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Temps de lecture estimé : 20 mn
22/12/07
Résumé:  L'homme qui épiait Louis et Claire passe à l'action.
Critères:  fh hplusag jeunes bizarre danser fête amour hdomine chantage contrainte voir policier fantastiqu -fantastiq -amourdram -fsoumisah
Auteur : Musea      Envoi mini-message

Série : Les sorcières de Saint Amant

Chapitre 13
Magie contre magie

Lorsqu’ils arrivèrent sur la grand-place, le feu d’artifice en était presque au bouquet final. Bien qu’un peu apeurée par la foule et le bruit, Claire rayonnait au bras de son compagnon. Le moment d’intimité passé avec Louis lui avait mis le rose aux joues et sur les lèvres un sourire de bonheur. Le luthier enlaçait ses reins, les enveloppant de son bras, la main posée, caressante, sur la hanche de la jeune fille. Ce geste était celui d’un amant sûr que la nuit lui appartiendrait et que rien ne s’opposerait à son bonheur. Il était beau à ses côtés, non seulement par le costume clair qui s’accordait à merveille avec la robe blanche de sa compagne, mais aussi parce que son regard bleu avait pris une fièvre qui lui donnait l’air encore plus mâle que d’habitude. Un courant de désir, intense, brûlant, le faisait frissonner. S’il n’avait craint la malédiction, il aurait renoncé au bal pour apaiser la faim qu’il avait du jeune corps qui palpitait contre le sien.


Mais il devait attendre. Un soupir gonfla sa poitrine tandis que la dernière fusée éclatait dans le ciel velouté. Les musiciens accordaient leurs instruments, le bal pouvait commencer. Louis enlaça Claire pour la première valse, et mêla son regard au sien. Ainsi elle était sienne, car enfin elle s’abandonnait sans retenue dans ses bras, suivant ses pas, se donnant toute entière à la danse. Et il en éprouvait un surcroît de désir dont il cachait l’émotion par un grand sourire et un rythme de valse soutenu.


Claire n’était pas dupe de l’effort que faisait Louis. Elle aussi éprouvait dans son corps l’attente de l’union charnelle, avec un mélange d’impatience, de retenue et de contentement. Le ventre et les seins tendus, les reins tourmentés par cet appel mystérieux, sauvage et impérieux qui étreint les amants, elle se laissait emporter par le tourbillon des violons, des robes et des lumières. Elle aussi voulait oublier tout ce qui n’était pas lui, tout ce qui ne les concernait pas. Ce serait leur force, leur ultime pied de nez à la malédiction.


Pour la première fois, elle se sentait exister parmi la foule. Une femme amoureuse, une femme qui aime un homme et est aimée de lui. Sans peur, sans culpabilité aucune. Le plaisir conjugué de la danse et du désir faisait briller ses yeux noirs et donnait encore plus de tendresse à son visage. Les couples autour d’eux s’enlaçaient pareillement et les musiciens, stimulés par la fête, redoublaient d’ardeur.


Dans un coin, l’homme au poignard observait la scène, un rictus aux lèvres. Il tenait à la main un verre de liqueur de verveine et il fixait Claire tout en sirotant son breuvage. Un instant il ferma les yeux et se retrouva loin, très loin, des années en arrière, lorsqu’à seize ans il avait aperçu dans un verger une toute jeune fille cueillant les pommes rouges de la fin d’octobre, ses longues nattes et son jupon noir flottant au vent de foehn. Il se vit la guettant derrière un arbre tandis qu’elle rapportait à la maison paternelle le panier de sa cueillette. Il revit sa surprise, son envie d’elle et le baiser qu’il lui donna, ému jusqu’au plus profond. Les lèvres de Claire avaient un goût de baies sauvages… un goût qu’il n’avait jamais oublié.



