n° 16874 | Fiche technique | 13446 caractères | 13446 2297 Temps de lecture estimé : 10 mn |
23/06/15 corrigé 08/06/21 |
Résumé: Après avoir obtenu l'autorisation du roi pour occire Concini, Pharamond commet une erreur fatale. Aldemar confie alors son secret à Rose et Ventre à terre. | ||||
Critères: #nonérotique #historique | ||||
Auteur : Pierre Siorac Envoi mini-message |
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Résumé des épisodes précédents :
« La légende du cavalier noir »
Le vieux comte Aldemar de Merville est devenu grabataire par la volonté de sa jeune femme Hortense, qui désormais le trompe et le torture avec l’aide du marquis de Cessac. Découvrant cela, son fils – Pharamond de Merville – reprend les habits du cavalier noir, tue le marquis de Cessac et enlève son père pour le ramener chez lui, après avoir sévèrement corrigé Hortense de Merville.
Tandis que Rose et les serviteurs du domaine forcent Pharamond à accepter que l’on soigne son père, la comtesse de Merville tente de se prémunir des nouveaux plaisirs que le cavalier noir lui a fait bien involontairement découvrir.
« Le roi qui voulait être un homme »
Au milieu des intrigues de cour, le jeune Louis XIII s’interroge sur la manière de régner enfin par lui-même.
Nicolas Brulart de Sillery échange son cavalier noir contre un autre et se rend à Paris afin de secourir le jeune Louis XIII.
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Il y avait deux façons de rencontrer le roi.
La première – la plus incertaine – était de demander audience. Le roi refusait rarement, certes… Mais la reine mère avait organisé un protocole long et tortueux qui lui permettait, à elle en définitive, de choisir qui Louis devait voir ou ne pas voir. Il fallait donc pour commencer montrer patte blanche, faire sa cour à la Médicis, plaire à Concini, ne pas susciter la méfiance de la Galigaï… On imagine donc aisément le genre de personne que le jeune monarque recevait en audience, et les conversations insipides qu’il devait affronter.
La seconde manière était plus sûre, puisqu’il s’agissait de s’en remettre au « hasard », et que ce hasard bien maîtrisé était infiniment plus libéral que l’étiquette inventée afin d’écarter le roi de ses fidèles sujets.
Ainsi Monsieur de Sillery et Pharamond se trouvaient-ils par pur hasard dans la forêt de Montmorency, en compagnie des barons de Vitry, Fouquerolles et Persan lorsqu’ils eurent la surprise d’y rencontrer le roi qui chassait, accompagné du duc de Luynes et de Madame de Merville. Le fait que la comtesse ait pu d’un seul regard convaincre Luynes n’étonnera pas plus le lecteur qu’il n’étonna Pharamond et son mentor. Ils échangèrent tous deux un sourire complice qui disait « Nous voilà donc au cœur de l’intrigue et de l’action ; jouons serré, et tâchons de ne pas trop nous livrer… »
Les présentations faites, le roi prit la parole :
Louis ne répondit pas. La cause était entendue.
On erra longtemps en silence dans la vaste forêt, chacun perdu dans le secret de ses pensées. Luynes échafaudait son plan ; il devait être rapide et sûr. Il faudrait désormais connaître à l’avance les déplacements de l’aventurier, organiser le guet-apens et frapper comme la foudre. Il faudrait dans le même temps neutraliser la reine mère. Il fallait compter pour cela sur des gens de confiance… L’après-midi était bien avancé quand soudain un cri retentit :
Tous sortirent de leurs méditations. On lâcha les chiens et on chargea sus au gibier.
La poursuite dura plus d’une heure. La bête était robuste… mais les chasseurs expérimentés. Et Louis s’amusait, enfin. On le voyait rire, donner des ordres, organiser la traque. En cet instant, loin de tout, des intrigues et des complots, il était le roi et agissait comme tel. Sillery lui-même était impressionné par cette complète métamorphose.
