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n° 13816Fiche technique47445 caractères47445
Temps de lecture estimé : 28 mn
16/04/10
corrigé 12/06/21
Résumé:  Claire, bouleversée quand elle s'éveille, ne veut rien dire à Louis. Marthe Rougier avertit Olivier Desgrange qu'elle est en train de perdre ses pouvoirs de magie noire, mais il est certain de réussir tout seul : il possèdera Claire très bientôt !
Critères:  fagée bizarre campagne amour fsoumise hdomine vengeance contrainte revede policier sorcelleri -policier -fantastiq -amourdura
Auteur : Musea            Envoi mini-message

Série : Les sorcières de Saint Amant

Chapitre 25
L'emprise

Résumé des épisodes précédents :


Après avoir tenté de violer Claire Dupuy, le jeune comte Olivier Desgrange s’est caché dans une ancienne mine et, pour qu’on le croie mort, a fait brûler sa voiture dans laquelle il a mis le corps de l’avocat Marc Audebert qu’il venait d’assassiner. Grâce à des rituels de magie noire, il veut toujours posséder Claire, qui est protégée par son fiancé le luthier Louis Bergheaud, initié en magie blanche, la bonne magie.

Le policier Pauvert examine le cadavre, n’est pas absolument convaincu de son identité mais en arrive quand même à presque suspecter Louis et Claire. Louis se justifie et fait publier les bans en vue du mariage. Marthe Rougier, initiée en magie noire, innocente le comte Olivier Desgrange auprès de sa mère qui le croit mort alors que celui-ci renouvelle ses maléfices, toujours dans le même but : que Claire se donne à lui. Il rôde près de la ferme, enflamme une meule de paille et, parvenu par artifice dans la chambre de la jeune fille, l’amène à se donner du plaisir sous ses yeux.





ooooOOOOoooo




Comment sait-on que l’on est envoûté ? Quels signes permettent d’identifier une emprise maléfique ? Claire n’aurait pas su répondre à ces questions précisément mais son malaise persistant depuis son réveil la plongeait à la fois dans la terreur, le dégoût et lui faisait expérimenter une sensation d’oppression psychologique et physique telle qu’elle n’en avait plus connu depuis la mort tragique de son père.


Elle s’était éveillée en sursaut à la fin d’un cauchemar atroce vers six heures du matin, le corps en sueur, les sens chavirés de plaisir et d’horreur. Dans son rêve, Louis était penché sur elle, la caressait voluptueusement, mais lorsqu’enfin elle s’abandonnait dans ses bras, le visage du comte Desgrange se superposait au visage du luthier puis prenait totalement sa place. Et devant le désarroi de Claire, le sorcier se mettait à rire, un rire de triomphe et de victoire qui devenait sardonique à force de répétitions.


La jeune fille, encore terrifiée par cette vision, s’était aussitôt levée. C’est à ce moment-là qu’elle avait vu qu’elle était nue. Nue et le sexe poisseux de désir. Comment une telle chose était-elle possible alors qu’elle s’était endormie la veille vêtue de sa chemise, seule et terrassée physiquement par son évanouissement ? Louis était-il venu la retrouver dans la nuit ? Avait-il…? Non, il n’aurait jamais fait une telle chose… Une angoisse sourde s’empara de Claire. Et si Louis avait raison ? Et si le sorcier était venu jusqu’à elle ? Et si finalement il n’était pas mort ?


Elle devait quitter cette chambre au plus vite, retrouver les autres, se rassurer, se laver aussi et reprendre le cours ordinaire de sa vie. Elle se sentait sale, vulnérable et honteuse… Elle passa une robe de chambre, prit une large serviette sur son bras puis descendit l’escalier en prenant garde que les marches ne grincent pas. Le soleil montait derrière la montagne forézienne et les premiers rayons dardaient déjà sur le sommet des sapins un peu plus haut sur la colline d’en face. Rien n’avait changé dans le paysage. Et pourtant tout semblait différent à Claire ce matin-là. Tout semblait inquiétant, menaçant, instable.


