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n° 13451Fiche technique48418 caractères48418
Temps de lecture estimé : 27 mn
10/09/09
corrigé 12/06/21
Résumé:  Louis doit se justifier auprès de Pauvert qui doute de son innocence. Desgranges, ayant envoûté Claire, a tout lieu de penser qu'elle s'offre enfin à lui malgré les soins et protections de son fiancé.
Critères:  f h bizarre campagne amour fsoumise hdomine contrainte cérébral voir policier fantastiqu sorcelleri -fantastiq -amourdram
Auteur : Musea      Envoi mini-message

Série : Les sorcières de Saint Amant

Chapitre 24
La part de l'ombre

Après avoir tenté de violer Claire Dupuy, le jeune comte Olivier Desgrange s’est caché dans une ancienne mine et, pour qu’on le croie mort, a fait brûler sa voiture dans laquelle il a mis le corps de l’avocat Marc Audebert qu’il venait d’assassiner. Grâce à des rituels de magie noire, il veut toujours posséder Claire, mais il constate l’échec de ses sortilèges car elle est protégée par son fiancé le luthier Louis Bergheaud, connu sous le nom de Lafargue et initié en magie blanche, la bonne magie.


Claire, qu’un policier accompagne, va vendre les produits de sa ferme au marché de Saint-Amant. Cabet, le policier, se moque cruellement de Mariette, domestique au château de la mère d’Olivier Desgrange. Mariette cherchera sûrement à se venger, redoute Claire. Le policier Pauvert examine le cadavre, et n’est pas absolument convaincu de son identité. Il en arrive à suspecter le charmant petit couple que forment Louis Bergheaud et Claire Dupuy.


Louis Bergheaud demande à la secrétaire de mairie de publier les bans en vue du mariage. La sorcière Marthe Rougier, initiée en magie noire, tente d’innocenter le comte Olivier Desgrange auprès de sa mère, qui le croit toujours mort alors qu’il renouvelle ses maléfices, toujours dans le même but : que Claire soit contrainte de se donner à lui.


ooooOOOOoooo



Durant ces évènements, dans le jardin de la ferme l’inspecteur Pauvert discutait âprement avec Louis.



Louis haussa les épaules, soupira et répliqua :



Louis sourit :



Pauvert sursauta. Il devait avoir mal compris :



L’inspecteur frémit.



L’inspecteur Pauvert réfléchissait. Tout ce que venait de lui dire Louis Bergheaud était cohérent et clair. Il ne s’était pas embrouillé et n’avait pas hésité dans ce qu’il avançait. Cela faisait à nouveau pencher la balance en sa faveur. Restait une inconnue: la magie.



Pauvert secoua la tête en signe de désapprobation :



Le luthier considéra l’inspecteur avec commisération :



Louis hésita quelques secondes puis répliqua :



Marius Pauvert passa la main devant ses yeux et secoua la tête:



Alphonse Charpin tapota l’épaule de Louis :



Louis n’eut pas le temps de finir sa phrase. Un cri rauque venant de la cuisine venait de retentir :



D’un même mouvement, l’inspecteur Pauvert, le luthier et Alphonse Charpin se précipitèrent dans la maison.


Claire était évanouie près du père Bideau et Henri Cabet tentait de la ranimer. Le luthier affolé tomba à genoux et, repoussant l’agent de police, saisit les mains de la jeune fille et les frotta entre les siennes en l’appelant :



Louis fixa Pauvert avec colère :



C’en fut trop pour Pauvert. Ce désaveu public au sortir d’une journée particulièrement mouvementée le faisait sortir de ses gonds. Excédé, il s’exclama :



Mais Louis était têtu.



Le père Bideau sourit d’un air entendu :



Pauvert soupira et, tendant la bouteille d’alcool à Louis d’un air dubitatif :



Le père Bideau répliqua :



Le luthier remercia le vieil homme d’un regard ému et s’empara d’un torchon qu’il imbiba d’alcool. Puis il frotta vigoureusement le front, les tempes, le cou, les bras et les mains de Claire.