Puis vint le moment attendu.
Épuisée, la bête fit face… et chargea les cavaliers. C’est alors que, sans écouter personne, Hortense de Merville, excitée par le parfum de la mort chargea à son tour armée d’un épieu. Le choc fut terrible, formidable. L’épieu cassa en s’enfonçant dans le monstre aux abois qui poussa un hurlement effroyable. Le cheval de la comtesse se cabra et elle tomba sur le sol.
La bête lui fit face à nouveau ; les flammes de l’enfer brillaient dans les yeux des deux adversaires. Et les autres participants n’osaient bouger, comme pétrifiés, fascinés par ce spectacle cauchemardesque et fantastique. L’animal blessé chargea à nouveau ; l’issue ne faisait cette fois plus de doute.
Seul Sillery avait gardé la tête froide. Il avait vu là l’occasion, envoyée par la Providence, de se débarrasser une fois pour toute de Madame de Merville. Hélas, comme il l’avait dit quelques jours auparavant, « Bon sang ne saurait mentir », et celui de Pharamond était généreux. Trop, sans doute… Il lança son cheval entre la comtesse et la bête afin de la freiner, puis il sauta prestement sur le sol et la saisit sans ménagement pour l’amener sur le haut d’un talus.
Pendant ce temps, Luynes – qui avait repris ses esprits – ordonna la charge, et tous se ruèrent sur le sanglier qui, déjà épuisé, ne luttait plus vraiment.
Il est des actes héroïques que l’on fait sans y penser. Il y en a qui parfois mènent au désastre. En mettant Hortense de Merville hors de portée de la bête, Pharamond l’avait saisie d’une manière particulière. Une manière que la comtesse avait reconnue et qui ne lui laissait plus aucun doute sur l’identité de celui qui l’avait tourmentée. Elle venait de reprendre l’avantage. Elle savait que Pharamond savait. Mais lui ignorait qu’il venait d’être percé à jour. Il ignorait que désormais, il était devenu la proie, et que celle qui le chassait ne se contenterait pas de lui enfoncer un épieu dans le cœur.
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Ventre à terre roula sur le sol et se remit en garde. Une fois de plus, l’épée mouchetée de Rose n’avait rencontrée que le vide.
Dans son fauteuil de jardin, Aldemar riait comme un enfant.
Les deux escrimeurs se mirent face au comte.
Pendant deux heures entières, le comte de Merville fit travailler ses deux élèves d’arrache-pied, leur faisant reprendre les bases de l’escrime, leur expliquant quand frapper de taille plutôt que d’estoc, les oppositions, les enveloppements, les ripostes… Il y prenait plaisir, retrouvant une partie de sa jeunesse, et il était subjugué par les dons innés de sa belle-fille qu’il admirait de plus en plus. Et puis surtout, Rose n’avait pas tort : Pharamond absent, qui défendrait efficacement le domaine contre l’appétit des brigands ?
Il fallut à peine une semaine pour que nos deux apprentis deviennent des bretteurs acceptables. Lors du dernier assaut, Rose l’emporta par cinq touches contre deux pour Ventre à terre. Rose, resplendissante, s’adressa alors à son beau-père bien-aimé :
C’est alors qu’un cavalier fit irruption dans la cour du domaine. Il était épuisé, et portait les armes de Monsieur de Sillery. À peine fut-il descendu de sa monture que cette dernière tomba raide morte.
Il tendit une lettre à Rose qui s’empressa de la décacheter et de la lire. Elle pâlit soudainement et se trouva mal. On appela Lorène qui apporta les sels afin de lui faire reprendre conscience. Ventre à terre voulut lire la lettre, mais Rose la tenait chiffonnée dans sa main serrée, et il était impossible de la lui prendre. Aldemar comprit qu’un grand malheur était arrivé. Il attendit que sa belle-fille reprenne totalement ses esprits, le cœur battant.