n° 18742 | Fiche technique | 22426 caractères | 22426 3900 Temps de lecture estimé : 16 mn |
22/12/18 |
Résumé: Une palette de couleurs sur fond de verdure. La préservation de la nature est un choix. | ||||
Critères: fh | ||||
Auteur : Jane Does Envoi mini-message |
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Résumé épisode I : « L’apprentissage »
Un temps lointain où les filles n’avaient pas la même valeur que les garçons !
Résumé épisode II : « Tante Gertrude »
Visite parisienne chez une vieille tante et bruit de bottes, à l’aube d’une jeune vie.
Résumé épisode III : « Un salon particulier »
Se faire belle reste tout un art et Madame se montre pleine de surprises.
Résumé épisode IV : « Le cadeau de Georges »
La vie se complique. Paris offre pourtant toujours de belles visites à faire et puis… les uns et les autres vont et viennent.
Résumé épisode V : « Montmartre »
Les rencontres les plus inattendues font se mêler les évènements insolites. Les temps troublés offrent bien des choix difficiles.
Paul se montrait charmant, mais terriblement dragueur. Empressé, il restait sur son idée, m’exhortant à lui servir de modèle pour quelques séances. Le fait d’être représentée sur une toile ne me gênait pas vraiment, mais ce qu’il peignait s’apparentait plus à la toile de Courbet « L’Origine du monde » qu’à un paysage champêtre. Et il insistait plus fortement encore, sentant mes doutes et mes hésitations. La pause « boisson » n’avait tourné qu’autour de demandes réitérées de poses proposées par monsieur De Montaut. Je refusais de moins en moins catégoriquement et me croyant maligne… je lui offris toute seule la corde à me passer au cou.
Au bout d’un long temps de suppliques, j’avais fini par baisser les bras. Paul tenait ma main dans la sienne depuis le début du dialogue durant lequel il s’était efforcé de prendre la citadelle, en contournant habilement toutes les défenses. Et c’était donc à l’usure qu’en dernier ressort j’abdiquais. Le sourire qui découvrit alors ses dents avait tout d’une victoire.
Paul m’avait serrée contre lui, et un instant j’avais craint qu’il ne veuille autre chose que ce baiser qui sonna sur mes joues. Mais non ! Il était resté, sinon calme, du moins patient. Les rues lors de mon retour à mon appartement ne grouillaient pas vraiment de monde. Alors que je m’apprêtais à retraverser la place du tertre, je fus hélée par une voix au fort accent étranger.
Trois hommes en uniforme me regardaient. Les yeux bleus de celui qui m’interpellait avaient des reflets acier. Je ne comprenais pas vraiment ce qu’ils me voulaient, mais m’approchais vers eux en tremblant.
Le type, avec des épaulettes différentes de celles des deux autres, semblait être le chef. Son index montrait mon sac à main. Je lui tendis donc ce qu’il voulait. Il l’ouvrit et en contrôla le contenu. Ma carte d’identité fut sortie aussi de mon portefeuille et inspectée sous toutes les coutures. Je vis avec des yeux ronds, passer entre les doigts du boche le fameux étui à médicaments. Lui aussi se trouva ouvert et le contenu vérifié. Le chef ne me quittait pas des yeux.
Mon sac reprit sa place sous mon bras et je marchai plus rapidement vers mon appartement. Les déplacements les plus courts devenaient aussi compliqués. Ils étaient partout et le poids de l’occupation pesait déjà sur la vie des gens. S’il avait su, ce gradé, où j’avais fourré ce tube d’aspirine… Cette simple pensée me donna le fou rire. Les rares passants que je croisais devaient me prendre pour une folle. Mon « chez-moi » devenait un nid où je me réfugiais avec un plaisir immense. Et songer que j’avais donné mon accord pour que Paul me peigne… je n’arrivais plus à y croire. Quelle idiotie !
