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Temps de lecture estimé : 27 mn
30/03/19
corrigé 06/06/21
Résumé:  On ne tombe pas amoureuse aussi facilement. Et l'envie de s'éloigner parfois peut sauver bien des situations.
Critères:  ff voir cunnilingu -initff -mastf
Auteur : Jane Does      Envoi mini-message

Série : Le silence des morts

Chapitre 06 / 06
Les deuils à faire

Épisode I : Un jour sans fin

Un moment difficile, un monde étrange et déroutant…


Épisode II : Un bien curieux personnage

Entre air pur et air vicié, angoisse et joie de respirer librement. Une femme ballottée par les événements.


Épisode III : Le chant des nuits

Un bon travail, une amitié naissante et un spectacle qui ne laissent pas notre héroïne indifférente ?


Épisode IV : L’appel des sens

Il faut parfois bien peu de choses pour que tout bascule. Et la vision d’un autre plaisir peut entraîner… tellement d’émois !


Épisode V : Nuit de folies

Une parole est une parole. Celle donnée n’a de poids que par son respect… et même les aristocrates, dans ce domaine, sont faillibles.




—xxxXXxxx—




Entre dire et faire il reste un fossé assez profond à combler. Les jours qui suivent, à la librairie, ma patronne Dorothée, si elle s’aperçoit de ma morosité de plus en plus visible, ne tente nullement de s’immiscer dans mes affaires. Elle me suit de plus en plus fréquemment des yeux, se demandant peut-être ce qui m’arrive. Je n’ai pas envie de rendre publiques mes prouesses sexuelles et je m’abstiens de lui faire une allusion quelconque à mon désir de quitter le château. C’est elle qui, au bout d’une bonne semaine de mes errements, finit par craquer.



Ma patronne lève les yeux au ciel, je ne dois pas attendre de réponse de sa part. Elle me surprend pourtant dans la seconde qui suit :



Sa voix se fait plus chevrotante et je me dis que ce n’est pas le moment pour poser des questions. Elle revient sur le sujet du Comte avec un timbre enroué.



Elle vient de m’avancer cette phrase avec un accent de sincérité dans la gorge qui me laisse penser que Damien ne l’a pas laissée indifférente. Il faut aussi avouer qu’elle a encore une belle allure. Ses cheveux, juste un peu gris mi-longs, lui coulent en cascade sur les épaules et ses formes sont toujours très attirantes. De plus, pourquoi ne devrait-elle pas aussi avoir une vie en dehors de ces murs ? J’en ai déduit d’après ces paroles que les images de sa mère lui sont douloureuses. Et je m’aperçois que le Comte la remue aussi.


Elle s’est vite remise et m’invite cette fois avec plus d’entrain.



Je lui emboîte le pas et nous allons de pièce en pièce dans un univers qui lui parle plus qu’à moi. La cuisine sans être vraiment moderne est pourtant équipée d’un confort normal. Les éléments muraux permettent un rangement d’une vaisselle dont je ne suis pas vraiment riche. La chambre est spacieuse, agréable. Une salle de bain équipée d’une douche, mais également d’une baignoire se trouve contiguë avec la chambre. Les toilettes séparent un petit salon de la chambre à coucher.



Je pose mes quinquets sur cette femme qui bavarde, sans se rendre bien compte qu’elle avoue implicitement connaître le château et son haras plus intimement que je ne le pensais. Pour savoir qui est Marquis, elle a dû s’y rendre obligatoirement. Mais elle n’a pas remarqué mon sursaut à la prononciation de cette phrase. Elle continue sur sa lancée, heureuse de savoir que je vais probablement venir vivre au-dessus de mon lieu de travail. Et lorsque nous fermons la boutique à l’heure du déjeuner, nous avons donc avancé d’un cran dans nos relations amicales. Sa frimousse reflète un certain bonheur !


Les jours succèdent aux jours et nous devenons de véritables amies. Alors, ce matin où elle me demande de m’occuper d’une grosse livraison, je suis dans l’arrière-boutique à gentiment déballer les cartons fraîchement arrivés. Le grelot de la porte qui nous signale une entrée m’indique donc qu’un client vient d’arriver ou que Dorothée sort. Je songe à juste titre qu’elle me prévient toujours lorsqu’elle s’absente, donc il ne peut s’agir que d’un acheteur. Quand j’entends ses pas qui avancent dans la direction de l’endroit où je me trouve, je suppose qu’elle vient chercher ce que veut celui ou celle qui est entré.


