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Temps de lecture estimé : 9 mn
07/06/15
corrigé 09/06/21
Résumé:  Caroline et Aramis voient leurs ébats contrariés par l'arrivée de spadassins aux ordres de Madame de Longueville. Aramis sera sauvé par ses amis, mais perdra Caroline une nouvelle fois.
Critères:  fh fdomine humilié(e) historique
Auteur : Pierre Siorac      Envoi mini-message

Série : Dumas n'a pas tout dit, ou la vraie vie des mousquetaires

Chapitre 05 / 07
La Divine Providence

Synopsis


Dumas n’a pas tout dit. Dumas n’a pas tout raconté parce qu’il ne pouvait pas. Les journaux pour lesquels il écrivait lui commandaient des scénarios héroïques, des histoires pleines de rebondissements, des situations improbables… mais surtout des héros qui étaient à l’image de son époque, c’est à dire discret sur certains de leurs exploits et muets sur certains de leurs plaisirs secrets. Lorsqu’il rédigea Vingt ans après (dont l’histoire se situe à l’époque dont nous parlons aujourd’hui), il fut bien forcé de cacher certaines choses. Son talent immense et son imagination féconde ont fait de ce roman un des sommets de la littérature d’aventure, mais également une des plus grosses impostures historiques du XIXème siècle. Nous allons donc, au fil de ces pages – et au fil des chapitres qui suivront – essayer de rétablir en partie la vérité.



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Résumé des épisodes précédents :


« Tous pour une »

Au cours d’un bal organisé par Mazarin afin de rallier à lui les seigneurs de province contre les nobles frondeurs, Aramis parvient à enlever la femme de l’un d’eux qui lui a juré son amour quelques années auparavant…


« D’Artagnan part en mission »

Tandis qu’Athos, Porthos et Aramis cherchent le meilleur moyen de prendre la fuite, Mazarin a demandé à d’Artagnan de retrouver les fugitifs, et à Rochefort de surveiller d’Artagnan.


« Caprices de femmes »

La duchesse de Longueville demande la tête d’Aramis à Rochefort ; Augustine pleure dans les bras de d’Artagnan, et Caroline exige un massage particulier.


« États d’âme et trahison »

Madame de Longueville obtient carte blanche ; d’Artagnan se bat… contre lui-même. Une étrange lettre arrive chez le cardinal de Retz.




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Dans la chambre qui abritait ses amours avec la belle Caroline, Aramis venait de revêtir une tenue dans laquelle on ne pouvait s’attendre à contempler un homme d’Église, et moins encore un mousquetaire. Enfin, « tenue » était un mot inapproprié dans la mesure où il était pour l’occasion quasiment nu, avec juste un tablier blanc qui cachait le devant de son anatomie, juste en dessous de la ceinture. Et ce n’était pas une épée qu’il tenait dans sa main droite, mais… un plumeau.

Caroline, elle, avait juste enfilé sur le haut de son corps superbe la chemise blanche qui cachait si peu sa superbe poitrine et lui descendait jusqu’à mi-cuisses. Elle regardait son « serviteur » d’un œil particulièrement amusé, et en particulier ses fesses musclées qu’elle aimait tant caresser.



Caroline passa sa main fine et douce sous le tablier et commença à caresser l’entrejambe de son « serviteur ».



Aramis s’exécuta.