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Pour une raison inconnue, la nuit précédant le pique-nique se trouva fort agitée. En m’empêchant de m’endormir, une insomnie passagère avait perturbé mon repos jusqu’à une heure avancée. Alors mon réveil brutal vers sept heures du matin nécessitait que je me refasse une beauté. Bain, maquillage, m’amenaient à l’instant où je devais choisir des vêtements adéquats pour une journée dont je ne connaissais rien. Le déjeuner sur l’herbe obligeait-il à se parer différemment des repas normaux ? Et puis la fameuse séance prévue par Paul ? Comment se déroulerait-elle ? La seule chose dont j’avais un vague soupçon, c’était bien que je serai… absolument nue.
Alors, que porter, pour que cette bêtise ne devienne pas une corvée ou ne tourne au cauchemar ?
Un panty qui masquait à demi mes cuisses, une robe à frou-frou noire travaillée par de la dentelle allaient me permettre d’être à mon avantage. Elle venait renforcer ma poitrine couverte d’un soutien-gorge pigeonnant qui remontait mes seins d’une façon… chaleureuse. Le miroir affichait une image de moi plutôt flatteuse. J’étais prête pour ce rendez-vous champêtre qui me remplissait d’une angoisse excitante.
Paul m’attendait devant son atelier. Sa main s’agitait dès qu’il m’eut reconnue. Et il m’ouvrit galamment la portière d’une de ces grosses tractions noires qui sillonnaient nos villes et nos campagnes.
Le paysage qui défilait offrait des vues merveilleuses. Durant quelques kilomètres, lors de la descente de la colline où l’automobile roulait, je crus qu’une mer aux reflets bleutés allait pointer le bout de son nez au détour d’un virage. Les arbres ici avaient des allures de boulots, de chênes, mais également de saules. Du reste, les longues tiges de ces derniers courbaient la tête vers l’élément liquide qui serpentait lascivement. La route suivait ses contours, longeant sur de longues distances la rivière.
Un de ces hauts- lieux de l’encanaillement parisien venait de nous sauter aux yeux. Paul avait le sourire. Il semblait parfaitement connaître le coin.
Nous avions, moi, mon ombrelle à la main, lui, sa boîte de couleurs et son chevalet sous le bras, parcouru quelques centaines de mètres le long d’une grosse rigole. L’eau murmurait bien doucement et un bouquet de boulots semblait avoir été planté là pour nous accueillir.
Son aller et retour avait été bref. Puis son chevalet installé, son immense drap de laine ouvert sur le sol, il attendait, sans dire un mot.
Surprise par la voix qui me répondait, je levais les quinquets. Ce bonhomme, fort comme un roc, droit comme un I chevrotait. Une émotion palpable et je déglutissais plus difficilement. Mon cœur battait tel un tocsin dans ma poitrine. Un à un les boutons qui fermaient ma robe s’ouvrirent sur le caraco qui gardait secret mon soutien-gorge. Paul restait planté à deux pas, avec son pinceau entre les doigts. Je rougissais de le voir me contempler d’une manière aussi… masculine.
Il fit comme je voulais et je terminai donc de me mettre dans une tenue d’Ève. Puis mes habits mis de côté, bien pliés pour ne pas se trouver froissés, je m’étendis au soleil sur le drap tendu. J’avais l’impression d’être obscène au possible. Il ne bougeait toujours pas, le dos tourné vers moi.
Lentement, je revis la bouille du barbouilleur dont le corps pivotait pour mettre celle-ci face à moi. Il restait pétrifié. Puis il vint s’agenouiller sur mon flanc.
Mes mains disposées de telle manière, mes jambes d’une autre, il modelait l’image de moi à son goût. Et avec des yeux brillants, il se remit debout, et commença son ouvrage. Je ne voyais bien évidemment rien de ce que son pinceau fixait sur la toile. Ses coups d’œil rapprochés me laissaient entrevoir l’intérêt qu’il portait à chaque détail. Puis d’un coup, j’eus comme un coup de chaud. Les prunelles du bonhomme ne quittaient plus un renflement plus qu’apparent dû au traitement fait par la blonde. Celle qui avait exfolié totalement ce mont de Vénus désormais aussi glabre qu’un œuf. Et Paul avait du mal à ne pas montrer une curiosité à peine contenue.