Je devine du fond de mon réduit la petite tête qui se penche en avant, comme si ma patronne fouillait du regard pour me chercher. Dès qu’elle m’aperçoit, elle me parle assez bas.



Dans le ton qu’elle emploie, je sens une sorte de peur qui se révèle. Pourquoi avoir la trouille ? De qui, de quoi ? Je ne dois rien à personne et tranquillement je finis de ranger par lettre alphabétique les dernières acquisitions du commerce de mon amie. Ensuite je reviens vers celui qui est venu pour moi. Pour moi ? Bizarre tout de même puisque personne ne connaît mon emploi. Je veux dire dans mes anciennes connaissances et les deux potes du Comte non plus. À moins que celui-ci n’ait donné ma nouvelle adresse à ses copains ? Je vais en avoir le cœur net dans une poignée de secondes.


L’allure de l’homme qui de dos converse avec Dorothée me rappelle vaguement quelqu’un. Au bruit de mes pas, l’individu se retourne presque brusquement. Merde ! Le sosie d’un Gaston Lagaffe remonte à ma mémoire. Mon passé qui me saute à la figure sous les traits de cet énergumène. Le Directeur de la prison qui se tient là me fiche la trouille. Qu’est-ce que ce mec peut bien me vouloir ? Et puis comment s’est-il procuré l’adresse de mon boulot ?



Les épaules voûtées s’éloignent vers la porte de sortie. Drôle comme ce visage, avec tout ce qu’il me rappelle, me fiche un coup au cœur. Mon passé qui me saute dessus telle la misère sur le pauvre monde. Dorothée derrière le comptoir fait mine de farfouiller dans le tiroir-caisse. Mon regard croise le sien et je lis dans ses billes comme une attente.



Je vois le menton de ma patronne qui se baisse sur son cou, elle ne me regarde plus, gênée par ma réaction épidermique. Sur le moment je ne comprends pas très bien pourquoi elle montre autant d’intérêt à ce type qui vient de partir. C’est mon esprit qui me joue des tours ? Je n’analyse pas vraiment la situation. Je retourne dans ma réserve et j’y passe le plus clair de mon temps. C’est pour l’heure du déjeuner que ma patronne vient me rechercher.



Si le début du repas est assez compliqué, un apéritif remet bien tout à plat. Lentement, mais sûrement, la chaleur diffuse de l’alcool me ramène à de meilleurs sentiments. Ma patronne discute de tout de rien, mais je la sens préoccupée par je ne sais quoi. Enfin plutôt si, je sais, mais n’ai guère envie de m’aventurer sur le terrain glissant de ce qu’elle a en tête. Mes bonnes résolutions volent en éclat lorsque d’une voix plus chevrotante elle remet sur le tapis un Lagaffe qui l’obnubile vraiment.



La libraire appelle la serveuse et, avec les cafés, l’addition. C’est à quelques minutes de quatorze heures passées que nous rentrons à la boutique. Personne ne nous attend et notre retard n’est donc pas si grave. Je réintègre le local de rangement et à la fermeture du soir, tout est bien en ordre. Dorothée semble perdue dans ses comptes.



Elle sourit sans que cette risette s’adresse à qui que ce soit. Heureuse sans doute de n’être pas complètement délaissée pour une heure ou deux. C’est super crucial de se soutenir dans les périodes de mal-être. J’en sais beaucoup sur ces longues traversées du désert. Et nous papotons sans rien nous révéler de secret, juste pour le plaisir d’avoir une voix qui répond, une présence vivante face à soi. Dorothée, en plus de l’apéro, a sifflé aussi plusieurs verres d’un bon côte du Rhône. Grisée, elle se lance dans de longs discours qui finissent par me faire rire. Elle me parle de ses amours, toujours déçus, de ceux qu’elle aimerait voir venir.


