n° 16876 | Fiche technique | 26513 caractères | 26513 4520 Temps de lecture estimé : 19 mn |
23/06/15 corrigé 30/05/21 |
Résumé: Tandis que Pharamond est enlevé, Louis prend enfin le pouvoir, et Rose tente de délivrer son mari bien-aimé. | ||||
Critères: #historique #aventure #fantastique fh bizarre fdomine chantage cunnilingu nopéné | ||||
Auteur : Pierre Siorac Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : Le cavalier noir Chapitre 06 / 06 | FIN de la série |
Résumé des épisodes précédents :
« La légende du cavalier noir »
Le vieux comte Aldemar de Merville est devenu grabataire par la volonté de sa jeune femme Hortense, qui désormais le trompe et le torture avec l’aide du marquis de Cessac. Découvrant cela, son fils – Pharamond de Merville – reprend les habits du cavalier noir, tue le marquis de Cessac et enlève son père pour le ramener chez lui, après avoir sévèrement corrigé Hortense de Merville.
Tandis que Rose et les serviteurs du domaine forcent Pharamond à accepter que l’on soigne son père, la comtesse de Merville tente de se prémunir des nouveaux plaisirs que le cavalier noir lui a fait bien involontairement découvrir.
« Le roi qui voulait être un homme »
Au milieu des intrigues de cour, le jeune Louis XIII s’interroge sur la manière de régner enfin par lui-même.
Nicolas Brulart de Sillery échange son cavalier noir contre un autre et se rend à Paris afin de secourir le jeune Louis XIII.
« Chasse royale »
Après avoir obtenu l’autorisation du roi pour occire Concini, Pharamond commet une erreur fatale. Aldemar confie alors son secret à Rose et Ventre à terre.
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Que s’était-il donc passé le soir du seize avril au retour de la chasse ? Prévenons d’emblée les lecteurs sensibles et peu habitués à la violence et à la perversité sous toutes ses formes que ce qui va suivre risque de les effrayer. Seuls les voyeurs et les esprits sadiques se délecteront sans doute des lignes que nous allons écrire. Nous précisons que nous les écrivons uniquement par souci d’établir ici un compte-rendu fidèle des faits, et que nous n’éprouvons (que serions-nous, sinon ?) aucune jouissance quelconque à cela.
Ce soir-là, donc, Pharamond se rendit chez Nicolas Brulart de Sillery pour dîner copieusement, tant la chasse leur avait ouvert l’appétit. Ils devisèrent gaiement, heureux d’avoir décelé chez leur jeune souverain une volonté de fer et un sens politique avisé que son jeune âge et la douceur de ses traits ne pouvaient laisser soupçonner à un regard distrait. Ils évoquèrent également l’attitude de Pharamond envers la comtesse durant la chasse.
Lorsque Pharamond rentra chez lui, la nuit était noire et les rues de Paris désertes, éclairées à peine par une timide demi-lune. Alors qu’il se trouvait au milieu de la rue du Chat-Hurlant, il entendit des pas derrière lui qui le firent se retourner. Deux hommes qu’il identifia comme des tire-laine à leur démarche tentaient d’arriver à sa hauteur. Il accéléra le pas, mais trois autres débouchèrent du coin de la rue en face de lui. Instinctivement, il se mit dos contre un mur, tira son épée et les laissa approcher en calmant sa respiration.
Trois des hommes se jetèrent ensemble sur Pharamond qui se fendit, blessant le premier à la cuisse. Le second reçut la garde de son épée en pleine face ; on entendit les os de son nez se briser. Le troisième eut droit à un coup de tête qui le mit hors de combat. Les deux autres se décidèrent alors à tirer l’épée.
Le combat s’engagea, inégal en effet. Les bandits se battaient mal, plus habitués on le voyait à s’attaquer à des bourgeois sans défense qu’à des guerriers confirmés. Pharamond eut tôt fait de blesser le premier à l’épaule, et s’apprêtait à en terminer au plus vite avec le dernier lorsqu’il reçut un violent coup sur le sommet du crâne. Sa vue se voila, sa tête se mit à tourner, et il s’écroula sur le sol sans connaissance.
L’ombre qui s’était glissée derrière lui et avait assené le coup fatal ordonna :
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Lorsqu’il reprit connaissance, Pharamond était nu, debout, les poignets et les chevilles attachés à de très courtes chaînes scellées à même le mur se trouvant à droite d’un grand lit à baldaquin. La chambre dans laquelle il se trouvait était entièrement tapissée de rouge, éclairée par quelques bougies qui ne donnaient qu’une lumière bien superficielle, et elle était meublée avec un goût certain pour les belles choses. Il constata que le crucifix que l’on trouvait habituellement au-dessus du lit avait disparu, remplacé par une étoile à cinq branches sur laquelle était dessinée la tête du Baphomet.
