n° 17714 | Fiche technique | 25700 caractères | 25700Temps de lecture estimé : 14 mn | 31/12/16 |
Résumé: Il déteste les fêtes, pourtant la Mère Noël sera généreuse et saura le combler. | ||||
Critères: fh hôtel noculotte fessées humour | ||||
Auteur : Laure Topigne Envoi mini-message |
Je déteste l’équinoxe d’automne. À partir de celui-ci je deviens neurasthénique et ça va de mal en pis jusqu’au solstice. Ma productivité déjà médiocre s’affaisse de moitié. Plus les jours diminuent et plus je me fais zombie, m’enkyste et me sclérose. Mais cela n’est rien, car avec cette déchéance solaire s’ouvre l’enfer que d’aucuns baptisent, période des fêtes. Ce seul vocable de « période » suffit à m’abattre alors que je ne suis même pas femelle. Quand vous n’êtes attachés à personne et que personne ne vous attend, vous prenez pleine conscience de votre solitude, une quinzaine durant. Tout le reste de l’année vous avez copains, amis ou simples connaissances qui là, pendant huit jours, s’ingénient à disparaître simultanément. Même les plus farouchement célibataires se souviennent d’un gamin, fruit d’amours antédiluviennes, dont ils ne vous avaient jamais parlé et avec lequel ils se font obligation de passer Noël. Vous vous imaginez avoir une vie sociale riche et trépidante, vous vous découvrez plus seul qu’un chien sans collier abandonné au bord de l’autoroute.
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Ce 24 décembre, j’avais traîné ma misère de whisky en whisky et de bar en bar, les fuyant les uns après les autres dès qu’ils commençaient à réunir des groupes familiaux débordants de bisous gluants et de sourires de circonstances. Mon imbibition augmentait selon la progression de la soirée, aussi lentement qu’inéluctablement, et je songeais désormais à rentrer afin de cuver, dormir et oublier. Au fond d’une venelle, je découvris une enseigne miteuse encadrée de néons blafards dont les grésillements annonçaient l’imminence du trépas. Nul n’aurait l’idée saugrenue de venir s’égayer ici. Conforté par ce délabrement, j’entrai et constatai que je ne m’étais pas trompé, l’endroit était attristant à souhait et ne se prêtait pas aux réjouissances. À l’exception d’une vieillarde toute décrépite qui devait en être la propriétaire, le bistrot était en effet désert. Il ne devait, d’ordinaire, accueillir qu’une clientèle d’habitués qui l’avaient délaissé en ce jour de liesses imposées. Fallait-il que la pauvre femme soit aux abois pour besogner à cette heure tardive avec de très piètres bénéfices en perspective. Je me juchai sur un tabouret et, soutenant ma tête trop lourde bien que très vide entre mes mains, commandai ce que je supposai devoir être l’ultime scotch. Les lumières du bar vacillaient dangereusement et je risquai de dégringoler de mon perchoir à tout moment.
Ensuite, réalité ou rêve, la porte s’ouvrit et une éblouissante jeune femme apparut. Enfin, elle n’était peut-être pas aussi éblouissante que cela, pas si jeune non plus. Elle vint droit vers moi, escalada l’autre tabouret ce qui fit remonter très haut sa robe sur des cuisses qui en auraient fait baver de moins libidineux puis ouvrit son manteau, me présentant une gorge opulente serrée dans un décolleté audacieux. J’avalai une pleine rasade de whisky en me frottant les yeux. Elle commanda un double, « comme le monsieur », puis se tournant vers moi me susurra :
Sans voix, j’opinai du bonnet. Dès que nous fûmes servis, elle leva son verre et dit :
Noyé, elle en avait de bonne, précisément, voilà un moment que je l’étais déjà, et pas qu’un peu. Je trinquai en la détaillant. Elle n’avait rien d’une fleur de bitume, affichait même un air plutôt chic. Mais qu’est-ce qu’elle pouvait foutre ici, à entreprendre un vieil ivrogne de mon acabit ?
Je finis par émettre un couinement.
Je balbutiais péniblement :
C’était bien vrai, mais comment pouvait-elle l’avoir deviné !
J’eus bien envie d’acquiescer, mais j’étais tellement médusé que j’ouvris la bouche sans émettre le moindre son. De sa main elle agrippa la mienne. Je m’attendais à l’urtication brûlante d’une méduse, mais ce fut, à l’opposé, d’une froidure glaciale qui me déconcerta.