Une parenthèse ici s’impose qui éclairera le lecteur d’aujourd’hui. On a coutume en effet de prétendre, à tort, que le siècle dans lequel nous vivons est un siècle de liberté qui a vu les mœurs évoluer profondément. Il s’agit là hélas d’une vue de l’esprit totalement faussée par cette espèce de prétention des élites actuelles à alléguer qu’elles valent mieux que celles auxquelles elles ont succédé. Le libertinage était de mise à l’époque de Louis XIV, bien plus qu’aujourd’hui ; et les émotions, les élans du cœur étaient moins jugés qu’ils ne le sont de nos jours. Chacun savait que Monsieur, frère du roi, était entouré de ses mignons ; et si l’on en plaisantait parfois, nul n’aurait songé à remettre en cause l’honneur de sa personne. De Madame de La Vallière à Madame de Maintenon, en passant par la sulfureuse marquise de Montespan, tout le monde a connu le nom des innombrables favorites du Roi Soleil, et la chose ne provoquait pas les quolibets du peuple ni la fureur de la reine. Qu’on daigne ouvrir les yeux un instant, et l’on s’apercevra que c’est notre XXIème siècle soi-disant libre qui condamne les écarts des princes. Et pourquoi donc, ma foi ? Le scooter est-il pour ce genre d’exploit une monture moins digne que le cheval ? Fermons la parenthèse, et retrouvons nos deux amants, la première totalement nue sous sa chemise, et le second les fesses ornées d’une oriflamme originale.




À ce moment, la porte de leur sanctuaire vola en éclats et six spadassins masqués y firent irruption. Aramis comprit la situation en une fraction de seconde et s’empara de son épée posée sur le petit secrétaire mis à la disposition des invités. Il para facilement la première attaque et transperça la poitrine de son assaillant.



Surpris par une réaction à laquelle ils ne s’attendaient pas, les intrus marquèrent un temps d’arrêt et se regardèrent, essayant d’envisager la suite des événements. Cela fut fatal à deux autres d’entre eux. Caroline en effet avait sorti le pistolet d’Aramis et tiré, atteignant sa cible en pleine tête. Profitant de la stupeur du vacarme provoqué par le coup de feu, l’ex-soubrette redevenue mousquetaire perça le flanc d’un autre de leurs agresseurs. Ils n’étaient plus que trois désormais, mais ils entendirent dans l’escalier le bruit des bottes des renforts qui arrivaient.



Sentant leur proie leur échapper, et encouragés par l’arrivée des renforts, les trois autres se ruèrent alors en même temps sur Aramis qui esquiva le premier, para et blessa le second au bras, mais reçut la lame du troisième à l’épaule. Il dut alors changer de main afin de continuer de se battre.


Caroline avait atterri sans dommage sur le sol. Elle se releva d’un bond et commença à courir droit devant elle. Hélas, elle vit alors arriver dans sa direction une dizaine d’hommes masqués. Elle stoppa net et fit demi-tour. Moins chargée (et pour cause) que ses poursuivants, elle réussit à prendre sur eux quelques mètres d’avance et reprit confiance. Elle courait, transportée de peur et d’angoisse pour son beau chevalier qui ne l’avait toujours pas rejointe cependant. Elle avait presque atteint le coin de la longue rue des Orfèvres lorsqu’un carrosse lui en interdit l’accès et que deux hommes masqués également en sortirent. Perdue, affolée, elle chercha tout autour d’elle un secours qu’elle ne trouva pas et se retrouva empoignée par ses poursuivants qui commencèrent à lui lier les mains dans le dos.

Madame de Longueville descendit alors du carrosse, les yeux rayonnant d’une joie absolue et cruelle.



Les hommes de main de la duchesse de Longueville eurent tôt fait de bâillonner la pauvre enfant avant de la faire monter dans le carrosse qui démarra à grands fracas, sans souci de renverser quelques passants qui avaient eu l’imprudence de ne pas s’écarter assez vite.




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Pendant ce temps, Aramis – qui avait réussi à envoyer ad patres quatre nouveaux assaillants – s’apprêtait à succomber sous le nombre. Contrairement à ce qu’avait imaginé d’Artagnan, les Jésuites de son couvent possédaient de nombreux maîtres d’armes, et il n’avait rien perdu de sa dextérité passée. Hélas, s’il était encore presque invincible à un contre trois, éminemment dangereux à un contre dix, les choses se compliquaient sérieusement au-delà, surtout avec une épaule blessée.