Hortense de Merville fit alors son apparition. Elle entra, plus sublime que jamais, ses cheveux blonds descendant jusqu’à ses fines épaules, enveloppée dans une chemise de gaze blanche et transparente qui ne cachait rien de son corps infiniment parfait. Elle souriait étrangement, d’un sourire presque angélique que ses magnifiques yeux bleus rendaient inquiétant, tant l’éclat de son regard était dur et glacé.
Hortense de Merville s’approcha du chevalier et commença à faire glisser doucement la pointe de ses ongles sur ses épaules, sur ses bras et sur son torse, tout en faisant mine d’ignorer ses frémissements.
Hortense de Merville cessa d’un coup ses caresses.
La diabolique comtesse saisit à nouveau le sexe de son prisonnier avec douceur.
Et Pharamond, les yeux perdus dans ceux de celle qui savait si bien le tourmenter, comprit qu’il était perdu.
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Dix heures venaient de sonner à l’horloge du Louvre lorsque Concini surgit à pied dans la cour afin de rendre visite au roi. Il se vit immédiatement entouré d’hommes en armes, et le baron de Vitry lui signifia son arrestation. On raconte qu’alors Concini mit la main à la garde de son épée. On raconte qu’alors cinq coups de feu retentirent en même temps et qu’il mourut foudroyé. On raconte toujours beaucoup de choses, et parfois certaines de ces choses ne manquent pas de paraître suspectes. Concini, tirer son épée… La chose est incroyable. On l’imagine plutôt tremblant de peur, livide, implorant qu’on l’épargne. D’autant plus que nous savons, initiés que nous sommes, que son exécution était prévue. Mais gardons-nous de remettre en cause la version officielle et de prendre le risque d’entacher si peu que ce soit les débuts du règne de celui qu’on appellerait un jour (Pharamond ne s’y était pas trompé) Louis-le-Juste.
À la même heure exactement, le roi accompagné de Luynes et de Brulart de Sillery pénétra dans les appartements de la reine mère sans se faire annoncer. Cette dernière s’en offusqua :
À ce moment, les coups de feu éclatèrent dans la cour. Louis se pencha vers la fenêtre et corrigea :
L’affaire avait donc été rondement menée, et tout s’était passé selon les plans que le chevalier de Merville avait inspirés à monsieur de Luynes. Le soir même, un dîner fut organisé chez ce dernier. Hortense de Merville y régnait quasiment, en tant que favorite du nouveau Premier ministre. Sillery décida de confondre la comtesse et la prit à part.
Sillery regarda la comtesse au fond des yeux, avec toute son expérience de vieux diplomate. Il n’y lut qu’une immense, une profonde sincérité, et beaucoup de peine. Ainsi fut-il convaincu.
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Cette même nuit, deux silhouettes entièrement vêtues de noir et accompagnées de trois chevaux se rangèrent sans bruit à deux pas de l’hôtel particulier que le duc de Luynes avait prêté à la comtesse de Merville.
Rose n’eut aucun mal à escalader le mur et à monter sur le toit de l’hôtel. Puis elle attacha prudemment une corde solide à la cheminée et commença à descendre jusqu’à la fenêtre qu’elle avait indiquée à son complice. Arrivée là, elle entreprit d’ouvrir à l’aide d’une longue tige de fer qu’elle introduisit entre les interstices de la fermeture, et eut bientôt fait de la déverrouiller. La fenêtre ouverte, elle entra alors sans bruit, aussi silencieuse qu’un félin. Elle s’engagea dans un petit couloir au bout duquel se trouvait la chambre de la comtesse. Devant la porte, un garde somnolait, assis sur une chaise inconfortable.
En un bond, elle fut sur lui, l’empêcha de crier en posant fermement sa main gantée sur sa bouche et lui enfonça son poignard dans la gorge. Le sang gicla abondamment, et l’homme trépassa en à peine quelques secondes. Puis elle s’introduisit sans bruit dans la chambre.
Malgré l’heure avancée de la nuit, et bien que tout le monde semblât dormir profondément, les bougies continuaient d’éclairer la chambre rouge d’Hortense de Merville. Rose scruta la pièce et eut soudain du mal à étouffer un cri : au pied du grand lit à baldaquin, recouvert d’une couverture sale, ensanglantée et trop courte pour lui – ce qui l’obligeait à se tenir recroquevillé à même le sol – se trouvait le corps de Pharamond endormi. Rose s’avança vers lui sans le moindre bruit et entreprit de le réveiller doucement.
Rose s’empara prestement des clefs et délivra son mari.
Ils avaient presque atteint la porte de la chambre lorsqu’un rire cruel et sonore les fit se retourner.
D’un geste brusque, Hortense ôta ses draps et apparut totalement nue devant nos deux héros.