Et il sourit alors largement. Il connaissait le moyen d’isoler la jeune fille de l’emprise de son compagnon. Ce serait si facile : il suffisait d’attendre la pause traditionnelle des musiciens, ce qui ne tarderait guère. Il posa le verre vide sur un tonneau près de la buvette et s’en fut vérifier les préparatifs de la noce magique qu’il voulait célébrer dans la petite chambre qui donnait sur la grand-rue. La rumeur du bal lui parvenait assourdie. Il examina les chandelles noires déjà allumées, les oreillers moelleux couverts de dentelle sur le lit ancien, la rose blanche près du calice d’or sur la commode, le miel de châtaignier, le vin, le cadavre d’un aigle et la fiole dans laquelle il avait recueilli quelques gouttes du sang du grand rapace, l’extrait de digitale qu’il mit dans sa poche, le flacon d’éther et les cordes, ces dernières soigneusement dissimulées dans le tiroir d’un chevet. - Pour le cas où je devrais te prendre de force ! Mais je doute que tu refuses de t’unir à moi, tu aimes trop ton luthier pour le voir mourir.


Il ne referma pas la porte. Il reviendrait avec sa proie quelques minutes plus tard. Il sourit, regarda sa montre à gousset sans l’ouvrir. Saint-Julien sonnait onze heures et demie. La dernière valse allait débuter avant les rafraîchissements, il était temps d’agir.



Son ombre longue se découpait dans la lumière des réverbères et il était si absorbé par ses pensées qu’il n’aperçut pas l’homme qui le suivait. Marius Pauvert, la quarantaine un peu rondelette, prévenu un peu plus tôt par son antiquaire de père, observait le sorcier avec attention. Il n’aimait pas l’allure aristocratique de cet homme. Quelque chose dans ses manières semblait affirmer une supériorité à la fois sociale et physique. Bien que d’excellente famille, élevé dans les meilleures écoles avant que d’être inspecteur de police, Marius avait toujours détesté les poseurs. Celui-là en était un, doublé d’un meurtrier en puissance et d’un malade mental.


Que venaient faire des chandelles noires, un cadavre d’aigle, de l’éther et de la digitale dans une chambre d’amour ? Voulait-il empoisonner et tuer la jeune femme qu’il convoitait ? Marius, sans connaître grand-chose des rites magiques, avait eu vent des pratiques de sorcellerie lorsqu’il était étudiant. Essentiellement des potions permettant de mieux conquérir les filles, mais il savait qu’à ces breuvages, onguents et autres pommades, d’autres ajoutaient des ingrédients qui permettaient le viol ou le crime. Il suffisait de bien connaître les plantes.


Il ralentit le pas, voyant le suspect s’arrêter en bordure de la place. Il ne voulait pas être repéré. L’homme sortit un objet de la poche de son costume. Un moment, Marius crut que c’était le poignard mais il ne s’agissait que d’un étui à cigarettes. Avant de commettre son forfait, il avait besoin de se rassurer et sans doute de repérer celle qu’il piégerait. Marius décida de prendre la ruelle Maurepas qui permettait de rejoindre la place sans être vu. Il voulait voir à quelle jeune fille le sorcier voulait s’en prendre. La rose blanche sur la commode indiquait qu’il la voulait vierge.


Baste ! Il avait l’embarras du choix à cette fête !


Les jeunes couples, fiancés officiels ou clandestins, étaient nombreux chaque 14 Juillet, depuis la fin de la guerre. Pour conjurer le malheur et la mort, ils s’enlaçaient toujours plus nombreux sur le plancher de bois de la piste, montée par les ouvriers municipaux. Les jeunes filles avaient revêtu leurs plus jolies robes et, même sous l’oeil vigilant de leurs pères, elles n’hésitaient pas à lancer des oeillades aux jeunes hommes qui leur plaisaient. Marius s’était souvent amusé à observer les couples dansant sous les lampions. Certains étaient attendrissants de maladresse, d’autres timides et réservés, d’autres encore passionnés, presque impudiques.


Arrivé à l’angle de la piste, en bordure de place, il examina une fois de plus les danseurs. Il nota que les couples mariés étaient les plus nombreux, curieusement. Ceux-là étaient conventionnels. Rien dans leur attitude ne laissait penser à une possible tentation.


