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Temps de lecture estimé : 32 mn
08/07/18
corrigé 06/06/21
Résumé:  Comme le titre l'indique, on découvre enfin le coupable de ce meurtre qui mérite la légion d'honneur.
Critères:  #policier fh
Auteur : Domi Dupon  (une antiquité sur le site)            Envoi mini-message

Série : Quatre balles pour un trou-du-cul !

Chapitre 06 / 06
Et l'heureux coupable est...

ET L’HEUREUX COUPABLE EST…



Résumé du chat pitre précédent : Un inconnu libère une jeune femme des griffes du député Beisse et laisse ce dernier attaché sur une croix de Saint-André où une patrouille de la BAC le trouvera. Le commandant Riquebit est chargée de l’enquête. L’assassin méritant serait-il une des femmes de Beisse, un truand, ou l’une de ses victimes ? Un conseil, si vous voulez y comprendre quelque chose, lisez les parties 1 à 5 :



**********



Lundi, fin d’après-midi : appartement de Riquebit


Éléonore entra chez elle en claquant la porte : elle était hors d’elle. Elle avait besoin d’une bonne douche. L’après-midi avait été merdique L’enquête piétinait, s’enlisait. Elle n’aimait pas ça. Cela arrangeait sans doute la chancellerie mais pas son amour-propre. Pourtant, ils avaient fait du bon boulot, surtout le jeune brigadier de la PTS. Timide mais plein d’initiatives, il avait, par des moyens sur lesquels il était resté discret, accédé aux fichiers du personnel de l’Assemblée nationale. Il avait pu, grâce aux photos, identifier quatre nouvelles victimes (5, 6, 10 et 13), retrouver leurs emplois, et dans la foulée les innocenter. Au passage, il a pu établir que Clara Clairvoyant, la n° 7, avait effectué un remplacement d’attachée parlementaire. Beisse se montrait éclectique sur ses choix. La profession n’avait aucune importance : la 5 et la 13 travaillaient en tant que secrétaires ; la 6 appartenait au service informatique tandis que la 10 avait un poste d’administratrice stagiaire. Les seuls points communs à toutes ses proies : leur jeunesse et leur plastique.


Pendant qu’Ampépeur jouait les hackers, Tom et elle n’avaient pas chômé. Ils avaient logé les proches de la jeune suicidée, Alice Coupeur, puis les avaient contactés par téléphone. Ceux qu’ils avaient pu joindre étaient unanimes : une jeune femme gaie, sans histoires, heureuse dans son travail et dans son couple. Ils cherchaient encore une explication à sa mort. Sa mère, complètement détruite, leur avoua son incompréhension. La semaine précédente, Alice s’enthousiasmait pour le séjour qu’elle et son chéri avaient projeté aux Maldives pour le jour de l’an. Tous étaient persuadés qu’il lui était arrivé quelque chose lors de son dernier week-end. Elle avait disparu le vendredi soir pour réapparaître totalement changée le lundi matin. Elle avait prétexté un besoin de solitude mais leur avait refusé toute explication. Ce dernier week-end, celui du 16 au 18 décembre, était celui où Beisse avait abusé d’elle. Elle avait mis fin à ses jours le 23.


À l’issue de ses entretiens téléphoniques, Riquebit fut pris d’une furieuse envie de vomir et d’une tout aussi furieuse envie d’étrangler cette ordure de ses propres mains. Celui qui l’avait exécuté était un bienfaiteur de l’humanité et, comble d’ironie, il fallait qu’elle l’arrête.


Toujours avec l’aide d’Ampépeur, ils avaient analysé les appels du portable de Lambert entre son départ du pavillon et la découverte du corps. Le résultat se révéla décevant : une activité quasiment nulle, aucun numéro caché, seulement deux appels à une pouffiasse quelconque, appels qui le blanchissait totalement.


Quid de la journée : ils avaient fermé des pistes et ouvert d’autres. Et pour terminer en beauté, elle venait de s’engueuler avec Tom. Cet imbécile, refusant d’abandonner les Mariani à la BRB, avait l’intention d’explorer la copie du disque dur qu’il avait sauvegardé. Ils avaient échangé des noms d’oiseaux alors qu’ils se rendaient chez Tom. Pour finir, elle lui avait demandé de l’arrêter à la première station de métro, et très élégamment, l’avait envoyé se faire foutre.


Sous la douche, elle eut une idée : il lui fallait un regard neuf, une autre approche, quelqu’un capable de prendre de la hauteur, quelqu’un capable de critiquer leur travail sans les ménager, mais quelqu’un au fait du dossier. Un nom s’imposait. Ça ne lui plaisait pas. Cependant, l’attitude qu’elle avait eue le matin face à sa colère, la volonté qu’elle avait sentie chez elle de ne pas enterrer l’affaire lui avait plu.


Elle se sécha, passa un vieux survêtement et, ravalant sa rancœur, elle chercha son numéro dans le dossier, consulta l’heure (18 h 30) et l’appela. On répondit dès la seconde sonnerie :



Avec ce sens de la diplomatie qui était inné chez elle, elle entra sans préambule dans le vif du sujet :



Après un bref silence durant lequel elle pensa se faire jeter, le substitut répondit :



Elles échangèrent leurs adresses mail. La conversation dévia alors sur leur rencontre à la maison poulaga, mais le substitut mit fin à la conversation, prétextant un autre appel. Éléonore put alors réfléchir tranquillement aux tortures qu’elle allait infliger à Tom quand il se pointerait tout penaud. Car elle ne doutait pas qu’il viendrait avant la fin de la soirée, la queue entre les jambes.



