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n° 18755Fiche technique21246 caractères21246
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Temps de lecture estimé : 16 mn
31/12/18
Résumé:  Un cadeau et une rencontre. C'est enfin le jour anniversaire tant attendu. Cadeaux pour Charlotte et pour Adèle, il y a Lionel. Et le couvre-feu qui oblige à la promiscuité.
Critères:  #personnages #occasion h hagé cadeau nopéné
Auteur : Jane Does      Envoi mini-message

Série : Journal d'une catin

Chapitre 08 / 12
Le fiancé d'Adèle

Résumé épisode I : « L’apprentissage »

Un temps lointain où les filles n’avaient pas la même valeur que les garçons !


Résumé épisode II : « Tante Gertrude »

Visite parisienne chez une vieille tante et bruit de bottes, à l’aube d’une jeune vie.


Résumé épisode III : « Un salon particulier »

Se faire belle reste tout un art et Madame se montre pleine de surprises.


Résumé épisode IV : « Le cadeau de Georges »

La vie se complique. Paris offre pourtant toujours de belles visites à faire et puis… les uns et les autres vont et viennent.


Résumé épisode V : « Montmartre »

Les rencontres les plus inattendues font se mêler les évènements insolites. Les temps troublés offrent bien des choix difficiles.


Résumé épisode VI : « Le ruisseau des tentations »

Une palette de couleurs sur fond de verdure. La préservation de la nature est un choix.


Résumé épisode VII : « Le retour d’Adèle »

Adèle, l’amie revenue, et les préparatifs de la Sainte Marie…




Le fiancé d’Adèle




Le quinze août à dix-neuf heures, une longue tablée discutait joyeusement dans une salle un peu à l’écart de l’endroit où se côtoyaient des gaillards en chapeau, des boches et quelques types ayant un accent plus qu’ensoleillé. Geneviève me raconta quelques histoires sur certaines des têtes qui grenouillaient dans la salle à côté de la nôtre. Dans la foule, je reconnus de loin Paul. Paul qui ne devait pas venir ! Avait-il, pour finir changé d’avis ? Mais son passage ne fut qu’un bref feu de paille. À peine entrevu qu’il avait déjà disparu, happé par la rue. Mon cœur se serrait de ne pas l’avoir au moins salué.


Étrange cette réaction de mon cerveau durant cette vision éphémère de l’artiste. Comme la serveuse venait pour poser devant nous des assiettes d’entrées appétissantes, je cherchais à mettre de côté mon presque regret. Geneviève avait aussi invité un type dans le style de mon vieux Georges. Il ne me quittait pas du regard et je me demandais si Madame n’avait pas décidé qu’il serait mon premier. De toute façon, je ne pouvais rien faire ni demander. Alors le repas continuait dans une ambiance festive. Un accordéoniste aussi s’installait sur une sorte d’estrade au fond de la salle.


Dès les accords de musique, certains hommes des autres salles étaient venus se frotter aux femmes qui visiblement n’étaient pas là que pour danser. Un rouge à lèvres criard, des allures de filles… des dindes que Madame regardait avec un quasi-dégoût. Comme j’étais placée à sa droite, je dus me pencher vers son oreille pour lui parler, tant il y avait de vacarme autour de nous.



En suivant le point que me désignait Madame, je découvris, assis sur une banquette dans le fond de la salle le garçon en question. Il avait osé ? Où lui avait-elle demandé de venir ici ? Le jeune amant de Clothilde qui cherchait à entrer en contact avec ma mère s’était fait remarquer. Même Geneviève l’avait tout de suite repéré. Quel imbécile ! Lui tournant le dos, maman ne pouvait pas le voir. Et comme elle me faisait face, je dus me lever à demi pour lui marmonner par-dessus la table.



Alors Gertrude qui avait tout capté se tourna vers elle et lui persifla en pleine face.



Candidement, Clothilde sans une once de malice s’était vendue. Sans se rendre compte qu’elle nous renseignait exactement sur la teneur des relations qu’elle entretenait avec ce type qui ne devait pas avoir plus d’un an ou deux de différence avec moi ou Adèle. Elle se leva, se retourna et voyant le gaillard au fond de la salle, elle s’en alla directement le rejoindre. Nous étions toutes médusées, sans voix. Le serveur vint nous apporter du champagne et il en profita pour parler lui aussi à voix basse avec Geneviève. Celle-ci prit de nouveau son couteau pour cogner son verre. Même l’accordéoniste arrêta de jouer.



Nous avions tous levé nos verres et nous bûmes une gorgée d’un liquide qui par ses milliers de bulles réjouissait nos palais. Un officier allemand s’avança pour venir vers Geneviève et notre table. Deux autres le stoppèrent dans son élan et l’éloignèrent de son rêve de vengeance peut-être. Fous de rage, tous les uniformes sur place quittèrent l’établissement. Finalement Geneviève avait du cran et un certain panache. Je me levai, ma flûte à la main. Je traversai moi aussi la piste de danse et tapai sur l’épaule de maman qui restait figée, un sourire niais sur les babines.



Geneviève sans que je m’en sois aperçue nous avait rejoints et s’adressait au type médusé. Le gigolo n’avait pas demandé son reste. Des tas de types avaient baissé la tête dès que Geneviève avait prononcé son « Madame » clairement. Cette femme faisait donc peur, la pluie et le beau temps dans ce quartier ? Plus dangereuse qu’elle n’en avait l’air, cette vieille dame, et ça me trottait dans le ciboulot alors que toutes trois avec Clothilde nous regagnions notre place auprès de nos invités. Elle s’était tournée vers maman.