Elle avait raison, je me comportais avec une goujaterie que l’alcool ne suffisait pas à excuser.
J’accueillis cette explication avec soulagement, car je commençais à nourrir des projets pas très décents à l’endroit de cette déesse de Noël qui ne devait pas non plus être dénuée de mobiles pervers pour m’aguicher ainsi. Un instant, j’avais eu peur qu’« hypothermie chronique » ne soit qu’un euphémisme désignant, à mon plus grand regret et pour son malheur, ce mal affreux qu’on appelle communément frigidité. Rassuré, je lui répondis égrillard :
Mon ton précisait l’intention et elle ne fut pas dupe :
Se moquait-elle ? Je n’en étais pas sûr, elle avait la figure grave, mais un plissement malicieux au coin des yeux. Elle poursuivit :
Elle acheva son whisky d’un trait, jeta un billet sur le zinc pour solde de tout compte, me décocha un sourire propre à perturber bien des nuits et à alimenter longtemps mes fantasmes, glissa au bas de son tabouret et s’en fut aussi rapidement qu’elle était venue.
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Durant une interminable semaine, les incertitudes m’ont ensuite assailli et je suis demeuré affreusement dubitatif. Ce n’était pas ainsi qu’on m’avait prédit les effets du delirium tremens ! Alors, avait-elle une quelconque réalité ou n’était-elle que le fruit d’une imagination égarée, d’un inquiétant onirisme étayé par l’alcoolémie ? Elle m’avait dit, même endroit, bon là je savais, mais même heure ? Quelle heure était-il donc ? Je tablai sur vingt-deux heures, mais être en avance me semblait une élémentaire mesure de précaution pour ne pas la louper.
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Le jour dit, je reste plus sobre qu’un chameau souffrant de la prostate. Au passage, dans une ruelle adjacente, je réserve et paye une chambre d’hôtel puis, dès vingt-et-une heures trente, je me huche sur mon tabouret, face à la vieille qui se fait hilare quand je lui commande un Perrier. Ensuite, c’est long, très long, trop long et le fait de consulter ma montre toutes les trois minutes n’accélère rien. Seul spectacle, deux vieux qui se chamaillent au fond de la salle. Ils finissent par se retirer et à plus de vingt-deux heures trente, je crains de plus en plus d’avoir été la victime de mon esprit imbibé. Il est presque vingt-trois heures quand la porte s’ouvre devant ma fantomatique chimère. Putain, elle est encore plus canon que la dernière fois et je prends le boulet en plein dans les mirettes.
Veste courte toute noire, ouverte sur une petite robe vermillon plus courte encore, gants et bas noirs complétés d’escarpins écarlates.
Sans me répondre, elle se juche à son tour sur le tabouret adjacent, jette un regard de mépris à mon Perrier et me tend ses lèvres, quémandant un baiser qui est aussi bref qu’appuyé et fougueux. Elle commande :
Sans vergogne, elle remonte la robe afin de faire apparaître une jarretelle cramoisie étirant l’ébène du bas sur un incarnat voluptueux. J’ai déjà vu des levers de rideaux impressionnants, mais là je manque régurgiter la gorgée d’élixir que je venais d’avaler. Nous trinquons avant de mélanger à nouveau les goûts de nos salives, puis nous nous perdons longuement en galanteries et marivaudages ce qui me permet de vérifier que je ne m’étais pas abusé en réservant quelques heures plus tôt un digne sanctuaire à nos futurs délassements. Lorsque nous quittons les lieux, hypocrite, je l’interroge :
T’inquiète pas ma belle, le feu d’artifice, j’espère te le servir volcanique avant la fin de l’année et gare à tes fesses au moment du bouquet final !
Quand je demande ma clé à la réception, elle jette au factotum de service :
À peine entrée dans notre refuge, elle retire sa veste puis s’appuyant sur le bord inférieur du lit, penchée en avant, elle me tend une croupe insolente. Je relève hargneusement sa jupette pour découvrir le velours d’un postérieur émouvant que n’abrite pas la moindre culotte.