**********



Lundi soir : appartement de Barbara-Anne de La Bitchboille


Elle se souviendrait de cette journée comme l’une des pires de sa jeune vie professionnelle. De retour dans son studio, elle s’empressa de libérer ses cheveux et de se défaire de son déguisement de fonction. Entièrement nue, elle déambula un instant dans son appartement avant de faire couler un bain. Tandis que la baignoire se remplissait, elle se regarda dans son miroir. Elle ne se trouvait pas belle : des seins trop lourds contrastaient avec une absence de hanches. Des jambes trop longues faisaient d’elle une grande perche. Seuls trouvaient grâce à ses yeux ses longs cheveux noirs et ses grands yeux noirs également qu’elle s’obligeait à dissimuler, les premiers sous un chignon ignoble et les seconds derrière des lunettes d’intello aux verres neutres. Il n’empêche que nul n’aurait reconnu, en cette svelte jeune femme, la grande coincée de substitut du procureur de la République française.


Elle se plongea, dans l’eau avec délice. Ce bain allait la laver de tous les miasmes de ce « sad day ». L’humiliation qu’elle avait subie à la DCPJ lui restait d’autant plus en travers de la gorge qu’elle avait dû souffrir les conseils avisés de son père. Celui-ci, à Paris pour une réunion au ministère, en avait profité pour inviter sa fille dans un grand restaurant. Il l’avait félicitée pour cette entrée rapide dans la cour des grands avec cette affaire importante que lui avait confiée son boss. Il lui indiqua « quelques vieux trucs » pour qu’elle la mène à bien, sans heurts, bien évidemment. Pour faire bon poids, il avait invité le procureur général pour le dessert. Celui-ci, abondant dans le sens de son géniteur, lui prôna prudence et patience. Que l’affaire soit résolue importait peu, mais si elle la conduisait intelligemment sans faire de vagues, cela serait un bon point pour elle. L’hypocrisie de son supérieur et celle de son père l’avaient ulcérée et gâché le repas malgré l’excellence des mets.


Elle avait eu une brève bouffée de sympathie pour cette garce de Riquebit et sa rude franchise. Elle, au moins, voulait trouver l’assassin. Son téléphone, posé sur un rebord de la baignoire, sonna. Elle répondit : Riquebit l’appelait à la seconde où elle pensait à elle. L’envie de lui raccrocher au nez fut forte. Elle ne le fit pas car cette harpie ne l’appelait certainement pas pour l’inviter à une party.


Elle écouta attentivement ce qu’elle lui proposait, traversée par divers sentiments contradictoires ; celui du respect l’emporta sur les autres. Riquebit, malgré ce qu’elle lui avait dit, était capable de mettre le poing dans sa poche pour ce qu’elle pensait être l’intérêt de l’enquête. Elle ne pouvait faire moins qu’accepter. Riquebit revint ensuite sur leur première rencontre. Elle flaira chez elle une envie de se justifier par rapport à l’agressivité qu’elle avait affichée. Irrationnellement, elle se sentait en empathie avec elle. La conversation continuant, elle allait se faire avoir par cette vieille pro qu’était Riquebit. Heureusement, un autre appel lui permit d’interrompre la communication. Un numéro qu’elle ne connaissait pas.



Qu’est-ce qu’il voulait encore, celui-là ? Elle avait eu sa dose de… Soudain, elle reconnut la voix : le blondinet rougissant de l’ascenseur. Après un bref frémissement de cœur vite réprimé, la colère monta en elle. Elle s’apprêtait à raccrocher quand elle saisit la fin de la phrase.



Elle venait de réaliser qu’elle n’était pas retournée au palais de justice depuis sa visite chez les flics. Son porte-cartes n’était plus dans son sac à main : voilà pourquoi il l’avait poursuivie. Que s’était-elle imaginé ?



Après une hésitation, le jeune homme reprit :



Comment connaissait-il son adresse ? Elle devenait parano. Dans son porte-cartes, il y avait sa carte d’identité.



À peine avait-elle prononcé ses mots que déjà elle les regrettait. Qu’est-ce qui lui prenait d’inviter ce freluquet à passer chez elle ? Une petite voix murmura « Parce qu’il te plaît. » avant d’aller se cacher au tréfonds de son cerveau. Quelle idiote ! Elle ne pouvait l’accueillir dans cette tenue, et surtout sous cette apparence.


Quelques minutes plus tard, c’est mademoiselle de La Bitchboille, substitut du procureur, qui invita le brigadier à entrer. Elle avait passé une chemise blanche à jabot des plus masculines sur un pantalon noir. Pour compléter son déguisement, elle avait noué ses cheveux en cet affreux chignon qu’elle détestait. Elle avait décidé de se débarrasser poliment, mais le plus rapidement possible, de cet importun pour se consacrer à la demande du commandant Riquebit.


Au lieu de cela, elle s’était entendue lui proposer un rafraîchissement pour le remercier. Le sourire du garçon – le seul qui s’était montré sympa avec elle aujourd’hui –, le besoin d’une présence, elle n’avait pu résister à l’impulsion.