Le remède était efficace. Bientôt la jeune fille remua et ouvrit les yeux. Louis sourit.



Pauvert, délaissant la soupe qu’il venait de remuer, s’agenouilla près de Claire :



Elle saisit son pendentif convulsivement avant d’ajouter :



Pauvert fixa la jeune fille dans les yeux :



Elle détacha le fermoir de la chaîne et le lui tendit en tremblant. L’inspecteur prit le bijou et le considéra attentivement. La chaînette tout comme le motif d’argent semblaient ordinaires, mais le cristal de roche qui y était enchâssé était étrange. Il était curieusement facetté et de ce fait, réfléchissait toute forme de source lumineuse.


Pauvert se déplaça dans la cuisine en le tenant devant lui et, comme le soleil inondait encore la pièce, un petit halo multicolore se projeta sur le mur. Puis le cristal scintilla lorsque l’inspecteur passa devant la fenêtre et enfin s’éteignit lorsqu’il revint se pencher vers la jeune fille pour lui rendre son bien :




Claire voulut protester mais, sentant que l’inspecteur était persuadé d’avoir raison, elle renonça. Elle se sentait faible et elle avait froid. Cabet ressentit sa détresse. Il lui sourit paternellement et proposa :




ooooOOOOoooo



La nuit était tombée à présent sur la ferme. Une nuit sans lune, étrange par l’obscurité profonde qui s’en dégageait et lourde par la chaleur étouffante ; une nuit comme juillet sait en octroyer aux contreforts du forez auvergnat.


Tout était calme. Pauvert seul, assis dans l’unique fauteuil voltaire de la maison, veillait en sentinelle sur le sommeil des habitants de la ferme tout en feuilletant le grimoire de Marie La Tourette. Il avait souri lorsqu’il avait vu le luthier monter deux fois à l’étage vérifier si Claire dormait paisiblement. Mais ce qu’il ne savait pas, c’est que Louis, angoissé à l’idée que le sorcier puisse s’en prendre à elle, avait déposé deux pierres sur le chevet près de la jeune fille, une obsidienne oeil céleste et un oeil de tigre. Et pour faire bon poids, il avait récité quatre fois une formule magique de protection : Par tous les anges, soyez des boucliers puissants contre les maléfices du sorcier Desgrange.


Puis, après un dernier baiser sur le front de Claire, Louis était redescendu dans la cuisine où l’attendait son matelas et le père Bideau déjà endormi. Quelques minutes après, il sombrait à son tour dans le sommeil.


Pauvert lisait toujours lorsqu’un coup de vent violent s’abattit sur la maison, le faisant sursauter. Un instant, une vive lueur mauve illumina le hall pour disparaître aussitôt. L’inspecteur se frotta les yeux, voulut se lever mais ne le put. La tête lui tournait étrangement comme s’il était pris d’un malaise.



Il saisit la cafetière posée à côté de lui et se resservit une dernière tasse. Mais le café avait un goût douceâtre inhabituel. Avec une grimace de dégoût, il recracha le breuvage dans le mazagran et passa la main sur son front. Une vague chaude de sommeil l’envahissait. Ses yeux se fermaient malgré lui, ses jambes devenaient cotonneuses…


Dehors, à quelques mètres de l’entrée de la ferme, Olivier Desgrange tout vêtu de noir et muni d’une lanterne sourde souriait, visualisant mentalement la scène :



Il s’approcha lentement de la maison, prenant garde à chaque pas de ne pas heurter une pierre ou une racine. Parvenu sans encombre à la barrière encadrée de lilas, il leva les yeux. Bien que l’obscurité soit grande, il arrivait à distinguer les contours de la fenêtre de la chambre de Claire. Une forte odeur de rose et de chèvrefeuille provenant des arbustes grimpants qui couraient le long de la façade vint exciter encore plus le désir du jeune homme. Elle était comme un signe d’offrande. Olivier Desgrange aspira profondément ce parfum sucré et entêtant puis murmura quelques mots censés briser toute résistance dans la maison. Mais, alors qu’il s’apprêtait à ouvrir le portillon, une gerbe d’étincelles mauves jaillit devant lui, le projetant au sol avec violence. Étourdi par le choc, le jeune homme se releva péniblement, étendit la main vers le loquet avant d’être à nouveau projeté en arrière violemment.