Dans la cuisine où Bideau, Pauvert et Louis dormaient encore, Claire saisit la lessiveuse et sortit pour la déposer dans l’étable. Elle prendrait ainsi un bain en toute tranquillité avant le réveil des trois hommes et des agents qui dormaient dans l’ancienne chambre de ses parents. Une fois l’eau prise à la source et chauffée sur le poêle, elle alla la verser dans la lessiveuse avant de s’y plonger tout entière. La chaleur de l’eau lui fit l’effet d’un baume. Pendant un court instant elle eut l’impression de reprendre pied avec le réel, comme si le malaise, tel un voile de brume, se déchirait. Mais alors qu’elle commençait à se détendre, écoutant le clapotis de l’eau, observant ses longs cheveux mouillés flottant à la surface, une onde de volupté s’empara de son ventre, comme si le rêve se prolongeait. Elle ne voyait rien, mais tout son corps semblait frémir sous une caresse invisible. Les lèvres de son sexe s’étaient gonflées, l’eau chaude tentait de s’engouffrer au plus intime d’elle comme une vague puissante inonde les criques à marée haute. Attrapant un morceau de savon de Marseille, elle se releva brusquement du baquet et, avec rage, elle savonna sa nudité aussi fort qu’il était possible pour extraire toute sensation de moiteur, de malaise et de trouble. Mais malgré ce frottement énergique, elle ne parvenait pas à se défaire du cauchemar de la nuit. Il semblait s’être attaché à son corps, tourmentait son sexe et son esprit. Et malgré la présence amicale des aubracs qu’elle avait rentrées momentanément, elle sursautait à chaque bruit dans l’étable. Le pendentif à son cou se balançait mais, contrairement aux autres jours où il lui semblait protecteur, elle ne voyait plus en lui qu’un bijou inutile…



Deux larmes perlèrent à ses paupières puis roulèrent sur ses joues avant de tomber, lourdes de chagrin, dans l’eau du bain. Claire replongea pour les accompagner. Elle se sentait épuisée. Et presque étrangère à elle-même. Son corps fonctionnait sur un autre rythme que son esprit, et d’une certaine façon, réagissait hors contrôle. Et cela la plongeait dans un abîme sans nom. La jeune fille se cognait aux hypothèses les plus saugrenues, envisageait tout puis rejetait tout en bloc quelques minutes après. Effondrée, elle sanglota un moment dans le baquet sans pouvoir s’arrêter. Il fallait qu’elle purge d’une façon ou d’une autre ce mal-être. Les larmes lavaient ses angoisses mais n’avaient pas le pouvoir de les faire disparaître. Alors elle s’aspergea le visage, plongea sa tête quasi entièrement dans l’eau chaude, à la limite de la suffocation. Puis elle reprit une goulée d’air. Elle se sentait un peu mieux…


Il fallait qu’elle fasse quelque chose, qu’elle parle de tout ça à quelqu’un pour ne plus se sentir prisonnière de ce cauchemar. Pas à Louis, non. Surtout pas. Il pourrait tenter d’utiliser la magie. Et qui sait alors si cela ne serait pas pire ? La magie faite sans discernement, sans initiation, pouvait amener plus de mal que de bien, prétendait Rose, sa mère. Et la jeune fille était persuadée de la sagesse de cet avis maternel. Mais parler à qui en ce cas ? À l’inspecteur ? Non. Il n’avait pas cru à sa vision, l’avait mise sur le compte du traumatisme lié à la tentative de viol… Les policiers non plus ne voudraient pas la croire, Claire en était quasi certaine.


Restait Anita. Anita… oui… sa meilleure amie saurait quoi faire et elle ne se moquerait pas d’elle, non plus que de son récit et de ses terreurs. Mais comment la contacter sans alerter les policiers ?


Claire réfléchit puis trouva une idée : elle avait toujours les coupons de tissus fleuris qu’elle avait reçus de Louis peu avant qu’il lui déclare son amour. Elle pourrait dire à son fiancé qu’elle rendait visite à son amie pour qu’elle lui fasse deux robes de cotonnade. Après tout, ce ne serait pas un mensonge, elle avait promis à son amie de lui faire faire des tenues de travail. Et puis, elle était sûre de pouvoir trouver Anita chez elle ce dimanche après-midi.


Rassurée, la jeune fille se releva d’un bond, saisit la serviette et s’essuya soigneusement avant de remettre son peignoir. Puis elle sortit de l’étable pour vider son baquet. Et ce faisant, elle aperçut le luthier qui venait à sa rencontre. L’inquiétude se lisait sur son visage alors qu’elle versait l’eau sale sur l’herbe. Il courut jusqu’à elle.



Le luthier acquiesça en hochant la tête. Puis fixant la jeune femme il demanda :



Claire blêmit.



Louis s’interrompit. Il avait peut-être mal interprété… Il avait été si affolé par l’incendie, peut-être que l’émotion et le stress lui avaient fait croire à des choses maléfiques. Raisonnablement, comment le fantôme d’un mort aurait-il pu posséder une jeune fille ? C’était absurde. Le luthier passa la main sur son front pour chasser les visions érotico-criminelles et la colère qu’il ressentait. Il ne voulait pas inquiéter inutilement sa fiancée.



Le luthier sourit.