Serge – puisque c’est ainsi qu’il se prénommait – accepta, tout en marquant une certaine réticence. Il devait se sentir mal à l’aise, pas à sa place dans cet appartement cossu très loin de son deux-pièces de banlieue. Quand après leur avoir servi un verre de Sancerre, elle lui proposa de la suivre au salon, il refusa tout net. Cela l’irrita : sans doute une de ces jeunes gauchistes pour qui la richesse représentait le vice suprême. Ils se juchèrent sur deux tabourets de bar très classe mais très inconfortables.


Au départ, la conversation fut languissante. Ils ne savaient quel sujet aborder. Beisse, à son insu, débloqua la situation : ils avaient de quoi dire sur ce cadavre pas du tout exquis. De là, tout s’enchaîna sans qu’elle ne contrôle plus rien. Elle lui parla de la proposition de Riquebit. Qui de lui ou elle avança l’idée de revoir le dossier ensemble ? Elle n’aurait su le dire, mais c’est ce qui arriva. Par contre, ce fut elle qui a téléphoné pour commander des pizzas. En général, elle s’adressait au Thaï qui se trouvait au bas de la rue, mais elle avait craint de jouer les bobos snobinardes.


En attendant le livreur ils s’étaient mis au boulot. Ils avaient étalé les papiers en sa possession de part et d’autre de son ordinateur portable. Mais cette paperasse lassa rapidement le jeune homme. En quelques clics magiques il avait retrouvé sur le serveur de l’hôtel de police l’intégralité des documents et ils travaillaient sur l’écran. Insensiblement, leurs tabourets s’étaient rapprochés ; leurs épaules se touchaient. Elle n’en prit réellement conscience qu’au moment où elle se décolla pour aller chercher une feuille de papier afin d’établir une chronologie des évènements plus détaillée que celle établie par Riquebit et Jaude.


Au retour, dans un geste calculé, elle appuya sa cuisse contre la sienne. Il détourna brièvement la tête, lui jeta un regard étonné avant de retourner à son clavier. Mais il ne rompit pas le contact. Elle s’abandonna un instant à cette douce chaleur qui l’envahissait. Le grésillement de l’interphone la ramena à la réalité ; elle s’empressa d’aller répondre. Sauvée par le livreur.


Quand elle revint, Ampépeur avait fait une pile de toute sa doc afin de faire une place pour les pizzas. Ils mangèrent machinalement à même le carton. Elle voulut ouvrir une seconde bouteille mais il refusa, arguant qu’ils devaient garder l’esprit clair. Il avait raison, car si son esprit analytique naviguait en mode turbo, le reste de sa personne plongeait dans une douce langueur. Elle se sentait bien. Un verre de plus l’aurait peut-être un peu trop désinhibée. Oubliés, tous ses préjugés ; oubliée, mademoiselle le substitut ; oublié, monsieur le brigadier de police. Elle risquait de commettre la plus grande des stupidités. Mais plus tard. La priorité était ce dossier et en mettre plein la vue à cette policière dont elle ne supportait pas l’arrogance.


L’heure avançait ; le tutoiement avait remplacé le vouvoiement poli du début. Elle l’appelait Serge, elle lui avait demandé de l’appeler B.A. Ils avaient déjà relevé plusieurs points litigieux, mais rien de transcendant. Ce qui leur posait problème était la chronologie. Selon le légiste, le crime avait été perpétré entre 22 h 30 au plus tôt et 23 h 30 au plus tard. Fenêtre précise rendue possible par la présence rapide du légiste sur la scène de crime. Dans cette tranche, les deux principaux suspects avaient été mis hors de cause : l’inconnu par le zonage de ses appels aux services de police et à la presse. Ampépeur – et c’était une de leurs découvertes – avait établi formellement que Beisse n’avait pu prévenir qui que ce soit, donc Lambert n’avait aucune raison de revenir. Héléna Beisse, selon son téléphone, était restée chez elle. Que valait le témoignage d’un téléphone, même cellulaire ? Le nœud du problème était là. Mais il manquait trop d’éléments.


Ils revinrent encore une fois à la demande du brigadier sur les premières constatations effectuées par Racoune et Lénones ; il était persuadé que la solution se trouvait dans ces comptes rendus.



Main qu’elle oublia de retirer. Bras qui ne se déroba pas. Elle ne pensait plus guère à l’enquête. Pour elle, ils en avaient fait le tour. Riquebit aurait de quoi faire. Rattrapée par ses émotions, elle n’accorda guère d’attention au discours de Serge en train de pérorer sur quelqu’un qu’il avait connu à l’école de police. Elle feignait l’intérêt, plus concentrée à conserver sa main immobile sur l’avant-bras du garçon. Elle avait compris qu’il essayait de gagner du temps et que lorsqu’ils arrêteraient, pour lui le moment de partir serait venu. Elle profita d’un silence :



Il était vraiment délicieux, ce garçon : un simple geste et il rougissait. Du moins, c’est ce qu’elle crut jusqu’à ce qu’il parle.



Un frisson de désappointement la parcourut : le brigadier reprenait ses distances.



Il se levait. Elle affermit sa prise sur son avant-bras, le forçant à se rasseoir et revint au tutoiement :



Elle se délecta de la rougeur subite du policier.



