dans le sien, répondit avec force :



Claire ferma les yeux. Elle aurait voulu que le temps se fige.



oooo00000oooo



Les premières fusées commençaient à partir lorsque Louis et Claire sortirent de l’auberge. Ils avaient retardé le moment de quitter leur table afin de ne pas être dans la cohue et de pouvoir monter déposer leurs affaires dans la grande chambre qui leur était destinée. Gustave avait donné la clé au luthier avec un air complice. Mais Louis n’avait pas relevé, absorbé par l’angoisse de Claire, et l’angoisse de la perdre. Cette peur souterraine surpassait son désir d’elle et dans l’escalier qui menait à leur chambre il luttait contre sa colère, l’envie d’aller en découdre. Pourtant, lorsqu’il alluma la lampe près du lit, il fut pris d’une émotion douce et tendre. Il s’assit, attira à lui sa compagne et la fit asseoir à ses côtés. Elle tremblait. Il l’entoura tendrement de ses bras et posa un baiser sur les lèvres douces avant de la basculer doucement sur l’édredon.



Claire resta silencieuse, mais l’attira plus avant contre elle et répondit tendrement à son baiser. Elle oscillait entre émotion de l’instant et inquiétude. Elle aurait presque trouvé rassurant de passer la soirée dans cette chambre si elle n’avait redouté de céder au désir qu’elle avait de Louis. Sous les baisers et les caresses du luthier, elle réalisait ce soir-là la force de cet élan qui l’emportait, la faisait trembler, la maintenait avide dès qu’il cessait son étreinte ; elle se sentait passionnée, brûlante et humide sous la soie de sa robe blanche. Son compagnon, ému de ses réactions, prolongeait leur étreinte, gémissant de bonheur à chacune de leurs caresses.


Un pétard éclatant sous leur fenêtre les rappela brutalement à la réalité. Le feu d’artifice n’allait pas tarder. Ils se sourirent et d’une même voix se murmurèrent :



…avant de se relever mutuellement et de défroisser leurs vêtements. La robe de Claire gardait quelques plis que Louis s’efforça d’aplanir. Après avoir refait son chignon et glissé à nouveau les roses de soie dans ses cheveux, la jeune fille tendit la main à son compagnon :



Et elle l’entraîna.