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Le premier paquet contenait une jolie robe en satin, signée Dior. Je savais de suite d’où il venait et qui me l’offrait. Le second était une belle bague, celle-ci à la mesure de mon annulaire gauche et la carte qui l’accompagnait était frappée du sceau de Gertrude. Maman m’avait, elle, offert quelques disques achetés en ville. Mozart en soixante-dix-huit tours… Le dernier cadeau était à ne pas s’y tromper vu la forme du carton, un vrai chapeau de dame. Mon amie Adèle avait sans doute cassé sa tirelire pour me faire ce présent. L’invité surprise, lui, avait sorti un petit étui de sa poche et le posait devant mon assiette. À l’intérieur, il avait écrit sur un papier… une montre en or pour la plus belle dame de la soirée ! Bon anniversaire Charlotte et c’était griffé « Lionel Lippmann ».


J’allais me lever, le rouge aux joues pour remercier tout mon monde, lorsqu’une serveuse arriva. Elle apportait un immense paquet plus long que large, mais pas très épais. Elle le remit à sa destinataire à savoir, moi, la fille de Clothilde. Des rubans tenaient fermé le colis et mes doigts tremblaient en les dénouant. Devant les yeux de tous, sous le papier, une toile. Celle-ci représentait une jolie femme allongée dans un coin de pré aux abords d’un ruisseau. Une très belle peinture, à ceci près que la femme couchée dans l’herbe avait beaucoup moins de vêtements sur le tableau que moi qui le découvrais.


Pendant que je devenais aussi rouge qu’une pivoine, mon amie Adèle dérida la situation avec un claquement de sa langue dans son palais.



Geneviève venait une fois de plus de m’épater par ses connaissances, mais je restais rouge de honte. Tous pouvaient voir les formes de mon anatomie fidèlement représentées et aussi mon sourire. Madame m’avait caressé la joue en jetant un dernier coup d’œil sur la toile.



La fête s’achevait donc prématurément. Personne n’avait une réelle envie de dormir sur place. Au moment de partir, Geneviève vint me trouver pour, je le pensais, m’embrasser et me dire au revoir. Mais pas du tout, je me trompais.



Je pensais que là ce n’était pas forcément lui tendre la main, bien plus sûrement la pousser carrément en avant. Mais si ce type avait des vues sur Adèle et qu’elle y trouve également son compte… pourquoi pas ? Nous nous embrassions d’ailleurs quand la protagoniste de cette affaire vint nous rejoindre.



Elle avait envoyé un baiser à tous et nous étions remontés, avec le bonhomme qui nous suivait comme notre ombre. Il ne parlait plus. Cependant, il transportait sous son bras, le fameux tableau. Et nous n’avions que deux ou trois minutes d’avance sur les douze coups de minuit alors que nous entrions dans l’immeuble de mon appartement. Lionel en posant son fardeau sur un guéridon dans l’entrée fit une réflexion à haute voix.



Dans le ton employé, l’impression de regret était flagrante. Et je sentais d’un coup le regard d’Adèle qui me questionnait. Ses yeux se fixaient dans les miens. Je crus bon d’éloigner le type pour un temps du salon où nous avions tous trois, pris place.



J’étais partie avant qu’il n’ouvre sa valise de voyage. Adèle m’attendait sagement assise sur le divan.




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Je suivis un instant la silhouette de cette grande bringue aux cheveux presque paille, qui sans hâte longeait le corridor. Elle devait être devant la porte de Lionel à présent. J’entendis de mon sofa des voix étouffées. Puis plus rien. Personne ne revenait de la partie nuit. Bon signe, ou pas ? Je n’avais aucune idée de ce qui se passait entre eux deux. Bon ! Ils ne se battaient pas ni ne se querellaient, sinon j’aurais bien perçu les bruits d’une dispute. Dès son retour, je la vis qui remontait une frange de ses cheveux… bizarre ce dérangement ! Elle avait l’air ailleurs.



Adèle venait de me montrer son poignet et celui-ci était orné d’une montre presque aussi belle que celle que j’avais ramenée en cadeau. Donc, il s’était bien passé un truc avec ce Lionel ? Quelque chose de suffisamment fort pour qu’elle ne veuille pas en parler ! Après tout, elle était elle aussi majeure et surtout depuis plus longtemps que moi et pouvait tout à fait se défendre si le gaillard essayait de… de quoi du reste ? Il avait peut-être vraiment un coup de cœur pour elle. Geneviève n’avait vraiment pas menti. À quoi ça l’aurait avancée ?


Le Lionel qui était revenu affichait une tenue plus sportive. Pantalon de toile et polo col en V de couleur beige. Il portait beau dans ses vêtements décontractés. Puis lui aussi avait un visage presque joyeux, satisfait. Nous sirotions lentement un alcool ambré qui me réchauffait la gorge et le corps rapidement. Les deux autres se lançaient des œillades enamourées qui ne pouvaient pas passer inaperçues. Et je décidai de filer à l’anglaise, enfin pas tout à fait.



Ni elle ni lui n’avaient répliqué et ils n’avaient pas bougé du canapé où ils étaient assis, à deux mètres l’un de l’autre. Deux minutes après j’étais dans ma chambre à épier tous les bruits de l’appartement. Apparemment ils riaient au salon. Des éclats de rire étouffés, puis au bout d’un moment, ce fut le silence. Pourquoi me demandais-je ce qu’ils pouvaient fabriquer ? Je passai ma chemise de nuit et ouvrit le plus discrètement possible la porte qui donnait dans le couloir. Rien, plus un seul son ne transpirait du salon.



À suivre…