Il n’osa refuser cette main tendue. Elle s’empressa de lui faire choisir un alcool. Il désigna une bouteille au hasard. Elle se demanda ce qui pouvait se passer dans le crâne de Serge, puis elle se fit la réflexion que face à l’image austère qu’elle lui présentait, il ne pouvait qu’avoir une envie : sauter sur son scooter et rentrer chez lui retrouver sa copine, car il en avait certainement une.



Elle qui avait dit ça ! Qu’est-ce qui lui prenait ? Elle eut quand même une double satisfaction. Un nouvel accès de rougeur et une dénégation indignée teintée d’amertume.



« Moi ! » faillit-elle répondre ; mais celui-là, elle l’avait retenu. Elle pouvait franchir le Rubicon, mais si elle voulait le séduire, il fallait que mademoiselle le substitut s’efface devant Béa (elle s’était rendu compte qu’il avait compris Béa, et ça ne lui déplaisait pas). Elle prétexta une envie pressante pour s’éclipser pendant qu’il s’étouffait avec la première gorgée d’une boisson manifestement trop forte pour lui.


Assise sur la lunette des toilettes, elle commença par dénouer ses cheveux. Pour l’étape suivante, elle hésita longtemps. Finalement, elle se décida : elle ôta sa chemise et entreprit de libérer son opulente poitrine de la bande Velpeau grande largeur qui la comprimait. Elle réenfila sa chemise sans agrafer le dernier bouton. En se traitant de folle et d’autres noms charmants, elle regagna le salon, ses seins ballotant librement sous la soie de son chemisier.



Elle ne put s’empêcher d’éclater de rire et vint s’asseoir à côté de lui, contre lui.



Il allait se foutre de sa gueule… Quelle conne elle faisait !



Elle lui sourit. Il lui rendit son sourire tout en gardant les mains crispées sur son verre ballon. Elle devait prendre l’initiative. Et s’il la repoussait ? Elle se rendrait ridicule. À Dieu vat ; pour une fois qu’un garçon lui plaisait vraiment ! Elle lui ôta le verre des mains et le posa sur le parquet.



Joignant le geste à la parole, elle se pencha et… Un bref instant, elle pensa subir une nouvelle humiliation. Serge semblait tétanisé. Les lèvres collées aux siennes restaient désespérément closes. Puis la bouche s’entrouvrit, une langue timide toucha la sienne, une main hésitante se glissa dans ses cheveux. Un « Ouf ! » d’allégresse explosa dans son crâne.


Leur baiser dura, dura… Loin des quelques hommes qu’elle avait connus, pressés de tripoter ses seins et de mettre leurs mains puis leur pénis dans sa vulve, Serge se montra d’une retenue, d’une douceur qui la réconciliait avec la gent masculine. Oui, il lui caressait un sein (pas pétrir comme un apprenti boulanger, caresser) parce qu’elle avait guidé sa main. Ce fut elle, encore, qui le conduisit à son lit. Quand il eut intégré qu’ils allaient faire l’amour, il oublia sa timidité et se révéla un amant courtois, prévenant, même imaginatif.


Il la traita comme une déesse, avec vénération. En prélude, alors que leurs bouches de nouveau jointes se lançaient dans un nouveau baiser marathon, les mains très masculines parcoururent son corps avec une délicatesse presque féminine. Évitant soigneusement les zones érogènes, ses affleurements l’électrisèrent. Sous ces caresses aériennes, ses poils se hérissaient, son corps se détendait. Le stress qui n’avait fait qu’augmenter tout au long de cette pénible journée se délitait lentement, la plongeant dans un bien-être sensuel auquel les rustauds qu’elle avait connus jusque-là ne l’avaient pas habituée.


Aussi elle – qui souvent enfourchait son lourdaud d’un soir afin qu’il libère sa semence au plus vite afin d’abréger la séance – se laissait aller à une douce langueur, perdant la notion du temps. Quand, enfin, de la paume il effleura son clitoris alors qu’un doigt se frayait un passage entre ses lèvres humides, elle se cabra et partit dans un orgasme incontrôlable. La main de Serge resta immobile au-dessus de son bourgeon tandis que son index allait et venait doucement entre ses grandes lèvres. Il la retira seulement lorsque son corps se détendit.


Ce premier round n’arrêta pas les ardeurs du jeune policier. Elle s’apprêtait à lui rendre la pareille, à jouer avec son corps, à l’amener aux portes du plaisir, mais ce n’était pas ce qu’il voulait. Dire que quelques heures plus tôt il pénétrait chez elle contrit de la déranger… C’était lui qui menait le jeu, c’était lui qui décidait. Et il avait décidé de la mener au plaisir en utilisant sa bouche.


L’heure n’était plus aux atermoiements : il s’attaqua à ses tétons, zone érogène au possible. Il les lécha, les suça, les mordilla, les aspira. Tandis que sa bouche réjouissait un téton, d’une main toujours aussi légère il massait, pressait, remontait l’autre globe. Il lui restait une main ; il l’avait plaquée, paume ouverte, contre son sexe, un doigt engagé entre ses fesses. Et cette main montait et descendait, effleurant le clitounet puis au retour appuyant divinement contre son anus.