Louis et Claire passèrent près de lui, entourés d’autres couples. La robe blanche brodée, les roses blanches dans les cheveux bruns de la jeune femme retinrent un instant l’attention de l’inspecteur. Mais, voyant l’homme qui l’accompagnait proche de son âge, il balaya l’idée d’un couple à ses débuts : Claire paraissait si épanouie, dans une sensualité qui n’était pas celle d’une jeune vierge. Un amant et sa maîtresse, pensa-t-il.


Et avisant leurs proches voisins, il se concentra sur un jeune couple, charmant de jeunesse et de fraîcheur, qui se dirigeait vers la buvette. La jeune fille blonde, liane rose froufroutante et rougissante, s’appuyait légèrement à son compagnon. Elle devait avoir à peine dix-sept ans. Une proie tentante pour le sorcier. Marius le chercha des yeux et le trouva près de la buvette, un verre à la main. L’homme semblait avoir lui aussi remarqué la jeune femme en rose. Il lui souriait d’un air goguenard tout en se rapprochant du couple. L’inspecteur se faufila derrière l’orchestre pour voir s’il n’allait pas passer à l’action. Mais il fut déçu. Le sorcier se contentait de compliments sucrés, avec force conseils au jeune homme, un peu gêné par ces déclarations crues :



Le sorcier fixa son interlocutrice avec un regard qui la figea.



Le jeune homme sembla hésiter. Il tenait la main de sa compagne serrée dans la sienne. Il était effrayé, furieux et en même temps vexé. Un mélange de sentiments qui lui faisait crisper le poing resté libre. Nul doute que son interlocuteur cherchait la bagarre. N’ayant aucune envie de scandale, il tendit la main vers le verre que le sorcier lui tendait, le vida d’un trait et répondit d’un ton sec :



Le sorcier sourit et murmura des mots incompréhensibles. Quelques secondes plus tard, le jeune homme s’écroulait brutalement, à la grande frayeur de sa compagne et des hommes qui se trouvaient autour d’eux. Saisi de convulsions, il s’agitait en tous sens. La musique cessa aussitôt. Des cris fusèrent de toutes parts. Les musiciens sautèrent au bas de l’estrade pour tenter de maîtriser le jeune homme qui semblait avoir perdu l’esprit. Marius Pauvert bondit hors de sa cachette pour porter secours. Il s’agenouilla près du garçon et essaya de le calmer. Puis hurla pour appeler un médecin. Il fallait faire vite. Une foule compacte se formait autour d’eux. La jeune fille en rose criait d’une voix stridente:



La confusion régnait partout. Les femmes poussaient des cris aigus, certains hommes avaient pris aux épaules les serveurs de la buvette pour leur régler leur compte. Marius releva la tête, mais le sorcier avait profité du bruit pour s’éclipser. Un médecin, sans doute prévenu par un passant, se pencha.



Pauvert se releva et tenta de se frayer un chemin pour sortir de la foule, électrisée par l’évènement. Il lui fallait retrouver l’homme, très vite, avant qu’il commette l’irréparable. Il fonça à contre-courant des couples qui se pressaient aux nouvelles, mais la foule le gênait et sa progression était lente.

Il allait sortir du plus gros de la foule lorsqu’il heurta un homme en costume clair, titubant, les mains tachées du sang coulant de son flanc gauche, le regard perdu, entre colère et effondrement. Aussitôt, Marius Pauvert le prit en charge et l’amena sur un banc en bordure de la basilique. Il compressa la blessure avec un grand mouchoir sorti de sa veste et héla un passant pour faire prévenir un autre médecin. Le blessé souffla un remerciement. Il était blême. Sa blessure n’était pas profonde mais l’entaille était large. Un coup de poignard au côté, plutôt bien ajusté, constata Marius.



Le luthier hocha la tête et s’agrippant au bras de son sauveur, il implora :



Heureusement l’homme qu’avait sollicité Marius revenait en compagnie d’un médecin. S’approchant du blessé ce dernier demanda :




Un gémissement de douleur échappa à Louis. Son regard se voila et il pressa la main de Marius.



L’inspecteur alors se leva.



