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Temps de lecture estimé : 10 mn
21/06/15
corrigé 08/06/21
Résumé:  Nicolas Brulart de Sillery échange son cavalier noir contre un autre... et prend la route vers Paris.
Critères:  nonéro historique
Auteur : Pierre Siorac      Envoi mini-message

Série : Le cavalier noir

Chapitre 04 / 06
Aventuriers et diplomates

Résumé des épisodes précédents :


« La légende du cavalier noir »

Le vieux comte Aldemar de Merville est devenu grabataire par la volonté de sa jeune femme Hortense, qui désormais le trompe et le torture avec l’aide du marquis de Cessac. Découvrant cela, son fils – Pharamond de Merville – reprend les habits du cavalier noir, tue le marquis de Cessac et enlève son père pour le ramener chez lui, après avoir sévèrement corrigé Hortense de Merville.


« Ce que femme veut »

Tandis que Rose et les serviteurs du domaine forcent Pharamond à accepter que l’on soigne son père, la comtesse de Merville tente de se prémunir des nouveaux plaisirs que le cavalier noir lui a fait bien involontairement découvrir.


« Le roi qui voulait être un homme »

Au milieu des intrigues de cour, le jeune Louis XIII s’interroge sur la manière de régner enfin par lui-même.




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Chapitre 4



Aventuriers et diplomates




Ainsi, il semblait bien que le destin ait choisi de laisser le comte et le chevalier de Merville en paix, loin des intrigues de la cour et des chausse-trappes du pouvoir. Nous aurions pu le craindre, tant il est évident que leur participation à l’avènement réel de Louis XIII au pouvoir pouvait se révéler essentiel. Mais nous aurions également pu l’espérer, tant l’harmonie familiale qui régnait sur le domaine de Pharamond faisait plaisir à voir.


En quelques semaines, en effet, Rose avait fait des merveilles. Le vieux comte, ragaillardi par les attentions dont il était l’objet, avait décidé de tout faire pour parvenir à parler de nouveau. Et la patience de sa bru, sa douceur mêlée à une inflexible volonté avaient fini par donner des fruits surprenants. Aldemar avait commencé par sortir quelques sons, puis par articuler quelques syllabes, et désormais il parlait. Lentement, certes, et faiblement… Mais enfin, il se faisait entendre et comprendre à nouveau.


Bien entendu, personne, hormis Rose, n’avait osé montrer trop de contentement devant le chevalier. Mais si ce dernier continuait de faire montre de sa terrible mauvaise foi, c’était désormais par jeu.



Ces propos, dont le genre inspirera le grand Molière bien des années plus tard, était tenus – il convient de le souligner – dans une réjouissante bonne humeur, et étaient souvent le préambule à de tendres siestes en début d’après midi… ou plus tard, les roses de la vie pouvant être cueillies à toute heure du jour comme de la nuit.


Mais le destin n’abandonne jamais ses projets, qu’ils soient heureux ou bien funestes. Et puisque la lettre de Luynes n’était pas arrivée à destination, il avait décidé d’envoyer un autre messager.


L’Histoire, la grande (comme on dit), ne retient souvent pour le grand public que les faits principaux. Elle nous donne quelques repères, quelques pistes, mais en oubliant trop souvent de nous faire part de ce qui se trame dans les arrière-cuisines ou dans les corridors, ce qui la rend souvent mystérieuse et injuste vis à vis de personnages dont la participation aux grands événements est essentielle. Nicolas Brulart de Sillery faisait partie de ces personnages essentiels. Qu’on en juge part quelques-unes de ses actions…


Aux côtés d’Aldemar de Merville, il avait été membre de la diplomatie secrète d’Henri III, puis de celle d’Henri de Navarre. Il avait négocié, entre autres, la paix de Vervins entre la France, l’Espagne et la Savoie, puis obtenu du pape l’annulation du mariage entre Henri IV et la reine Margot. Louis XIII lui devait donc déjà d’être vivant… Et sans Nicolas Brulart de Sillery, l’Histoire de notre pays n’aurait donc pas été ce qu’elle fut. Il faut bien parfois rendre justice aux hommes de l’ombre, et les mettre un instant dans la lumière qu’ils méritent.


Répondant à l’appel de Luynes, Sillery devait passer par le domaine de Pharamond, dont il était le parrain et à qui il décida de rendre visite. On imagine donc sa joie, sa surprise et la chaleur des retrouvailles qui eurent alors lieu… Il fut convenu qu’il passerait la nuit au domaine, et le repas du soir fut prétexte à une longue conversation au cours de laquelle Sillery évoqua le projet de Luynes ainsi que quelques souvenirs.



On partit donc dans la fraîcheur du petit matin de ce début d’avril 1617. Nicolas Brulart de Sillery portait encore beau malgré ses soixante-trois ans bien révolus. Le cheveu fourni, le visage un peu émacié, une moustache et une barbe bien taillées le faisaient ressembler à son ancien maître, Henri de Navarre. Diplomate et soldat aguerri, les longues et difficiles chevauchées ne lui faisaient pas peur. Et son humeur toujours égale le rendait un compagnon de voyage tout à fait charmant. Il savait tout ce qu’il devait depuis longtemps à Aldemar de Merville, de presque dix ans son aîné. Seul le hasard de la naissance en avait fait un personnage plus important. Mais l’audace, l’esprit de décision du vieux comte lui avaient toujours été d’un précieux secours dans les moments difficiles. Et il était heureux que Pharamond se soit joint à lui.


Pharamond cependant était d’une nature très différente de celle de son père. Plus tacticien que stratège, il s’encombrait rarement de vues à long terme. Pour lui, une porte devait soit être ouverte, soit fermée. L’entrebâillement représentait une incertitude qu’il supportait difficilement. C’était un instinctif, qui jugeait rapidement ses interlocuteurs en les regardant franchement dans les yeux. Il accordait toute confiance à ses amis, mais ne ressentait aucune pitié envers ses ennemis. Il méditait ses plans pendant quelques heures au maximum, puis agissait vite, souvent sans en référer à quiconque afin de ne pas perdre de temps dans d’interminables explications ou tergiversations qui étaient risques de laisser passer le moment opportun pour l’action.


Bref, un diplomate chevronné accompagné d’un homme d’action faisaient route vers Paris, et ce voyage allait durer trois bonnes journées. Sillery avait donc le temps d’informer le chevalier sur les usages de la cour, les partis en présence et les dangers qu’ils auraient certainement bientôt à affronter.



Le 15 avril 1617, donc, nos deux héros arrivèrent aux portes de Paris. Hortense de Merville était arrivée deux jours plus tôt. Luynes ne cessait de recevoir et de consulter. Les événements allaient bientôt se précipiter, et personne ne pouvait en deviner l’ultime dénouement.