Sa bouche, délaissant sa poitrine, descendit entre ses cuisses pour un concerto pour flûte endiablé. Le résultat ne se fit pas attendre : avant même que son phallus ne la transperce, il l’avait amenée à l’orgasme plusieurs fois avec seulement la bouche entre ses cuisses et les mains sur ses seins. Lorsqu’enfin il l’avait pénétrée – de manière très traditionnelle –, il y a longtemps que Barbara-Anne de La Bitchboille ne savait plus où elle habitait. Cette bite de prolétaire qui coulissait dans son intimité avait déclenché un feu d’artifice digne d’un 14 juillet !


Maintenant il dormait à côté d’elle, l’âme tranquille comme un enfant qui a bien fait ses devoirs. Elle, n’arrivait pas à dormir. Elle se repassait en boucle cette soirée, revenant essentiellement sur cette joute amoureuse inespérée. Elle revoyait cette tignasse blonde s’agiter à l’aplomb de son mont de Vénus. Elle s’entendait crier sa jouissance. Elle s’attendrissait sur l’air étonné et ravi de Serge lorsqu’à la fin de la fin elle lui avait dit « merci ».


Mademoiselle le substitut reprenait le manche par intermittence. Confortablement blottie contre son amant, elle abandonna vite le sujet pour revenir à sa rêverie post-coïtale, jusqu’à ce qu’elle repense à une réflexion de Serge : il avait reconnu quelqu’un. Qui ? Où ? Soudain, ça lui paraissait très important. Il fallait qu’elle sache ! Elle le secoua. Il était à peine onze heures. Après, ils pourraient peut-être…


Lorsqu’elle sut qui il avait connu et dans quelles circonstances, il lui parut primordial d’écrire immédiatement à Riquebit. La bagatelle, ce serait pour plus tard.



**********



Lundi, fin de soirée : appartement de Riquebit


Comme elle l’avait prévu (mais un peu plus tard que…), Tom s’était pointé, contrit, des roses à la main. Elle se demanda une seconde où il avait pu trouver des fleurs à cette heure de la nuit. Peu lui importait : il arrivait, piteux, la queue entre les jambes comme elle l’avait subodoré, ne sachant trop comment s’excuser. Elle ne lui laissa guère le temps de parler ; se débarrassant allègrement du bouquet en le jetant sur la table, elle l’enlaça. Elle porta la main à un endroit précis et expansible de sa personne, lui montrant comment se faire pardonner.


À l’instant précis où, s’étant débarrassés fébrilement de leurs vêtements, ils allaient passer aux choses sérieuses, retentit le son caractéristique annonçant l’arrivée d’un message sur son cellulaire professionnel. Certainement de La Bitchboille, car peu de gens connaissaient ce numéro. Elle s’éjecta du lit avant même de s’y être complètement abandonnée. La tentative de Tom pour la retenir fut vaine.



C’était bien ce qu’elle croyait. Mademoiselle le substitut avait bien travaillé. Elle avait eu raison de lui faire confiance.



Elle passa rapidement un peignoir hors d’âge alors que Tom restait nu, flamberge au vent. Elle avait déjà mis son laptop sous tension et ouvert sa messagerie ; le mail serait plus lisible sur l’écran de l’ordinateur.


Commandant,


J’ai effectué l’analyse que nous avions évoquée. Outre le laxisme coupable et orienté (!) dont vous avez fait preuve envers madame veuve Beisse, je me suis aperçu que votre enquête péchait sur un certain nombre d’items, et pas des moindres.


Tom s’était collé contre elle. Elle sentait sa bite peser contre sa raie culière. Lisant par-dessus son épaule, il s’exclama :



J’ai listé quelques points non-exhaustifs qui auraient dû être soit étudiés, soit approfondis :

Les liens : je ne vois nulle trace de la comparaison photos et vidéos.



Éléonore réfléchit un instant avant de répondre :



Deux premières victimes identifiées ; qu’en est-il de la recherche des proches ?

* Enquête de voisinage plus que sommaire.

* Avez-vous vérifié si le portable d’un des protagonistes aurait borné près de la scène du crime ?

* Enfin, nulle part il n’est fait mention de l’importance du fait que le tueur ait trouvé l’arme sur place.

* Saviez-vous qu’un des inspecteurs de la BAC d’Orléans avait été instructeur à l’école de police ? L’était-il en même temps que la victime Junipaire ?



Ils renoncèrent à comparer les nœuds sur les photos et sur la vidéo. Les technos – enfin, Ampépeur – s’en chargeraient demain. Mais si ça se révélait exact, Beisse n’avait pas pu appeler un seul de ses acolytes, ce qui éliminait Lambert et les Mariani avec une proportionnalité proche de cent pour cent. Encore une piste qui se terminait en cul-de-sac.


Élo s’abandonnait aux mains de Tom qui, passées sous le peignoir, caressaient ses seins aux tétons roidis par l’excitation. La hampe qui appuyait contre le bas de ses reins tentait, malgré l’étoffe rêche, de se glisser entre ses deux lunes. Demain il ferait jour ! Elle referma d’un geste décidé le laptop et se dirigea vers son lit, entraînant Jaude toujours scotché à elle dans son sillage. Ils s’effondrèrent sur le lit. La robe de chambre s’envola vers une destination inconnue. La barre d’acier qui quelques secondes auparavant voulait se frayer un chemin entre ses fesses insuffla un désir pervers dans son esprit : elle allait lui offrir ce qu’elle n’avait jamais offert à aucun homme.



