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n° 18608Fiche technique29140 caractères29140
Temps de lecture estimé : 17 mn
20/10/18
corrigé 06/06/21
Résumé:  Petit intermède léger entre filles, autour d'une salade de crudités. Mais comme souvent, le profane n'est jamais bien loin du sacré.
Critères:  nopéné init nonéro portrait
Auteur : Amarcord      Envoi mini-message

Série : Chaque photo cache une histoire

Chapitre 05 / 07
Notre-Dame de la Virginité

Avertissement :

Ce récit est le cinquième épisode d’une série qui en comptera sept. La lecture préalable des épisodes précédents est recommandée, pour la compréhension de l’intrigue et celle de l’évolution des personnages.


Premier épisode : « Mimosa » ;

Deuxième épisode : « Jonas » ;

Troisième épisode : « Transports routiers ».

Quatrième épisode : « Conquêtes et Victoire ».




~~oOo~~




Je suis accoudée à la tablette du coin cuisine, avec ma petite sœur Zoé, passée me dire bonjour. Elle aura bientôt presque l’âge de mon premier casting. On ne se ressemble pas des masses. Elle est blonde comme les blés, je suis châtain clair, elle ressemble davantage à maman, moi à papa. Elle est drôlement mignonne. Évidemment, elle était à peine entrée qu’elle a croisé Victoire, qui se dirigeait à poil vers la douche. Je ne sais pas laquelle des deux fut la plus surprise. Là, comme à son habitude, Zoé me bombarde d’un feu roulant de questions. En particulier sur son unique centre d’intérêt du moment, le sexe. Et comme toujours entre nous, même si ça peut surprendre les tiers, il n’y a aucun tabou.



Je soupire. Je ne mens effectivement jamais à Zoé.



Elle me colle un gros baiser sur la joue, puis sirote son café.



Elle se renfrogne.



Elle se tait un instant, songeuse.

Le ruissellement de la douche avait cessé depuis un long moment déjà. Victoire devait avoir capté un bon bout de la conversation.



Victoire se décida à nous rejoindre, emmaillotée dans un linge de bain, et se chargea de répondre.



Zoé rougit



Je fronce les sourcils.



Elle rit.



Je réfléchis.



Victoire éclate de rire.



Elle rougissait.



Je ris.



Double Lutz ! Triple Axel ! Ouille, il l’a bien manquée ! Et les juges qui sortent leurs petites pancartes sur la touche.


On se bidonne toutes les trois.



Je souris.



Je ris à nouveau.



C’est Victoire qui répond.



Zoé lit : « Il était grand temps que je mette mon fils au monde. Il était temps que je me rende utile. Il m’a tout raconté. Pardon pour lui. Pardon pour tout. Merci. Soyez en paix. Soyez heureuse. »





~~oOo~~




Zoé ne dételait pas. Elle revenait sans cesse à la question de l’orgasme, qui semblait la tracasser, comme si c’était un impératif, une épreuve intimidante à franchir dans ce qu’il lui restait à découvrir. Et ce que j’avais sans doute eu tort de lui confier à propos de mes rapports avec Jonas l’interrogeait.



Elle hoche la tête.





~~oOo~~




Une fois habillée, je retrouvai Zoé et Victoire prises d’un énorme fou rire dans le coin-cuisine, comme des gamines. Ça parlait de bites, les tailles, les formes, les couleurs, j’ai cru comprendre. Ces deux-là s’entendaient à merveille. Je devais partir rejoindre Robert dans son studio, avant d’aller fignoler le projet de mon travail de fin d’études. Zoé m’accompagna. Dans le hall, elle m’arrêta.



Je l’embrassai bien fort.



Je ne dis pas à Zoé que Victoire n’allait pas tarder à partir bientôt, de façon aussi soudaine qu’elle avait surgi dans ma vie. Je le sentais, je le savais, et sans doute le souhaitais-je même. Entre Victoire et moi, il n’y avait jamais eu de véritable relation amoureuse, avec tout ce que ceci suppose de passion, de désir charnel, de besoin physique de l’autre. Il ne s’agissait d’ailleurs pas véritablement de sexe, je n’avais pas envie de franchir ce pas. C’eût été un mensonge. Et Victoire elle-même ne le recherchait pas. Nous entretenions plutôt une forme d’intimité sensuelle et tendre, presque chaste, une sororité un peu incestueuse et très épisodique. C’était bien sûr troublant. Mais pas au point d’être nécessaire. Et cela ne pouvait forcément être que très passager. Une brève rencontre. Je savais aussi que je la reverrais, comme une amie, sans le moindre malentendu.


Zoé se retourna encore vers moi.





~~oOo~~




Louise s’excuse pour le retard, elle vient de quitter sa petite sœur. Je la rassure, j’ai tout mon temps. Et puis je la remercie encore pour sa venue, et lui dis que c’est à présent à mon tour de me montrer généreux. Je lui tends le sac photo. Elle l’ouvre, elle y découvre deux boîtiers Leica, mes boîtiers, et la Sainte Trinité de l’optique : le 35 mm Summicron, le 50 mm Noctilux, le 75 mm Summilux.


Elle proteste. Elle sait qu’il y en a là pour une fortune. Non Robert, je ne peux pas accepter. J’insiste.

Louise pose un baiser sur ma joue, elle me remercie encore, je lui dis combien je suis heureux de lui offrir ces merveilleux compagnons, ils ne m’ont jamais trahi.


Elle se dirige vers le paravent, pour se changer.


Je l’observe s’éloigner. Louise a mûri. Elle n’est plus tout à fait la petite princesse mimosa accueillant la vie avec candeur, celle qui s’ouvrait à l’amour avec une innocence de fleur sauvage. Plus d’un petit pois a probablement meurtri sa peau douce. Elle n’a pas renié sa soif d’absolu, elle veut toujours croire au grand amour, mais elle aborde l’existence avec davantage de lucidité ou d’humour.


Elle a pourtant gardé intacte sa lumière, qui explose plus que jamais sur la pellicule, avec à la fois la légèreté d’un frisson et la gravité d’un sanglot. C’était sans doute ma mission que de capter cette poussière d’étoiles. De clore ma carrière en rédigeant mon évangile, de révéler au monde que tout n’est pas perdu.


Louise est prête, elle s’avance, dénoue le cordon du peignoir. Elle est nue.

Une sensualité d’Aphrodite. Une douceur de madone.


Je vais régler un à un les projecteurs, sculpter patiemment son corps, doser les plages d’ombre et les touches de lumière, me faire le témoin, avec humilité, du mystère.


Je vais laisser le miracle s’accomplir.