Il s’interrompit… Albin, il lui fallait retrouver Albin Dupuy. Il avait déjà convoqué l’âme torturée du père de Claire pour sa première incursion à l’intérieur de la ferme. La maison ne rejetterait pas le fantôme du pendu puisqu’il en avait été l’habitant. Il s’éloigna doucement en contournant les abords de la ferme. L’autre nuit, il avait trouvé le fantôme près de l’étable. Peut-être y était-il encore.


La silhouette était près de la grange. Elle semblait faite de vapeur grise, se fondant presque dans les pierres. Desgrange considéra longuement l’apparition fantomatique, la jaugea avec un sourire ironique avant de murmurer en étendant les mains dans sa direction :



Mais l’ombre vaporeuse disparut, semblant s’enfoncer profondément dans le mur de la grange. Et lorsque le sorcier tenta un sortilège pour l’en extirper, à nouveau la même décharge électrique violente se répandit sur ses mains. Le jeune homme hurla de douleur et son cri résonna dans toute la maison.


Pauvert, pourtant écrasé par le breuvage des Andes, sursauta, le coeur lui battant dans la gorge. Ce cri horrible semblait venir d’outre-tombe et résonnait en lui comme celui d’une bête à l’agonie… Non, il ne devait pas céder à la peur. Il chercha à tâtons la chandelle qu’il avait posée près de lui, saisit une allumette qu’il gratta et, une fois la flamme éclairant la table, il saisit d’une main tremblante une bouteille d’alcool de verveine et but une longue rasade à même le goulot.



Était-ce l’autosuggestion ou bien une réelle efficacité de la liqueur, mais il se sentit très vite beaucoup mieux. Ses pensées étaient claires, l’angoisse semblait s’être envolée. Il tenta de se lever. Plus rien ne tournait. Il entendait le ronflement régulier du Père Bideau et lorsqu’il s’approcha du matelas, il croisa le regard de Louis qui avait sursauté au même bruit et s’était réveillé.



Pauvert lui tendit la bouteille et Louis but à longs traits. Il se sentait mieux lui aussi. Il posa la bouteille à côté de lui, tenta de se lever, mais la tête lui tourna.



Dehors, la nuit pesait lourdement sur la ferme, exhalant les parfums du chèvrefeuille, du rosier grimpant et du foin nouvellement entassé dans la grange. La chaleur avait rendu les murs chauds sans que l’obscurité parvienne à rafraîchir la pierre. Pauvert s’avança sur le seuil, une bougie à la main, et scruta les alentours. Pas une herbe ne bougeait et l’on n’entendait nulle rumeur nocturne dans la campagne forézienne.



À la vitesse de l’éclair, une ombre passa devant la bougie qu’il tendait devant lui. Pauvert s’avança plus encore dans la cour pour tenter de voir où elle allait, mais ne put le découvrir. Un éclair mauve jaillit derrière lui, venant de l’entrée. L’inspecteur, surpris, rebroussa chemin, mais une fois parvenu dans le couloir, tout semblait normal. Le luthier s’avançait vers lui à grands pas.



Et, joignant le geste à la parole, le luthier se pencha vers le plancher qu’il examina attentivement. Son visage se décomposa lorsqu’il vit les améthystes brisées.