Non, il n’avait pas compris. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser.



Élo mit fin à la conversation en embouchant la bite de son amant et en lui présentant ses centres de plaisir. Pour exaucer sans douleur le vœu de sa petite camarade, Tom s’employa à préparer le passage. Ses doigts s’abreuvèrent à la source sourdant du temple d’amour qu’ils avaient précédemment visité. Afin que celle-ci ne se tarisse pas, sa langue s’occupait du petit encapuchonné sans moustache.


Complètement détendue, elle pompait vigoureusement le membre qui coulissait entre ses lèvres sans réaction visible de son compagnon trop occupé par son grand œuvre. Par contre, elle grimpait une à une les marches qui l’emmenaient vers le septième ciel. Elle procéda à un nouveau basculement.



Attentionné, Tom prit un oreiller qu’il plaça sous ses reins puis, repoussant ses cuisses contre ses seins, il vint positionner son gland contre son œillet.



Par bravade – car elle avait quelque crainte – elle lui répondit :



Doucement, il poussa. Il prenait son temps. La tête de son gland forçait millimètre par millimètre cette porte inviolée qui doucement s’ouvrait. Soudain, Éléonore lui empoigna les fesses et les tira à elle. L’huis céda et il se trouva enfoncé jusqu’à la garde. Elle retint un cri de douleur et s’écria :



Il n’eut pas besoin d’autres encouragements : la poussée brutale qu’elle avait engendrée avait servi de starter à sa brigade de spermatos. Il la pilonna comme elle le désirait. Élo se dit que quelque chose n’allait pas quand elle pensa de nouveau à l’affaire. Était-ce dû aux frottements irritants contre ses sphincters ou à la sensation d’être à deux doigts de résoudre l’affaire, mais elle perdait de plus en plus d’altitude. Ne voulant pas que Tom s’en aperçoive (le pauvre n’y était pour rien), elle continuait d’onduler du bassin et de pousser des couinements montrant son contentement. Racoune ! Avait-il rencontré Junipaire à l’académie ? Et s’il l’avait croisé ? Il y avait un certain nombre d’élèves. Était-il pour autant impliqué ? Tom ahanait de plus en plus fort au-dessus d’elle. Il avait l’air sain d’esprit, bien dans sa peau. Quelle relation pouvait-il avoir avec elle ? Il avait bientôt fini. Ça lui brûlait le cul.


Toujours ce foutu sentiment de passer à côté de quelque chose. Ouh là là ! Le piston au-dessus d’elle s’affolait. La conclusion approchait. Il fallait qu’elle se prépare à manifester sa jouissance. C’était chez Racoune, elle en était sûre. Qu’est-ce qui s’était passé ? Ils avaient baisé, mais à part ça ? Elle sentit Tom se raidir et un jaillissement de foutre ruissela en elle. Merde, il n’avait pas mis de préso.



Elle se déficha de son amant et roula sur elle-même.



Elle se leva précipitamment et revint avec le laptop. La photo de Jennifer Junipaire apparut à l’écran.





**********



Récit de Ricky Racoune


Jennifer, la première fois que je l’ai vue, en fait je ne l’ai pas vue ! J’animais plusieurs fois par an des modules en cybercriminalité. Durant ma première intervention, elle resta silencieuse devant son écran en prenant des notes. À la fin de mon exposé, alors que ses coreligionnaires se pressaient vers la sortie, elle attendit que le dernier ait quitté la salle pour s’approcher de mon bureau. Je me dis in petto « Encore une de ces élèves qui pour se faire bien voir sont prêtes à coucher si nécessaire. » Je ne mangeais pas de ce pain-là et je n’avais pas besoin d’abuser de ma position pour trouver des petites amies.


Je me trompais lourdement : elle me posa des questions pertinentes mettant en lumière quelques failles dans mon cours. Je compris vite qu’elle n’avait pas les intentions que je lui prêtais. Le sujet l’intéressait, et seule sa timidité maladive l’avait empêchée d’intervenir devant les autres. Il ne faut pas se fier aux apparences (dans notre métier, nous sommes bien placés pour le savoir), mais Jennifer avait quelque chose de particulier, de différent. Elle ne se maquillait pas, ne portait pas de bijoux, ses longs cheveux bruns toujours tenus par un chouchou. Ni prude, ni « vieille France », mais nature : elle ne faisait rien pour se mettre en valeur. Pourtant elle m’a fait craquer. Dès notre seconde conversation, j’avais décidé, dérogeant à mes habitudes, de la séduire.


Draguer n’est pas le mot adéquat. J’avais envie puis rapidement besoin de passer du temps avec elle. Elle ressentait la même chose. Tout se fit naturellement, sans chichis ni atermoiement. Une fois sa timidité vaincue, elle se montra gaie, ouverte, pleine d’audace. Nous passions ensemble tout notre temps libre tout en restant discrets. La seule contrainte que nous nous donnâmes fut d’attendre la fin du module. Je ne voulais pas coucher avec une élève et elle avec son prof afin d’éviter toute malveillance. Aussi nous attendîmes le dernier jour : le vendredi 23 mai 2014. Ma dernière intervention avec son groupe avait eu lieu la veille. À 16 heures, elle montait dans ma voiture et nous partîmes pour Courville où mes parents avaient une résidence secondaire.