Je saisis bien mieux son empressement à s’attacher à notre Lagaffe de service. Plus elle parle et plus je ressens de l’affection pour elle. Une empathie que je ne m’explique pas vraiment. Tout en elle, d’un coup, me donne chaud partout. Sa voix suave, ses manières de bouger, sa bouche pour sourire. Bizarrement cette femme fait naître mon envie. Oui, c’est bien le bon mot, celui qui convient. Une envie d’elle, de la serrer contre moi, de lui voler un peu de cette tendresse, de cette douceur qui émane de son moi profond. Et pour la première fois de ma vie, une fille me chauffe le sang au point de penser que nous pourrions… oui, faire l’amour toutes les deux !


Ressent-elle ce qui m’étreint ? Dans ses regards il me semble que des paillettes d’or se mettent à scintiller. Je voudrais donner le change, éviter que mon trouble ne soit trop visible. Alors bêtement je reviens sur un point qui me chagrine.



Une autre question me brûle les lèvres. Je n’ose pas la poser brutalement. Je ne saurai donc jamais la vérité. Une autre chaleur m’a envahie. Dorothée depuis le début de nos échanges verbaux n’a pas lâché ma main. Un courant électrique qui me parcourt tout l’épiderme me file une chair de poule monstrueuse et elle se méprend sur le sens de celle-ci.



Elle pouffe de rire et je lui emboîte le pas dans ce fou rire qui nous gagne. Finalement j’ai picolé autant qu’elle. L’alcool aidant, la vie nous apparaît sous un jour nouveau. Elle se lève avec peine.



Je vois qu’elle n’est guère vaillante sur ses jambes. Elle chancelle et finit par atterrir dans mes bras. Elle ne fait rien pour éviter le contact de nos deux carcasses enivrées. Et les bizarreries s’enchaînent avec élan. Mes bras se referment sur le corps de cette patronne si sympa. Son souffle se fait plus court dans mon cou. J’ai l’impression également que ses lèvres l’effleurent habilement. Son état serait-il feint ? Le mien en tout cas ne l’est pas. Et les seins qui se pressent contre ma poitrine n’arrangent en rien la perception étrange que j’ai depuis un moment. Je me sens fondre.


Pourquoi nos visages si proches se trouvent-ils accolés ? Je ne sais plus trop ce que je fais, et le sait-elle vraiment, cette Dorothée qui pose sa bouche sur ma joue ? Ce frôlement a le don de m’envoyer des signaux que je ne veux plus interpréter. Ils sont dirigés vers un moment plus câlin que je ne refuse pas. Un vrai baiser, rempli d’une infinie douceur, une pelle comme j’en ai rarement connue me surprend par sa tendresse. Ma patronne, mon amie, ma copine sait de toute évidence embrasser et que je sois de son sexe ne l’intimide nullement. Est-ce aussi pour nous assurer que nous ne rêvons pas que nous en renouvelons l’exquise teneur ?


Quand nous reprenons nos respirations, elle et moi devons avoir les yeux pleins de promesses. Un reste de lucidité me fait me détacher d’elle, juste une fraction de seconde. Celle-là suffit pour qu’elle reprenne pied dans une réalité des plus terre à terre.



Elle s’est remise debout et cette fois sans hésiter, elle va, court vers la porte. Je suis là, tiraillée entre l’envie de la supplier de rester et la gêne de le faire. Finalement elle est partie et je suis seule chez moi à broyer du noir. Je regrette de n’avoir pas insisté, de ne pas l’avoir retenue. Mais il est trop tard pour refaire le monde et ma faim me garde bien éveillée. L’idée de prendre une douche s’impose d’elle-même. Et ce sont mes doigts qui me délivrent de la tension nerveuse de cette inouïe attente d’un plaisir qui ne veut pas me quitter. Il ne me faut pas de longues minutes pour que mon corps se consume dans des tressaillements bienfaisants et libérateurs.


Puis ma couche m’accueille sans m’apporter le sommeil. Je ne sais plus vraiment si je suis somnolente ou endormie. Bien que l’inconscience ne soit pas totale, je navigue entre le monde du réel et celui plus flou du sommeil. Pourtant à sept heures du matin j’émerge avec le sentiment d’avoir un train lancé à pleine vitesse dans la tête. Une journée qui s’annonce sous de bien vilains auspices. Il me faut me préparer à affronter le regard de Dorothée et ce n’est pas une mince affaire. Je me sens plus que pitoyable en descendant les marches qui mènent à mon espace de travail. Je suis heureuse d’être sur les lieux avant qu’elle arrive.