J’abats le plat de ma main sur ce sémillant fessier. Une claque si violente que j’en ai les doigts qui fourmillent. Elle pousse un cri d’orfraie qui trahit plus de contentement que de douleur tandis que, surpris, je vois se dessiner quelques lettres à l’endroit de l’impact, là où je m’attendais à trouver le négatif écarlate de mes phalanges. C’est à ce moment précis que la cathédrale commence à égrener les gongs qui marquent le changement d’année : j’accompagne chaque volée du marteau sur le bourdon d’un soufflet sur son derrière et après chacun d’eux quelques signes supplémentaires apparaissaient. Au douzième coup, stupéfait, je lis :
Bonne et érotique année
20 17
aux acteurs de Rêvebébé !
Je ne dis rien, ni du prodigieux sillon qui sépare les deux groupes de mots, ni de mon étonnement. Elle se redresse puis se tourne vers moi, se pend à mes lèvres et me roule une pelle d’enfer. La souris ensuite se fait féline et ronronne :
Des heurts à notre porte et l’intrusion du garçon d’étage qui vient servir le champagne diffèrent sa réponse. Nous nous saisissons d’une coupe et toastons à une année qui s’annonce sous les meilleurs auspices puis chacun tend son verre aux lèvres de l’autre afin qu’il le vide. Je profite de ce pétillant face-à-face pour remonter de ma main libre sa robe sur ses reins et constater dans le miroir qu’elle affiche toujours son opus-cul.
Tout en me retirant ma veste et en déboutonnant ma chemise, elle se lance dans une explication tordue, entrecoupée de petits baisers dans le cou et sur mes pectoraux.
Détachant mon pantalon et plongeant ses doigts dans mon caleçon, elle en extrait un pénis fringant, ravi de l’aubaine.
Sans doute veut-elle redoubler l’effet, car elle l’avale sur toute sa longueur. Si les couleurs en restent cependant assez stables, il n’en va point de même pour les dimensions. Je la retiens fermement tandis que la friponne s’escrime avec un art consommé. Elle m’amène au seuil de l’explosion et, lorsque voulant préserver mes forces, je lui retire son sucre d’orge et lâche ses épaules, j’ai à nouveau la surprise de voir apparaître sur celle de droite : «Jakin, tu es un prince de la langue » et sur la gauche « Someone Else, faites-moi hanter votre grotte aux fées ! » (17569)
Elle a raison, tout cela est fort intéressant, mais ne calme guère les impatiences de ma libido qui, à vrai dire, s’est quand même laissé distraire pendant un instant. Je renverse la belle sur le lit et dégage son buste de la prison de sa robe et des dentelles de son soutien-gorge pigeonnant. Elle me dévoile de très beaux hémisphères lisses et gonflés, surmontés de tétins turgides et grumeleux qui se tendent vers mes caresses. Je porte mes empressements vers le jumeau de gauche alternant succions, agacements linguaux, pincements onglés et carnassiers. Lorsque je me recule pour mesurer l’effet de ces égarements, je constate que l’aréole s’entoure d’une couronne de lettres proclamant : « Heureuse de vous serrer sur mon cœur, Charline ».
Rageusement, j’applique le même traitement à son voisin de droite et y découvre « Radagast, t’es le plus tendre des amants ! » (17326) tandis qu’au-dessus d’eux, juste à la base du cou s’inscrit « Brodsky, c’est en sautoir que je vous adore ». Je suppute qu’elle a convoqué tous les auteurs de Rêvebébé afin de nous tenir la chandelle, tiens où se cache-t-il, celui-là ? (15206)
Ma partenaire maintenant me fait comprendre qu’elle ne m’a certainement pas suivi ici dans le seul but de me faire lire son journal, fut-il intime. Elle s’agite et repousse ma tête plus bas sur son ventre, sans doute afin de me dévoiler quelque nouvel épigramme. J’achève de la dépouiller de sa jaquette, conduis mes ardeurs vers les bas de casse, égare langue et doigts à l’entour de son ombilic jusqu’au mont de Vénus. La belle frémit et s’agite avant d’inscrire entre l’orée de son avenant buisson et son nombril : « Ah, Lac du Coucou, si t’avais su… ».