Loin de jouer les pucelles effarouchées, Jenny ne nous laissa pas l’opportunité de décharger nos bagages, ni d’atteindre la chambre. Elle se déshabilla en un temps record, m’incita à faire de même et m’entraîna sur le divan. Je n’eus pas le temps de détailler son corps. Telle une furie, elle m’embrassait à pleine bouche, vérifiait que mon érection était suffisante et se fichait sur mon sexe. Cette première étreinte ne dura que quelques minutes et, emportés par notre fougue, nous finîmes sur le parquet. La découverte de nos corps s’apparenta à une visite de la capitale par une horde de touristes chinois qui dévasterait tout sur son passage. Après cette blitzkrieg, ses premières paroles prononcées furent d’un grand romantisme :


  • — Purée, ce que ça fait du bien ! Un peu comme quand tu as retenu ton pipi pendant des heures – pour nous, ça faisait des semaines – et que tu peux enfin te laisser aller.

Nous remîmes le couvert une vingtaine de minutes plus tard dans ma chambre. Cette seconde manche se joua tout en finesse et tendresse, plus d’aces, mais des balles liftées. À ce jour, je ne l’avais vue qu’en jean/polo ou uniforme. Rien qui laissât deviner la beauté, la sensualité de son corps. Lorsqu’elle marcha devant moi pour gagner la chambre, je pus admirer ses deux petites lunes ondulantes, ses hanches marquées, sa chute de reins en pente douce. Loin de me précipiter pour y mettre les mains (ou autre chose), je m’arrêtai pour profiter de cette vue, détaillant ses longues jambes de sportive accomplie. Je bandais à la simple vue des poils de son minou qu’à chaque pas elle me dévoilait. Elle dut sentir mon éloignement ; elle se retourna, impatiente :


  • — Tu viens ? J’ai faim !

Béat, j’étais ! Après le côté pile, elle m’offrit le côté face. Mes yeux ne savaient pas où donner de la tête, passant de ses petits seins aux tétons arrogamment dardés à son entrecuisse où sa toison sauvage cachait totalement ses lèvres, petites ou grandes. Elle éclata de rire et s’approcha.


  • — C’est flatteur ou tu as peur ?

Je restai muet. Jamais une fille ne m’avait fait cet effet-là ! Elle avait raison : j’avais peur. Peur de la toucher ! Peur de la souiller ! Heureusement, elle ne connaissait pas les mêmes problèmes. Elle me saisit délicatement par mon membre qui, lui, ne cachait pas son jeu et m’entraîna derrière elle avec cette dernière phrase :


  • — Mon chéri, la Nature demande !

Nous avons passé un week-end merveilleux où nous nous sommes aimés physiquement aussi souvent que nous le pûmes. Rétrospectivement, ce ne fut pas le plus important. Tout ce que nous avons partagé au cours de longues balades, de repas improvisés, de longs moments post-baise bien plus que nos exercices gymniques fit que dès le lundi, Jenny amenait ses affaires dans mon appart’. Appart’ où nous vécûmes, pendant trois ans, une histoire sans nuages jusqu’à ce maudit week-end où elle s’est fait enlever par cette ordure de Beisse. Ce salaud profita que j’étais en déplacement outremer pendant quinze jours pour commettre son forfait.


Je n’appris la vérité – enfin, qu’une partie – en rentrant le week-end suivant. Je me réjouissais de retrouver Jenny après cette trop longue séparation. Nous avions prévu de retourner à Courville. Je la trouvai dans notre chambre, prostrée sur le lit, mutique. Il me fallut des heures pour parvenir à ce qu’elle décroche un mot. Lorsque j’y parvins, elle se montra intarissable. Elle me raconta son calvaire en refusant d’entrer dans les détails. Elle n’avait pas voulu porter plainte et était allée en cours toute la semaine comme si de rien était.


Quand je lui demandai pourquoi, elle m’exposa ses raisons. Elle était bien placée pour savoir comment étaient traitées les victimes de viols, malgré tout ce qui était raconté dans les médias. Elle ne voulait pas que sa carrière fût entachée par cette mésaventure, et surtout il lui semblait avoir reconnu son agresseur. Dans un premier temps, elle ne voulut pas me donner son identité. Elle me dit simplement que ce serait sa parole contre la sienne, et qu’à ce jeu-là, étant donné sa position, il n’y avait aucune chance qu’on la croie. Elle finit par m’avouer au bout de plusieurs semaines qu’elle croyait avoir reconnu cette saloperie de député qu’elle avait croisé lors d’un stage à l’Assemblée, sans en être sûr à 100%. Je lui conseillai d’aller voir un psy, mais toujours pour ne pas avoir d’annotation négative dans son dossier, elle refusa. J’insistai, mais en vain.


Ce vendredi funeste, lorsque je voulus la prendre dans mes bras, elle se rejeta en arrière. Il me fallut des semaines pour qu’elle accepte que je la tienne serrée conte moi. Elle, qui était nature et se promenait souvent nue dans l’appart’, se traînait immanquablement avec un de ces joggings unisexes qu’on fournissait à l’académie. Plus jamais je ne l’ai vu nue, plus jamais nous n’avons eu de câlins. Elle en pleurait de désespoir, me demandait de lui pardonner. Qu’avais-je à lui pardonner ?