—xxxXXxxx—




Un matin à jouer au chat et à la souris. À nous éviter de toutes les manières serait plus exact. Nous nous livrons à un curieux ballet afin de ne jamais rester en contact plus de quelques secondes. Je reste troublée par ce sentiment diffus qu’elle m’attire bien plus que je ne le voudrais. Et je sens que ses regards reviennent sans cesse sur moi, dès que je suis dans son champ de vision. Et la pause déjeuner qui se profile me rend nerveuse. Comment gérer cet après qui n’est que bien ordinaire ? Quelle idiotie que de se comporter comme deux gamines fautives ! Nous n’avons fait que nous embrasser après tout !


Il me faut tout le courage de la terre, pour faire ces quelques mètres qui nous séparent. Et mes jambes tremblent lorsque d’une voix enrouée je lui parle :



Instinctivement nous nous sommes enlacées. Je sens dans sa poitrine son cœur qui cogne, presque aussi fort que le mien. C’est toujours aussi machinalement que ma main vient caresser sa joue où un ruisseau glisse vers son menton. Et nos bouches s’atteignent pour n’en former plus qu’une. Je me sens prise de cette furieuse envie qui, telle celle de la veille, renaît de ses cendres. Mais c’est tout autre parce que cette fois, Dorothée participe activement à ces caresses mutuelles qui s’échangent là entre les rayonnages de livres racontant tellement de belles histoires. Nos souffles qui s’entremêlent nous obligent pourtant à desserrer l’étreinte de nos lèvres.


La séparation n’est que de courte durée. Déjà les lippes qui se cherchent se butinent encore et encore. De plus, sur le bureau de l’arrière-salle, là où je pose habituellement les commandes en attente, elle me pousse gentiment à m’allonger. Ses mains impatientes fouillent dans mes atours légers, retroussant sans vergogne ma jupe. Ma culotte ne résiste que le temps de le dire à cet assaut de dix doigts fiévreux. Alors lorsque la bouche qui embrasse si bien la mienne vient aux abords de ce qui se trouve désormais nu, mes frissons ne sont nullement feints. Et je ne suis pas surprise par une langue voluptueuse qui se frotte à ma chatte.


Là, rien d’irritant ! Seulement une exquise douceur de peau dont aucun poil de barbe ne vient gratter les muqueuses sensibles. Et les frémissements de mes muscles ne sont pas juste dus à une position horizontale imposée par ma patronne. C’est divin et mes cuisses aussi en ressentent les effets immédiats. Du reste, mes mains ne s’y trompent pas, qui viennent appuyer sur le haut de son crâne pour la forcer à ne plus quitter les lieux. Dorothée connaît la musique, celle tirée d’un corps ressemblant à s’y méprendre au sien. Et ses attouchements sont bien sûr, suffisamment ciblés pour que l’expérience joue en sa faveur.


Les choses évoluent au fil des minutes et c’est bien dans mon appartement que perdurent nos jeux d’anges heureux. Les hors-d’œuvre de l’échoppe ne pouvaient pas nous suffire. Un écriteau signale sur la porte du magasin sa fermeture exceptionnelle. Et je refais avec une femme, ces mille et un mouvements que seuls des hommes ont connus avec moi. Tout participe à la fête. Bouches, doigts et peaux, tous se permettent des privautés que jusque-là, je n’avais réservées qu’à la gent masculine. Et nous refaisons le monde à la mode femelle, peuplant l’espace de gémissements, de cris et de piaillements de femmes en rut.


L’amour qui se vit dans une alcôve de mon appartement n’est pas ordinaire. Il nous emporte dans des positions que je n’aurais guère imaginées. Les doigts de Dorothée remplacent allégrement ce qui chez les hommes les rend si fiers. Les bruits de succion, ceux également dus aux frottements dans une zone humidifiée autant par l’envie que par les caresses, tout contribue à me faire perdre les pédales. Mais n’était-ce pas le but recherché ? Celui de l’oubli de tout par le sexe ? Les manières de ma patronne sont bien plus feutrées que ce que j’ai connu par ailleurs. Nous sommes sur la même longueur d’onde.