Pauvert se gratta le front. Il était embarrassé. Et si cette manifestation n’était qu’une manipulation visant à le détourner de son enquête ? Et si finalement, le luthier avait mis en scène tout cela ? Non, le malaise de Claire Dupuy n’était pas de la comédie… et l’inquiétude de Louis Bergheaud tout à fait sincère. Et il avait également lu suffisamment de passages des grimoires pour voir que le luthier ne lui avait pas menti… Alors qu’est-ce qui clochait dans cette histoire ? Il n’arrivait pas à le savoir et ressentait un profond malaise face à tout ce à quoi il avait assisté depuis le matin de son arrivée.



Pauvert soupira.



Le luthier sourit avant de grimper à l’étage muni d’une lampe à pétrole. Arrivé sur le palier, un courant d’air froid le figea sur place. La flamme de la lampe vacilla fortement et sembla se noyer avant de disparaître. Quelqu’un était là près de lui dans l’obscurité. Et c’était ce quelqu’un qui avait éteint la lampe.


ooooOOOOoooo



Se projeter en avant, utiliser l’énergie de l’adversaire… Oui, c’était ce qu’il fallait faire pour contrer la puissance des améthystes. Comment avait-il pu l’oublier ? C’était même un des premiers enseignements que Marthe lui avait donnés pour enrayer la magie blanche. Mentalement, Olivier Desgranges se concentra, évacuant la douleur persistante dans ses mains et ses bras, appelant les forces de la nuit à son secours. Une ombre mouvante, d’un violet profond, se détacha de sa personne comme un fantôme. Et elle se projeta contre la barrière énergétique qu’elle enfonça d’un bond. Un soupir de contentement s’échappa des lèvres du sorcier.



Et, stimulé par cette première victoire, son fantôme fonça un peu plus loin dans la cour. Il était presque face à la porte de la ferme lorsque celle-ci s’ouvrit et que, tenant une chandelle, l’inspecteur Pauvert apparut sur le seuil. Celui-là même qui voulait lui régler son compte deux jours plus tôt. Oubliant un instant que son ombre était invisible aux yeux des non-initiés, Desgrange imposa une retraite rapide à son double. Puis, comme l’inspecteur s’avançait dans la cour, il ordonna à son fantôme de se faufiler dans le dos de son adversaire pour, ensuite, enfoncer la dernière barrière d’améthystes de l’entrée. Celle-ci réagit faiblement à cette intrusion.


Et l’ombre du sorcier eut juste le temps de se réfugier dans l’escalier pour éviter le contact avec le luthier. Il ne fallait pas que ce dernier suspecte sa présence, sinon il était perdu. Même sous une forme éthérée, le sorcier ressentait le pouvoir de cet homme. Une lumière jaune presque blanche, très forte, mais qui pour l’heure semblait affaiblie. Vite, il fallait qu’il profite de cette incapacité temporaire…


Dehors, dissimulé sous un bosquet de noyers proche de la grange, Olivier Desgrange, pris d’une sorte de transe, visualisait et dirigeait à distance son double. Il entendait Pauvert et Louis discuter en bas dans l’entrée et le reste de la maisonnée ronfler. La voie était libre. Et Claire était maintenant à quelques mètres de lui.


Un instant il hésita. Il aimait ces moments, ceux qui faisaient battre son désir et son cœur très fort, ceux du tigre prêt à sauter sur sa proie. Une joie mauvaise s’était emparée de lui à l’idée du crime qu’il s’apprêtait à commettre en présence de ses ennemis et son sexe se tendit contre son ventre lorsqu’il ordonna d’une voie rauque :



Mais à peine le fantôme avait-il saisi le bouton de porcelaine qu’il le lâcha aussitôt. De violacée, son ombre était devenue comme chauffée à blanc. Il ne pouvait entrer. Un autre obstacle lui interdisait l’entrée du gynécée. Un autre piège sans doute, tendu par ce luthier de malheur.


Desgranges s’écroula sur le sol, étouffant un cri de rage. Il ne devait pas donner l’alerte. Mais était-ce son mouvement ou celui de recul de son ombre sur le palier de la maison, presque aussitôt, des pas pressés retentirent dans l’escalier, accompagnés d’une vive lueur. Celle d’une lampe à pétrole. Et à ressentir l’énergie qui se dégageait autour de cette lumière, il s’agissait de son rival. Vite, il devait se cacher de lui.