L’inspecteur courut en direction de la grand-rue, réquisitionna deux hommes de forte stature qu’il emmena avec lui après leur avoir demandé de prendre une arme. Arrivés près du lieu où il avait vu l’étranger, il vérifia son pistolet de service et demanda à ses comparses d’armer les leurs. Il n’aimait pas s’en servir mais là il n’avait pas le choix. Le sorcier avait sans doute conservé son poignard et n’hésiterait pas à s’en servir à nouveau soit contre eux, soit contre sa victime. Il plaça ses compagnons contre la porte, qui lui parut creuse et légère, et un doigt sur la bouche leur fit signe qu’ils allaient enfoncer l’ouverture.


Une lumière tamisée brillait dans la chambre et les trois hommes entendirent un cri aigu de terreur. En prenant son élan, Marius espérait qu’ils n’arrivaient pas trop tard.


oooo00000oooo


Claire n’avait pas eu le temps de réaliser ce qui arrivait. Lorsque la musique s’était arrêtée, elle avait juste aperçu un corps à terre. Ensuite, l’homme qu’elle avait vu plus tôt au restaurant de l’auberge l’avait arrachée à Louis par la force, blessant avec un poignard le ventre du luthier. Elle avait crié mais son cri avait été couvert par celui d’autres femmes. Elle avait vu l’homme qu’elle aimait s’écrouler, puis tenter de se relever en titubant. Elle s’était débattue avec force mais son ravisseur l’avait entraînée hors de la foule, une main sur sa bouche et, sous la menace de son poignard, l’avait traînée jusqu’à cette chambre. Il l’avait jetée sur le lit hors d’haleine, non sans avoir poussé le verrou de la garçonnière.



Il contemplait la jeune fille, recroquevillée de terreur sur le lit, avec feu. Comme elle était belle ! Encore plus que dans son souvenir. Et le désir d’un autre avait comme nimbé son joli corps d’un éclat particulier. Il n’aurait aucun mal à la prendre, il le sentait. Mais auparavant il devait lui dire qui il était et la résoudre à renoncer à la magie.


Un éclat vert et un second, rouge, illuminèrent la pièce. Ils venaient du pendentif qu’elle portait au cou. Menaçant, le jeune homme s’approcha pour le saisir et briser net la chaîne qui le retenait mais un éclair rouge le foudroya dès qu’il tendit la main, le jetant à terre. Le pendentif protégeait sa propriétaire.



Claire fixa le jeune homme avec mépris. Une sourde colère montait en elle, faisant frémir sa voix et palpiter ses narines.



L’homme sourit devant l’innocence de cette remarque.



Claire hoqueta de frayeur et de surprise.



Mon corps cédera peut-être, mais jamais mon âme.



Et sans plus de façon, il se tourna vers la commode pour préparer la potion. Claire, le voyant occupé, se précipita hors du lit vers la porte et tenta de sortir mais l’homme, en trois enjambées, l’avait rejointe. D’une épaule, il referma la porte qu’elle avait réussi à entrouvrir et poussa le loquet.



À ces mots, prise d’un malaise subit, la jeune fille s’écroula. Olivier Desgrange la prit dans ses bras et l’allongea sur le lit avec une grande douceur. Il caressa son visage comme on rassure un enfant et sa voix se fit tendre lorsqu’il lui dit :



Effrayée, ne pouvant plus bouger, Claire laissait couler des larmes d’impuissance et de douleur. Son agresseur termina la potion et revint vers le lit :



Il but à longs traits le breuvage qu’il avait préparé et approcha la coupe des lèvres de la jeune fille. Elle détourna la tête avec effroi et du vin se répandit sur sa robe blanche, qui en fut comme maculée de sang séché.



Mais d’un geste habile l’homme immobilisa sa tête et réussit à verser la fin de la potion dans sa gorge, psalmodiant la formule que Marthe lui avait apprise. Bientôt une douce langueur termina d’affaisser le corps gracile et Claire dut fermer les yeux pour ne pas voir tanguer la pièce. Desgrange profita de sa faiblesse pour la dévêtir. Il lui ôta sa robe et déboutonna la combinaison blanche, enleva ses bas, sa culotte et sa chemise qui faisaient obstacle à son désir, sans écouter ses protestations impuissantes. Puis il entreprit de se dévêtir lui-même pour s’unir à elle. Il la couvait du regard, admirant le corps nu dont il allait se rendre maître.