Quelques instants plus tard, sous prétexte que je ne gardais pas la pose initiale, il était revenu s’agenouiller sur mon bord et avait doucement séparé mes jambes serrées. Oh ! Il n’avait pas vraiment touché dans un sens purement charnel ; non, ses gestes restaient très… comment dire, feutrés. Il n’avait d’yeux que pour le convexe de ce sexe que je ne pouvais pas vraiment camoufler dans la position où j’étais. L’impression d’une impudeur extrême alors que sa main avait lâché ma cheville et que la vue que j’offrais l’émouvait de plus en plus.
Devant sa toile, l’œil revenait de plus en plus souvent, s’attardant bien trop longtemps, et du coup mon observation, à moi aussi, se focalisait plus que de raison sur ce Paul habité par je ne savais quelle réaction très masculine. Sur le devant de son pantalon de toile, juste sous la boucle de sa ceinture, il me parut que le tissu avait rétréci. Enfin, je supposais que ce qui tendait la braguette reviendrait à la normale dès que nous en aurions terminé de cette séance pesante d’un coup. L’atmosphère devenait plutôt électrique et le changement n’était plus que dans le tissu de cet homme.
Chez moi aussi, une sourde chaleur était montée, sans que je sois en mesure de refréner les réactions que celle-là entraînait. Pourquoi donc ce coup de chaud se précisa-t-il là, dans un lieu que d’ordinaire toutes les jeunes filles du monde ne montraient pas de si ostensible manière ? Plus l’autre inclinait sa tête pour percer à jour de son regard inquisiteur, l’entaille de femme que j’offrais à sa vue, plus mon ventre se crispait. Bien sûr, je sentais, devinais aussi que ma respiration se métamorphosait également.
Plus moyen de cacher ces soupirs qui remontaient de ma gorge, engrenant avec eux une sorte de halètement involontaire que Paul suivait presque avec assiduité. Je me rendais bien compte de l’inconfort et surtout de l’horreur de la situation. Que devait penser le peintre de ce spectacle lamentable de la jeune femme irrespectueuse que je devenais ? Les cloches qui se mettaient alors à tinter à quelques encablures de ma couche de fortune me sauvaient du naufrage. J’attrapais rapidement un des deux coins inférieurs du tapis sur lequel je gisais.
Lorsque les bras chargés d’un panier en osier, De Montaut souriant était revenu près de moi, j’avais rangé mes seins dans une gangue de tissu vaporeux, remis mon panty qui éloignerait également sa convoitise. Mais, et surtout, il masquerait cette eau limpide qui avait un instant, flirté avec le bord des lèvres de ce pubis indécent. Inutile de lui donner de fausses joies. Peut-être que, fine mouche, il avait décelé chez moi les signes avant-coureurs de l’envie quand elle gagne le corps des femmes. Mais… je n’étais toujours pas majeure et ma virginité ne serait pas à lui. Nous avions alors installé ensemble les couverts que contenait son panier.
Le repas fut un délice. Il ne fit aucune allusion à mon abandon ou mon absence passagère. J’avais avec mes vêtements repris mes esprits. Comme si le fait d’être nue devant un homme entraînait obligatoirement un émoi incontrôlable. Pauvre fille que j’étais ! Je me serais donné une paire de gifles, si je ne m’étais pas retenue. Il me savait à sa merci durant tout ce temps qu’avait duré la pose. Pourtant il n’avait, à aucun moment tenter d’abuser de la situation et se comporta également en gentleman tout au long du déjeuner. C’était donc tout naturellement, lorsque le repas prit fin, que Paul, me tenant par la main, m’emmena faire quelques pas, pour faciliter la digestion.
Ce petit moment bucolique le long d’un torrent où je décelais ici ou là, de longs traits sombres s’enfuyant, ressemblait fort à une petite parcelle de bonheur. Il était content, j’étais heureuse. Sans trop savoir pourquoi du reste. Peut-être aussi que l’oubli de cette guerre qui nous entourait, de ces Allemands qui nous colonisaient y était pour beaucoup. Une envie de chanter m’avait étreinte alors qu’une nouvelle raie sombre venait de filer sous les racines d’un saule protecteur.
À suivre…