Desgranges fit s’élever en l’air son fantôme et lui ordonna de souffler sur la lampe qui s’éteignit presque instantanément. À présent, il lui fallait attendre. Attendre que le danger s’éloigne. Ou peut-être que le luthier lui donne accès malgré lui à Claire.


Son cœur battait à tout rompre tandis qu’au-dehors il s’efforçait de garder son calme. Il sentait que son ennemi avait deviné sa présence, s’en voulait mentalement d’avoir demandé à son ombre de souffler sur la lampe. Il voyait le luthier aux aguets, guettant son apparition.



Mais le silence, seulement troublé par les ronflements des hôtes de la ferme, fut la seule réponse qu’il obtint. Pourtant, il ressentait à nouveau cette même présence oppressante et cette même angoisse que la veille. Le sorcier était là, il le savait. Mais comment avait-il pu franchir la barrière d’améthystes ? Sa magie est puissante. Il vous tuera dès que vous ferez un rituel contre lui. Les paroles de Claire résonnaient dans sa tête à présent comme un avertissement. Il cessa tout mouvement pour essayer de deviner où était son adversaire. Le fantôme confiné au-dessus de lui en fit autant. Et, dans le bosquet, Desgranges murmura :



En prononçant ce dernier mot, il sourit. Il venait d’avoir une idée. Il mobilisa de nouveau son esprit et invoqua la Haute-Magie pour aspirer l’énergie qu’il ressentait du luthier. Le fantôme l’absorba aussitôt et prit l’apparence de l’ombre de Louis. La transmutation était douloureuse et Desgranges gémit en se tenant les tempes. Il crut un instant s’évanouir sous la pression brûlante de l’énergie du luthier, mais réussit à épouser la forme de son ombre. Puis il attendit quelques minutes, autant pour reprendre le contrôle de cette ombre que pour attendre la prochaine réaction du luthier.


Louis, après un soupir d’impatience, s’agenouilla sur le plancher et déposa la lampe devenue inutile, puis chercha en toute hâte dans une poche un briquet. Avec de la lumière, il verrait bien qui se cachait dans le couloir. S’emparant d’une main de son canif comme d’une arme, il battit de l’autre la pierre de chauffe du briquet qui fit jaillir une flamme haute devant lui. Mais aucune silhouette maléfique n’était présente sur le palier. Pourtant, il n’avait pas rêvé, il en était sûr. Il balaya la flamme du sol au plafond, mais rien de l’apparence du lieu ne lui parut différent ou suspect.


Il se pencha à nouveau vers la lampe, posa son canif au sol puis ôta le globe de verre et tourna la vis d’allumage avant de poser le briquet à proximité. La flamme s’étala bientôt dans un vif éclat bleu et orange, brûlant presque le bout des doigts du luthier. Il poussa un gémissement assourdi et lâcha vivement le briquet. Puis, baissant l’intensité de la lampe, Louis recouvrit à nouveau celle-ci de son globe. Alentour, tout semblait normal. Les ronflements de Cabet et de Charpin rythmaient presque ses mouvements et son angoisse s’apaisait. Peut-être Pauvert avait-il raison en pensant que les grimoires lui avaient tourné l’esprit ? Pourtant… L’éclat des améthystes, leur division en bas et puis ce ressenti si fort et ce courant d’air froid… Et si le sorcier avait réussi à franchir le seuil de la chambre de Claire ?


Il fallait qu’il en ait le cœur net. Il s’avança et tourna lentement le bouton de la porte. Dans son dos, son ombre vampirisée retenait son souffle. Louis passa le seuil de la pièce et découvrit la jeune fille allongée dans son lit, ses longs cheveux éparpillés sur l’oreiller de dentelle blanche, profondément endormie. Elle respirait paisiblement et seules quelques gouttes de sueur perlaient à son front. Louis sourit, rassuré de la voir si tranquille. Cependant que le sorcier, enfin parvenu auprès de Claire par l’intermédiaire de son fantôme, soupirait de contentement. L’angoisse du luthier avait servi ses plans. Il fallait maintenant attirer son attention ailleurs pour le détourner de la chambre. Et transmuter à nouveau pour rester dans la pièce, seul avec la jeune fille.