Elle était belle, ravissante, et il en concevait un plaisir presque douloureux qui le faisait trembler. Marthe lui avait choisi une femme qui ne tarderait pas à découvrir tous les plaisirs de l’étreinte. Sur le lit, consciente de ce que l’homme voulait d’elle, la jeune fille terrorisée tentait désespérément d’esquiver les caresses du sorcier, luttant avec toute l’énergie dont elle était capable contre la drogue qui peu à peu la plongeait dans un demi-sommeil, repoussant son agresseur de ses bras avec horreur mais elle était presque sans force

et ses gémissements plaintifs d’horreur, de dégoût, hélas, loin de décourager Desgrange, excitaient son désir d’elle. Doucement il se pencha sur Claire et, malgré le cri de désespoir qu’elle poussa lorsqu’il lui ouvrit les cuisses, il lui murmura à l’oreille :



Il allait la pénétrer lorsque la porte de la garçonnière céda brutalement. Trois hommes à la forte carrure firent irruption dans la pièce, brisant net son projet.


ooooOOOOOoooo



L’ordre cinglait et Desgrange s’exécuta. Il prit une couverture sur un fauteuil Voltaire et la jeta sur Claire qui gémit. La jeune fille, presque inconsciente, ne percevait que par bribes ce qui se passait autour d’elle.



Desgrange se mit à rire.



Le sorcier sourit et avec beaucoup d’aplomb s’exclama :



Une vague de dégoût envahit la bouche de Marius. Non seulement l’individu était arrogant mais il le prenait pour un imbécile.



Desgranges éluda la question pour répondre :



Desgrange, se voyant confondu, chercha à gagner du temps. Marthe lui avait dit que l’entreprise pouvait lui coûter la vie s’il ne prenait pas les précautions nécessaires. L’inspecteur avait dû le surveiller bien avant qu’il ait capturé Claire. Il serra les dents, termina de s’habiller et au moment où il faisait mine d’enfiler sa veste, il allongea le bras, saisit le poignard et le posa sur la gorge de sa victime évanouie.



Desgrange eut un sourire incrédule.



Pauvert ne plaisantait pas. Le sorcier sentit sa résolution et, pire, entrevit la magie blanche du pendentif de Claire se déporter sur l’inspecteur. La crainte s’empara de lui. Il ne lui restait qu’une solution. Lentement il enfonça sa main dans la poche de sa veste tandis que d’un même mouvement, il posait le poignard sur le sol.



Mais Desgrange sourit et, se relevant doucement, il jeta une capsule qui envahit alors de fumée dense toute la pièce. Ses trois adversaires, saisis par la soudaineté de l’attaque, se mirent à tousser bruyamment, perdus dans un brouillard épais.



Mais c’était plus facile à dire qu’à faire.


Rapidement, frôlant l’inspecteur, une main sur son nez, le sorcier avait foncé vers la porte ouverte, se jetant dans la rue éclairée pour fuir son arrestation. Il était presque minuit et demi. Il avait échappé au pire. Le coeur battant, il se mit à courir dans la direction opposée à la fête. Maintenant il lui fallait retrouver sa voiture, garée près du cimetière de la ville. Sa Delage lui permettrait une fuite rapide. Marthe serait furieuse lorsqu’il arriverait tout à l’heure chez elle, mais l’essentiel était ailleurs : il avait retrouvé Claire, il avait blessé son rival soi-disant inattaquable et il avait sauvé sa tête : un défi aux prédictions alarmistes de sa marraine en sorcellerie. Preuve que rien ne pouvait résister à son pouvoir.


Il sourit avec arrogance tout en ralentissant le pas. Il trouverait un plan en chemin pour posséder Claire et écarter définitivement le luthier. Marthe l’aiderait. La victoire pleine et entière de la magie noire ne serait retardée que momentanément. Il en était certain.