Je m’essaye aussi à tirer de son corps une vraie musique. Il me manque l’archet, mais je possède déjà le doigté et les gémissements, les soupirs de la belle remplissent le salon. Seuls ses épaules et ses talons par instants sont encore ancrés à l’assise du sofa. J’approche ma bouche de cet antre qui ressemble tellement à ce que j’ai entre les cuisses. La sensation de m’embrasser moi-même me surprend, bien que j’avoue que le premier contact ne soit pas désagréable du tout. Alors, enivrée par cette fente qui suinte une eau claire, je déguste goulûment le fruit mûr. Elle rue et soupire, signes avant-coureurs, prémices d’une jouissance annoncée.


Cent fois sur le métier nous avons remis notre ouvrage. Le soir est tombé depuis bien longtemps avant que nous réalisions que nous avons faim. Mais il s’agit bien de nourriture terrestre cette fois, dont nous avons besoin. Le sexe, conjugué au masculin ou au féminin creuse l’appétit aussi fort que les sens. La dînette qui suit nos fredaines est un moment particulier. En premier lieu parce qu’elle se déroule alors que nous restons absolument nues. Ces défauts qui sont autant d’avantages sur le lit se montrent plus crûment sous la lumière artificielle. Les ans ont fait leur travail de sape sur ces deux corps qui viennent de nous donner tellement de plaisir.


De la peau que mes doigts ont parcourue dans tous les sens, j’en découvre les grains de beauté, les aspérités et les longues plages bronzées. Les marques également laissées par les sous-vêtements plus pâles sont autant de points que mes yeux n’avaient pas perçus dans le feu de l’action. Dorothée suit également du regard les contours de ma silhouette que je promène sans pudeur. Elle a déjà de toute façon, consommé le produit, alors l’emballage… En passant ses deux mains autour de mon cou, pendant que je touille dans une jatte les œufs de notre repas, elle se frotte à moi.



Le repas est parfait. Un bon moment où nous rions aux éclats, nous lançant quelques vannes bien senties. Rien de méchant, juste de quoi garder l’atmosphère détendue. Elle a souvent les yeux brillants alors qu’ils se portent sur mes seins qui se trémoussent sous mes rires. Les siens sont aussi à hauteur de mes yeux. Fiers, ils pointent vers moi, avec ce que cela peut avoir de provocant. Elle reste une très belle femme, sans complexe vraiment. C’est désormais moi qui pose des questions.



Elle frissonne et je la vois qui tourne la tête. Pour cacher quoi ? Une larme sans doute, de rage, de dépit ? Mais ce ne serait pas honnête de lui dire que je suis amoureuse, pas à ce stade-là de cette relation que nous venons de vivre. J’avais seulement besoin de sexe pour renouer avec mon corps, avec mon esprit aussi. Me remettre les idées en place quoi ! Mais pour elle, je vois, saisis bien qu’il s’agit d’une toute différente attente. Alors ai-je le droit, l’envie aussi de continuer ? Ce serait lui faire mal et ce n’est pas mon désir. Alors je me lève de table, et débarrasse les assiettes vides.


Elle est revenue se coller à moi contre l’évier. Sa poitrine, son ventre, c’est bien avec ceux-là qu’elle me cherche. Je n’y suis pas insensible bien sûr. Mais est-ce bien lui rendre service que de lui laisser croire que c’est possible, l’amour entre nous ? Le sexe oui, mais les sentiments ? Je n’en ai pas vraiment pour elle, et cette situation me désole. Mais elle sait par ses gestes, remettre le feu à mes sens, sans pour cela emballer mon cœur. Et bien entendu que par le sexe, je peux lui faire plaisir. Je la laisse donc me caresser. Elle connaît les points qui font monter la pression et c’est là, sur le plan de travail de la cuisine que je me retrouve léchouillée par la jolie Dorothée.