Desgranges se concentra intensément, invoquant à nouveau les forces les plus sombres de la magie noire. D’une de ses mains jaillit une boule de feu qu’il lança au travers du bosquet. Elle atterrit quelques dizaines de mètres plus loin, directement sur une meule de paille qui prit feu en crépitant bruyamment. Alerté par la vive lueur qui jaillit dans la chambre, Louis s’avança vers la fenêtre et, étouffant un juron en apercevant le début d’incendie, il sortit en toute hâte de la pièce, dévala l’escalier pour se précipiter au-dehors.


Au même moment, un cri retentit derrière les bosquets tandis que Desgranges dégageait son fantôme de l’ombre de son ennemi. La sortie avait été encore plus épuisante que la transmutation. La tête lui tournait et il avait peur d’avoir dévoilé sa cachette. Aussi, après avoir repris ses esprits, il rampa, entraînant avec lui sa lanterne, jusqu’à un chêne centenaire qui bordait le chemin des Herbettes. Derrière cet arbre, il serait invisible et suffisamment près encore de la ferme pour contrôler son fantôme.



Au loin, il vit l’ombre du luthier s’agiter avec deux seaux pleins d’eau pour éteindre l’incendie. Un sourire de joie se peignit sur ses traits. Avant que ce pauvre fou ait pu éteindre le brasier qui avait étendu rapidement ses flammes vers la barrière du pré, lui de son côté aurait maîtrisé la résistance de Claire.


Il se concentra de nouveau, projetant son énergie maléfique auprès de la jeune fille. Son fantôme était debout près du lit, prêt à accomplir sa mission. Dehors quelques flammes vives de l’incendie éclairaient encore par instants la chambre et le visage de Claire, inconsciente de la présence maléfique à ses côtés. Desgranges la contemplait à présent sans retenue. Et sa beauté ne faisait que renforcer le désir qu’il avait d’elle. Son sexe était si douloureux qu’il dût dégrafer son pantalon. La simple contemplation mentale de son plus cher fantasme aiguisait ses sens et lui tournait la tête. Lentement, il murmura le rituel d’envoûtement qu’il avait écrit quelques heures auparavant. Au fur et à mesure qu’il scandait ce poème, tout le corps de Claire se mit à scintiller.


Il avait réussi la première étape. Il demanda au fantôme de s’asseoir au bord du lit et de repousser doucement les draps. L’ombre maléfique s’exécuta sans que la jeune fille oppose de résistance. Elle semblait sous emprise et ne bougea même pas lorsque Desgranges, par l’entremise de son double, remonta sa chemise. Mais lorsque le fantôme se pencha en avant pour la caresser, le pendentif qu’elle portait au cou se manifesta, rejetant l’ombre maléfique au fond de la chambre.


Un juron échappa au sorcier.



Une nouvelle fois, il fit s’avancer son fantôme près du lit de Claire. Et tenta de contrôler le pendentif. Mais un éclair zébré d’or et de noir jaillit du cristal de roche, irradiant les mains du fantôme qui se tendaient vers sa victime.


Desgranges gémit sous la douleur de l’attaque. Il ne sentait plus ni ses mains ni ses bras. Il les frotta sur l’herbe pour extirper de lui le renvoi d’attaque du pendentif, mais rien n’y fit. Il n’avait plus aucune sensation. Il ne pouvait plus toucher Claire par l’entremise de son double. Et une douleur aiguë l’empêchait de bouger. Le cœur battant, l’esprit rageur, il attendit quelques minutes pour reprendre le contrôle de lui-même et de son fantôme. Mais le mal qui le rongeait était plus fort que sa volonté maléfique. Alors, à bout de résistance, il appela mentalement Marthe à son secours.