Nous aurions pu continuer comme ça. Mon amour pour elle allait bien au-delà de nos rapports physiques, aussi bons et importants fussent-ils. Elle en décida autrement. Un soir, alors que je rentrais du boulot, je trouvai un mot où elle disait qu’elle m’aimait et me demandait de lui pardonner et de l’oublier. Sans autre indication. Elle avait emmené tout ce qui lui appartenait, sans oublier sa brosse à dents. Je sus en consultant le résultat des nominations de fin d’études qu’elle avait obtenu son vœu numéro 1 : un poste à La Réunion. Je comprenais son besoin de recommencer à zéro, très loin de tout ce qui pouvait lui remémorer cette triste expérience, mais je lui en voulais un peu de ne pas m’en avoir parlé.


Le léger ressentiment que j’éprouvais à l’égard de Jenny n’avait rien en commun avec la haine que j’avais développée envers Éric Beisse. Aussi, imaginez l’espèce de jubilation qui m’envahit quand on nous envoya à son pavillon de chasse où il aurait été agressé. J’ai rêvé tout le long du trajet de trouver son cadavre en priant pour qu’il ait souffert avant de mourir.

Imaginez donc ma déception quand, après avoir fait le tour des lieux, nous n’avions rien trouvé indiquant que cette pourriture pouvait avoir dérouillé.

Imaginez aussi le déferlement de haine quand j’entrai dans cette pièce qui ressemblait en tout point à la description que m’en avait faite Jennifer.

Imaginez enfin la satisfaction sadique de voir monsieur le député, crucifié à poil, le cul en l’air. Complètement à ma merci. À cette seconde, je savais que j’allais devenir un assassin.


Ma première idée avait été de l’étrangler séance tenante. Je me retins. Il fallait qu’il sache pourquoi il allait mourir.


Ce fils de pute avait vu mon brassard de police : il crut qu’il était sauvé.


  • — J’ai été odieusement agressé. Libérez-moi immédiatement. Déjà, tournez cette croix, je n’en peux plus.
  • — Ferme-la, espèce de pourriture !
  • — Mais… vous… vous êtes de la police. C’est moi la victime. C’est n’est pas une manière de me traiter. Vos supérieurs vont avoir de mes nouvelles !

Même ligoté sur une croix, cette salope jouait encore à l’important. Il continua :


  • — Vous ne savez pas qui je suis !
  • — Si : vous êtes le pourri qui a violé et torturé le lieutenant Junipaire.

À cette annonce, il pâlit mais voulut encore fanfaronner :


  • — Qu’est-ce que vous racontez ? Je suis député de la République…

Je ne l’écoutais plus. J’allai fermer la porte et revins vers lui pour lui régler son sort. La manière de le faire m’apparut évidente lorsque j’aperçus le 22. Il allait mourir par où il avait « tué » moralement Jenny. En me voyant approcher, l’arme à la main, je lus dans son regard qu’il avait compris ce qui allait lui arriver.


  • — Non ! Non ! Pitié… Je peux vous payer ! Je peux indemniser le lieutenant.

Sans un mot je passai derrière lui. Je lui plongeai brutalement le canon dans l’anus et actionnai la détente jusqu’à ce que le barillet eût tiré les quatre cartouches qu’il contenait encore. Me penchant vers lui, je lui murmurai à l’oreille :


  • — De la part du lieutenant Junipaire.

La scène n’avait pas duré plus d’une minute. Je pensais voir débouler Lénones, attirée par les coups de feu, et j’étais prêt à répondre de mes actes. Mais ses sphincters avaient servi de silencieux, et en plus – je ne le savais pas alors – la pièce était totalement insonorisée. L’instinct de survie prit le dessus ; j’essuyai la crosse de l’arme. Lorsque je remontai, je trouvai ma coéquipière en train de visionner une des vidéos sur l’ordi. Je lui expliquai ce que j’avais trouvé, lui demandant de sécuriser la scène extérieure pendant que j’appelais notre commissaire. Je pensais pouvoir tabler sur une bonne heure avant que le scientifique arrive, mais comme notre patron avait eu l’intelligence de refiler le bébé à la maison mère, il se passa plus de temps et Beisse commençait vraiment à refroidir : j’avais peut-être une chance de m’en sortir. Je redescendis au sous-sol et essuyai soigneusement les empreintes sur le révolver.


Après, tout s’est déroulé comme dans un rêve/cauchemar. Le plus dur ayant été de me montrer à la hauteur avec le commandant Riquebit qui avait besoin de sa dose de sexe ; mais quel meilleur exutoire ?


J’ai trop l’expérience des enquêtes criminelles : je sais qu’à un moment où à un autre le commandant Riquebit trouvera le lien entre Jenny et moi. Je n’ai aucune envie d’affronter un tribunal. Pas pour moi car je ne regrette rien : j’ai supprimé, de quatre balles, un trou-du-cul, un nuisible qui ne méritait pas le titre d’être humain. Mais je ne veux pas que Jenny ait à revivre devant les juges le calvaire que cette ordure lui a fait subir.


Aussi je tire ma révérence, mais pour moi une balle dans le cœur suffira.



* * *




Dédicace spéciale à Karlotta Gräfin von Königsbergstein, ma muse des jours de pluie.