J’ai les paupières baissées et j’apprécie cette minette qui m’ensorcelle, m’envoûte. Elle glisse en moi quelques phalanges, tout en persistant à me suçoter le clitoris. J’adore cela, mais ça ne me rend pas amoureuse pour autant. Il s’agit bien de sexe et pas d’autre chose. Un contact plus frais me donne des frissons partout. Elle a plongé dans mon intimité quelque chose de dur dont je ne sais rien. S’imagine-t-elle remplacer une bite de mec par la queue d’une casserole ou quelque chose d’analogue ? De plus le maniement de l’engin, n’est pas suffisamment maîtrisé et je lui murmure quelques mots…



Je la serre contre moi, de toutes mes forces. Et son visage sur ma poitrine me laisse deviner les pleurs qu’elle tente pourtant tant bien que mal de me cacher. Alors je l’embrasse sur le front, affectueusement, c’est le mieux que je peux faire… Dorothée n’a pas repris d’attouchements ce soir. Elle s’est éclipsée rapidement, sans doute déçue par la tournure prise par les évènements. Mais il ne m’était pas possible de faire semblant. Notre partie fine reste un souvenir savoureux, mais je ne tiens pas à en faire une habitude. Je pense qu’elle est assez fine mouche pour avoir saisi la nuance.




—xxxXXxxx—




La cohabitation dans le magasin perdure depuis quelques mois. Puis un matin, j’éprouve le besoin de changer d’air.


Oui ! Les regards d’une Dorothée silencieuse depuis notre folie deviennent insupportables. Oh ! Elle ne parle pas. Elle n’en a pas besoin, ses yeux le font tellement mieux qu’elle. Ils me reprochent cet amour que je ne sais pas lui rendre. Pourquoi lui faire plus de peine ? Je ne m’en sens pas le courage. La fuite est mon salut. Alors hier soir, après la fermeture, j’ai fait mes valises et laissé un petit mot à celle à qui je dois tant. Elle l’aura à l’ouverture, mais je serai bien loin à ce moment-là. Ma petite voiture m’a menée vers un endroit qui reste chevillé à mon cerveau.


La maison n’a pas changé. Les volets pourtant sont ouverts, je ne sais pas qui vit ici depuis tout ce temps. Je n’ai pas besoin d’entrer pour revoir l’intérieur. Ce pèlerinage m’est nécessaire, il le faut, juste pour que je fasse mon deuil de mon ancienne vie. Puis je file vers un autre endroit. Il est midi, le soleil brille dans un ciel d’un bleu éclatant. Je pousse une grille aux gonds bien huilés. Devant la conciergerie, un vieux bonhomme en habits de travail me sourit.



J’ai sorti un papier de ma poche. Il y traîne depuis fort longtemps, il me manquait juste le courage de… faire cette démarche. Le vieux bonhomme m’indique gentiment le chemin. Je suis le parcours qu’il vient de me détailler et marche dans les allées. Là, au détour de la rangée numéro cinq, je suis arrivée. Le granit est froid, impersonnel devant moi. La croix qui en surmonte la tête me renvoie une ombre gigantesque. Je lis les deux dates, le nom, tout est gravé dans la pierre. Alors sans dire un mot, je te parle.


« Bonjour Paul ! Je suis venue te dire que j’ai fini de souffrir. Je viens pour me réconcilier avec toi. Tu es le seul à connaître la vérité, à savoir que je ne t’ai pas poussé ! Tu as sans doute bien ri de tout ce qui m’est arrivé ensuite. M’aurais-tu défendue, si d’aventure tu avais pu le faire ? Ça n’offre plus d’intérêt de le savoir maintenant. Je suis libre, et je viens te dire au revoir. Cette fois, c’est la bonne. Plus rien ne me retient ici ! Je tenais à venir te parler, il me fallait simplement trouver le bon moment. J’ai vécu des tas de trucs depuis… ton départ. Beaucoup de mauvais, des meilleurs et puis des bons. Maintenant je repars à zéro, pour aller vers demain, avec la conscience enfin apaisée.


Au revoir Paul… et Dieu sait que je t’ai aimé… mais c’est aujourd’hui bel et bien fini ! »


Puis, cette formalité remplie, j’ai repris ma route, le cœur soulagé… avec le ciel pour témoin…

Demain n’est pas si loin et le temps efface toujours les pires souvenirs, ou du moins les atténue-t-il un minimum.



Fin…