La voix chevrotante de la sorcière lui parvint quelques secondes plus tard et il entendit :



La voix de la sorcière noire s’éteignit dans ces derniers mots. Et Desgranges, serrant les dents pour vaincre la douleur qui rongeait encore ses mains et ses bras, se concentra sur les mains de Claire, posées calmement sur l’oreiller. Puis, tout en laissant son esprit fixé sur la jeune fille, il invoqua la puissance sexuelle qui unissait Claire à Louis. Lentement, les mains de Claire se soulevèrent et dégrafèrent les boutons de sa chemise de nuit, dévoilant un corps gracile aux formes cependant pleines. Le vêtement glissa bientôt à terre et la jeune fille apparut à Desgranges dans une somptueuse nudité, encore rehaussée par le désir qui tendait le ventre et le pubis légèrement bombé.



Pour toute réponse Claire, toujours endormie, entrouvrit ses cuisses puis les écarta lentement, dévoilant à son tourmenteur un joli sexe voilé de boucles sombres et orné en son milieu d’une perle rose et brillante. Desgrange, fasciné, contemplait l’entrecuisse moite de la jeune fille et, avalant sa salive, il dirigea son attention de nouveau vers les mains de Claire qu’il fit descendre jusqu’à son intimité. Peu à peu, la douleur qui le tourmentait quittait son corps et un désir ardent lui faisait place, le faisant trembler. Son sexe haut dressé de nouveau lui faisait mal à force d’attente. Il fallait qu’il l’apaise… Il saisit son membre et décalotta lentement son gland turgescent. Un soupir de bien-être s’échappa de lui tandis que, les yeux fermés et perdu dans sa transe, il contemplait toujours Claire dont les mains effleuraient à présent sa vulve trempée.



La jeune fille écarta d’une main les lèvres de son sexe, dévoilant plus avant son clitoris dressé et une fente humide d’un rose sombre. Puis, de l’autre, elle caressa tendrement son intimité, descendant jusqu’à l’entrée vaginale, remontant jusqu’en haut, débusquant puis tourmentant le bouton rose qui se gonfla et s’empourpra davantage.


Desgranges se masturbait au même rythme que Claire, son sexe tendu vers la jeune fille, et leurs deux plaisirs montaient peu à peu, investissant totalement leur corps et leur esprit. Chacun d’eux gémissait en écho, appelant le tourment suprême. Le corps de Claire s’arqua brutalement, renvoyant des ondes bleues sur le fantôme du sorcier qui frissonna, ressentant jusqu’aux tréfonds de ses entrailles le désir et le plaisir de la jeune fille.


Violemment excité par ce qu’il voyait et ressentait à présent, et ayant retrouvé toutes ses sensations, il accéléra sa masturbation et totalement pris par la passion il implora au bord de la jouissance::



Claire, soumise à la voix du sorcier, s’arqua plus encore sous les caresses conjuguées de ses mains, ses cuisses s’ouvrant largement, dévoilant une coulée de cyprine qui inonda les draps tandis que la jeune fille criait, hurlant son orgasme dans la nuit sombre.


Dehors, Louis qui terminait d’étouffer vigoureusement les dernières flammes de l’incendie avec une pelle, tressaillit. Il lâcha son outil et, saisissant la lampe à pétrole qu’il avait posée dans l’herbe, se précipita vers la maison. Mais le fantôme du sorcier s’était déjà volatilisé. Et lorsqu’il atteignit la chambre, Claire avait remonté les draps sur elle et dormait, un léger sourire sur les lèvres tandis que dans l’obscurité lourde de cette fin de nuit le sorcier regagnait la mine, corps et cœur comblés par cette première étreinte. Une étreinte qui en appelait d’autres, que Desgranges espérait encore plus perverses et encore plus intenses. Il possédait à présent la clé du plaisir de Claire. Et il savait déjà quand et comment il l’amènerait à succomber.