Oui, si tu savais comment elle vibre et se tord sous les assauts d’un cunnilingus savant, qui, à ma plus grande stupeur me révèle une chatte indemne de graffitis. J’active ma rotative autour de son clito et ne tarde guère à lamper d’abondance des encres très sympathiques au moment de sa tonitruante jouissance. J’attends qu’elle reprenne ses esprits pour lui déclarer :
Encore essoufflée, elle me rétorque :
Avant même de terminer sa phrase, elle me renverse sur le lit, m’enjambe puis s’embroche sur ma trique et nous repartons dans une fantastique chevauchée. Heureusement que mon écuyère est privée d’éperons, car elle sait donner du talon à chaque fois qu’elle se hisse sur mon épieu tandis qu’elle contracte les parois vaginales en s’enfonçant sur le pal. Tout en suivant la folle sarabande de ses seins qui ballottent en cadence, je glisse deux doigts chafouins au cœur de ses transes pour titiller son bouton enchanté. Elle m’en remercie en m’inondant de ses humeurs lubriques qui amplifient une musique délicieusement obscène. Bientôt, je sens mon ventre se nouer d’une crampe incontrôlable. Je hennis mon plaisir et crache mes laves tandis que la chasseresse se cambre dans un ultime et furieux élan avant de s’abattre sur mon torse. Ma vue se brouille, s’éteint un instant, puis, dans l’ombre de la pièce, je les perçois tous. Ils sont soudain là, les correcteurs, modérateurs, auteurs, lecteurs et notateurs, témoins de cet orgasme du réveillon qu’elle leur dédie dans des cris ardents. Seul Tartempion, un peu en retrait, boude ostensiblement.
Reprenant mes esprits, j’ose enfin la question qui me taraude depuis huit jours :
Cette fois elle me regarde avec condescendance et tout en me tendant son pied déclare :
Bon, je comprends qu’elle veut conserver l’anonymat. Saisissant sa jambe, je me livre à l’exercice exquis consistant à dégrafer sa jarretière, seule décoration que je me sens susceptible de briguer, puis lentement je fais glisser le bas le long d’une cuisse d’albâtre escortant le mouvement de mes lèvres brûlantes. Chemin faisant, sur le vélin glacé de son entrecuisse, au cœur fortuné de ses voluptés, je lis « Calpurnia chérie, je vous abandonne ces parages, mais n’y déposez pas d’araignées ». (17591) Je glisse très vite sur genoux et mollets redoutant les étagères basses de sa bibliothèque puis masse enfin consciencieusement son pauvre pied effectivement frigorifié. Sous la plante de celui-ci s’inscrit bientôt : « Laure Topigne, te remercie d’avoir dégelé jusqu’au bout des orteils son corps transi ».
C’est donc elle, cette Laure, qui a vocation de boursoufler jusqu’à le pourrir tout ce qu’elle écrit. Ce soir, il est bien vrai que j’ai bénéficié d’une prose en quelque sorte ampoulée, peut-être emphatique, mais somme toute, plutôt sympathique.
La farce a assez duré, je la retourne sur le lit où je la mets à quatre pattes. Écartant ses fesses, j’attaque sauvagement et sans la moindre préparation son fion. Ainsi positionné, je constate la virginité retrouvée de son postérieur, au sens où il se révèle vierge maintenant de toute estampille. Il faut croire que ses fièvres sont retombées et qu’il me faut d’urgence ranimer le thermomètre. J’entreprends un pilonnage en règle tout en m’accrochant à ses hanches que je malaxe fermement en épuisant ce qui me reste de hargne. Le jeu se poursuit un grand moment avant que je n’arrose sa tranchée au napalm tandis que la belle hurle des insanités. À l’issue de cette réjouissance, tout son corps est bouillant et pourtant je n’y distingue plus le moindre hiéroglyphe. Je m’en inquiète et elle m’explique :
Et merde, moi qui me proposais de la frictionner demain sous une douche chaude afin de lire l’œuvre complète !
Au matin, après un petit-déjeuner dégusté dans la chambre et quelques galantes friponneries, elle se rhabille puis me tend la main :
Avant seulement que je n’ai le temps de retrouver et enfiler mon pantalon, la porte se referme sur elle et j’entends le bruit de ses talons qui s’estompe rapidement sur le palier. Décidément en 2017, tout dans l’attente de saines lectures et la perspective du plus chaud des prix littéraires, il n’y aura pas que l’automne que je trouverai languissant.
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Attention, ce texte composé avec des encres chrono-chromiques s’autodétruira dans deux jours. Tant pis pour ceux qui n’en auront pas profité. Si vous voulez en savoir plus sur les encres sympathographiques, allez donc déployer votre curiosité sur les fesses nues de votre conjoint. Méfiez-vous, il risque d’aimer.
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Notes :