Il se rappela sa condition d’homme d’Église et se souvint qu’il était nécessaire de prier avant de rejoindre l’au-delà. Il commença donc une courte prière tout en continuant à se battre, en souriant un peu et en se demandant quelle tête ferait Saint Pierre en le voyant débarquer aux portes du Paradis avec son tablier de soubrette.


Mais la Divine Providence est consubstantielle aux Jésuites… et aux romans d’aventures. Et dans ce cas précis, elle se manifesta sous la forme d’un cri de ralliement qui encouragea notre héros à jeter ses dernière forces dans la bataille.



Porthos entra le premier dans la chambre. Il n’était plus un homme, mais l’incarnation de Mars, le dieu des guerriers. Il était la foudre, le tonnerre, l’Armageddon suprême des lâches qui avaient osé s’en prendre à son ami. Il frappait de sa lame, de ses poings, de sa tête… Il était la tempête, il était l’ouragan, il était la Vengeance. Lorsqu’ils entrèrent, Athos et d’Artagnan n’eurent affaire qu’à des fuyards qu’ils châtièrent sans aucune pitié.


D’Artagnan se précipita dans les bras d’Aramis dont la vue commençait à se brouiller.



Et il perdit connaissance.



On aura donc compris, en lisant ce qui précède, que d’Artagnan avait finalement laissé Athos le convaincre de renouer avec ses anciens compagnons pour de nouvelles aventures. Une fois le pacte scellé autour d’une bonne bouteille de Sancerre, on avait envoyé un messager afin de prévenir Porthos, et décidé de retrouver Caroline et Aramis dans leur refuge afin de pouvoir rentrer à Saint-Germain qui devenait alors le lieu le plus adéquat en attendant la suite des événements.


Nos trois héros s’étaient donc retrouvés à Paris, et avaient découvert la trahison peu de temps après l’irruption des hommes de Longueville. Peu de temps, certes, mais trop tard, hélas, pour Caroline. Il est des circonstances où « un peu » se transforme en « beaucoup trop ». L’enlèvement avait eu lieu si rapidement que personne ne savait en réalité qui en était l’instigateur. Et les spadassins étant tous morts, aucun ne risquait de donner une information utile à ce sujet. Comme chacun le sait, seuls les esprits retors et les professionnels de la basse politique ont le pouvoir de faire parler les morts.


Mais la Divine Providence était à l’œuvre, et par conséquent continuait de veiller sur les mousquetaires. Elle revêtait cette fois un costume noir, des cheveux gris et une barbe blanche. Elle se cachait sous les traits de l’ennemi le moins dangereux, et sans doute le plus accessible à la raison de nos quatre compagnons.


Rochefort, en effet, après avoir passé la nuit à grelotter pour rien sur les remparts du Louvre, avait d’abord été en proie à la colère. Puis, après avoir dormi quelques heures, il avait reconnu que d’Artagnan était un diable d’homme, et son estime pour lui en tant qu’adversaire en avait été renforcée.

Après réflexion, il s’était dit que la haine de la belle duchesse l’avait probablement amené chez le cardinal de Retz, et il décida de rendre une visite de courtoisie à ce dernier. Arrivé à ses portes, il en avait vu sortir Madame de Longueville arborant un air de triomphe sur lequel il lui était interdit de douter. Il avait donc décidé de la suivre.


Madame de Longueville n’était pas d’Artagnan. Elle n’avait pas besoin, en outre, d’utiliser nombre de subterfuges : sa condition la protégeait d’une manière bien suffisante. Il avait donc été facile pour le comte de ne pas la perdre des yeux et d’assister à l’enlèvement de l’infortunée princesse de Vendôme. Hélas, il était seul ; et heureusement, il n’était pas fou. Il n’intervint donc pas.


Il savait désormais qui détenait la princesse, mais il ne pouvait pas s’emparer d’elle.

Les mousquetaires pouvaient la secourir, mais ils ignoraient ce qu’elle était devenue.

Une alliance de circonstance s’imposait donc.