La jeune fille ferma les yeux un instant. À présent que Louis lui avait fait ces révélations, elle s’en voulait de lui avoir menti. Mais comment faire machine arrière maintenant qu’elle lui avait dit qu’elle n’avait aucun souvenir de la nuit ? Elle murmura :



Et en réalité, elle l’était. Louis venait de lui confirmer sans le savoir que Desgrange était vivant et tentait de la posséder. Et, au vu du cauchemar qu’elle avait eu la nuit dernière, de son malaise, le sorcier s’était servi de Louis à son insu pour l’approcher. Malgré les améthystes… malgré la protection policière. Et sans doute tenterait-il d’ici peu de le faire plus physiquement…


Claire pâlit et frissonna : le piège maléfique du comte se refermait sur elle, elle se sentait terrassée, incapable de pouvoir réagir. Son esprit se révoltait, mais son corps semblait avoir cédé la nuit dernière. Elle se faisait horreur… Elle revoyait le visage triomphant du comte au milieu de son cauchemar. Avait-il obtenu d’elle plus d’abandon qu’elle n’en avait consenti entre les bras de Louis ? Si cela était, elle ne pourrait plus épouser son fiancé.


Comme en écho à ses pensées noires, le luthier s’écria :



Là, le luthier s’interrompit. Devait-il parler à Claire de son propre héritage en sorcellerie pour contrer la magie noire ? Un bref instant, il hésita. La jeune femme semblait effrayée et rejeter tout ce qui touchait à la magie. Et il ne se voyait pas lutter contre celle qu’il aimait. Il devait concentrer son action pour la protéger et protéger la magie blanche dont il était à présent dépositaire. Il reprit le cours de sa phrase en la tournant d’une autre façon :



Le luthier sourit et enlaça tendrement la jeune fille :



Un baiser ardent vint clore cette discussion. Mais alors que tous deux, tendrement enlacés, rejoignaient leurs hôtes, chacun, enfermé dans ses propres angoisses, espéra secrètement avoir suffisamment rassuré l’autre.



ooooOOOOoooo



Une journée s’était écoulée depuis que Marius Pauvert s’était installé à la ferme Dupuy. Il avait investi momentanément une annexe de la mairie de Saint-Amant Roche Savine pour son enquête, profité de la présence de quelques locaux zélés pour faire perquisitionner le château Desgrange suite à son entretien avec sa propriétaire, mais il n’avait rien trouvé qui aurait pu lui donner la preuve d’une complicité de la comtesse dans les actions maléfiques de son fils. Rien non plus qui l’aiderait dans son enquête ni qui établirait de façon certaine une activité magique régulière du comte. S’agissait-il d’une pratique occasionnelle lorsqu’il avait surpris le jeune homme à Brioude ? Non, tout semblait avoir été tellement préparé, comme si l’homme était coutumier de ce genre de chose. Et puis, il avait même prévu de pouvoir battre en retraite sans être inquiété ni retenu. Posséder une capsule de gaz qui provoque une telle fumée : soit il avait un ami chimiste, soit il devait avoir longuement réfléchi aux deux agressions. Même la location de la chambre de Mme Jacquemin avait été retenue quelques jours auparavant. Rien n’avait été laissé au hasard. Olivier Desgrange devait donc avoir une sérieuse expérience de ce genre de situation… Avait-il commis d’autres tentatives de viols ? Peut-être faudrait-il interroger les services de police de Clermont ?


Pauvert errait tout en réfléchissant, un bol de café à la main, dans la vieille ferme forézienne de Claire, demeure aux poutres basses, à l’escalier de bois qui grinçait pour monter à l’étage, aux fenêtres étroites. Et pendant qu’il marchait de long en large entre l’entrée et la cuisine, la comtoise rythmait la vie de la maison sans pourtant lui donner les clés de son mystère. Car cette maison du siècle dernier avait un mystère. L’ombre aperçue la nuit dernière dans la cour, les améthystes qui bougeaient toutes seules et émettaient une lueur… le miracle de la guérison de Louis Bergheaud, les visions sanglantes de Claire Dupuy, le café empoisonné… l’eau redevenue normale ce matin, l’incendie déclenché tout à coup au bord du pré dont lui avait parlé le luthier, tout cela avait rapport avec la sorcellerie, et même s’il n’en était pas sûr, avec un cadavre qui refusait de livrer son identité véritable et qui lui semblait, de plus en plus, une sorte de mise en scène habile.