Pharamond était comme pétrifié. Il regardait la comtesse, comme totalement hypnotisé.
En proie à mille-et-un tourments, Pharamond ne pouvait détacher ses yeux du corps parfait de la comtesse. Il voulait fuir, mais cela lui devenait de plus en plus impossible à chaque nouvelle seconde qui passait.
Pharamond commença à avancer vers le lit maléfique, comme un animal obéissant. Rose l’agrippa alors de toutes ses forces par le bras.
Pharamond repoussa alors violemment la pauvre Rose et se précipita entre les cuisses de la comtesse qu’il commença à honorer comme l’ordre lui en avait été donné. Rose alors se releva en pleurant. Elle se décida enfin à faire ce qu’elle aurait dû faire depuis le début : elle sortit son épée.
Une dizaine d’hommes pénétrèrent alors dans la pièce, ne laissant aucune chance à la pauvre enfant qui se retrouva alors les mains attachées dans le dos à son tour.
Un des gardes exhiba alors en ricanant la tête du pauvre Ventre-à-terre qu’il tenait par les cheveux.
Rose poussa alors un cri ultime :
Pharamond releva la tête un instant. Ses yeux rencontrèrent le regard bleu et triomphant de sa Maîtresse.
Il obéit docilement, totalement subjugué, incapable désormais de résister en quoi que ce soit aux volontés de madame la comtesse Hortense de Merville.
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Cette triste et douloureuse histoire paraîtra bien cruelle au lecteur habitué aux aventures qui se terminent bien. Mais nous avons fait ici œuvre de chroniqueur de l’Histoire ; et les archives que nous avons entre nos mains, hélas, ne laissent aucun doute sur la réalité des faits que nous avons conté.
Quelques jours après ces événements, le malheur devait s’abattre une nouvelle fois sur la famille de Merville : des pillards s’en prirent au domaine du chevalier, qui fut brûlé entièrement, et ses gens massacrés. Les assassins s’acharnèrent, paraît-il, particulièrement sur le vieux comte que l’on découvrit avec plus de vingt blessures non mortelles sur le corps, et qui mourut lentement en se vidant de son sang.
Charles d’Albert, duc de Luynes, dirigea les affaires du pays jusqu’à sa mort en 1621, après avoir mis la main sur le trésor de Concini qui disparut. On devinera facilement le nom de celle qui en profita. Il mena une politique désastreuse pour le pays, mais s’enrichit considérablement. Sans doute était-il bien conseillé sur ce point… Hélas, une grande partie de sa fortune ne fut jamais transmise à ses propres héritiers.
Nicolas Brulart de Sillery continua de mener une vie honorable au service de l’État jusqu’à l’arrivée de Richelieu. Il fut très affecté en apprenant les malheurs qui frappèrent la famille de Merville, mais fut réconforté par la conduite irréprochable, à ses yeux, de la comtesse qu’il se voulut secrètement d’avoir si mal jugée.
Il est un fait, hélas permanent lorsque l’on scrute avec attention les réalités de l’Histoire : c’est que les esprits pervers l’emportent le plus souvent sur les cœurs emplis de pureté, qui se consolent dans l’espoir d’un Paradis qui n’existe pas.
Un dernier mot utile, concernant la comtesse de Merville.
Après la mort de Luynes, elle retourna sur ses terres. On raconte que bien des choses étranges eurent alors lieu. On relate qu’un nombre important de jeunes femmes disparurent à jamais, enlevées dit-on par un cavalier noir dont personne ne connut jamais l’identité secrète. On dit que les dix années qui suivirent furent pour la population des années d’effroyable terreur.
Et puis, sans que l’on sache vraiment ce qui s’était passé, Hortense de Merville, dont chacun assure que la beauté ne fut jamais altérée, disparut à son tour. Et la province retrouva peu à peu la paix et la sérénité.
Jusqu’à ce qu’il y a environ deux mois, je ne sus rien moi-même de l’affreuse histoire de la famille de Merville. Et puis je reçus par le biais d’Internet, sur une messagerie dont je n’usais qu’avec d’immenses précautions afin de vérifier certaines recherches historiques, les documents qui m’ont permis de raconter ce qui précède. La personne qui me les a envoyés signe ses mails du nom d’Hortense Báthory, comtesse de Merville. Elle m’a transmis quelques photos de sa personne, et je dois avouer qu’elle est d’une incomparable beauté. Supercherie, délire mégalomaniaque ? Sans doute… mais je veux vérifier par moi-même ; je veux connaître la vérité.
J’ai rendez-vous avec elle demain soir. Dans un hôtel particulier, rue des Saints-Pères, au cœur de la capitale.
Et… je ne crois pas au Diable.
Pierre Siorac – Herblay, le 22 juin 2015