Bien sûr il avait interrogé la comtesse la veille. Mais celle-ci était trop bouleversée lors de la confrontation. Elle disait reconnaître son fils mais tout ce qu’elle en avait vu c’était une silhouette vêtue avec ses habits. Le cadavre était trop méconnaissable pour qu’elle puisse réellement confirmer son identité. Marius l’avait aussi bousculée lorsqu’il avait parlé de magie, et plus encore lorsqu’il avait parlé de Marthe Rougier et de ses pouvoirs, du fait qu’elle avait certainement initié Olivier. Sans aucun doute, la comtesse savait quelque chose mais s’était refusée obstinément à parler. Le choc peut-être d’apprendre la mort de son fils… à moins qu’elle ait aussi peur de la sorcière, qu’elle la redoute autant qu’elle l’appréciait.


Pauvert l’avait fait suivre discrètement pour tenter de mieux saisir les méandres de sa personnalité, et c’est parce qu’il avait su qu’elle était allée derechef chez Marthe Rougier qu’il avait fait perquisitionner le château. En vain hélas. Il lui fallait donc ce matin aller enquêter à la source, à savoir convoquer la vieille sorcière. Les gendarmes d’Ambert devaient déjà l’avoir emmenée avec eux à la mairie. Mais Marius le savait déjà en ce dimanche matin : l’entrevue ne serait pas facile. Et risquait sans doute de lui attirer les foudres municipales puisque la vieille femme y avait des responsabilités.


L’inspecteur soupira. Un instant, il fixa le fond de café de la nuit dernière, restée dans le mazagran sur la table de la cuisine et, avant que Claire s’en empare pour la vaisselle, il enveloppa le tout dans un torchon.




ooooOOOOoooo



À Ambert, la sonnerie stridente du téléphone de l’Hôtel du Pont retentit alors que dix heures venaient de sonner à l’église St Jean. Albert Privat, le concierge de l’établissement, décrocha le combiné et attendit. La voix d’une standardiste indiqua la provenance clermontoise de l’appel et lui précisa la mise en relation.


Albert se racla la gorge avant d’entamer la présentation d’usage :



Gaston Audebert émit un petit rire dubitatif.



Albert Privat sourit en raccrochant. Ce n’était pas la première fois qu’un client disparaissait sans payer sa note. Mais heureusement, cette fois-ci, l’hôtel serait dédommagé.



ooooOOOOoooo



Parvenu à la mairie de Saint-Amant vers 10 h 30, Marius fut rapidement hélé par l’adjudant Bardiau.



L’adjudant allait tourner les talons lorsqu’il se ravisa.



Marius sourit. S’il était vrai qu’il avait trouvé charmante l’amie de Claire, il l’avait également jugée bien jeunette et étourdie. Beaucoup plus que la jeune fermière. La perspective de la revoir l’amusait, même si le motif était sérieux. Allons, il irait l’interroger en fin d’après-midi. Cela le détendrait un peu. Et en attendant, il irait retrouver le médecin qui avait autopsié Marie Latour et le cadavre du comte. Peut-être parviendrait-il à savoir si l’eau du café de la veille avait été empoisonnée ?



ooooOOOOoooo




Dans un sursaut, le comte se dressa sur son lit de fortune. Marthe Rougier se tenait à ses côtés, une lanterne à la main. Elle semblait épuisée, presque à bout de forces.



Marthe sourit tristement. Elle souleva du bout des doigts une mèche de cheveux blonds de son élève avant de la lisser avec tendresse.



Un mouvement de rage échappa au comte devant le constat cruel mais néanmoins clairvoyant de sa marraine.



Marthe sourit tendrement à Olivier. Sa fougue, son énergie lui redonnaient un peu d’espoir. Elle serait sans doute inquiétée par la police, mais elle pouvait compter sur son élève en sorcellerie pour poursuivre et achever leur projet maléfique. Il était trop amoureux pour l’interrompre et il avait maintenant assez de pouvoir pour s’emparer de Claire Dupuy.


Elle contempla la statue d’argile représentant la jeune fermière dans la plus complète nudité. Le sortilège jeté avait été réalisé parfaitement. La jeune fille devait ressentir en son corps le désir profond de Desgrange. Chaque érection de ce dernier devait engendrer un écho voluptueux en elle… Chaque fois qu’il prononçait son nom, elle devait frissonner elle aussi de désir et de plaisir…


Un instant, la vieille sorcière ferma les yeux et, sans rien dire à son élève, se transporta mentalement dans la statue. Elle ressentit alors en elle tout le désir d’Olivier pour Claire et frissonna de volupté contenue. Si elle ne pouvait plus jeter de sorts, elle viendrait se nourrir à cette énergie sexuelle pour vivre, par procuration, cette possession totale. Elle serait ainsi, dans le plus grand secret, unie sexuellement à son élève par l’intermédiaire du corps de Claire.


La voyant à nouveau frissonner, Olivier s’inquiéta :



Marthe de nouveau sourit au jeune sorcier.